Lee a écrit : dim. 08 juil., 2018 17:39
Lors des cours de français on m'a apprise qu'il faut dire "qu'est-ce que c'est ?"qui m'a absolument horrifié dans la forme et les mots qui semblaient redondants et inutiles. Je crois que "qu'est-ce?" parlé, ne serait pas compris, l'interlocuteur attendrait la fin de la phrase qui semble incomplete.
« horrifié », tu y vas peut-être un peu fort. Mais c’est vrai, voilà encore un nouveau gallicisme, donc je veux bien comprendre qu’il a une allure exotique pour qui apprend notre langue. En réalité, il n’y a aucune redondance ni mot inutile dans ce tour, typiquement français.
« Qu’est-ce ? » = Interrogation simple
« qu’est-ce que c’est ? » = Interrogation renforcée, à l’aide de « qu’est-ce que » que l’on considère maintenant comme une location interrogative, entièrement lexicalisée.
Mais si on s’amuse à l’analyser, on voit que chaque mot a une nature et une fonction : « qu’ » forme élidée de « que », pronom interrogatif attribut du sujet « ce » + est-ce + pronom relatif attribut du sujet « c’ ».
Ce tour, souvent senti à tort comme familier, est en fait né au XIIème siècle, pour pallier une lacune de la langue française, parce qu’il n’existe pas de pronom interrogatif interrogeant sur l’inanimé sujet :
« Papa fait du chocolat » / «
Qui fait du chocolat ? » / «
Que fait papa ? » = Pronom interrogatif animé sujet / pronom interrogatif inanimé objet
« Tu regardes papa » / «
Qui regardes-tu ? » = Pronom interrogatif animé objet
« La voiture roule » = On ne peut pas dire *Quoi roule ? donc on a inventé « Qu’est-ce qui roule ? »
Ensuite, ce tour s’est contaminé à toutes les interrogations, là où il n’était effectivement pas nécessaire. Les raisons de ce succès découlent certainement du fait, là encore, que le français privilégie l’ordre progressif et n’aime pas l’inversion du sujet. En effet, ce tour permet de rétablir l’ordre progressif de la phrase :
« Que fais-tu ? » = Inversion du sujet
« Qu’est-ce que tu fais ? » = Sujet rétabli en première position devant le verbe
Dans une langue populaire, on va même jusqu’à rétablir la préposition du sujet dans la locution interrogative et on a droit au fameux « kiki »

:
« Qui est-ce qui a mangé tout le gâteau ? » = « C’est qui qui a mangé tout le gâteau ? »
Bon alors, pas étonnant que « Qu’est-ce que c’est que cette chose-là ? » soit intraduisible en mot à mot en anglais : elle ne contient pas moins de deux gallicismes (voire trois si on tient compte de la négation renforcée) !
Mais soyons honnêtes, les Français aiment bien aussi se moquer des anglicismes ; si ce n’est pas déjà fait, Lee, (re)lis A
stérix chez les Bretons
Je copie-colle un extrait de la notice Wikipédia au sujet de l’album :
Outre le mode humoristique habituel de Goscinny et Uderzo dans leurs albums (souvent basé sur les anachronismes), Astérix chez les Bretons présente des éléments spécifiques liés à la culture britannique. Bien que Goscinny soit arrivé aux États-Unis en 1945 sans connaître un seul mot d'anglais, ses différents séjours les années suivantes lui permirent de maîtriser cette langue. Dans cet album, il pastiche systématiquement les tendances syntaxiques propres à l'anglais, en les traduisant mot-à-mot en français de manière comique.
• « S'il vous plaît » (p2-c6) = Please, pour « Je vous en prie ».
• « Fin de semaine » (p2-c7) = Week-end. L'expression est utilisée telle quelle au Québec et au Nouveau-Brunswick.
• « Choquant ! » (p2-c8) = Shocking!
• « Plutôt. » (p3-c2) = Rather.
• « Et toute cette sorte de choses. » (p3-c7) = And all that sort of thing = et caetera.
• « Je dis. » (p4-c4) = I say., que les Bretons de l'album placent à tout bout de champ dans leurs phrases (il en est de même pour « quoi » = what). Typique d'un Anglais de la haute société du début du XXe siècle. Cette tournure était utilisée pour souligner quelque chose.
• « Un morceau de chance. » (p4-c5) = A bit of luck.
• « Secouons-nous les mains. » (p4-c7) = Let's shake hands.
• « Je demande votre pardon. » (p5-c3) = I beg your pardon.
• « Je ne voudrais pas être un ennui pour vous. » (p6-c6) = I don't want to be any trouble for you.
• « Un joyeux bon garçon. » (p24-c5) = A jolly good fellow.
• « Nous devons. » (p24-c2) = We have to.
• « Ma bonté ! » (p25-c2) = My goodness! (variante de « Bonté gracieuse ! » = Goodness gracious !, ou parfois Goodness gracious me !)