Bonjour,
Content de trouver un forum de pianistes ! Petit déterrage, j'ai pas lu tout le sujet en intégralité mais ayant pas mal étudié cette histoire d'oreille absolue, je viens proposer une piste. Déjà pour me présenter je suis pianiste jazz, 21 ans, j'ai commencé assez tôt mais n'a pas pour autant l'oreille absolue (et d'après plusieurs témoignages ici c'est peut-être mieux comme ça !); Par contre l'oreille relative fonctionne bien.
Bon, mais savoir reconnaître une note c'est quand même très pratique, en contexte musical, notamment lorsqu'on a des plages d'improvisation "sans cadre" en groupe. Des gens ont parlé de mémoriser une note particulière, c'est effectivement possible; Un collègue pianiste fonctionne avec un La qu'il a intériorisé à force d'écouter son diapason, et quand il est en forme ça donne les mêmes possibilités que quelqu'un ayant une "vraie" oreille absolue, en plus lent cependant (mais il ne bosse pas vraiment ce truc, je pense qu'il y a une grosse marge d'amélioration). Une mélodie pas trop rapide, pas de problème pour la reproduire (et la chanter). Il a aussi développé l'aspect d'analyse d'une masse sonore qu'ont naturellement les "absolus", donc on lui joue un accord pas trop tordu il peut le reproduire à l'identique, avec plus ou moins de latence selon la complexité. Ça c'est un point très important et qui se travaille, tout comme reconnaître les intervalles et couleurs d'accords.
Donc on a deux points qui peuvent être développés par n'importe-qui même ceux qui comme moi ont l'habitude de ne fonctionner que par intervalles et couleurs globales (chanter les notes composant un accord, ça m'est difficile mais les progrès sont en cours) :
1/ intérioriser une note, celle que vous voulez (j'ai choisi personnellement un La, c'est une convention, mais les pianistes par exemple seront peut-être plus familiers avec le "do", les guitaristes avec le "mi", etc). On peut assez rapidement arriver à chanter/siffler cette note sur demande, dans des conditions calmes et sans musique parasite, mais là où ça devient dur (vous vous en rendrez compte) c'est de pouvoir se la chanter tout en écoutant de la musique. C'est un exercice qui fait mal au crâne (au sens propre) au début ! en effet le processus lancé par le cerveau lorsque vous vous remémorez la note en question, et celui qui s'active à l'écoute d'une musique, ne sont pas les mêmes.
Maintenant je commence à pouvoir faire les deux en même temps, ou plutôt switcher rapidement de l'un à l'autre je pense. Couper la musique en gardant en tête la dernière note entendue, déduire son nom par comparaison avec la note intériorisée, c'est facile. Mais en situation de jeu les autres vont pas s'arrêter pour nous laisser réfléchir. Forcément, plus l'oreille relative est exercée, plus la tâche devient aisée et rapide. Entraînez-vous d'abord avec de la musique très tonale, le but étant de trouver la tonalité rapidement.
L'informatique peut être utile pour simplifier l'entraînement. J'ai écrit un programme sous windows (en javascript donc modifiable en ouvrant dans un éditeur de texte), à la base destiné à acquérir une véritable oreille absolue (mémorisation de chaque note par association son-nom) mais j'ai laissé tomber cette ambition (je reviendrai là-dessus plus loin) donc je ne me sers personnellement que du module "apprentissage du La". Le programme fournit une dictée de notes aléatoires, que j'utilise à la fois pour bosser l'oreille relative et renforcer mon point de repère. Après si certains se sentent d'essayer d'assimiler toutes les notes, je suis intéressé par vos retours sur le long terme. Le pack est ici :
http://www.megaupload.com/?d=EDXCM9YO
ou ici si ça marche pas :
http://www.zshare.net/download/937197079010da58/
2/ Développer l'analyse de masses sonores. C'est un travail que font naturellement les "absolus", qui entendent les notes d'un accord séparément et déduisent ensuite sa nature par leur connaissance théorique des intervalles. Mais tout comme il est possible pour eux de s'entraîner à entendre les principales couleurs d'accord pour les reconnaître plus vite, il est possible pour les autres de s'entraîner à extraire les sons un à un, même si on ne sait pas forcément leur nom. Cela permet d'affiner l'oreille, entendre plus de choses, donc améliorer le jeu en groupe, et enrichir les sensations qu'on peut avoir en écoutant de la musique. Pour bosser ça, le meilleur moyen que je connaisse est de pratiquer le relevé : même sur des morceaux a priori simples, si l'on veut effectuer une transcription rigoureuse (avec les voicings exacts) il y a souvent du boulot ! Un logiciel gratuit comme audacity permet d'importer du mp3 et travailler dessus en sélectionnant des fragments, qu'on peut ralentir/égaliser si on a du mal à entendre tout. On peut coupler cet exercice évidemment avec le 1/ : essayez de trouver la première note ou le premier accord du morceau sans s'aider du clavier..
Voilà pour les deux aspects qui peuvent apporter à un musicien des avantages similaires à une vraie oreille absolue, sans en avoir les inconvénients (difficulté à entendre la musique autrement que comme une suite de noms de notes, désagrément quand on change de diapason, écoute difficile passé un certain âge du fait de la distorsion du spectre de l'oreille..). Comme je l'ai dit j'ai pendant une période envisagé de tenter un apprentissage de l'oreille absolue complète, avec ce programme à 12 modules. Il y a d'autres gens qui sont allés plus loin en créant des logiciels où l'on s'entraîne à mémoriser d'abord une note, ensuite une seconde etc .. Par des processus ludiques. Mais je n'ai pas l'impression que quiconque soit parvenu au résultat escompté, et le but est de faire de la musique, pas de passer tout son temps à une telle quête.
Je pense qu'en théorie l'oreille absolue pourrait être acquise, mais il faudrait probablement être immergé plusieurs mois dans un environnement contrôlé, vierge de toute musique, où l'on pourrait reprendre à zéro sa façon d'écouter, assimiler les sons l'un après l'autre, sans contexte musical afin que le réflexe d'écoute relative et globale/tonale n'intervienne plus. Ce serait une rééducation intensive, et longue. Je crois que tous les gamins entendent de façon "absolue" durant leurs premières années (ou mois ?), après ils peuvent suivre une voie ou l'autre, suivant l'environnement et suivant certaines prédispositions génétiques. Un très jeune enfant à qui on fait faire des jeux impliquant la reconnaissance des hauteurs de son, je suis persuadé qu'il aura l'oreille absolu. En ce sens le piano est un "mauvais" instrument : la discrimination des notes est visuellement très facile avec cet instrument, l'enfant aura tendance à associer "do" à la touche blanche placée juste avant le groupe de 2 touches noires donc à un repère visuel, et pas à une sensation sonore particulière.
Désolé pour le pavé. Je retrace un peu là l'aboutissement de mes réflexions sur le sujet. La conclusion que je pourrais tirer, c'est que l'important est bien de développer au maximum son oreille relative, et une écoute analytique dans tout le spectre musical en pratiquant le relevé (exercice qui apporte en plus des ouvertures essentielles en matière de composition et improvisation). Donc ne pas perdre son temps (et son argent) avec des méthodes pour "apprendre l'oreille absolue" qui n'ont pas à ma connaissance obtenu de résultat probant. Apprendre un La (ou toute autre note) est possible et en association avec une oreille relative exercée, permet d'élargir ses possibilités en tant que musicien, mais ça reste accessoire et si l'on souhaite développer cet aspect il faut prendre son temps, en faire un peu tous les jours sans se prendre la tête. Un jour vous vous pointerez au milieu d'une session, et en 1/2 seconde vous saurez que les mecs sont en train de jouer "Softly in a Morning Sunrise" en E mineur (à cause de la chanteuse)
