Lee a écrit :Peut-être, Arabesque, mais de mon point de vue, c'est un escargot gros pépère qui avait besoin d'être mangé il y a longtemps par les affamés ! C'est quand même la seule langue au monde qui a une académie pour la diriger "dans le bon sens" donc on ne laisse pas évoluer toute seule en France.
Oui tu as raison sur ce point : la langue française a bel et bien ce côté conservateur et élitiste, qui la conduit à garder ses mots, sa syntaxe et son orthographe hérités dans leurs grandes lignes des recherches des humanistes du XVIème siècle : ils ont construit en particulier une orthographe compliquée, parce qu'ils voulaient montrer que le français descendait du grec et du latin, langues des civilisations qu'ils admiraient tant (je pourrais faire de longs développements sur le sujet, mais bon... cela n'est pas vraiment le cadre). Alors oui, cette "fierté" française est aussi son plus gros défaut : contrairement aux autres langues vivantes (je pense surtout à l'anglais, et même à l'allemand) notre langue peut sembler peu dynamique : elle crée peu de nouveaux mots, et dès que quelques esprits pragmatiques proposent une réforme de l'orthographe (ce qui arrive régulièrement depuis une centaine d'années...), les élites (qui n'ont pas de problème, elles, avec la langue) s'insurgent. De ce point de vue, la langue française est un gros escargot, c'est sûr (notons tout de même que les Québécois la dynamisent bien plus, ils devraient d'ailleurs fonder une Contre-Académie !)
Lee a écrit :je comprends (étant Asiatique) que l'expression mongoloide ou mongolisme, déjà abandonné dans tous les sens aux Etats-Unis, est une expression raciste qui heurte,
Bien sûr, puisque ces deux termes stigmatisent des traits physiques : ils véhiculent inconsciemment des préjugés racistes.
Lee a écrit :Car "nègre" dans Larousse s'agit quand même des noirs (l'étymologie du mot m'apparait clair) et c'est impossible qu'en entendant "nègre" qu'on en pense pas "noir".
Je ne comprends pas le problème. Evidemment que "nègre" veut dire "noir" (noir en français vient du latin negrum qui signifie... noir).
Lee a écrit :Je ne suis persuadée ni que cette expression ne gêne pas les Noirs ni qu'ils veulent la garder dans la langue actuelle au lieu d'une autre expression pas (ou moins) chargé. Et non, ce n'est pas "la même chose" s'il y a une expression qui heurte et qui blesse et une autre qui ne blesse pas. Bref, je ne comprends pas pourquoi ceux qui ne sont pas ciblés d'emblée par cette expression peuvent la défendre contre le gré des noirs.
Ce raisonnement me gêne vraiment, parce qu'il est fondé sur une logique communautaire. Quand je défendais ce point de vue, je ne raisonnais ni en tant que blanche ni en tant que noire, mais en tant qu'être humain. La logique qui envisage les Noirs / les Blancs comme des groupes compacts et uniformes dont tous les individus pensent la même chose ne me convient pas. Et comme dit précédemment, je renvoie à Césaire : il était noir, il aimait le mot "nègre".
Lee a écrit :Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'un anachronisme bizarre et lointain, que le racisme n'est pas derrière nous, malheureusement
C'est précisément la raison pour laquelle j'expliquais que selon moi, le terme "nègre" dans le sens "nègre littéraire" permettait de commémorer à sa façon l'esclavage, et donc de continuer de faire réfléchir à l'exclusion : c'est bien dans ce sens que ce terme n'est pas un anachronisme.
"Et c'est pourquoi la langue d'aujourd'hui est important, ça influence les pensées. J'imagine mon fils qui apprend cette expression, et bien, j'expliquerais tous que vous avez écrit, mais je serais navrée que c'est toujours d'usage commun dans notre langue."
Bien sûr. Mais un mot n'a pas qu'un sens en synchronie ( = tous les sens qu'ils peut prendre dans la langue moderne), il a aussi un sens en diachronie ( = les différents sens du mot dans l'histoire). Sans utiliser ces "gros mots", c'est ce que j'explique aussi à mes fils, et cela ne me gêne pas parce que cela permet de réfléchir à la langue, donc aux idées.