J'ai lu tous vos messages qui m'apportent beaucoup, comme toujours, et j'hésite à intervenir sur ce fil car j'ai encore du mal à me confier, même sous couvert d'anonymat. Mais vos témoignages parfois très émouvants m'aident énormément, tant dans mon ré-apprentissage du piano que dans ma démarche de reconstruction personnelle, donc je vais essayer d'en dire un peu plus...
En particulier, l'un des messages de Strumpf m'a profondément touchée et j'aimerais la remercier pour ces mots :
strumpf a écrit :
J'ai vu tellement de personnes écrasées par la peur de l'erreur, la peur de ne pas bien faire, la peur de s'exprimer parce que les autres autour d'eux n'admettaient pas l'erreur ni la fausse note......
Je me reconnais tellement dans cette description...
Cette peur qui m'a fait attendre plus de 25 ans avant d'envisager la reprise du piano, en dépit de cet immense vide musical et sensoriel que cette interruption (subie car non choisie) avait pourtant créé en moi.
Cette peur qui m'a fait tant de mal et de tort, à m'en rendre malade et ne pas être en état de me rendre aux examens ou aux concours (pas seulement concernant le piano, cela m'est également arrivé pendant mes études scientifiques).
Cette peur toujours aussi présente aujourd'hui qu'autrefois, aussi paralysante qu'avant, lorsque j'ai redémarré le piano cet été.
Dès le deuxième cours, ma prof a eu la bienveillance de me dire qu'il fallait absolument que je change d'état d'esprit et que je m'accorde le droit à l'erreur, car sans cela, je serais incapable de progresser.
Cela peut paraître paradoxal mais, avec un recul (certes limité) de trois mois, je pense que son observation était très pertinente (en tout cas, pour moi).
Je suis actuellement en train d'étudier 4 courts morceaux (de 2 à 4 pages chacun) et ceux-ci sont tous trop difficiles pour moi. Je ne sais pas si c'était vraiment voulu de la part de ma prof ou si elle a simplement surestimé mon niveau de départ (désolée, Strumpf, j'utilise le terme de « niveau » à défaut d'un autre mot plus adapté).
Toujours est-il que lorsque j'ai commencé à les déchiffrer, je faisais de nombreuses fausses notes, à la fois à cause d'un bagage technique très insuffisant, car à reconstruire intégralement, qu'à cause d'une attention trop fragile. J'ai d'ailleurs pris conscience à ce moment-là à quel point mes facultés de concentration s'étaient émoussées avec le temps. A forcer de zapper d'un sujet à l'autre sans arrêt, sur internet ou ailleurs, de devoir répondre aux cascades de mails professionnels et aux diverses sollicitations dans l'urgence, d'être soumise à cette pression de la performance immédiate, j'en ai perdu l'aptitude à me poser, à focaliser ma réflexion sur une page, voire sur une ligne ou même une mesure.
Sur les conseils de ma prof, je me suis donc efforcée de considérablement baisser mon seuil de tolérance et à ne pas m'interrompre à chaque fausse note.
Si j'avais mis en priorité la justesse du texte, j'en serais probablement encore à la première page de mon premier morceau.
Or, même si cela ne fait que 3 mois, je commence à saisir les vertus pédagogiques de chacun de morceaux sélectionnés par ma prof : l'un me permet de réapprendre à entendre la polyphonie, à dégager des plans sonores distincts, l'autre à me ré-approprier la notion de polyrythmie, un certain passage m'invite à m'interroger sur la manière de jouer une succession d'accords pianissimo sans « trous », une mesure différente à projeter des accords fortissimo sans dureté, une autre me conduit à rechercher l'égalité sonore dans une descente de tierces, …
Il ne s'agit donc pas d'une approche séquentielle, où l'objectif serait de procéder par étapes et d'acquérir un point technique puis un autre, une fois que le précédent est bien consolidé, quelques semaines/mois après, mais d'explorer plusieurs aspects en parallèle, tout en étant consciente que je n'en maîtrise absolument aucun pour l'instant.
Certes, je continue toujours à faire des fausses notes mais je crois qu'il y en a quand même moins qu'au début...
Peut-être parce que j'en ai justement moins peur, car
Okay a écrit :
Ce qui me semble clair, c'est que la fameuse peur de la fausse note est génératrice de fausses notes. C'est un véritable cercle vicieux. L'hyper contrôle, c'est être dans l'état d'esprit qu'on peut tomber à chaque instant. Je vois ça un peu comme la peur du vide, plus on regarde en bas moins on parvient à avancer, et évidemment plus on risque de chuter.
Alors, il me faudra sans doute encore un certain temps pour « désapprendre » ces fausses notes, maintenant qu'elles sont probablement déjà imprimées dans ma mémoire kinesthesique, comme plusieurs d'entre vous le font remarquer, mais entre temps, j'apprends aussi à retrouver le chemin de la musicalité et il me semble que c'est tout aussi essentiel.
Je vais certainement rester sur ces morceaux encore plusieurs mois, mais cela ne me pose pas de problème. Je ne suis pas pressée (… j'ai déjà bien attendu 25 ans …

).