pianojar a écrit :Oui mais la maturité d'un Kissin ou d'un Menuhin comparée au commun des mortels......
Pour l'écoute, en totu cas pour moi, il est évident qu'il y a eu un long apprentissage et une compréhension différente des oeuvres .
Pour prendre un exemple concret, la 1ère fois que j'ai entendu la sonate en si min de Liszt, certains passages pour moi relevaient de la plus grande cacophonie, je n'étais absolument pas préparé à entendre cette musique, c'était "tout un monde lointain".....

Tout un monde lointain, c'est bien trouvé... La sonate de Liszt est difficile d'accès, en tout cas l'a été pour moi aussi... Je l'ai d'abord achetée dans la version de Zimerman, que j'adulais. Mais même après plusieurs écoutes, rien à faire, je n'y comprenais rien du tout--et pas du tout pour une question de cacophonie ou quoi que ce soit du genre, car à l'époque j'écoutais avec passion les sonates de Prokofiev ou Bartok, que beaucoup trouvent difficiles aussi. Mais celle de Liszt, je n'arrivais pas à en comprendre la structure.
J'ai fini par la comprendre quand je l'ai entendue sous les doigts de Louis Lortie, un ou deux ans plus tard (donc rien à voir avec l'âge, j'étais au milieu de la quarantaine). La même chose m'est arrivée avec les quatuors de Beethoven: j'ai commencé à apprivoiser les quatuors à cordes tardivement et d'abord par ceux de Bartok, puis Janacek, puis Dvorak. Je restais imperméable à ceux de Beethoven, jusqu'à ce que j'entende les Razumovsky des Prazak, puis l'intégrale des Alban Berg.
Le plus extraordinaire dans tout ça, c'est qu'une fois qu'un, ou des interprètes m'ont permis de comprendre une musique qui m'était jusqu'alors inaccessible, cette musique me devient accessible jouée par d'autres interprètes. Après avoir écouté le Liszt de Lortie, j'ai pu apprécier la version de Zimerman et de nombreux autres pianistes. Sans Lortie, je n'aurais pas su reconnaître la maîtrise et l'originalité de Lucas D. dans cette sonate jouée à Vuitton. De même, après que le quatuor Alban Berg m'ait permis d'apprécier les quatuors de Beethoven, j'ai découvert plusieurs autres interprétations de ces quatuors, souvent très différentes de celles que j'avais appris à aimer et que j'ai pourtant trouvées passionnantes.
Ce qui m'amène à postuler que quand on écoute une oeuvre qu'on trouve difficile à saisir même après plusieurs écoutes, avant de conclure qu'on n'est pas prêt pour cette oeuvre, on devrait envisager d'explorer d'autres interprétations... Surtout, il ne faut pas s'en tenir aux 'références' officielles (des revues par exemple). Je n'ai aucune idée de l'opinion des critiques de Diapason sur la version de Louis Lortie (mais Zimerman avait eu un diapason d'or) mais si les artistes peuvent avoir des visions différentes d'une oeuvre, les auditeurs aussi peuvent avoir des sensibilités différentes.
Ceci dit, 'être prêt' pour une oeuvre est un concept qui a du sens pour moi. C'est juste que pour moi ce n'est pas une question d'âge. C'est une question d'où on vient, quand on rencontre une oeuvre. C'est une question de qu'est-ce qu'on a comme expérience d'écoute musicale. Si à 60 ans j'ai écouté des milliers de disques mais que ce que j'ai écouté est presqu'exclusivement du chant de la Renaissance, ou de l'opéra, ou de la musique symphonique du XIXe siècle, je ne suis pas prête à écouter la sonate de Liszt, alors qu'une autre peut très bien l'être à 25 ans.