Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en !

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zebestovol
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par zebestovol »

nox a écrit :Je ne suis pas sûr qu'on puisse établir une liste aussi facilement.
"Ralenti" par exemple n'est en soi pas du tout une indication de "maniérisme".

Le maniérisme c'est une faute de goût. Et ça peut consister à employer des éléments expressifs parfaitement valables en soi (extraits de ta liste par exemple), mais de manière complètement inappropriée.
Le plus souvent, ce qui m'agace, c'est le fait de donner à un passage magnifique de sobriété et de justesse une expressivité disproportionnée. Un peu comme si le pianiste avait besoin de te tenir la main : "Regarde bien cette modulation, regarde ! C'est triste, hein ? Mais c'est joli ! Non ?". On a envie de dire "Tais-toi, et laisse parler Chopin".
Merci nox pour cette explication qui me va très bien. (j'ai bien vu le "trop" de lee, et ton anniversaire que je souhaite le meilleur..).

Concernant ta dernière phrase, je ne peux pas m'empêcher de penser en même temps au morceau "Smile" de Charlie Chaplin, dont j'avais trouvé la mélodie trop "sucrée", et dont le rubato excessif me semblait comme une béquille inefficace, la première fois que j'avais vu le film. Mais je connaissais surtout Bach, Beethoven, et un peu Chopin à cette époque.. :roll:
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BM607
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par BM607 »

Bon anniversaire nox.
Je vais essayer d'apprendre un truc à jouer pour l'occasion, pas pour celui-ci ni le prochain, mettons pour tes 65 ans environ (sauf léger retard, disons de 10-15 ans maxi, mais il faut ce qu'il faut pour que les notes soient bien jouées, sans maniérisme)

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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par nox »

Un modérateur qui m'offre un HS sur une discussion de Lee, c'est un beau cadeau d'anniversaire ! Merci à toi ! Et merci à zeb pour ses bons vœux également.
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Arabesque44
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Arabesque44 »

Merci nox pour cette explication qui me va très bien
J'approuve aussi.
En poussant le raisonnement à l'extrême , un interprète qui exagèrerait le côté "détaché" "désincarné" ou "percussif" de certaines œuvres ( pas forcément de Chopin... :lol: )pourrait aussi se rendre coupable d'une autre forme de maniérisme.
Pour en revenir à Chopin: pour moi il n'est pas vraiment un romantique, sa musique se suffit à elle-même, Chopin est un pudique , élégant un rien dandy, qui ne cherche pas à faire passer trop visiblement un "message personnel"...Donc, une interprétation un peu froide, "pollinienne", peut convenir. On a évoqué plus haut le1er impromptu, le type même de morceau où il me semble qu'il faut rester un peu "en dehors", élégant, surtout pas mièvre.
Mais quand un compositeur comme Schumann écrit texto en annotation sur la 1ere page de sa composition ( fantaisie op 17) quelque chose comme " Durchaus phantastisch und leidenschaftlich vorzutragen (À jouer d'un bout à l'autre d'une manière fantasque et passionnée) on ferait un terrible contresens en prenant de la distance, ou pire encore, en cherchant à faire "joli" ou "émouvant"
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Jacques Béziat
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Jacques Béziat »

Arabesque44 a écrit :
Merci nox pour cette explication qui me va très bien
J'approuve aussi.
En poussant le raisonnement à l'extrême , un interprète qui exagèrerait le côté "détaché" "désincarné" ou "percussif" de certaines œuvres ( pas forcément de Chopin... :lol: )pourrait aussi se rendre coupable d'une autre forme de maniérisme.
Pour en revenir à Chopin: pour moi il n'est pas vraiment un romantique, sa musique se suffit à elle-même, Chopin est un pudique , élégant un rien dandy, qui ne cherche pas à faire passer trop visiblement un "message personnel"...Donc, une interprétation un peu froide, "pollinienne", peut convenir. On a évoqué plus haut le1er impromptu, le type même de morceau où il me semble qu'il faut rester un peu "en dehors", élégant, surtout pas mièvre.
Mais quand un compositeur comme Schumann écrit texto en annotation sur la 1ere page de sa composition ( fantaisie op 17) quelque chose comme " Durchaus phantastisch und leidenschaftlich vorzutragen (À jouer d'un bout à l'autre d'une manière fantasque et passionnée) on ferait un terrible contresens en prenant de la distance, ou pire encore, en cherchant à faire "joli" ou "émouvant"
J'aime bien ta définition de « dandy » de Chopin, il y a un peu de maniérisme mais pas d'excès justement, un côté « classe » mais sans exubérance, avec peut-être même un peu de dédain, de frivolité, en tout cas on est bien loin des excès de jeu de certains pianistes, voilà qui confirme mon opinion sur le sujet.

Avec Schumann, rien qu'en déchiffrant les partitions, on ressent immédiatement qu'on est dans le romantisme affirmé et décomplexé :mrgreen: , ce qui ne signifie pas pour autant que TOUTES ses œuvres sont à interpréter dans le même esprit.

Ce qui est plus grave c'est Mozart revisité à la sauce romantique, avec force démonstration d'affect, on y perd affreusement en spontanéité et naturel, ça je ne le supporte pas, bien que bien entendu Mozart sache aussi bien être grave que léger, et que sa légèreté n'est souvent qu'apparente.
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Lee
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Lee »

Arabesque44 a écrit :pour moi il n'est pas vraiment un romantique...Donc, une interprétation un peu froide, "pollinienne", peut convenir.
Je suis en désaccord total !

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Okay
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Okay »

Il n'est pas si évident que la musique de Chopin se suffise à elle-même, dans le sens où elle serait abstraite et dénuée de références. A mon avis c'est faux. Certes, elle n’exhibe pas les références littéraires ou plus généralement extra-musicales que Schumann et Liszt - les deux autres grands romantiques du piano - peuvent utiliser. Mais après tout, les Mazurkas et Polonaises chantent le pays natal quitté avec gloire ou nostalgie, il ne serait pas inexact de qualifier l’Etude Révolutionnaire d’œuvre politique, les quatre ballades s’inspirent de poèmes de Mickiewicz, la 2e sonate "funèbre" est bien entamée à Majorque tandis que Chopin aurait souffert d’hallucinations et se serait cru mort ("plein de terreurs et de fantômes", "persuadé qu’il était mort lui-même" d’après G. Sand), et j’en passe.

Il me semble qu’il y a une citation de Chopin qui justifie l’absence de références explicites au moment de l’édition, quelque chose comme « laissez les trouver par eux-mêmes » ou « laissez les chercher ».
Pour moi, l’approche désincarnée ne fonctionne pas. La Barcarolle d’Yves Nat (je n’ai écouté que cet enregistrement) m’ennuie au plus haut point, c’est pour moi un hors sujet. Ca ne suffit pas de ne pas faire d’erreur musicale et de soigner le son, si l’élément narratif fait défaut. J’ai retrouvé cette citation de Chopin, qui aurait dit à l’une de ses élèves :
Chopin a écrit :Je vous donne carte blanche pour jouer toute ma musique. Il y a en vous toute ma musique. Il y a en vous cette poésie vague, cette Schwärmerei qu'il faut pour la comprendre.
Cette poésie vague, tout est là. La sobriété et la pudeur ne sont pas l’absence d’idées, le retour à la musique décantée. Concernant Chopin, j’ai la conviction que c’est une très grande erreur. Quand j’essaie de m’imaginer le jeu de Chopin par tout ce qu’on peut lire, je me figure un phrasé parfaitement équilibré, avec une infinité de minuscules altérations créatives dans le chant et la sonorité. Les maniérismes sont à mon avis une hypertrophie de ces subtiles inflexions. Je m’imagine quelque chose de très raffiné mais toujours élégant, capable de surprendre avec le goût le plus sur. Cette musique doit être purifiée de l’emphase et des clichés romantiques faciles. Mais elle reste sensible et vivante.

Je ne peux pas imaginer qu’on puisse jouer avec une certaine distance froide, sous prétexte d’un respect admiratif (mon hypothèse est que les pianistes souscrivant à cette esthétique sont en réalité effrayés par la charge émotionnelle impliquée) les œuvres du compositeur de la 2e sonate, du 1er scherzo, de la 23e étude ou du 24e prélude. Ce n'est pas parce que ces oeuvres ne s'appellent pas "Orage", "Jeux d'eaux", "Traumes Wirren", "Aveu" ou "Verrufene Stelle" qu'on doit justement nier ce que la musique justement suggère seule.
Ce n’est finalement peut-être pas par la présence constante du chant chez Chopin qu’on peut "coincer" les interprètes distants (finalement leur piano chante néanmoins), mais plutôt au travers de textes suggérant directement la mort, la violence, la folie et le chaos.
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Juanito
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Juanito »

Okay a écrit :Il n'est pas si évident que la musique de Chopin se suffise à elle-même, dans le sens où elle serait abstraite et dénuée de références. A mon avis c'est faux.
Et tout le bel canto! Chopin était un très grand amateur de chant, de phrasés lyriques et passait son temps extra piano à aller à l'opéra. Pas sûr qu'il y ait compositions s'inspirant plus du chant que celles de Chopin (ah si, Fields). De mon point de vue c'est en ce sens qu'il faut interpréter la phrase de chopin, car le chant est l'instrument le plus "humain" qui existe. Qui pré-existe en tout cas à toute forme de composition...
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Jacques Béziat
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Jacques Béziat »

Okay a écrit : Cette poésie vague, tout est là. La sobriété et la pudeur ne sont pas l’absence d’idées, le retour à la musique décantée. Concernant Chopin, j’ai la conviction que c’est une très grande erreur. Quand j’essaie de m’imaginer le jeu de Chopin par tout ce qu’on peut lire, je me figure un phrasé parfaitement équilibré, avec une infinité de minuscules altérations créatives dans le chant et la sonorité. Les maniérismes sont à mon avis une hypertrophie de ces subtiles inflexions. Je m’imagine quelque chose de très raffiné mais toujours élégant, capable de surprendre avec le goût le plus sur. Cette musique doit être purifiée de l’emphase et des clichés romantiques faciles. Mais elle reste sensible et vivante.
Tout à fait, d'ailleurs le maniérisme qui serait un mélange d'emphase et de démonstration, est à l'opposé de l'élégance et du raffinement que tu évoques.

Il ne s'agit pas de jouer Chopin de manière froide ou mécanique, mais il me semble qu'il faille trouver un équilibre subtil dans une émotion exprimée dans un jeu gardant une certaine pudeur, l'élégance sachant garder une certaine simplicité, ce qui exclut à la fois toute froideur et tout romantisme excessif.
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Florestan
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Florestan »

Je suis d'accord avec la plupart des remarques d'Okay. Pour moi le Chopin émacié de Pollini (vieillissant, ses enregistrements de jeunesse sont beaucoup plus intéressants), ce refus absolu de s'étendre, de charmer, cette sécheresse de vieux général en retraite, drapé dans "l'épure et la sobriété", tout cela c'est aussi pour moi une forme de maniérisme, autant que le Chopin des balançoires et des jeunes filles en fleur, de la larme furtive des adieux et tutti quanti.
Si comme Okay j'essaie d'imaginer Chopin, à la lumière de ce que j'ai lu et surtout de sa musique, je vois plus un sorcier qu'un clerc de notaire soucieux que rien ne dépasse. Un charmeur, un créateur de sons inédits, un chanteur, un poète. Et je me demande si le mot "pudique" peut vraiment s'appliquer à quelqu'un qui dans son oeuvre s'est livré sans fard, angoisses et douleurs comprises, et souvent avec une violence impressionnante. Je ne vois pas non plus Chopin comme un dandy, il n'y a pas de second degré chez lui. Sa musique est essentiellement passionnée et lyrique, même si la structure en est généralement très ferme.
Okay a écrit :Les maniérismes sont à mon avis une hypertrophie de ces subtiles inflexions
C'est vrai mais pas seulement à mon avis. Pour moi le pire que l'on peut infliger à cette musique (mais à toutes les autres aussi en fait), c'est d'appliquer des "formules" expressives, complètement indépendantes de l'oeuvre mais aussi de l'état émotionnel de l'interprète. Des recettes, des trucs. C'est beaucoup plus difficile de chercher le naturel, chacun a le sien. Mais je crois qu'il ne faut pas perdre de vue que cette musique cherche constamment à s'épanouir, à chanter et à émouvoir.

PS: et bon anniversaire à Nox!
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Okay
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Okay »

Ah j'avais zappé, (et c'est le fil idoine) Happy birthday nox :!:

Oui, pareil, je ne vois pas trop l'image du dandy. Le poète slave me parle plus.
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Lee
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Lee »

BM607 a écrit :Bon anniversaire nox.
Je vais essayer d'apprendre un truc à jouer pour l'occasion, pas pour celui-ci ni le prochain, mettons pour tes 65 ans environ (sauf léger retard, disons de 10-15 ans maxi, mais il faut ce qu'il faut pour que les notes soient bien jouées, sans maniérisme)

BM
Ça doit être un Bach, tu n'auras pas de piège de trop guimauve ou trop froid...
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Lee »

Florestan a écrit :Pour moi le pire que l'on peut infliger à cette musique (mais à toutes les autres aussi en fait), c'est d'appliquer des "formules" expressives, complètement indépendantes de l'oeuvre mais aussi de l'état émotionnel de l'interprète. Des recettes, des trucs.
Ah merci ça m'aide à comprendre, ça me fait penser à l'expression "canned" en anglais.
Modifié en dernier par Lee le mar. 08 mars, 2016 22:26, modifié 1 fois.
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Arabesque44 »

Chopin tenait probablement à se démarquer des ses "petits camarades de promo 1810" et affichait un certain mépris vis à vis des musiques "à programme", de l'influence de la littérature, ce qui ne l'empêchait pas d'en faire un peu en douce! :mrgreen:
Concernant Pollini/ Chopin je ne connais que ses enregistrements des années 70 ( Etudes, Préludes) je les ai énormément écoutés au point que c'est un peu la référence de mes oreilles, et je n'ai jamais eu l'impression de sécheresse ( je ne connais pas ses Chopin tardifs...c'est sans doute pour ça que je vous trouve un peu sévères )
le Chopin des balançoires et des jeunes filles en fleur, de la larme furtive des adieux et tutti quanti
:lol: Ce Chopin là est une construction artificielle. Qui repose sur des supercheries, comme par exemple l'utilisation et le détournement "ad nauseum" du célèbre thème de l'étude dite "tristesse" ! De plus , à l'origine , Chopin l'aurait écrite avec un tempo beaucoup plus soutenu que ce qu'on a l'habitude d'entendre. ( Ensuite c'est l'éditeur/réviseur qui aurait pris des libertés (???)... Entendu dans l'émission "Notes du Traducteur")
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Lee
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Lee »

nox a écrit :
Lee a écrit :Et a contrario, qu'est-ce qui un jeu trop froid ? Comment ne pas déborder sur l'autre extrème ?
Ah ! C'est une excellente question, dont je n'ai pas la réponse, puisque je suis manifestement dans cette catégorie (vos avis sur mes 8 préludes étaient très tranchés dans ce sens :) ).
Je vais suivre les réponses avec attention !
Relance. :mrgreen:
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Presto
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Re: Chopin et les "maniérismes" des interprètes : parlons-en

Message par Presto »

Pour moi Chopin est de loin le plus énigmatique des compositeurs. Et il y a plusieurs Chopin, celui des mazurkas nourries de réminiscences, celui des valses, des grandes sonates, des cycles des scherzi...
Je verrais deux ou trois constantes : un certain "classicisme" où on ne plaisante pas avec les fondamentaux de la musique, une sensibilité éruptive qu'on dira "romantique" très difficile à manier et comme le dit okay une grande part de liberté donnée à l'interprète. Je ne me souviens plus auquel de ses élèves mais après une interprétations d'un de ses Nocturnes Chopin lui a dit qu'il ne le jouerait pas comme ça mais que ce qu'il faisait était très bien aussi, les témoignages disent qu'il pouvait jouer un prélude ou une mazurka de manière très différente d'un jour à l'autre ou d'un moment à l'autre. Et c'est sur cette remarque que je me dis que tous les avis sont possibles. C'est aussi le paradoxe de ce grand classique dont les indications nombreuses demandent une sérieuse initiation et qui laissait une grande part d'improvisation. Pour le jouer, il faut être fait pour je crois.
Je ne partage absolument pas les avis donnés ici sur Pollini, je pense notamment au CD des Nocturnes, je les trouve extrêmement maîtrisés mais sans aucune froideur, au contraire sensibles, rien de marbré, mais effectivement un contrôle tel qu'il laisse peu de place à l'instant du jeu (en clair, je n'imagine pas Pollini jouer 2 fois différemment le même nocturne), une économie de moyens (mais quels moyens ! ) qui fait qu'il se nourrit de l'essentiel. Une relecture d'un pianiste du XXe siècle féru de contemporain d'un texte du XIXe, (je ne suis pas sûr qu'il vieillisse si mal ce CD !) et si je peux dire, une espèce d'Harnoncourt à l'envers qui a renouvelé l'interprétation de Beethoven après un passage au baroque. Un Chopin qui regarde vers Schubert peut-être ? l'opposé d'Arrau certainement, mais je serais très en peine de choisir entre les deux. J'ai plus de mal à adhérer à Pires . Rubinstein étant souverain.
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"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
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