Découvrons les pièces sur le thème de...la colère

[Lee]

Merci pour vos propositions intéressantes, de ce que je connais ou que j'ai entendu, je crois que vous n'êtes pas vraiment en colère ! On voit comment c'est subjectif. Peut-être le plus proche est Verdi proposé par Jean-Séb. Chopin et Schubert sont plus mélancoliques ou tumultueux que en colère pour moi, mais je n'ai pas écouté toutes vos propositions de Schubert, que je connais pas. Je vais continuer à écouter ce que je connais pas ou que je n'ai pas encore écouté...

C'est surprenant que personne n'a suggeré Prokofiev, qui me semble souvent en colère mais qui me mettrait encore plus en colère.

[Kât]

Colère, rage, vengeance et jusqu'au bord de la folie:

Azucena -Condotta ell'era in ceppi -Rita Gorr

je ne résiste pas à te mettre le texte! Azucena s'y souvient de l'exécution publique de sa propre mère, brûlée vive sur ordre du Comte de Luna....pour se venger, elle décide de brûler vif à son tour le fils du Comte. Mais suite à une effroyable méprise, c'est son propre fils qu'elle y jette... (ce 'il figlio mio' quasi hurlé à la fin...)

AZUCENA
On la conduisait, enchaînée
vers son destin effroyable ;
Avec mon fils dans les bras,
je la suivais en pleurant.
Je tentais de me frayer un chemin
jusqu'à elle, mais en vain.
En vain la malheureuse
tenta-t-elle de s'arrêter pour me bénir !
Car avec des jurons obscènes,
en la piquant de leurs glaives,
les misérables bourreaux
la poussaient au bûcher !
Alors d'une voix brisée :
« Venge-moi ! » cria-t-elle.
Ce cri a laissé dans mon cœur
un éternel écho.

Je parvins à m'emparer du fils du Comte.
Je l'entraînai ici avec moi...
Les flammes montaient, déjà prêtes.


Il était secoué de sanglots,
et je sentais mon cœur brisé se déchirer !
Lorsqu'à mon esprit épuisé
se montra, comme en rêve
la tragique vision
d'images effroyables !
Les bourreaux et le supplice !

Ma mère au visage hagard
pieds nus, défaite.
Le cri ! Le cri !
J'entends le cri familier « Venge-moi ! »
Je tends une main crispée...
Je serre la victime,
Je la porte, je la pousse dans le feu !
Le délire fatal cesse,
l'horrible scène se dissipe.
Seule la flamme fait rage
et dévore sa victime !
Je regarde alors autour de moi
et devant moi je vois
le fils du misérable Comte !

Mon fils, mon propre fils, moi-même, je I'avais brûlé !

Ah ! mon fils, mon propre fils,
moi-même, je l'avais brûlé !

Je sens encore se dresser
mes cheveux sur ma tête !

[Kât]

Quid du passage central en sol mineur, dans le premier mouvement de la sonate fantaisie en Sol Majeur D894 ?
Immense désespoir teinté de rage

Comme je suis en pleine crise de Schubert, j'ai pensé exactement la même chose! Je pense aussi au Lebensstürme d947 et ces accords à la fois furieux et désespérés qui ouvrent la pièce...

[fugue]

elle décide de brûler vif à son tour le fils du Comte. Mais suite à une effroyable méprise, c'est son propre fils qu'elle y jette...

Comme quoi la colère est vraiment mauvaise conseillère...

[Kât]

Et aussi....la fameuse invocation du démon de la sorcière Ulrica, dans Un Ballo in Maschera, toujours aux confins de la folie, la rage, la haine et l'incarnation du 'mal':

Ulrica -Re dell' abisso affrettati - Rita Gorr

ULRICA
Roi de l’abîme, hâte-toi,
Élance-toi à travers l’éther,
Et sans faire appel à ta foudre,
Pénètre sous mon toit.
Trois fois déjà, le hibou
A poussé son cri sinistre ;
La salamandre ignivore
A sifflé trois fois,
Et le gémissement des tombeaux
A résonné trois fois à mes oreilles.

C’est lui, c’est lui ! [le démon] par ces frissons,
Comme je sens maintenant
Brûler à nouveau en moi la volupté
De sa terrible étreinte !
Il tient dans sa main gauche
Le flambeau de l’avenir.
Il a répondu à ma conjuration,
Il a rallumé le feu :
Rien ne pourra plus désormais
Rester caché à mon regard !

Silence, silence !

[arg]

Prokofiev j'y pensais car je suis dans la Toccata. Mais pour moi c'est davantage une montée en rire, en tourbillon ou en danse diabolique qu'une colère.

[Lee]

Après les messages de Mieuvotar et Kât je précise que ma colère ne s'agit pas de mon fils ! Je suis contente de vous voir aussi inspirés.

Prokofiev, j'avais en tête les sonates de guerre...

[arg]

je pensais aussi à Janacek sonate 1/X/1905

[huizinga]

En tout cas, ce sont des morceaux qui nécessitent beaucoup d'énergie! J'en sais quelque chose car je travaille en ce moment la révolutionnaire de Chopin et ça m'épuise assez vite, ces accords, ces accents et ces basses qu'il faut faire résonner sans cesse.

[Midas]

J'ajoute ma pierre à cet édifice avec l'air de Vagaus découvrant Holopherne décapité dans le "Judith triomphante" de Vivaldi:

https://www.youtube.com/watch?v=hi_AOaZWvOw

Une de mes pièces préférées de Vivaldi, même si je n'aime pas tellement cette interprétation de Bartoli, qui est extraordinaire de virtuosité, mais un peu "too much". En voici une autre (à écouter sans la regarder à cause du son décalé):

https://www.youtube.com/watch?v=m5id804T7g0

[Okay]

Je ne perçois pas tant que ça la colère dans les sonates de guerre. Dans la huitième pas vraiment (sonate métaphysique, ma préférée des 9), la septième est plus dans l'esprit du Sacre que de la colère (des danses primitives et violentes - mon prof me demandait de la jouer comme ça), tandis que la sixième me semble afficher l'absurdité de la barbarie sans jugement et de manière très crue. C'est encore très personnel. Au début du développement de la troisième, il y a ce passage noté "feroce", mais aussi tempestoso. Je ne sais pas si c'est de la colère, en même temps il y a beaucoup de moments de furie dans cette musique.

[Jean-Luc]

Dans la musique symphonique, il y a le scherzo de la 6ème symphonie de Tchaïkovsky, mais j'ai du mal à dire si c'est de la colère ou la rage du désespoir qui parle.

Tiens c'est marrant, je trouve que ce n'est vraiment ni l'un ni l'autre. J'adore ce mouvement, que je trouve être une des plus grandes réussites de Tchaïkowsky, et y vois plutôt une chevauchée fantastique qui tire vers la féerie de Mendelssohn avec mille feux follets qui clignotent...
Tu es sûr que tu penses au scherzo, et non pas au premier mouvement une fois l'introduction terminée ?

Non, je ne pense pas au 1er mouvement, qui est m'évoque plutôt l'angoisse, le coeur opprimé...
Oui, le scherzo peut se concevoir aussi comme une chevauchée à la Mendelssohn (toujours ce même accompagnement de notes rapides et staccato). Ca dépend comment on l'entends! Je trouve ce mouvement assez enragé tout de même, les passages plus calmes me parlent comme une colère contenue qui ne peut sortir, mais qui finalement explose à la fin de ce mouvement.

Je crois que c'est la symphonie où Tchaïkovsky parle le plus de lui et de sa personnalité complexe et tourmentée. De la première à la dernière note.

[Kât]

elle décide de brûler vif à son tour le fils du Comte. Mais suite à une effroyable méprise, c'est son propre fils qu'elle y jette...

Comme quoi la colère est vraiment mauvaise conseillère...

Ou alors c'est une méthode d'éducation radicale

[Presto]

De toute façon on ne brûle pas les enfants, donc c'est bien fait pour elle

[Kreisler]

Il y a aussi l'étude méconnue de Liszt "ab irato' (d'un homme en colère) renommée ainsi lors de sa révision en 1852. Est-ce pour autant de la colère? Peut-être dans sa première section, colère laissant vite la place à l'apaisement.

https://www.youtube.com/watch?v=qYGlfp6NG-I

[Presto]

En fait, et je serais bien en peine d'en trouver d'autres, dans tous ces exemples mis à part le lyrique j'entends peu de colère, sauf effectivement chez Schubert mais je préfèrerais parler de violence pour l'andantino de la D959.
Finalement, je me sens plus violent que colérique

[Lee]

Oui, à part Verdi je n'entends pas de colère non plus, tu me rassures. Il y a un ancien fil sur les oeuvres pour piano "violents"...

[Okay]

Ah oui "ab irato", très belle étude absolument méconnue, qui a connu deux versions comme nombre des études de Liszt. Le thème romantique de la partie centrale est mémorable, même si ce sont les volets extérieurs qui sont en colère.

[worov]

Il faut cherche dans des compositeurs, qui ont des raisons d'être en colère. Par exemple, ceux qui ont subi un régime totalitaire.

Shostakovich : Symphonie no 10, opus 93, Scherzo : https://www.youtube.com/watch?v=po5vTycfZTk

[worov]

Beethoven exprime souvent la colère. Il se révolte contre sa surdité, qui devient de plus en plus importante avec les années. Cette colère est présente dans beaucoup de ses œuvres. Cherche dans ses dernières œuvres (les derniers quatuors notamment sont sublimes).