Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
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Lee
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par Lee »

:mrgreen: Tu vas y revenir quand tes enfants sont obligés d'apprendre les poèmes, et tu te rends compte que c'est plus simple de faire un enregistrement qu'ils écoutent et répètent au lieu d'apprendre par la lecture.
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leLama
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par leLama »

Lee, bien sur pour des enfants, on peut (peut etre meme que c'est mieux ) apprendre sans trop de theorie. Mais passe' un certain cap, je pense que c'est plus difficile de s'en passer. Le musicien qui repere une progression de tierces dans un fouillis de notes par exemple va la mettre en valeur. Il fera une marche, une aumentation progressive du volume ou unautre effet stylistique le long des notes de cette progression. Ce n'est pas forcement une theorie au sens formel, mais c'est un discours sur les choix d'interpretation. Disons que c'est une theorie exprimée avec des mots à soi.

Est-ce qu'on peut bien jouer un morceau complexe sans une analyse des motifs qu'on voit et de leur signification ? Je pense plutot que non. Un indice qui me pousse à penser ça, c'est le nombre de mathématiciens dans les finales des concours. D'ou tirent-ils leur avantage, si ce n'est de l'analyse des formes qu'ils voient dans le texte ?
BluePhoenix05
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par BluePhoenix05 »

Pour ton problème de phrasé, ça peut aussi être "simplement" un souci technique/d'ordre bio-mécanique.

A part ça, il y a des choses qui paraissent étonnament simples et évidentes quand on les sait, mais sont sans doute trop compliquées à décrire par écrit, difficiles à trouver dans des livres, et qui s'apprennent donc par transmission orale :)
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leLama
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par leLama »

BluePhoenix05 a écrit :Pour ton problème de phrasé, ça peut aussi être "simplement" un souci technique/d'ordre bio-mécanique.

A part ça, il y a des choses qui paraissent étonnament simples et évidentes quand on les sait, mais sont sans doute trop compliquées à décrire par écrit, difficiles à trouver dans des livres, et qui s'apprennent donc par transmission orale :)
Je peux me tromper, mais je ne pense pas que ce soit un probleme bio-mecanique: si je lis la partition assez longtemps sans jouer du piano et que j'imagine dans ma tete comment jouer un morceau du texte, je peux assez vite le réaliser quand je passe au piano. Les problemes arrivent quand je lis la partition et que je ne vois rien. Quand je n'arrive pas a me cree d'image mentale du texte que je veux jouer, je vois bien que je joue des notes et pas de la musique.
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Lee
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par Lee »

Lelama, je me suis pris dans les discussions de parler et le théâtre, mes réponses ne s'agissent pas forcement de la musique et sa théorie. Mais je me pose des questions, par exemple, sur ceux qui ont appris par la méthode Suzuki, inspiré par comment les enfants apprennent la langue. Il y a beaucoup d'apprentissage à l'oreille préféré au lieu de lire, je ne sais rien concernant si les élèves qui ont appris par cette méthode, étant adultes, utilisent d'avantage l'écoute pour apprendre.
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Gracou
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par Gracou »

@Nox, dans ce que tu cites de ce que j'ai écrit, note bien que je dis qu'il est possible de faire de la musique sans rien savoir de la théorie comme il est possible de faire du théâtre sans savoir lire, je ne dis pas que c'est mieux.

Je m'en voudrais si la petite ironie de cette comparaison t'avait échappée.
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Okay
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par Okay »

Lee a écrit : Tu vas y revenir quand tes enfants sont obligés d'apprendre les poèmes, et tu te rends compte que c'est plus simple de faire un enregistrement qu'ils écoutent et répètent au lieu d'apprendre par la lecture.
Je pense que c'est le genre de chose qu'il est sûrement difficile de généraliser, tout dépend sûrement du fonctionnement cognitif privilégié, et de ce que déclenchent chez chacun le visuel et l'auditif. Je crois en une certaine forme de complémentarité entre les deux, mais aussi que nous n'avons pas tous les mêmes préférences. Pour la mémoire, je sais que la mienne ne fonctionne bien que lorsqu'elle est conceptuelle, peu importe le sens par lequel l'information entre. Je ne suis pas plus doué qu'un autre pour retenir les listes de départements, les verbes irréguliers, ou les numéros de téléphone. Par contre, dès qu'il y a des éléments de structure (histoire, économie, une sonate de Beethoven) ça rentre tout seul car l'édifice est cohérent. Apprendre une poésie ou du théâtre, c'est intermédiaire. Le texte a bien sur du sens et une évolution, mais je trouve la musique beaucoup plus structurée et logique que les langues vivantes, du moins dans ma tête. En fait, les éléments de base en musique sont beaucoup plus simples (les notes et les rythmes en comparaison du vocabulaire), mais ils peuvent être arrangés de manière beaucoup plus complexe (horizontalement, verticalement, dans le temps - alors qu'une langue n'utilise que l'horizontalité). Et plus c'est complexe, moins c'est arbitraire, mieux ça se retient (à nouveau, c'est peut-être personnel). Ce qui me conduit à également penser ceci :
leLama a écrit :Est-ce qu'on peut bien jouer un morceau complexe sans une analyse des motifs qu'on voit et de leur signification ? Je pense plutot que non.
J'ajouterais juste que ce n'est pas forcément une analyse consciente. Ce n'est pas se dire "bon maintenant, je vais analyser la partition", pas du tout. C'est comme observer un tableau, et en un seul coup d'oeil repérer énormément de choses toutes simples telles que "la scène est en extérieur/plutôt à la compagne qu'à la ville, il fait jour/l'arrière plan est fait de montagnes/les contours sont nets/il y a deux personnages au premier plan/il n’interagissent pas/le premier est occupé avec les animaux". Tout ça se passe en une micro-fraction de seconde, et ce n'est pas de l'analyse. Si on passe une minute devant le tableau, on va commencer à voir plus de choses, comme "la direction de la lumière/certaines proportions/le nombre d'animaux/le ruisseau dans la montagne". En fait, la limite entre analyse et simple observation attentive n'est pas si opaque. La vraie différence, c'est que l'observation ne cherche pas autant à placer les éléments dans un cadre conceptuel tandis que l'analyse offre ce cadre de manière a priori. L'observation répétée de tableaux éduque certainement le regard, tout comme l'écoute d'oeuvres éduque l'oreille. Ensuite face à une partition, les patterns surgissent et tout est plus simple car on est déjà familiarisé avec les constantes du langage musical, qu'on soit ou non conscient de leur nature. L'apprentissage n'est rien d'autre qu'étendre la zone des items familiers.
Wandarnok
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par Wandarnok »

On peut établir une comparaison avec les Échecs, et leur apprentissage. Au moins aussi pertinente sinon plus qu'avec le langage.
Oui on peut "jouer" aux Échecs sans rien connaitre de la théorie.
Il suffit de connaitre les réglés du jeu (analogue à savoir comment on agit matériellement sur l'instrument de musique, piano ou autre).
Mais, comme le dit Okay, avec beaucoup beaucoup de pratique, certaines choses vont devenir instinctives.
Comment par exemple infliger un mat du couloir, un des centaines de pattern (pour reprendre le vocabulaire d'Okay) existants aux Échecs, quand il peut se présenter, ou éviter d'en être victime.
Pas besoin de théorie pour cela.
Malheureusement, pour atteindre le haut niveau, la théorie est indispensable (étude des parties de grand maîtres, études des finales, etudes des ouvertures, combinaisons, positions type et stratégies, etc...).
Quelqu'un qui aura fait beaucoup de théorie aura toujours un avantage "moyen" sur vous. Par contre, la théorie ne remplace pas la "force" intrinsèque (la capacité de calcul en profondeur ou en rapidité, la mémoire, la confiance en ses analyses, la précision...).
Et on peut perdre contre quelqu'un qui en sait pourtant moins que soi!
8)
Modifié en dernier par Wandarnok le ven. 15 janv., 2016 23:02, modifié 2 fois.
Virgule
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par Virgule »

leLama a écrit :Lee, bien sur pour des enfants, on peut (peut etre meme que c'est mieux ) apprendre sans trop de theorie. Mais passe' un certain cap, je pense que c'est plus difficile de s'en passer. Le musicien qui repere une progression de tierces dans un fouillis de notes par exemple va la mettre en valeur. Il fera une marche, une aumentation progressive du volume ou unautre effet stylistique le long des notes de cette progression. Ce n'est pas forcement une theorie au sens formel, mais c'est un discours sur les choix d'interpretation. Disons que c'est une theorie exprimée avec des mots à soi.

Est-ce qu'on peut bien jouer un morceau complexe sans une analyse des motifs qu'on voit et de leur signification ? Je pense plutot que non. Un indice qui me pousse à penser ça, c'est le nombre de mathématiciens dans les finales des concours. D'ou tirent-ils leur avantage, si ce n'est de l'analyse des formes qu'ils voient dans le texte ?
Il me semble que dans la discussion de ce fil passionnant, il y a un peu tendance à associer 'théorie musicale' et lecture, théorie musicale et apprentissage formel des termes théoriques, et analyse formelle à l'aide de ces termes. Je suggère qu'on essaie de les dissocier. Les musiciens qui jouent très bien sans jamais avoir appris la musique de façon formelle, sans avoir appris via des cours et via l'écrit, connaissent quand même très bien la structure de la musique. Ils n'ont juste pas appris à 'nommer' les formes et les structures selon le modèle officiel.

Reprenons la comparaison apprentissage de la musique et apprentissage de la langue maternelle. De mon point de vue, elle tient parfaitement la route.

Une langue, ça s'apprend dans l'enfance, à l'oreille et par imitation, bien avant qu'on apprenne à lire (a fortiori bien avant d'étudier les règles de grammaire à l'école), et la grammaire propre à la langue, les règles qui la structurent, sont nécessairement intégrées en même temps qu'on apprend à parler. Le cerveau humain est carrément pré-adapté (pré-programmé, si vous voulez) pour ce faire, c'est inscrit dans nos gènes.

Pour la musique, c'est la même chose. On l'apprend d'abord très jeune à l'oreille et par imitation (en autant qu'on y soit exposé)--et on en intègre en même temps la structure 'grammaticale', inconsciemment et sans nommer. Comme pour la langue, le niveau de notre apprentissage et de notre intégration dépend de ce à quoi on nous expose enfant. Mais à peu près tous les enfants ont au moins entendu chanter, sont familiers avec la base de la musique populaire ou folklorique propre à leur culture. Là où l'apprentissage de la musique diffère de celui de la langue, c'est que la langue, on l'apprend nécessairement activement, on apprend à la comprendre mais aussi à la parler et on la pratique tous les jours. Pour la musique, pas mal tous les enfants vont faire l'apprentissage passif de la musique par l'écoute, apprendront à reconnaître les modes majeur et mineur ou autres (sans les nommer), à reconnaître un air, une chanson, des rythmes, mais seule une fraction d'entre eux en feront un apprentissage véritablement actif, équivalant à apprendre à parler, soit en apprenant à chanter (ou même à danser pour le rythme), soit à jouer d'un instrument, même à l'oreille, par essai et imitation, sans cours formels mais avec les encouragements de l'entourage. Et rares sont ceux qui pratiqueront autant qu'on pratique sa langue. Ceux qui, pour une raison ou une autre auront cette chance (famille de musiciens par exemple) seront les 'naturels' qui sentent déjà la musique en arrivant à l'école.

Les cours de grammaire qui nous arrivent ensuite à l'école ne font que nommer, énoncer, des règles que nous avons en principe déjà intégrées par la pratique. Si nous lisons beaucoup, nous intégrerons naturellement en contexte les règles non encore assimilées, comme nous acquerrons du nouveau vocabulaire, même si nous n'étudions pas formellement la grammaire. Je pense que pour la musique c'est la même chose. La théorie musicale, c'est la grammaire de la musique. Quand on écoute beaucoup de musique et a fortiori quand on en pratique beaucoup, on l'assimile sans nommer.

Jusqu'où peut-on apprendre par soi-même ? Les règles de l'harmonie et du contrepoint, je ne les connais pas et je peux quand même lire pas mal de partitions, même sans toujours pouvoir identifier ('nommer') la tonalité d'un morceau. Est-ce qu'une meilleure connaissance de ces règles m'aiderait dans mon apprentissage des morceaux ? Ça dépend desquels. Je suis par exemple incapable de lire une fugue de Bach, de reconnaître et de démêler les voix. Je pense que des leçons d'harmonie et de contrepoint m'aideraient pour ça. Par contre, je les entends très bien à l'écoute!

Peut-on bien faire de la musique, jouer d'un instrument et bien en jouer, sans jamais avoir étudié la théorie musicale ni même le solfège de façon formelle, sans formellement connaître la grammaire de la musique au sens académique ? Et même sans savoir lire la musique ? Je n'ai aucune espèce de doute que oui. La très vaste majorité des musiciens de la planète, tous genres musicaux confondus, n'ont jamais appris la musique autrement qu'à l'oreille et par imitation (ce qui peut inclure des leçons avec des 'maîtres', bien sûr, mais tout cela de façon strictement orale). La vaste majorité des musiciens rock (du moins ceux de ma génération) n'ont jamais appris la musique autrement que 'sur le tas', à l'oreille, par imitation des collègues plus avancés et par la pratique. Même dans la musique classique c'est vrai. La 'théorie' qu'on apprend à l'école n'est qu'une codification de la grammaire naturelle de la musique et cette grammaire naturelle, on l'intègre par l'oreille, par l'imitation et par la pratique, exactement comme pour la langue. La musique est un art auditif, pas visuel.

C'est pour cela que je pense que la meilleure façon d'apprendre la musique, c'est d'abord d'en écouter, beaucoup et de tout genre, le plus possible. Après, quand on veut en faire soi-même, il faut plus. Il faut pratiquer, et il faut imiter, apprendre les gestes--et c'est là que le professeur devient essentiel, pas pour nous donner des leçons de solfège et d'harmonie, mais bien pour nous montrer, nous montrer les gestes, nous montrer par l'exemple à reconnaître les styles, les phrasés, à associer tel geste à tel son, etc. En piano et surtout en piano classique, l'apprentissage à l'oreille et par imitation passe idéalement par l'interaction avec un professeur ou un mentor. Non, Pavarotti ne savait pas lire la musique, mais il avait suivi des cours de chant avec les plus grands professeurs :mrgreen:.
Pol78
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Re: Peut on bien jouer sans un minimum de theorie ?

Message par Pol78 »

Plop tout le monde.
sujet intéressant.
pour mon cas personnel, je te dirais que non, solo je ne serais arrivé au stade où je suis actuellement. j'avais le piano dans mon appartement depuis 9 mois je ne faisais pas de réel progrès (faut reconnaître que je ne me mettais pas d'objectifs réalisables et ni de contraintes) avant de me décider de suivre des cours.
pour moi, il était nécessaire de me discipliner, le professeur étant là ensuite pour te conduire à ton souhait (jeu simple ou plus), cela passant nécessairement par l'acquisition de connaissances (solfège, etc).
Actuellement, je me sens fustré car je n'ai pas le background nécessaire pour appréhender toutes les pièces que j'aimerais jouer. mais bon il n'y a pas de secrets, faut du temps, pour lire, travailler la théorie, jouer, lire, travailler la théorie, jouer etc....

petite anecdote. on a eu cette année une nouvelle élève, 9 ans de violon au conservatoire, qui s'est m'y au piano et qui a donc rejoint notre groupe d'adultes. Je fais donc échos aux propos qu'a tenu wandarnok plus haut, il y a réllement un gap entre les personnes qui disposent d'une formation classique de la théorie et ceux totalement néophyte -et plus encore s'ils ont une affinité avec les maths-. Toutes les semaines je me prends cette réalité en face. et c'est très bien. grâce à elle, on a droit à un 1/4 d'analyse de partition, d'harmonie, etc.. bref pleins de choses -que je comprends qu'à moitié :?: - mais instinctivement tu sais que cela élève la compréhension du jeu pianistique et de ta partition et pourquoi le compositeur à suggérer tel jeu, etc... . naturellement,ce gap s'effacera par son lot de travail mais cela prend du temps (beaucoup de temps pour ma part) et de l'accompagnement.

Bref tout ça pour te dire que chacun décide de ce qu'il veut atteindre comme objectif. pour ma part, c'est de pouvoir un maximum de pièces qui me plaisent, et jouer convenablement du chopin "pas trop difficile". :mrgreen:
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