pianistes, exposition, solitude
pianistes, exposition, solitude
Une réflexion sur nos pratiques de pianistes: en voyant, écoutant, ressentant les autres jouer lors de la rencontre de samedi je me disais que c'était quand même une drôle de démarche que de s'exposer volontairement, se mettre à la fois en danger et en valeur, partager bien sûr mais pas seulement.... comme ça aux autres. En jouant avec d'autres musiciens en musique de chambre, je pense que comme pianistes nous apprenons très tôt cette position seuls sur scène (avec ce qu'elle comporte de contraintes). Mes amis pratiquant d'autres instruments se disent assez vite freinés lorsqu'eux-mêmes se sentent exposés (en duo avec piano notamment). Bien que notre position géographique au piano ne soit pas face au public mais de profil (chez moi ça compte !), est-ce que nous avons appris ceci de notre instrument, ou est-ce que nous décidons de jouer du piano parce que nous avons des personnalités qui s'y prêtent ? Tout comme nous sommes façonnés en partie par nos professions, est-ce que le choix de cet instrument contribue ensuite à nous permettre de nous montrer davantage ?
D'autre part sommes-nous des gens au fond solitaires, davantage que dans d'autres instruments ? hors de toute considérations ou questions sur vos vies de famille ou de célibataires, avez-vous au fond ces quelques graines de solitude choisie et indispensable qui vous permettent de passer des heures et des heures à travailler avec vous-mêmes ?
D'autre part sommes-nous des gens au fond solitaires, davantage que dans d'autres instruments ? hors de toute considérations ou questions sur vos vies de famille ou de célibataires, avez-vous au fond ces quelques graines de solitude choisie et indispensable qui vous permettent de passer des heures et des heures à travailler avec vous-mêmes ?
- jean-séb
- Messages : 11298
- Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
- Mon piano : Yamaha C3
- Localisation : Paris
Re: pianistes, exposition, solitude
Ah ah, un sujet qui revient assez souvent !
Voir quelques fils anciens :
viewtopic.php?p=86173#p86173
viewtopic.php?f=1&t=16107&hilit=solitude#p260219
avec aussi un peu ici :
viewtopic.php?p=262647#p262647
et son corollaire :
viewtopic.php?p=198805#p198805

Voir quelques fils anciens :
viewtopic.php?p=86173#p86173
viewtopic.php?f=1&t=16107&hilit=solitude#p260219
avec aussi un peu ici :
viewtopic.php?p=262647#p262647
et son corollaire :
viewtopic.php?p=198805#p198805
Re: pianistes, exposition, solitude
Seulement un tout petit peu alors pour ma partarg a écrit :hors de toute considérations ou questions sur vos vies de famille ou de célibataires, avez-vous au fond ces quelques graines de solitude choisie et indispensable qui vous permettent de passer des heures et des heures à travailler avec vous-mêmes ?

-
- Messages : 1819
- Enregistré le : dim. 25 mai, 2014 23:59
- Mon piano : Schimmel K230
- Localisation : Nantes [44000]
- Contact :
Re: pianistes, exposition, solitude
Chaque instrument demande un temps obligé de travail et donc de solitude. Après, c'est comme dans la vraie vie, certains sont " social butterfly "... Et comme pianiste s' épanouiront en musique d'ensemble, aimeront partager avec un large public, ou un plus restreint.....
D'autres comme des ermites ( ou des sages....) approfondiront pour eux-mêmes, solitaires et tranquilles leur vision du piano.
Il me semble que jouer pour soi ou pour les autres relève d'un désir totalement différent.
Mais le point commun pour que le plaisir prenne vraiment sa place, me semble avant tout un texte abouti. C'est pour cela que j'encourage souvent les uns et les autres à ne pas se sentir dévalorisé par un texte d'un niveau peu élevé..... Jouer parfaitement est grisant, c'est ce qui soutient l'estime de soi et ensuite les progrès.
Mais c'est peut-être une vision de professionnelle. Je le concède volontiers......
Pour ma part.... J'aime la solitude au piano, mais pas seulement. Je ne peux me contenter de graines......
D'autres comme des ermites ( ou des sages....) approfondiront pour eux-mêmes, solitaires et tranquilles leur vision du piano.
Il me semble que jouer pour soi ou pour les autres relève d'un désir totalement différent.
Mais le point commun pour que le plaisir prenne vraiment sa place, me semble avant tout un texte abouti. C'est pour cela que j'encourage souvent les uns et les autres à ne pas se sentir dévalorisé par un texte d'un niveau peu élevé..... Jouer parfaitement est grisant, c'est ce qui soutient l'estime de soi et ensuite les progrès.
Mais c'est peut-être une vision de professionnelle. Je le concède volontiers......
Pour ma part.... J'aime la solitude au piano, mais pas seulement. Je ne peux me contenter de graines......
Sylvie Piano http://courspianocollectif.com/
Re: pianistes, exposition, solitude
Keb' Mo' a dit au concert, "I can play with myself, but it's always better to play with someone else."
Sans être très solitaire, être seule ne me dérange pas (tant que j'ai des livres et de la musique) alors que j'ai remarqué qu'il y a d'autres qui ont horreur d'être seul et cherchent des moyens d'éviter. Je n'ai aucun idée quelle personalité est plus courant dans la société.
Quand je suis avec d'autres pianistes ou musiciens, c'est un vrai bonheur, je profite bien du temps dans leur compagnie et ses moments de partage, mais c'est autre chose de découvrir des sons et rechercher avec mon Pleyel qui chante si joliment même quand je l'abuse.
En revanche, je n'imagine pas que les pianistes choisissent l'instrument pour le solitude, mais maintenant j'y pense, j'ai lu des remarques des PMistes qui n'aimeraient pas jouer la musique de chambre, qui préfèrent toujours se mettre en avant seule, et qui ne comprend pas trop les pianistes haut niveau qui aiment la musique de chambre. Au contraire, quand on joue bien on n'a pas l'impression de saboter l'oeuvre des amis comme je crois en écoutant ma partie...

Sans être très solitaire, être seule ne me dérange pas (tant que j'ai des livres et de la musique) alors que j'ai remarqué qu'il y a d'autres qui ont horreur d'être seul et cherchent des moyens d'éviter. Je n'ai aucun idée quelle personalité est plus courant dans la société.
Quand je suis avec d'autres pianistes ou musiciens, c'est un vrai bonheur, je profite bien du temps dans leur compagnie et ses moments de partage, mais c'est autre chose de découvrir des sons et rechercher avec mon Pleyel qui chante si joliment même quand je l'abuse.

En revanche, je n'imagine pas que les pianistes choisissent l'instrument pour le solitude, mais maintenant j'y pense, j'ai lu des remarques des PMistes qui n'aimeraient pas jouer la musique de chambre, qui préfèrent toujours se mettre en avant seule, et qui ne comprend pas trop les pianistes haut niveau qui aiment la musique de chambre. Au contraire, quand on joue bien on n'a pas l'impression de saboter l'oeuvre des amis comme je crois en écoutant ma partie...

“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Re: pianistes, exposition, solitude
Je crois que j'ai du mal à exprimer ce que je veux dire.
Pour la solitude: je ne parlais pas de jouer pour soi ou pour les autres, ni de jouer seul ou avec d'autres. Je voulais parler plutôt de ce temps infini de travail où on est forcément seul avec sa musique, devant le piano ou pas. De la façon dont ce temps amène à se connaitre ou au contraire à s'éviter: lorsqu'on est en recherche et lorsqu'on joue de la musique on est en train de "faire" quelque chose, on n'est pas dans l'immobilité et il me semble aussi que cela nous oblige à diriger nos pensées vers ce que nous faisons. C'est un moyen d'être en action et cela peut aller à contre-courant de la rêverie qui elle laisse les pensées dériver, mais nous confronte à elles.
Je me demandais donc comment ce temps seul s'inscrit dans notre parcours de pianiste (et non de comment le gérer dans sa vie ce qui est une vraie autre question !).
En fait le début se penchait plutôt sur l'exposition aux autres en public: en tant que pianiste, est-ce différent des autres musiciens ? le fil sur la personnalités des pianistes répond un peu...
Désolée je vois bien que c'est flou mais difficile d'être claire, cela se précisera peut-être mieux par la suite
Pour la solitude: je ne parlais pas de jouer pour soi ou pour les autres, ni de jouer seul ou avec d'autres. Je voulais parler plutôt de ce temps infini de travail où on est forcément seul avec sa musique, devant le piano ou pas. De la façon dont ce temps amène à se connaitre ou au contraire à s'éviter: lorsqu'on est en recherche et lorsqu'on joue de la musique on est en train de "faire" quelque chose, on n'est pas dans l'immobilité et il me semble aussi que cela nous oblige à diriger nos pensées vers ce que nous faisons. C'est un moyen d'être en action et cela peut aller à contre-courant de la rêverie qui elle laisse les pensées dériver, mais nous confronte à elles.
Je me demandais donc comment ce temps seul s'inscrit dans notre parcours de pianiste (et non de comment le gérer dans sa vie ce qui est une vraie autre question !).
En fait le début se penchait plutôt sur l'exposition aux autres en public: en tant que pianiste, est-ce différent des autres musiciens ? le fil sur la personnalités des pianistes répond un peu...
Désolée je vois bien que c'est flou mais difficile d'être claire, cela se précisera peut-être mieux par la suite
Re: pianistes, exposition, solitude
Il y a ce fascinant bouquin (je ne me souviens plus le titre de la traduction française mais je crois qu'elle existe), qui expose de manière très vivante ce que la science sait de l'introversion et de l'extraversion. Une des définitions repose sur le besoin - ou au contraire la saturation - d'un environnement hyper-social et/ou sur-stimulant nos sens. L'introverti peut prendre du plaisir à la solitude, tandis qu'elle est rapidement anxiogène pour l'extraverti. De mémoire, il y a aussi un chapitre qui présente une étude génétique qui montrerait qu'il existe un gêne de l'introversion/extraversion, et qu'environ un tiers de la population est prédisposée à l'introversion de naissance.
Pour répondre à arg, je me suis déjà fait ces réflexions. Je sais très bien que le temps passé sur-concentré à travailler mon piano m'empêche de "dériver" vers certaines pensées, et qu'il y a un mécanisme typique d'addiction derrière tout ça. On sait très bien quelle est la fonction des addictions, et de quoi elles nous détournent... Je crois que l'essentiel est d'avoir à l'esprit dans quelle mesure le plaisir pris dans ce travail provient de l'évitement d'autres pensées auto-centrées, moins plaisantes. Je suis convaincu que ce temps me permet de m'éviter, ce qui est à mon avis (un avis certainement ultra controversé) un effet très vicieux de la pleine conscience, tant unanimement vantée et revenue à la mode. Après il y a un temps pour tout, il existe d'autres types de solitudes où on peut prendre le temps de se retrouver face à soi-même pour de bon.
Pour répondre à arg, je me suis déjà fait ces réflexions. Je sais très bien que le temps passé sur-concentré à travailler mon piano m'empêche de "dériver" vers certaines pensées, et qu'il y a un mécanisme typique d'addiction derrière tout ça. On sait très bien quelle est la fonction des addictions, et de quoi elles nous détournent... Je crois que l'essentiel est d'avoir à l'esprit dans quelle mesure le plaisir pris dans ce travail provient de l'évitement d'autres pensées auto-centrées, moins plaisantes. Je suis convaincu que ce temps me permet de m'éviter, ce qui est à mon avis (un avis certainement ultra controversé) un effet très vicieux de la pleine conscience, tant unanimement vantée et revenue à la mode. Après il y a un temps pour tout, il existe d'autres types de solitudes où on peut prendre le temps de se retrouver face à soi-même pour de bon.
Re: pianistes, exposition, solitude
C'est "La force des discrets". C'est en effet un très bon livre.Okay a écrit :Il y a ce fascinant bouquin (je ne me souviens plus le titre de la traduction française mais je crois qu'elle existe)
(je ne donne par principe pas le lien du site qui vous permettra bientôt de vous le livrer avec un drone qui vous filmera en même temps pendant que vous êtes dans votre salle de bain tout en sachant très bien quel est l'état de votre frigo en vous disant ce qu'il conviendra d'acheter pour vivre sainement tout en commandant d'ores et déjà les vêtements à la bonne taille si vous suivez bien ses prescriptions en matière d’exercice, etc etc..., pour ne pas nourrir la grosse machine

Re: pianistes, exposition, solitude
Je suis sensible à l'idée de ne pas nourrir l'ogre, et de contribuer à notre mesure à la survie du libraire de quartier, où nous apprécions tant fureter. En revanche, le blogueur que tu signales a tellement bien travaillé, qu'il en dissuaderait presque d'acheter le bouquin tout court !
Re: pianistes, exposition, solitude
Tu as parfaitement raison - j'ai donc changé le lien !Okay a écrit :Je suis sensible à l'idée de ne pas nourrir l'ogre, et de contribuer à notre mesure à la survie du libraire de quartier, où nous apprécions tant fureter. En revanche, le blogueur que tu signales a tellement bien travaillé, qu'il en dissuaderait presque d'acheter le bouquin tout court !

-
- Messages : 1819
- Enregistré le : dim. 25 mai, 2014 23:59
- Mon piano : Schimmel K230
- Localisation : Nantes [44000]
- Contact :
Re: pianistes, exposition, solitude
Je pense que j'avais bien compris, peut-être pas répondu vraiment..... Ce temps nécessaire, ces musiques qui vous habitent et qui vous changent vraiment cette introspection instinctive ne peuvent s'inscrire, me semble-t-il que dans certains textes et surtout avec déjà un niveau pianistique et un temps passé très très conséquent. Angelish disait qu'il n'était plus le même homme après avoir travaillé les Goldberg. Je le crois volontiers. Certaines oeuvres vont bien au-delà de ce qu'on peut même imaginer.
D'ailleurs le monde intérieur quelles nous permettent de découvrir est tel qu'il me semble absolument impossible de le partager.
Cette solitude qui n'en est pas une puisque nous dialoguons avec nous même nous enrichit, devient vitale, addictive. Le temps infini qu'elle exige perd toute réalité. il devient élastique et sans consistance réelle.
Lorsque je commencerai les Goldberg, je sais qu'il me faudra plusieurs années. Je ne veux pas gâcher ce moment, il n'est pas encore l'heure.
" Patience, patience, patience dans l'azur, chaque atome de silence est la chance d'un fruit mûr "......
Ce merveilleux vers prend pour un musicien une dimension toute particulière. Toute la poésie de Paul Valéry d'ailleurs
D'ailleurs le monde intérieur quelles nous permettent de découvrir est tel qu'il me semble absolument impossible de le partager.
Cette solitude qui n'en est pas une puisque nous dialoguons avec nous même nous enrichit, devient vitale, addictive. Le temps infini qu'elle exige perd toute réalité. il devient élastique et sans consistance réelle.
Lorsque je commencerai les Goldberg, je sais qu'il me faudra plusieurs années. Je ne veux pas gâcher ce moment, il n'est pas encore l'heure.
" Patience, patience, patience dans l'azur, chaque atome de silence est la chance d'un fruit mûr "......
Ce merveilleux vers prend pour un musicien une dimension toute particulière. Toute la poésie de Paul Valéry d'ailleurs
Sylvie Piano http://courspianocollectif.com/