chopin nocturne opus 48 n 1

[arg]

Bonjour,
travail en route avec ce très beau nocturne.
Je suis surprise par les différences de tempo choisies par les interprètes, des plus grands aux plus modestes; par un bel apport technique de la vidéo de Lisistsa (main droite dans la réexposition du thème enrichi: j'utilise nettement moins de force et davantage la possibilité de séparer la main en deux parties).
Avez vous des pistes générales pour ce nocturne (un coup d'oeil ds "recherche" ne m'a pas apporté grand-chose) ? Je trouve assez difficile de le faire apparaitre à la fois assez mouvementé et assez intimiste....

[Okay]

Mouvementé et intimiste... j'aime bien cette façon de voir les choses. Beaucoup de contrastes sont présents dans l'oeuvre, ce qui en facilite la construction.
Pour moi le début est une sombre marche sur laquelle un chant poignant étouffe dans son carcan, il tente plusieurs fois de se libérer sans jamais y parvenir. Puis ce chant s'croule finalement sur lui même (les triolets descendants, puis la dissolution dans les trois tierces chromatiques avant la disparition des 3 bémols). De ces décombres émerge un choral recueilli, qui nous montre d'autres lumières. Et ce choral va cette fois parvenir à s'ouvrir, car il ne fait que cacher de sombres forces beaucoup plus profondes (les inquiétant octaves répétés chromatiques, aussi mouvants que les accords principaux sont majestueux et emprunts d'un certain statisme). En fait le choral ne fait pas que s'ouvrir, il éclate littéralement (les octaves finissent par littéralement prendre la place des accords triomphants). Arrive le deuxième éboulement du morceau, et à l'issue de celui-ci, le chant ne demandera plus l'autorisation d'exprimer tout son lyrisme, de céder à toute l'agitation (effet magique de la polyrythmie dont les 4 pour 3 démultiplient la texture) qui était en germe dans son premier énoncé. Plus de carcan, mais l'effondrement final nous fait chuter d'encore plus haut.

En fait, je me suis toujours dit que les 3 parties se superposent mystérieusement. La marche initiale n'est pas totalement placide, car la menace est déjà présente lorsqu'il y a quelques incises de doubles croches à la main gauche (voilà déjà du mouvement dans l'immobilisme). Le choral qui suit annonce également la dernière partie, puisqu'il en possède déjà l'écriture en accords (même s'ils sont privés d'une ligne de chant au sein d'un plan sonore supplémentaire, ces accords doivent chanter). La dernière partie est donc une forme de combinaison des deux premières, tout autant que la libération du chant de la première partie qui succède à l'intermède lumineux de la deuxième.

Je crois que tout ceci est vraiment très général, donc pas forcément si exploitable une fois devant le clavier...

[Florestan]

Pour rebondir sur les réflexions d'Okay, j'ai toujours senti dans ce nocturne qu'il y a un glissement progressif qui doit s'opérer chez l'interprète dans la distance émotionnelle. Je ne peux m'empêcher d'entendre une certaine théâtralité dans le début, ces soupirs entre les premières notes du chant, ces basses piquées invitent à une certaine amplitude dans le geste et quelque chose d'un peu démonstratif dans la plainte (ce n'est pas très courant chez Chopin, la seule musique qui me vienne à l'esprit tout de suite qui serait un peu dans le même esprit c'est le début de la fantaisie op 49). Le choral conserve un peu ce caractère, mais ces harmonies effectivement un peu statiques et qui se voudraient anesthésiantes échouent à empêcher le réveil de quelque chose de vraiment viscéral et douloureux. Dans le doppio movimiento final le thème du début est transfiguré et n'a plus rien de théâtral, ici la plainte n'a pas de costume, et les larmes et le sang y sont vraiment salés! (pas que je trouve qu'au début ce soit de l'eau et du ketchup, mais bon je crois qu'on comprend l'idée...)

[Yapluka]

Salut Arg !
Nous avons la chance d'avoir les versions de Franz Liszt et de Rachmaninoff de ce nocturne sur PM ... Si, si, regarde donc le fil Chopin vu par les PMistes !

[arg]

Merci de vos réponses
Okay: commentaire général certes mais c'est justement ce que je demandais ! j'aime bien ta façon de concevoir les 3 parties et leur construction, j'aime toujours bien avoir le point de vue de quelqu'un de réel ! (par rapport à une "théorie de l'oeuvre").Intéressant donc, notamment le côté "lumineux" du choral, que je conçois davantage comme un moment intime, et le mot lumineux ajoute quelque chose que je perçois naturellement mais le mot lui-même est enrichissant, enfin je ne sais pas si je me fais bien comprendre.
Florestan: oui d'accord sur l'idée générale, là c'est le terme de "distance émotionnelle" qui me plait, pour faire entendre peu à peu comme une construction d'émotions et penser à une progression, et garder une distance constructive (et pas refroidissante....ah mais c'est vraiment difficile de parler de la musique !).
Yapluka: merci, je n'avais bizarrement pas recherché dans les interprétations proposées; deux versions très différentes, je préfère largement celle de rachmaninoff parce qu'elle est plus aboutie et justement plus retenue, même si on n'entend pas assez la ligne des basses sauf dans les toutes dernières mesures très réussies. Celle de frantz liszt est à mon avis encore trop jeune et cela n'a rien a-à voir avec l'âge de l'interprète: il y a de très belles choses mais c'est encore haché et difficile à suivre;.. ceci dit ça donne aussi des pistes.

[arg]

https://soundcloud.com/user621508195/ch ... pus48-3m4a

Et voilà le pas est franchi, j'ose poster mon premier enregistrement sur ce site !
mais attention soyez indulgents: c'est une version de travail et la 3e partie laisse à désirer, il y a beaucoup de notes qui tombent à côté...
j'attends des commentaires bienveillants sur la direction générale....

[jean-séb]

Très beau, arg, pas de quoi rougir. Sur le détail, beaucoup de PMistes plus compétents pourront signaler ce qu'il y a éventuellement à signaler. Sur la direction générale, mon point de vue d'auditeur est que tu donnes une version très cohérente mais un peu emphatique ou déclamatoire peut-être ; il me semble que j'aimerais plus d'intimité, de confidence mais je ne suis pas un spécialiste de Chopin, n'ai jamais joué ce nocturne moi-même et n'ai aucune référence en tête. C'est donc un simple avis à prendre avec des réserves, d'autant que l'enregistrement peut aussi fausser la perception. En tout cas, bravo d'avoir mené à bien cette belle pièce et de nous la faire partager.

[Oupsi]

J'ai écouté avec grand plaisir, je crois que tout est là, maintenant il faut affiner, doser, libérer aussi un peu le jeu ce qui viendra tout seul avec le temps, mais c'est déjà très expressif et plein de sensibilité et tu nous fais très bien partager ton amour pour cette musique.

[arg]

Merci de vos reponses encourageantes ! Oui pour l'instant cela manque de liberté, ou de libération. Je commence tt juste à pouvoir l'enchainer... Travail à poursuivre bien sûr.

[Florestan]

J'aime beaucoup le ton des deux premières parties, c'est très proche de mon idée de ce nocturne. La dernière partie est un peu plus en chantier pianistiquement mais je suis sûr que tu vas en faire quelque chose de très bien. J'ai trouvé très intéressants et bien exécutés les passages du mouvement central joués sans pédale (en fait ça enlève de la grandiloquence au discours...et ça correspond au notations de pédale de Chopin!). Le début est vraiment très proche de ma conception. Peut-être que certaines valeurs longues ne sont pas assez "écoutées" (cette impression peut aussi venir du son du piano ou de l'enregistrement). C'est une remarque que m'avait fait JPS il y a longtemps et qui avait vraiment fait "tilt" pour moi. Le fait de bien écouter les valeurs longues sur toute leur durée aide à donner de la continuité au chant et surtout modifie la façon dont tu vas jouer la main gauche à la fois pour la dynamique et la couleur du son.
Bravo et continue, cette musique te va très bien!

[Julien84]

On te sent solide techniquement notamment dans les grands arpèges du choral, bien déroulés, avec égalité. J'ai beaucoup aimé!

[Yapluka]

bravo Arg : tu es sur la bonne voie ... yapluka laisser mûrir . Je t'ajoute sur le fil "Chopin vu par les Pmistes".

[arg]

aïe nonon ! ce morceau est encore en chantier !
je suis très agréablement surprise par vos encouragements, après des semaines-mois d'hésitations à poster des enregistrements et une grande réticence à "donner" à des inconnus quelque chose qui ne sera vraiment pas parfait: je trouve extrêmement difficile de garder sa concentration pour le Zoom, plus difficile encore que devant un public et pourtant c'est encore une épreuve pour moi.
Merci donc à tous pour vos commentaires...

Florestan: je mets de la pédale au milieu, j'ai juste cherché à respecter le phrasé sans le noyer, c'est plutôt bien si tu as pensé que c'était joué sans pédale ! merci de ta réflexion sur les valeurs longues, c'est une direction intéressante.

julien84: j'aime beaucoup le choral qui est à la fois vertical et horizontal (comme tous les chorals peut-être ! mais bon...)

yapluka: n'ajoute rien trop vite que je ne regrette pas mon élan ! mais merci aussi !

[robbi]

Félicitation à toi car c'est pas mal du tout pour un morceau tout juste sorti d’étude. (j’espère aussi pouvoir l'attaquer dans pas longtemps).

C'est un morceau que j'adore.

Oublions les fausses notes qui sont plus que normal à ce stade, il y a beaucoup de sensibilité dans ton interprétation et c'est beau.
Tu peux,avec encore du temps et du travail en faire un truc fabuleux.

Techniquement,rien ne me choque et la seule chose qui te manque à mon avis est un peu plus "d'autorité" sur ton piano et donner un peu plus de pèche au morceau.

La difficulté et de le rendre plus vif mais de le laisser très romantique.

Vu que ton morceau est à peine fini,il est normal que cela manque encore.

Encore bravo pour ton travail