
Ayant eu la chance en ce chaud mois d'août d'assister à 3 très beaux récitals de piano , j'en suis sortie tout à la fois très enthousiasmée par la performance des artistes (Muraro , Geniet et El Bacha pour ne pas les nommer !) et vivement contrariée par l'insupportable mauvaise tenue des malotrus qui m'entouraient !
Oui , je sais , je tourne à la vieille ronchon mal embouchée . Mais zut , quoi !!!

Non seulement ces gens toussent à tour de bras (et de rôle) alors qu'on est en plein été et que personne n'a l'air malade ni ne toussait avant le début du concert, non seulement ils se raclent la gorge sans aucune raison pile lors des passages pianissimo pour être bien sûrs de couvrir le son du piano , mais pis que tout, ils se précipitent à applaudir bruyamment avant même que le dernier accord ne se soit évanoui dans l'air , ne laissant pas le temps à l'artiste de reprendre contact avec la réalité et à leurs voisins de redescendre sur terre, ce qui est particulièrement violent et insupportable !
Enfin , comble d'avidité et de vulgarité ils se mettent presque immédiatement à scander les rappels sans même avoir prodigué les applaudissements fournis qui sont pourtant la moindre des marques de satisfaction qu'on est en droit d'attendre d'un public .
Muraro a réussi à retarder très légèrement les applaudissements et n'a pas donné de bis vu l'exceptionnelle longueur de son programme (l'Intégrale de Ravel).
Rémi Geniet qui est encore très jeune n'a rien manifesté et a donné gentiment ses deux bis.
Mais Abd el Rahman El Bacha m'a semblé légitimement agacé et a coupé la chique aux malotrus en donnant immédiatement son deuxième bis les obligeant ainsi à interrompre leur claque stupide !
Bref , j'étais en colère et j'avais vraiment honte de faire partie de ce public grossier .

Judith Sibony en parle bien mieux que moi sur son blog et même s'il s'agit là plutôt de théâtre , le constat est le même : affligeant !
"Contre les applaudisseurs précoces
A la fin du festival d'Avignon, je me suis demandé s'il n'y avait pas un lien entre la précipitation avec laquelle le public applaudit et la qualité profonde du spectacle. Un lien "inversement proportionnel", comme on dit.
De plus en plus souvent, quand je sors du théâtre, je pense à ce beau texte de Yasmina Reza : « Trente secondes de silence », publié en 1997 dans Hammerklavier (Albin Michel). Un ami de Reza lui raconte avoir assisté en 1958 aux Caprices de Marianne, de Musset, dans la Cour d’Honneur. Spectacle mythique de Jean Vilar, avec Gerard Philipe dans le rôle d’Octave. L’ami en garde un souvenir intact, mais ce qui l’a le plus marqué, c’est le long silence du public, avant les applaudissements. « Trente secondes de silence (…) je te jure », répète-t-il, conscient du caractère extraordinaire de cette entorse faite aux conventions. Je repense à ce texte toutes les fois que, à peine le noir tombé, les mains des spectateurs se mettent à claquer comme si elles n’avaient fait qu’attendre ce moment. Pourquoi tant de hâte ? Ne pourrait-on observer tranquillement la chute de la pièce, la lumière qui meurt, les bruits de pas au loin ? Avec une merveilleuse sévérité, Reza raille le zèle du public-chic comme un symptôme social : « l’ignoble et nouvelle communauté du public averti, intelligent, les « haut de gamme » de l’humanité, ceux qui sortent, ceux qui en sont (…) Cette communauté surexcitée de faire entendre sa grossière clameur vite, vite, sur le dernier mot la dernière note, impatiente de recouvrir le dernier soupir de son hurlante légitimité… » "
Et vous ? qu'en pensez-vous ? faites-vous le même constat ?
Que pourrait-on faire pour contrer cela et redonner aux artistes l'espace dont ils ont besoin ?
Moi , cela me couperait presque toute envie d'aller au concert .....
