Appréciez-vous des méchants ?
-
- Messages : 3035
- Enregistré le : sam. 29 mai, 2010 17:58
- Mon piano : Yamaha p121
- Localisation : Schiltigheim (près de Strasbourg)
- Contact :
Re: Appréciez-vous des méchants ?
"Quand j'écoute trop Wagner, j'ai envie d'envahir la Pologne" (Woody Allen). Voilà, je viens de retrouver la phrase exacte sur google.
En principe, ce n'est pas la musique qui peut-être malfaisante, mais ce qu'on en fait.
Tout le problème, pas si simple, est de reconnaître la beauté d'une oeuvre sans se laisser contaminer par l'état d'esprit qu'elle pourrait suggérer..
Liszt a composé la Méphisto valse, et par ailleurs, on connaît certaines musiques actuelles de groupes qui prônent le satanisme..
Alors bon, on peut adorer les films d'horreurs et être dans la vie la personne la plus gentille du monde...
Tour ça ne constitue pas de réponse à ce qui a été dit, sauf peut-être l'idée qu'on peut s'"entraîner" à écouter toute musique sans se laisser entraîner par des idées où humeurs négatives qu'elle pourrait risquer d'induire..
edit : c'est peut-être bien le temps qu'on a ici qui m'y fait penser : le soleil est plutôt bienfaisant à la bonne distance, mais il suffit de l'augmenter ou la réduire pour que tout l'équilibre soit bouleversé..
Tuer un homme est inacceptable, tuer un chien est monstrueux, tuer un insecte, c'est déjà moins grave, et quand nos globules blancs tuent des bactéries, c'est une bonne chose...
En principe, ce n'est pas la musique qui peut-être malfaisante, mais ce qu'on en fait.
Tout le problème, pas si simple, est de reconnaître la beauté d'une oeuvre sans se laisser contaminer par l'état d'esprit qu'elle pourrait suggérer..
Liszt a composé la Méphisto valse, et par ailleurs, on connaît certaines musiques actuelles de groupes qui prônent le satanisme..
Alors bon, on peut adorer les films d'horreurs et être dans la vie la personne la plus gentille du monde...
Tour ça ne constitue pas de réponse à ce qui a été dit, sauf peut-être l'idée qu'on peut s'"entraîner" à écouter toute musique sans se laisser entraîner par des idées où humeurs négatives qu'elle pourrait risquer d'induire..
edit : c'est peut-être bien le temps qu'on a ici qui m'y fait penser : le soleil est plutôt bienfaisant à la bonne distance, mais il suffit de l'augmenter ou la réduire pour que tout l'équilibre soit bouleversé..
Tuer un homme est inacceptable, tuer un chien est monstrueux, tuer un insecte, c'est déjà moins grave, et quand nos globules blancs tuent des bactéries, c'est une bonne chose...
Modifié en dernier par zebestovol le sam. 08 août, 2015 15:36, modifié 3 fois.
-
- Messages : 78
- Enregistré le : ven. 05 juin, 2015 17:20
- Mon piano : Hupfeld droit
Re: Appréciez-vous des méchants ?
La musique est un art. Comme tout art, elle ne sert qu'à transmettre des émotions.
Il est de l'apanage des grands artistes de transmettre des émotions très fortes, que ce soit la colère, le dégoût, la frustration, le chagrin...
Il est de l'apanage des dictateurs de faire croire qu'un acte odieux est juste et fondé. Et pour cela, rien de mieux que la manipulation mentale. Donc rien de mieux que de relier l'acte odieux désiré à une émotion qu'on recherche spécifiquement chez la personne à manipuler. Ce qui est plus aisé avec une musique bien conçue.
Hitler a usé et abusé des vers d'Hoffman, des notes de Haydn... Si on regarde bien, notre hymne national avec son "qu'un sang impur abreuve nos sillons" ne va pas tant que ça avec notre devise égalité/fraternité. Un vrai appel à la guerre. J'ai pourtant entendu d'ailleurs dire que la Marseillaise aurait une origine dans la musique de Mozart. Les spécialistes de ce forum pourront certainement mieux m'éclairer là-dessus.
La méchanceté n'est pour moi pas dans le créateur de musique mais dans celui qui l'écoute et la détourne à des fins personnelles malsaines.
Il est de l'apanage des grands artistes de transmettre des émotions très fortes, que ce soit la colère, le dégoût, la frustration, le chagrin...
Il est de l'apanage des dictateurs de faire croire qu'un acte odieux est juste et fondé. Et pour cela, rien de mieux que la manipulation mentale. Donc rien de mieux que de relier l'acte odieux désiré à une émotion qu'on recherche spécifiquement chez la personne à manipuler. Ce qui est plus aisé avec une musique bien conçue.
Hitler a usé et abusé des vers d'Hoffman, des notes de Haydn... Si on regarde bien, notre hymne national avec son "qu'un sang impur abreuve nos sillons" ne va pas tant que ça avec notre devise égalité/fraternité. Un vrai appel à la guerre. J'ai pourtant entendu d'ailleurs dire que la Marseillaise aurait une origine dans la musique de Mozart. Les spécialistes de ce forum pourront certainement mieux m'éclairer là-dessus.
La méchanceté n'est pour moi pas dans le créateur de musique mais dans celui qui l'écoute et la détourne à des fins personnelles malsaines.
- jean-séb
- Messages : 11282
- Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
- Mon piano : Yamaha C3
- Localisation : Paris
Re: Appréciez-vous des méchants ?
http://un-alien-en-provence.over-blog.c ... 06922.htmlPiano-Panier a écrit :J'ai pourtant entendu d'ailleurs dire que la Marseillaise aurait une origine dans la musique de Mozart. Les spécialistes de ce forum pourront certainement mieux m'éclairer là-dessus.
http://www.dailymotion.com/video/xcrqtg ... hien_music
Re: Appréciez-vous des méchants ?
C'est très intéressant, ce que tu as écrit, Oupsi. Mais - peut-être je te comprends mal - j'ai l'impression que ça tend à absoudre tant l'homme que la signification de son œuvre...
Pour ma part, je n'arrive pas à séparer le compositeur de ce qui en en a été fait. Ce qui a été fait de lui et de son oeuvre, il est en la source, la cause, le "coupable". Ça ne s'est pas fait "à l'insu de son plein gré", quand même ! Je n'arrive pas, moi, à faire ce distingo entre le travestissement (supposé) que certains idéologues - à noter d'ailleurs qu'il n'y a pas que les nazis qui se sont appropriés le message de Wagner, il y a eu aussi des mouvements d'extrême gauche - ont fait de l’œuvre, et le contenu de l’œuvre elle-même. Je ne suis pas spécialiste, mais il y a il me semble dans ce débat une dialectique du type signifiant-signifié .
Les thèmes d'opéra de Wagner, écrits par Wagner lui-même, n'ont pas été choisis au hasard, simplement parce qu'ils se prêtaient bien à son inspiration ou à sa créativité musicale du moment. Il y a un vrai message politique et idéologique derrière, que la structure narrative assène à base de mythes, de cultes mystico-magiques, en faisant s'opposer héroïsme et veulerie, grandeur et abjection, courage et pusillanimité, sur-hommes aryens et sous-hommes au nez crochu (et que dire des femmes !). Et le message suprématiste est bien présent. Ce n'est pas l’interprétation d'autres exégètes qui fabrique ce message ex nihilo ou qui le transpose au gré de ce que cet autre souhaite lui faire dire. Il est bien là, bien présent, ce message éminemment suprématiste, raciste, méprisant à l'égard du faible et suscitant le culte du fort, écrit de la main et par la volonté même du compositeur.
D'autre part, le compositeur lui-même reconnaît que la musique entend servir le message (cf. le document que je mentionne plus bas). On sait bien d'ailleurs combien la musique peut être manipulatrice dans des phénomènes de masses... On n'est donc plus dans la seule beauté de la création musicale, mais bien dans une volonté idéologique et dans une lecture/vision du monde discriminante et suprématiste que l'auteur lui-même, Richard en personne, veut faire passer.
Moi. quand j'écoute Wagner, je n'arrive pas à faire abstraction de tout ça. Ses opéras me transportent, mais là où je n'ai pas du tout envie d'aller. Et ça me rend malheureux, parce que quand même, p.... qu'est que c'est beau parfois ! Mais je n'arrive pas à me faire Ulysse et résister au chant des sirènes...
PS: en réfléchissant après la lecture du "pavé" d'Oupsi", j'ai un peu exploré la toile sur ce sujet, et suis tombé sur cet article, que j'ai trouvé intéressant et qui touche à plusieurs endroits à ce dont on discute ici : Musique, idéologie et société - Richard Wagner - essai sur la transformation de l’art
.
Pour ma part, je n'arrive pas à séparer le compositeur de ce qui en en a été fait. Ce qui a été fait de lui et de son oeuvre, il est en la source, la cause, le "coupable". Ça ne s'est pas fait "à l'insu de son plein gré", quand même ! Je n'arrive pas, moi, à faire ce distingo entre le travestissement (supposé) que certains idéologues - à noter d'ailleurs qu'il n'y a pas que les nazis qui se sont appropriés le message de Wagner, il y a eu aussi des mouvements d'extrême gauche - ont fait de l’œuvre, et le contenu de l’œuvre elle-même. Je ne suis pas spécialiste, mais il y a il me semble dans ce débat une dialectique du type signifiant-signifié .
Les thèmes d'opéra de Wagner, écrits par Wagner lui-même, n'ont pas été choisis au hasard, simplement parce qu'ils se prêtaient bien à son inspiration ou à sa créativité musicale du moment. Il y a un vrai message politique et idéologique derrière, que la structure narrative assène à base de mythes, de cultes mystico-magiques, en faisant s'opposer héroïsme et veulerie, grandeur et abjection, courage et pusillanimité, sur-hommes aryens et sous-hommes au nez crochu (et que dire des femmes !). Et le message suprématiste est bien présent. Ce n'est pas l’interprétation d'autres exégètes qui fabrique ce message ex nihilo ou qui le transpose au gré de ce que cet autre souhaite lui faire dire. Il est bien là, bien présent, ce message éminemment suprématiste, raciste, méprisant à l'égard du faible et suscitant le culte du fort, écrit de la main et par la volonté même du compositeur.
D'autre part, le compositeur lui-même reconnaît que la musique entend servir le message (cf. le document que je mentionne plus bas). On sait bien d'ailleurs combien la musique peut être manipulatrice dans des phénomènes de masses... On n'est donc plus dans la seule beauté de la création musicale, mais bien dans une volonté idéologique et dans une lecture/vision du monde discriminante et suprématiste que l'auteur lui-même, Richard en personne, veut faire passer.
Moi. quand j'écoute Wagner, je n'arrive pas à faire abstraction de tout ça. Ses opéras me transportent, mais là où je n'ai pas du tout envie d'aller. Et ça me rend malheureux, parce que quand même, p.... qu'est que c'est beau parfois ! Mais je n'arrive pas à me faire Ulysse et résister au chant des sirènes...
PS: en réfléchissant après la lecture du "pavé" d'Oupsi", j'ai un peu exploré la toile sur ce sujet, et suis tombé sur cet article, que j'ai trouvé intéressant et qui touche à plusieurs endroits à ce dont on discute ici : Musique, idéologie et société - Richard Wagner - essai sur la transformation de l’art
.
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Je lis avec grande attention vos réponses, que je trouve très intéressantes.
Je mets de côté pour l'instant la question de savoir si mon questionnement revient à absoudre l'homme ou l'oeuvre (dans le cas de Wagner, mais aussi plus généralement dans le jugement moral en général), parce que d'une part, effectivement il y a lieu avant cela de se demander si l'homme et l'oeuvre sont coupables, au sens où tu le dis Mieuvotar, et d'autre part parce que c'est une réponse qui m'est souvent donnée par de nombreuses personnes que j'ai en grande estime, donc je me dis qu'il doit y avoir du vrai dans cette réponse, qui m'est inconfortable évidemment mais que je ne peux pas écarter d'un geste naïf; mais tout cela prend du temps et demande un certain travail.
Il faut sans doute essayer de comprendre cette période du post-idéalisme allemand, après Schiller, Hölderlin, Hegel, etc. J'ai survolé l'article que tu as mis en lien Mieuvotar (je n'ai pas le temps aujourd'hui de le lire en détail) et il parle un peu de ça, c'est aussi l'ouverture sur l'Orient, la recherche d'une voie non rationaliste, non positiviste, non chrétienne, etc. Il y a pour moi un côté un peu indigeste dans tout ça, j'avoue, je ne suis pas assez calée, ce sont des textes vraiment difficiles à lire. J'ai essayé autrefois de lire Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, impossible, trop difficile. Mais ce qui me paraît sûr c'est qu'à cette époque l'esprit "allemand" partait à la recherche de choses très éloignées d'une simple "identité" comme on l'entend aujourd'hui. On oublie un peu cela. Mais en même temps, si on reste un peu lucide et clairvoyant, qu'il y ait eu une recherche hyper sophistiquée d'une part, et de l'autre des affirmations antisémites pures et simples, ça discrédite la recherche sophistiquée, point barre, je suis bien d'accord; ça transforme le tout, au mieux, en un grand symptôme, au pire en une cellule génératrice de meurtre. Je ne vois pas comment réfuter cela, même si du coup cela rend l'art justiciable, ce que j'essayais justement d'éviter, puisque je considère que l'art n'est pas une activité comme les autres, et que parmi les arts la musique n'est pas un art comme les autres.
Voilà, je reste donc dans mon déséquilibre inconfortable, mais très heureuse de trouver ici des personnes avec qui dialoguer un peu sérieusement de tout cela.
Je mets de côté pour l'instant la question de savoir si mon questionnement revient à absoudre l'homme ou l'oeuvre (dans le cas de Wagner, mais aussi plus généralement dans le jugement moral en général), parce que d'une part, effectivement il y a lieu avant cela de se demander si l'homme et l'oeuvre sont coupables, au sens où tu le dis Mieuvotar, et d'autre part parce que c'est une réponse qui m'est souvent donnée par de nombreuses personnes que j'ai en grande estime, donc je me dis qu'il doit y avoir du vrai dans cette réponse, qui m'est inconfortable évidemment mais que je ne peux pas écarter d'un geste naïf; mais tout cela prend du temps et demande un certain travail.
Il faut sans doute essayer de comprendre cette période du post-idéalisme allemand, après Schiller, Hölderlin, Hegel, etc. J'ai survolé l'article que tu as mis en lien Mieuvotar (je n'ai pas le temps aujourd'hui de le lire en détail) et il parle un peu de ça, c'est aussi l'ouverture sur l'Orient, la recherche d'une voie non rationaliste, non positiviste, non chrétienne, etc. Il y a pour moi un côté un peu indigeste dans tout ça, j'avoue, je ne suis pas assez calée, ce sont des textes vraiment difficiles à lire. J'ai essayé autrefois de lire Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, impossible, trop difficile. Mais ce qui me paraît sûr c'est qu'à cette époque l'esprit "allemand" partait à la recherche de choses très éloignées d'une simple "identité" comme on l'entend aujourd'hui. On oublie un peu cela. Mais en même temps, si on reste un peu lucide et clairvoyant, qu'il y ait eu une recherche hyper sophistiquée d'une part, et de l'autre des affirmations antisémites pures et simples, ça discrédite la recherche sophistiquée, point barre, je suis bien d'accord; ça transforme le tout, au mieux, en un grand symptôme, au pire en une cellule génératrice de meurtre. Je ne vois pas comment réfuter cela, même si du coup cela rend l'art justiciable, ce que j'essayais justement d'éviter, puisque je considère que l'art n'est pas une activité comme les autres, et que parmi les arts la musique n'est pas un art comme les autres.
Voilà, je reste donc dans mon déséquilibre inconfortable, mais très heureuse de trouver ici des personnes avec qui dialoguer un peu sérieusement de tout cela.
Re: Appréciez-vous des méchants ?
En tout cas, ce que font certains artistes dans leur "vie privée" n'est parfois pas sans incidence sur leur carrière. Sinatra a apparemment traversé une période très compliquée après des suspicions de relations troubles avec la mafia. Dans un autre genre et pour coller au piano, Jerry Lee Lewis, alors qu'il était parti pour tenir la dragée haute à Elvis, sa carrière prend un tournant !
Jerry Lee Lewis épouse Myra Gale Brown en décembre 1957. La révélation de l'information dans la presse déclenche un scandale qui va profondément affecter la carrière de Lewis. En effet, la jeune fille n'est alors âgée que de 13 ans et est sa cousine germaine au premier degré ; de plus le « Killer » n'a pas réglé son précédent divorce, et est toujours officiellement marié. Il est critiqué et poursuivi pour bigamie, ses cachets s'effondrent, ses disques se vendent moins, le public vient à ses spectacles pour le huer.
La différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou. Salvador Dali.
-
- Messages : 7847
- Enregistré le : jeu. 25 juin, 2015 17:44
- Mon piano : Yamaha GA1
- Localisation : Oise
Re: Appréciez-vous des méchants ?
J'ai suivi très attentivement vos échanges qui sont très intéressants et en fouillant un peu sur la toile j'ai déniché cet article que j'ai lu et qui me paraît assez intéressant en rapport à la discussion engagée en élargissant le débat au niveau des états et de l'utilisation de la musique dans un contexte politique (ici le nazisme)
http://www.musicologie.org/publirem/coa ... ation.html
http://www.musicologie.org/publirem/coa ... ation.html
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Merci Mieuvotar pour cet avis aussi perspicace que unique dans les discussions précédents. Tu as cerné parfaitement le coeur du problème.mieuvotar a écrit :
Les thèmes d'opéra de Wagner, écrits par Wagner lui-même, n'ont pas été choisis au hasard, simplement parce qu'ils se prêtaient bien à son inspiration ou à sa créativité musicale du moment. Il y a un vrai message politique et idéologique derrière, que la structure narrative assène à base de mythes, de cultes mystico-magiques, en faisant s'opposer héroïsme et veulerie, grandeur et abjection, courage et pusillanimité, sur-hommes aryens et sous-hommes au nez crochu (et que dire des femmes !). Et le message suprématiste est bien présent. Ce n'est pas l’interprétation d'autres exégètes qui fabrique ce message ex nihilo ou qui le transpose au gré de ce que cet autre souhaite lui faire dire. Il est bien là, bien présent, ce message éminemment suprématiste, raciste, méprisant à l'égard du faible et suscitant le culte du fort, écrit de la main et par la volonté même du compositeur.
D'autre part, le compositeur lui-même reconnaît que la musique entend servir le message (cf. le document que je mentionne plus bas). On sait bien d'ailleurs combien la musique peut être manipulatrice dans des phénomènes de masses... On n'est donc plus dans la seule beauté de la création musicale, mais bien dans une volonté idéologique et dans une lecture/vision du monde discriminante et suprématiste que l'auteur lui-même, Richard en personne, veut faire passer.
Moi. quand j'écoute Wagner, je n'arrive pas à faire abstraction de tout ça. Ses opéras me transportent, mais là où je n'ai pas du tout envie d'aller. Et ça me rend malheureux, parce que quand même, p.... qu'est que c'est beau parfois ! Mais je n'arrive pas à me faire Ulysse et résister au chant des sirènes...
PS: en réfléchissant après la lecture du "pavé" d'Oupsi", j'ai un peu exploré la toile sur ce sujet, et suis tombé sur cet article, que j'ai trouvé intéressant et qui touche à plusieurs endroits à ce dont on discute ici : Musique, idéologie et société - Richard Wagner - essai sur la transformation de l’art
.
On parlait de Gotterdamerung pendant la guerre civile et la fin d'ésclavage aux Etats-Unis, c'est pourquoi j'ai toujours éviter le découvrir. Je suis ignorant de l'oeuvre de Wagner, différemment que vous.
Je suis en train de lire ton lien, merci.
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
- jean-séb
- Messages : 11282
- Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
- Mon piano : Yamaha C3
- Localisation : Paris
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Pour ma part, je trouve cette discussion tout à fait en décalage avec MA pratique de Wagner. La boutade de Woody Allen n'est qu'une boutade et il n'y a rien dans la musique de Wagner qui me donne des envies d'envahir quelque pays que ce soit, rien qui me donne des idées de surpuissance, personnelle ou collective. Les livrets sont assez benêts, et je ne cherche pas à les étudier au-delà de ce qu'ils racontent, énième résurgence de mythes éternels. Pour moi, ils sont dans la droite ligne des tragédies grecques, marquées par le destin mais émaillés aussi des mille sentiments de la vie humaine, amour, jalousie, vengeance, cupidité, désir de sainteté ou de meurtre, fidélité, trahison, bref, rien que du déjà vu, mais mis en musique d'une manière merveilleuse, car il n'est rien de plus beau pour moi que le glissement perpétuel des harmonies dans la musique de Wagner, on est balloté sans fin dans un maelstrom de sons à la fois instable mais implacable, qui bizarrement n'est pas sans me rappeler l'avance implacable des grandes fugues pour orgue de Bach (c'est mal barré pour toi, Lee !). Oui, en définitive, je crois que c'est la caractéristique essentielle de ce que j'entends dans Wagner, l'inéluctabilité, mais c'est un thème qu'on trouve dans toutes les littératures de tous les pays et de tous les temps.
De même que certains sons font vibrer des plaques selon un motif caractéristique ou éclater des verres, en fonction de la nature propre des objets, la musique fait vibrer (ou non) des émotions, des impressions qui sont déjà en moi, qui me sont intrinsèques, et qui ne sont pas en fait liées au compositeur mais bien à ma propre nature. La musique n'est que le révélateur, l'excitateur de MON univers ; je n'entre jamais, en principe, dans celui du compositeur.
De même que certains sons font vibrer des plaques selon un motif caractéristique ou éclater des verres, en fonction de la nature propre des objets, la musique fait vibrer (ou non) des émotions, des impressions qui sont déjà en moi, qui me sont intrinsèques, et qui ne sont pas en fait liées au compositeur mais bien à ma propre nature. La musique n'est que le révélateur, l'excitateur de MON univers ; je n'entre jamais, en principe, dans celui du compositeur.
- Arabesque44
- Messages : 3912
- Enregistré le : lun. 07 oct., 2013 18:11
- Mon piano : Bechstein 175 Yamaha 155P
- Localisation : Nantes
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Ouf, tu me rassures, Jean-séb!
On peut aussi faire le rapprochement avec les grandes fresques qui soulèvent encore l'enthousiasme des foules de tout âge ( Star Wars, le Seigneur des anneaux, Excalibur ...puisent à la même source d'inspiration que la Tétralogie: anneau magique, jumeaux séparés- mais Georges Lukas lui, évite l'inceste de peu
-, épée coincée dans une souche )
Et on n'est pas "raciste" lorsqu'on éprouve un sentiment d'appartenance à un groupe, c'est un raccourci ridicule!
Je ne vois rien de guerrier chez Wagner, les combats ne sont pas souhaités par les héros, mais subis comme une fatalité.
Pas vraiment de misogynie non plus, en tous cas, "elles en ont", ces dames! ( dans "La Walkyrie "par exemple, Wotan est bien malmené par sa femme et sa fille, et Sieglinde n'hésite pas à succomber et à larguer son affreux mari dès le premier soir
)
Evidemment dans d'autres opéras , que je connais moins (Parsifal, Tannhäuser) la femme est plutôt "diabolisée" en horrible tentatrice.
On peut aussi faire le rapprochement avec les grandes fresques qui soulèvent encore l'enthousiasme des foules de tout âge ( Star Wars, le Seigneur des anneaux, Excalibur ...puisent à la même source d'inspiration que la Tétralogie: anneau magique, jumeaux séparés- mais Georges Lukas lui, évite l'inceste de peu

Et on n'est pas "raciste" lorsqu'on éprouve un sentiment d'appartenance à un groupe, c'est un raccourci ridicule!
Je ne vois rien de guerrier chez Wagner, les combats ne sont pas souhaités par les héros, mais subis comme une fatalité.
Pas vraiment de misogynie non plus, en tous cas, "elles en ont", ces dames! ( dans "La Walkyrie "par exemple, Wotan est bien malmené par sa femme et sa fille, et Sieglinde n'hésite pas à succomber et à larguer son affreux mari dès le premier soir

Evidemment dans d'autres opéras , que je connais moins (Parsifal, Tannhäuser) la femme est plutôt "diabolisée" en horrible tentatrice.
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Jean-Séb écrit merveilleusement sur Wagner. C'est d'ailleurs grâce à toi que je suis tombée dans la potion magique wagnérienne puisque c'est en te lisant ici il y a quelques années que j'ai eu envie d'aller voir mon premier opéra de Wagner, ce que j'ai pu faire lors d'un voyage à Berlin. Grand souvenir d'émotion musicale au fil du rasoir, envoûtant, merveilleux.
La possibilité même de ces émotions, leur richesse et intensité soutiennent l'hypothèse que l'univers musical et l'univers idéologique sont bien distincts.
La possibilité même de ces émotions, leur richesse et intensité soutiennent l'hypothèse que l'univers musical et l'univers idéologique sont bien distincts.
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Merci Pianojar pour ton article, très intéressant aussi (j'ai juste un peu décroché sur les conclusions finales, comme Oupsi, je ne sens pas assez calé pour tout bien appréhender).
Ce n'est bien évidemment pas le sentiment d'appartenance qui définit le racisme. Ce n'est que quand ce dernier se transforme en sentiment de supériorité et donc devient principe d’exclusion, d'ostracisme & discrimination de ceux qui n'appartiennent au même groupe que ça devient racisme.
Jean-Séb: je comprends très bien ton point de vue aussi. Tu arrives à être l'Ulysse que j'évoquais et je t'envie. Je dis juste que dans mon cas, j'ai beaucoup de mal à séparer les choses et à réussir à ne pas entendre que la beauté de sa musique. Mais c'est tout à fait perso, et je ne vais vouer aux gémonies les amateurs de Wagner considérant qu'ils partagent tous ses idées...
Tu as tout à fait raison avec cette platitude. Personne n'a fait ce raccourci, heureusement.Arabesque44 a écrit :Et on n'est pas "raciste" lorsqu'on éprouve un sentiment d'appartenance à un groupe, c'est un raccourci ridicule!
Ce n'est bien évidemment pas le sentiment d'appartenance qui définit le racisme. Ce n'est que quand ce dernier se transforme en sentiment de supériorité et donc devient principe d’exclusion, d'ostracisme & discrimination de ceux qui n'appartiennent au même groupe que ça devient racisme.
Jean-Séb: je comprends très bien ton point de vue aussi. Tu arrives à être l'Ulysse que j'évoquais et je t'envie. Je dis juste que dans mon cas, j'ai beaucoup de mal à séparer les choses et à réussir à ne pas entendre que la beauté de sa musique. Mais c'est tout à fait perso, et je ne vais vouer aux gémonies les amateurs de Wagner considérant qu'ils partagent tous ses idées...
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Techniquement, si. On est raciste dès lors qu'on fait un distinguo entre les races, quel qu'il soit. C'est pourquoi nous sommes tous plus ou moins racistes, qu'on le veuille ou non, mais ce n'est pas forcément répréhensible. Ce qui l'est, comme tu le dis bien, c'est de s'appuyer sur ce racisme pour faire de la discrimination, de l'exclusion, de la persécution, etc.mieuvotar a écrit :Tu as tout à fait raison avec cette platitude. Personne n'a fait ce raccourci, heureusement.Arabesque44 a écrit :Et on n'est pas "raciste" lorsqu'on éprouve un sentiment d'appartenance à un groupe, c'est un raccourci ridicule!
Ce n'est bien évidemment pas le sentiment d'appartenance qui définit le racisme...
A noter aussi que le racisme ne peut être lié qu'à la race, même si talibans de la pensée inventent de nos jours toutes sortes de racismes dès lors qu'il y a conflit de culture, de génération, de sexe, de religion, d'opinion politique, etc., etc.
- xavier91
- Messages : 777
- Enregistré le : mar. 11 mars, 2008 13:40
- Mon piano : Pleyel Erard Seiler
- Localisation : Ile-de-France (91)
- Contact :
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Tout à fait. Pour Chopin, l'antisémitisme était extrêmement courant en Pologne, pour ne pas dire culturel et systématique. Cela n'excuse pas vraiment, mais ça relativise.Midas a écrit :Il faut arrêter de juger les gens d'autres époques selon nos critères d'aujourd'hui, c'est tout simplement ridicule. D'ici un siècle, au prochain changement de "paradigme" (le mot à la mode, disons plutôt d'échelle de valeurs), nombre d'entre nous seront devenus d'horribles anti-quelque chose de pas flatteur.
Quant à G. Gould, il y a quelques années (sur Arte ou F(R)3) je l'ai clairement entendu dire que l'homme du Nord était supérieur à l'homme du Sud. Et dans ses paroles je ne suis pas sûr qu'il s'agissait d'une comparaison entre Bach et Vivaldi. Dire ça dans les années 60 c'est déjà plus... discutable. Et du coup, souvent je pense à ça quand je l'entends.
Lors d'une longue émission sur S. Richter, il était question du Triple de LvB, dirigé par Karajan, avec Richter, Oistrakh et Rostropovitch. Richter (qui n'était certes pas un marrant) avait critiqué sévèrement Karajan pour avoir rendu pénible les répétitions et l'enregistrement de cette oeuvre à cause du mépris raciste de Karajan. Pas facile d'oublier ça quand on entend partout que Karajan est le plus grand (ce qui n'empêche pas, finalement).
Pleyel n°3 et quelques Erard
http://www.fanderard.org
http://www.fanderard.org
Re: Appréciez-vous des méchants ?
J'étais curieuse de Thomas Adès, le compositeur contemporain qui a crée Variations for Blanca pour le concours Clara Haskil. J'ai trouvé un entretien avec un critique acerbe de Wagner, et la musique et l'histoire que sa musique raconte. Accuser Wagner d'être une mycose est au moins originale.

http://www.theguardian.com/books/2012/s ... homas-adesTA: It's too psychological. I'm thinking of The Ring more than Tristan, there's an awful lot of psychology in it which I find tedious. And naive, in a sort of superficial way. I mean, so much of Parsifal is dramatically absurd, which would be fine if the music was aware of the absurdity, but it is as if the whole piece is drugged and we all have to pretend that it's not entirely ridiculous. And it seems to me that a country that can take a character as funny as Kundry seriously, this woman who sleeps for aeons and is only woken up by this horrible chord, a country that can seriously believe in anything like Parsifal without laughing, was bound to get into serious trouble.
You're obviously not convinced by the music?
TA: I don't find Wagner's an organic, necessary art. Wagner's music is fungal. I think Wagner is a fungus. It's a sort of unnatural growth. It's parasitic in a sense – on its models, on its material. His material doesn't grow symphonically – it doesn't grow through a musical logic – it grows parasitically. It has a laboratory atmosphere.
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
- jean-séb
- Messages : 11282
- Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
- Mon piano : Yamaha C3
- Localisation : Paris
Re: Appréciez-vous des méchants ?
J'aime généralement beaucoup la musique d'Adès. Cet extrait est très beau.Lee a écrit :J'étais curieuse de Thomas Adès, le compositeur contemporain qui a crée Variations for Blanca pour le concours Clara Haskil. J'ai trouvé un entretien avec un critique acerbe de Wagner, et la musique et l'histoire que sa musique raconte. Accuser Wagner d'être une mycose est au moins originale.![]()
Par contre, je ne comprends pas grand chose à ce qu'il raconte dans l'interview.
- Moderato Cantabile
- Messages : 1573
- Enregistré le : ven. 01 juil., 2011 13:48
- Mon piano : Erard 1 - Seiler 206
Re: Appréciez-vous des méchants ?
J'aime généralement une (petite) partie de la musique de Wagner .
Ce qui ne m'empêche pas d'être entièrement d'accord avec Ades !!
Je n'aurais pas dit mieux !
Ce qui ne m'empêche pas d'être entièrement d'accord avec Ades !!

Je n'aurais pas dit mieux !

"Il faut que cela soit si gai , si gai , que l'on ait envie de fondre en larmes ."
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Si j'ai compris, il trouve les histoires et la musique de Wagner trop iréels et déconnectés, dans leur monde particulier ou leur bulle...jean-séb a écrit : Par contre, je ne comprends pas grand chose à ce qu'il raconte dans l'interview.
Ça me parle un peu, pas pour Wagner (je ne peux pas dire comme j'écoute pas encore) mais je me demande si c'est pourquoi j'ai du mal avec Ravel, il y a ce coté iréel et parfait. Si on reste avec l'opéra, les histoires des opéras que j'adore sont très dramatiques mais on peut imaginer arriver dans la vraie vie : l'amour, la tromperie, le trahison, la jalousie, la mort, la violence...au lieu de la fantastique.
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
- jean-séb
- Messages : 11282
- Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
- Mon piano : Yamaha C3
- Localisation : Paris
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Mais c'est EXACTEMENT le sujet du ring de Wagner, par exemple. Ou celui de Tristan et Iseult.Lee a écrit :Si on reste avec l'opéra, les histoires des opéras que j'adore sont très dramatiques mais on peut imaginer arriver dans la vraie vie : l'amour, la tromperie, le trahison, la jalousie, la mort, la violence...
Re: Appréciez-vous des méchants ?
Der Ring n'est dans un monde iréel de magie avec des nains et dragons ? Bon, je n'imagine pas ça dans la vraie vie. Par contre le monde de La Traviata ou La Bohème par exemple, si. La question est si la musique de Wagner réflète ce monde fantastique, je crois Adès veut dire ça. Et en plus que Wagner est (trop) long... 

“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington