CHALLENGE PM 1 : Albeniz

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Wladyslaw
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Wladyslaw »

C'est sur ... ça demande un travail de fourmi...
Le boeuf est lent mais la terre est patiente ... (Proverbe Chinois)

"On obtient plus de chose en étant poli et armé qu'en étant juste poli" (Al Capone)
nox
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par nox »

=D>
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Okay
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Okay »

Bon ca y est, je me suis fichu El Albaicin sous le crâne et j'ai commencé à bosser le son et l'aisance.
Je ne sais pas ce que ça donnera en public dans 10 jours, mais après 4 prises à l'abri des regards, j'en ai une de bien mieux que les autres où je n'ai pas mis grand chose à côté.
Avis bienvenus, mais sans tenir compte du délai d'apprentissage express, comme si c'était une version finale.
(Lavapies va me prendre autrement plus de temps... car il me fait autrement plus ramer)

El Albaicin
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Wladyslaw
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Wladyslaw »

Bravo Okay :-)
Le boeuf est lent mais la terre est patiente ... (Proverbe Chinois)

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nox
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par nox »

Eh ben chapeau d'avoir obtenu ce beau résultat en si peu de temps !
Même si c'est, comme tu me l'as dit, une des pièces les plus abordables du recueil, ça reste du beau Albeniz, et donc une belle performance pianistique !

Bon, je suis hyper déçu, parce que j'avais quelques remarques précises (principalement des basses qui manquaient d'ampleur à un moment, et des endroits qui manquaient de fondus), mais je me rends compte que je n'ai aucun numéro de mesure ni aucune indication...du coup c'est un peu fastidieux...
Globalement, je trouve que ça manque de contraste (par exemple les FF strepitoso sur les triolets de doubles à la main gauche, au début - 3ème page dans mon édition), entre les passages lyriques, les accents "frappés" dans l'esprit du flamenco, et les passages "grattés". Je trouve que d'une manière générale, il faut en mettre plus, lâcher les chevaux. Ceci dit je pense que la prise de son écrase beaucoup.
Du coup je réserve mes avis pour une prochaine écoute "en direct" !

Bravo en tout cas
Spianissimo
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Spianissimo »

nox a écrit :Eh ben chapeau d'avoir obtenu ce beau résultat en si peu de temps !
Même si c'est, comme tu me l'as dit, une des pièces les plus abordables du recueil, ça reste du beau Albeniz, et donc une belle performance pianistique !

Bon, je suis hyper déçu, parce que j'avais quelques remarques précises (principalement des basses qui manquaient d'ampleur à un moment, et des endroits qui manquaient de fondus), mais je me rends compte que je n'ai aucun numéro de mesure ni aucune indication...du coup c'est un peu fastidieux...
Globalement, je trouve que ça manque de contraste (par exemple les FF strepitoso sur les triolets de doubles à la main gauche, au début - 3ème page dans mon édition), entre les passages lyriques, les accents "frappés" dans l'esprit du flamenco, et les passages "grattés". Je trouve que d'une manière générale, il faut en mettre plus, lâcher les chevaux. Ceci dit je pense que la prise de son écrase beaucoup.
Du coup je réserve mes avis pour une prochaine écoute "en direct" !

Bravo en tout cas
Je suis allé t'écouter Okay et franchement, c'est magnifique =D> , tu dis que c'est une des pièces les plus abordables du recueil, je veux bien mais ce recueil est un des grands chevaux de bataille de tout pianiste de concert. Alors, je vais te donner mon avis, mais soyons bien d'accord, si il y a quelqu'un qui doit donner des conseils à l'autre, c'est toi...car je suis loin de ton niveau... si je peux me permettre une remarque de mélomane, je suis d'accord avec Nox, sur le manque de contrastes, une chose est de le dire, une autre est de le faire. Je suis allé t'écouter et j'ai écouté d'autres versions sur YT, dont une avec la partition, ça regorge de triples, quadruples et quintuples pianissimo mis en opposition avec des doubles ou triples fortissimo. On sent que tu ne te lâches pas suffisamment pour exprimer ces nuances à fond, mais peut-être que la prise de son y est pour quelque chose. D'autres part, la performance sur les contrastes des versions que je suis allé écouter par des pros, ne me semble pas plus nuancée que ta version et il faut je pense avoir une immense maîtrise technique du morceau avant de pouvoir libérer des nuances plus fines. En plus, je crois que tu joues sur numérique....donc, pour les nuances, y'a peut-être plus de facilités à les exprimer sur un acoustique même si ton piano à l'air super. Un grand bravo à toi donc et c'est un projet très ambitieux mais passionnant de jouer ce cycle d'Albeniz.
C'est sympa de parler mais jouons maintenant...
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Okay
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Okay »

Merci beaucoup à vous deux pour ces premiers retours.

Pour préciser, c’est joué sur un quart Kawai dont le clavier pèse trois tonnes mais qui permet beaucoup de choses sur le son, et filmé avec mon iPhone. Il est possible qu’une partie des nuances ait été écrasée à la fois par le micro et par la compression, à voir. J’ai travaillé sur l’édition Dover et imprimé celle de Luis Fernando Perez (quelques variantes de texte importantes, je vais faire encore d’autres changements).

Cependant oui, il y a encore beaucoup de contrôle, un tas de choses viennent juste à peine d’être mises en place, sans même compter mes difficultés initiales de stabilité rythmique. Impossible de lâcher plus à ce stade, ça ira sans doute mieux dans une semaine. Oui aussi, il manque encore du contraste dans le caractère des différentes sections. Mais vous avez raison, j’ai demandé un retour ne prenant pas en compte la fraicheur de ce travail, donc merci d’avoir pointé ce qui s’entend d’emblée, c’est exactement ce dont j’avais besoin pour gagner du temps.
Spianissimo a écrit :si je peux me permettre une remarque de mélomane
Les remarques de "mélomane" me sont bien plus utiles que les remarques de "pianiste", même s'il se trouve que le mélomane en question est aussi pianiste. Même si ce n'est pas impeccable, en général j'ai pas mal d'idées pour régler les détails et problèmes techniques. Par contre je manque terriblement de recul sur l'impression globale de quelqu'un qui écoute pour la première mon interprétation (j'ai la tête dedans, et mon écoute n'est jamais 100% dissociée). C'est généralement sur ça que j'ai vraiment besoin d'oreilles extérieures, et ce type d'écoute est quand même assez (voire complètement) indépendant du niveau pianistique.
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Oupsi
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Oupsi »

Pour les nuances et les contrastes dans cette pièce, je pense que si je travaillais ce morceau j'essayerais de penser que ce ne sont pas des contrastes dramatiques mais des contrastes de sensualité; il faut vraiment imaginer un promeneur enchanté dans ce quartier un peu escarpé de Grenade, avec les parfums, les jeux de lumière très intenses, la vie un peu grouillante mêlée à une élégance ancienne, une sorte d'aristocratie de la rue, les sensations se suivant, s'enchaînant, comme lorsqu'on change de rue et que tout à coup on passe de la lumière à l'ombre, ou d'une place pleine de monde à une ruelle un peu déserte où l'on n'entend que les échos, et où tout cela est voluptueux de la première à la dernière note.

En tout cas bravo, c'est déjà hyper en place et le reste viendra très vite j'en suis sûre :D .
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Okay
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Okay »

Merci beaucoup pour cette très belle évocation tout aussi saisissante qu'inspirante. J'oublie trop qu'Iberia est de la musique impressionniste, quasiment à l'égal d'un Debussy.
Là à ce niveau de poésie, faut vraiment parvenir à oublier le texte pour s’immerger dans cette promenade rêvée, idéalement se trouver en public, et jouer un bon piano ne gâte rien. Les 2 dernières conditions - matérielles - sont évidemment plus faciles à remplir que la première... mais le challenge me plait !
Spianissimo
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Spianissimo »

Okay a écrit : Pour préciser, c’est joué sur un quart Kawai dont le clavier pèse trois tonnes mais qui permet beaucoup de choses sur le son, et filmé avec mon iPhone.
.
Je me disais aussi que, pour un numérique, c'était assez exceptionnel de pouvoir faire ressortir de telles nuances...même si les numériques sont maintenant d'un niveau de précision assez remarquables pour du son "enregistré". Je suis désolé car je m'éloigne un peu du fil, mais es tu satisfait de ton Yamaha AvantGrandN1, car le prix est un petit peu glaçant pour un numérique..? si tu t'es déjà exprimé là dessus, tu peux me renvoyer sur le bon fil. Merci.
C'est sympa de parler mais jouons maintenant...
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Okay
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Okay »

Spianissimo a écrit :es tu satisfait de ton Yamaha AvantGrandN1, car le prix est un petit peu glaçant pour un numérique..? si tu t'es déjà exprimé là dessus, tu peux me renvoyer sur le bon fil. Merci.
Tu peux regarder ce fil.
Très rapidement : j'en suis extrêmement satisfait dans la mesure où je ne peux pas avoir de piano acoustique chez moi. C'est à mon avis la meilleure option numérique possible, mais je ne pourrais pas du tout me contenter de travailler exclusivement sur le N1. Il me faut minimum un passage par semaine sur acoustique pour garder mes sensations et les reproduire sur le N1, et dans la mesure du possible une fois tous les mois ou deux mois sur un très bon piano (il y a à peu près autant d'écart entre contrôler un Steinway et un droit correct, qu'un droit correct et un N1).
Pour le prix, je n'ai pas trop d'avis... il ne m'a pas coûté grand chose puisque je l'ai presque totalement financé par la vente de mon ancien U3 Silent. Mais ça n'a aucun rapport avec un numérique haut de gamme, c'est totalement autre chose, il y a une vraie mécanique de piano à queue sous le capot et la bête pèse 120 kilos...
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par fourmi »

Bravo pour la performance en aussi peu de temps. J'hésite un peu à critiquer car l'art est difficile...

Globalement je suis d'accord avec les avis précédents, je trouve que ça manque un peu de contraste.

Pour rejoindre Oupsi, moi, je n'imagine pas me promener mais je suis assis en train de savourer la fraicheur retrouvé du soir et soudain, je commence à entendre de la musique sortir d'une maison pas loin.
Je pense que c'est ça qu'il veut quand il écrit d'une part "Allegro assai ma melancolico" et d'autre part
"petite pédale et très estompé" puis toujours nonchalant. Personnellement je joue ce début pas staccato mais juste détaché, je trouve qu'il faut essayer de trouver le côté melancolico et estompé, comme si le son venait d'abord de très loin. Mais je trouve aussi que ce début est très difficile. Il est très difficile de capter instantanément l'auditeur sur cette première page, mais une bonne partie de l'ambiance se joue sur ce début. On peut je pense commencer à bien sentir le staccato à partir de la mesure 29. En revanche à partir de la mesure 34, je sens les staccato plus sec que tu ne les fais, particulièrement mesures 42, 44 et 46-48.
A partir de 49, je pense que les mesures typiquement guitare flamenco doivent être plus marquées sur les accents et les sf. Et en 58, 60, je pense qu'on pourrait entendre les accords de la main droite plus sec, arrachés. Mais c'est juste mon sentiment.

Bon je ne vais pas tout critiquer, c'est déjà très bien ce que tu as sorti. Et je ne suis pas sûr que tu ais pu faire ce que tu voulais sur ce piano, que l'on sent effectivement un peu lourd. Juste une dernière. Essaye d'appuyer un peu plus le fa dans la deuxième mesure céleste 80 et vois si ça te plait... Moi je trouve que ça aide le céleste.

Bon courage, en tout cas.
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Okay
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Okay »

On est tous d'accord que l'art est difficile, mais ça ne doit pas inhiber l'esprit critique, surtout lorsqu'il est sollicité ! Donc merci beaucoup d'avoir pris le temps d'écouter et commenter.

Le début est en effet très difficile à "créer", et le problème auquel je suis désormais confronté est simplement de décider ce que je veux vraiment en faire. Au départ, il a fallu parvenir à la stabilité rythmique, égaliser le son dans le pianissimo (virer les faux accents et les trous, y'en avait plein), et rendre un minimum de phrasé. J'ai réécouté Alicia, et je vais sûrement lui piquer l'idée de l'accent sur la 2e croche suivi d'un diminuendo en fin de mesure. Quant au staccato par rapport au détaché, j'ai déjà réduit le côté "piqué", et je ne sais pas si je vais aller au delà encore... (il faut tester sur un bon piano pour se rendre compte de ça). A ce stade, je cherche surtout une manière de rendre ce début vivant (mais "triste") tout en gardant ces lignes imperturbables rythmiquement, et les moyens à employer sont encore assez flous dans mon esprit. Il est possible que je commence par un tout petit peu ralentir mon tempo, qui est sûrement à la limite rapide de ce qu'on peut faire dans cette pièce...
D'accord avec toi pour les passages "flamenco", j'ai changé ça, c'est bien plus scandé désormais. J'oubliais que pour réaliser un accent, il ne suffit pas de jouer plus fort, il faut aussi l'installer au fond du temps. Pour les accords secs, tu as raison aussi, ça reste un peu difficile à faire dans la force et la précision avec les mains enchevêtrées (faire un arrangement tue l'effet sonore ici), mais j'ai simplifié le geste donc ça vient. Timbrer le 2e fa dans les carillons célestes, je n'ai pas trop aimé... je préfère que ça reste homogène et sans scission, afin de garder les plans sonores très clairs et laisser ces carillons "éloignés"...
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JPS1827
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par JPS1827 »

J'ai enfin réussi à l'écouter en entier avec ma connexion internet un peu incertaine. Cette pièce prend une épaisseur certaine dans la chaleur moite à peine chassée par un petit vent du soir au bord du lac de Côme.
C'est très bien joué, une belle interprétation qui pourrait être donnée en concert ; on t'a déjà fait quelques remarques de détail, et je n'ai pas envie de parler de ça ce soir.

Il y a deux choses qui je pense pourraient te servir, qui ne sont d'ailleurs pas indépendantes.
- d'abord quand une œuvre a été jouée de façon remarquable par une interprète qui a un peu éclipsé les autres références discographiques (je parle bien sûr d'Alicia de Larrocha), nous avons tous tendance à suivre la voie tracée par cette version, sans forcément vouloir l'imiter, mais c'est quand même une voie qui pèse lourd dans l'idée qu'on peut se faire de l'œuvre, et on a tendance à observer cette interprétation à la loupe pour en éclaircir les mystères.
- ensuite, je pense qu'avec l'Evocation (un peu), El polo, et Jerez, beaucoup (et aussi Eritana, qui selon Jankelevitch serait "l'autre face" des mystères de Jerez), c'est une des pièces d'Iberia dans lesquelles le duende est le plus présent. Je ne reviens pas sur ce qu'est le duende, ceux qui sont intéressés peuvent lire la merveilleuse transcription de la conférence qu'avait donnée Garcia Lorca sur le sujet (parue en français chez Allia). Il y dit au milieu d'une foule d'autres choses que le duende naît d'une rencontre entre celui qui chante, ce qu'il chante, et son public et que c'est quelque chose qui ne peut s'expliquer mais qui se reconnaît immédiatement. Je pense qu'il y a incontestablement du duende dans les interprétations d'Alicia de Larrocha, il y a en aussi par moment dans la tienne (il y en a aussi à mon avis dans les enregistrements de Ricardo Requejo, je suis moins convaincu par Gonzales et Unwin, et je n'ai jamais entendu Orozco) ; mais maintenant il faut que te l'appropries complètement, ton duende n'est pas celui d'Alicia, il faut que tu cherches quels sont les accords que tu vas arracher, ceux auxquels tu vas donner une profondeur sensuelle, quels lointains tu vas faire écouter dans un passage à l'unisson et quel côté désabusé tu vas donner à tel autre. Sur ce chemin tu es absolument seul, chaque fois que tu auras "choisi" un effet il sonnera faux, il faut qu'il s'impose à toi, il faut que tu puisses être sûr que c'est toi qui joues, sans jamais te demander si c'est licite, correct ou simplement musical de mettre en œuvre une idée qui te viendrait (je te fais confiance pour que la mise en œuvre soit parfaite). Tu auras pour guide les suggestions d'Oupsi. Si tu ne t'es jamais promené dans l'Albaicin, regarde des photos sur le web, beaucoup, essaie d'imaginer les bruits et les bouffées de musique qui parviennent au promeneur, ces petits restaurants où on trouve si souvent un guitariste et d'autres musiciens, ces maisons creusées dans le calcaire de la colline… Selon Falla "la suite Iberia rappelle une époque à jamais disparue, dont elle montre la véhémence et la mélancolie".
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Okay
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Okay »

Je t’assure que l’ayant montée pendant la semaine de canicule parisienne (deux jours à 40° à l'ombre), il y avait aussi une atmosphère de réalisme dont je me serais très bien passé !

Merci beaucoup pour ce post absolument passionnant et très instructif. C’est la première fois que j’entends parler de cette notion de duende (jamais vu ce mot de ma vie). En te lisant au début, je pensais que c’était un peu l’équivalent hispanique du zal polonais. Quelques recherches et lectures montrent que c’est un concept beaucoup plus vaste, qui va bien au-delà des considérations musicales ou même artistiques. Je pense avoir capté le concept (le développer c'est une autre histoire...). Passionnant de découvrir tout ça.

Je suis très sensible à l’idée d’être seul face à ça, dans le sens où piocher des inspirations chez d’autres interprètes, aussi légendaires soient-ils, pose un immense problème de cohérence. Je le faisais beaucoup inconsciemment plus jeune (j’écoutais beaucoup plus d’enregistrements qu’aujourd’hui, et en boucle). Mon prof me disait souvent "ce que tu fais dans cette mesure, c’est un tic de disque". Je ne m’en rendais pas compte, mais a posteriori il avait systématiquement raison. Après le cours je reprenais la ou les versions que je connaissais et devais reconnaître que j’avais attrapé un mouvais "tic", et que ce que je faisais sonnait pastiche raté. Ca ne m'appartenait pas du tout, sans le réaliser, j'étais un perroquet. Comme tu le dis, ça s’entend tout de suite quand on ne parle pas de sa propre voix. On peut s’inspirer de ce que font les grands artistes, mais il faut être certain d’internaliser leurs idées, de pleinement se les réapproprier, et que tout se passe comme s’il révélaient quelque chose qui était déjà en nous. Essayer de les reconstruire en analysant ce qu’ils font pianistiquement, ça ne marche pas.

Alors oui, s’immerger dans la poésie et les ramifications extra-musicales d’une œuvre, ça peut aider à acquérir une certaine sensibilité, de développer un goût qui n’est pas encore affûté. Ces éléments permettent d’être plus proches d‘une esthétique aussi particulière, et on ne peut probablement pas jouer cette musique de façon convaincante sans sentir tout ça. Comme tu le suggères, je le sens un peu et ne suis pas complètement étranger à cet univers, mais ce n’est pas non plus ce qui coule dans mes veines au naturel, ni l’univers qui résonne vraiment en moi. Alors que dans la moindre page de Scriabine par exemple, je rentre beaucoup plus naturellement dans le "personnage" et le son vient presque tout seul, pour tout un tas de raisons personnelles. Même si les pianistes espagnols ne sont pas les seuls à bien saisir ce ton si particulier, je pense qu’ils ont indéniablement une avance culturelle. Alicia a joué énormément de compositeurs, mais serait-elle une pianiste si adulée sans ses interprétations magistrales d’œuvres espagnoles ?
En fait ce n’est pas comme essayer de jouer Rachmaninov en n’ayant qu’une vague idée de ce qu’est l’âme russe, ou Schumann en ignorant tout de l’imaginaire romantique allemand… là je crois que ça pourrait marcher quand même. Je réalise que la musique espagnole est peut-être une exception. C’est trop spécifique, pour être vraiment compris il faut sans doute parvenir à attraper l’accent local et pour de bon, ou être un vrai caméléon polyglotte comme Rubinstein...
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JPS1827
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par JPS1827 »

Bien sûr il ne t'échappe pas que ce qui a trait au duende peut être appliqué à l'interprétation musicale en général. Je suis d'accord avec toi sur le fait qu'il y a toutefois dans cette musique d'Albeniz une différence avec d'autres musiques : chez les classiques et romantiques il y a d'une part la forme, et d'autre part la notion même d'interprétation musicale qui viennent au secours du pianiste qui évolue au milieu de références plus ou moins solides, léguées par une ou plusieurs traditions. Pour les russes comme Rachmaninoff ou Scriabine c'est plus subtil mais je crois que nous nous accrochons bien plus au "pianisme" de ces œuvres, qui nous aide incontestablement, plutôt qu'à l'idée de "transcrire l'âme russe" (c'est peut-être à cause de cette incompréhension de l'âme russe que le 1er concerto de Tchaikovsky m'est si étranger, qu'il me paraît sacrifier à une sorte de kitsch musical, mais bizarrement j'aime beaucoup le trio du même Tchaikovsky ou le sextuor "Souvenir de Florence"). Chez Albeniz, la forme n'est pas d'un grand secours, la répétition est la règle, de façon plus ou moins obsédante (de ce côté El albaicin me paraît l'une des pièces les plus réussies d'Iberia), l'harmonie est originale (l'emploi constant de l'accaciature a été maintes fois souligné) mais devient un peu prévisible quand on s'habitue à sa musique, la difficulté pianistique intéresse plus les pianistes que les auditeurs (comme je l'ai souvent fait remarquer), d'autant qu'elle est moins apparente et moins spectaculaire que chez les russes (je me rappelle avoir été surpris en apprenant ado par ma prof que Triana, ou Jerez, que je connaissais bien, était des pièces difficiles). Disons que dans ces autres œuvres, il est peut-être moins "vital" de parler de sa propre voix et que les grands interprètes donnent des pistes qu'on peut suivre au moins en partie en restant musicalement sincère (on peut s'approprier ces pistes). On pourrait peut-être dire qu'Alicia de Larrocha a posé les jalons d'une "tradition" dans l'interprétation d'Iberia, mais je pense qu'ici on ne peut pas s'approprier sa manière, d'où l'importance de chercher avec liberté (pour un passage d'Iberia, je crois que je n'hésiterais pas à écrire que mieux vaut une inspiration manquée qu'une imitation réussie, ce qui me paraîtrait impensable pour Chopin par exemple).
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Oupsi
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par Oupsi »

Le Duende c'est un mode de vie, une possession, proche du Daimon grec, une déchirure, une douleur, quelque chose qui déborde l'être, un abandon, une joie aussi, une communication hors raison...
Dans le flamenco, une sorte de règle c'est qu'on ne se lève pour danser, on ne lève la voix pour chanter (le cante jondo, chant des profondeurs, colonne verticale de la voix), que si l'on en sent l'appel passionné. C'est pour ça que les moments s'enchaînent et s'appellent les uns les autres, et qu'il y a cette flamboyance de l'instant et cette gravité passionnée. Le rythme est à la fois l'incantation du sacré et la charge électrique du moment présent improvisé. Ça se répète mais c'est toujours incandescent, sur le fil du rasoir.
C'est une musique de princes.
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JPS1827
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par JPS1827 »

Merci Oupsi pour ce résumé de la notion de duende =D> =D>
fourmi
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par fourmi »

Oupsi, je pense qu'on n'a rien à t'apprendre pour ce qui est de la musique d'Abeniz... Tu la décris parfaitement. Je te rejoins surtout sur l'idée d'abandon.

Je be sais pas ce qu'est le duende mais ce que j'aime dans Iberia, c'est bien sûr la richesse, harmonique, ryhtmique, la poésie. En tant que pianiste j'aime l'écriture, précise, détaillée, mais laissant libre cours à l'interprétation. Pour moi il n'y a pas d'interprétation de référence, je suis toujours surpris et fasciné par ce que les musiciens peuvent trouver dans leurs interprétations. J'aime l'absence ou la simplicité de forme, l'invention d'une pièce à l'autre Mais surtout j'aime l'abandon qu'elle demande. Pour moi c'est une musique de l'abandon, puissamment évocatrice d'une idée à la fois mélancolique et quelque part nostalgique tout en restant très dynamique. Elle nécessite bien sûr une précision certaine mais surtout, une forme d'abandon controllé qui n'a rien à voir avec le romantisme ou l’impressionnisme à la Debussy. Une fois les difficultés maitrisées (ce qui n'est pas évident hélas), on doit complètement s'abandonner dans la musique, se laisser submerger par la passion comme dit Oupsi et c'est cet abandon, totalement instantané, très différent selon les personnes car il révèle la personnalité profonde, qui produit en fait des interprétations très différentes, certaines très analytiques, d'autres plus animales mais toutes passionnantes.
Bref je crois qu'il faut s'abandonner, en dehors de toute référence et là on trouvera ce que l'on peut exprimer de soi dans cette musique. Elle a été écrite pour ça. Le seul problème c'est que ce soit si difficile à jouer pour moi...
nox
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Re: CHALLENGE PM 1 : Albeniz

Message par nox »

Dans un autre registre, il y a un truc qui me fascine toujours, c'est à quel point cette composition est un ovni dans l'oeuvre d'Albeniz. J'ai joué un peu la suite España ce week-end, c'est vraiment de la musique gentillette. Il y a quelques sursauts qui évoquent de très loin des échos d'Iberia, mais sinon c'est vraiment le jour et la nuit.
De la part d'un compositeur ayant produit un cycle comme Iberia, on s'attendrait à trouver un vaste catalogue pianistique, avec une évolution plus ou moins marquée. Là on dirait vraiment qu'il a commencé à composer à la toute fin de sa vie (Iberia a été commencé en 1905, il est mort en 1909).
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