Concert Caen - enregistrements

[Okay]

Bonjour,

J'ai joué hier à l'université de Caen et ai pu assez correctement enregistrer en posant le micro sur une chaise au premier rang.
J'ai eu envie de reprendre le train dans l'autre sens quand j'ai vu que le piano était un SK5, car même si les SK sont toujours très colorés, je n'aime pas du tout la "réponse" de leurs claviers, assez pâteuse et inadaptée à un jeu fait de prises de risques. Mais en essayant celui-ci j'ai été extrêmement étonné, il était certes plus exigeant et difficile à contrôler qu'un Steinway, mais on a trouvé un beau terrain d'entente car le clavier était précis et juste marginalement trop lourd. Presque réconcilié avec SK.
Pour la première fois depuis de nombreuses années, je peux le dire, je n'ai pas eu le trac. Il devait y avoir un peu plus de 50 personnes. Le travail commence à porter ses fruits, mon taux d'imperfections en public a diminué avec du lâcher prise (c'est évidemment loin d'être parfait, plein de choses me déplaisent encore), et j'ai même pu surfer plusieurs vagues. J'ai pu prendre du plaisir à partager ma musique, en donnant peut-être ma plus belle Barcarolle jusqu'ici (alors que je ne l'avais pas touchée depuis 2-3 mois, l'ayant exclue de mes programmes, et ressortie du grenier pour ce programme décidé il y a plus longtemps), et ai assumé dans le Liszt toutes mes idées pas très raisonnables avec les risques qui vont avec. C'est ici :

Barcarolle

Rhapsodie Espagnole

[Jean-Luc]

Salut Okay,

Je suis en train d'écouter pour la 2ème fois la Barcarolle. Alors oui, il y a quelques toutes petites fautes/imprécisions, mais quelle interprétation! Pleine de couleurs, et beaucoup moins de précipitation par rapport aux précédents enregistrements. Je trouve que le SK sur lequel tu as joué te va très bien, tu arrives à en tirer un très beau son.
Juste une chose : la reprise du thème très lyrique à la fin est un peu rapide à mon goût, du coup ça manque un peu d'emphase et de relief par rapport à tout ce qu'on a entendu juste avant.

Les SK ont en effet des claviers très lourds, mais il y a des couleurs et une possibilité de nuances qui me plaisent beaucoup. Il n'y a jamais de son clinquant, c'est profond, et j'ai trouvé celui-ci particulièrement bien équilibré au niveau du timbre.

Bravo en tous cas!

[sylvie piano]

S'il vous plaît Okay, prêtez moi votre grenier magique, que j'y enfouisse pour deux ou trois mois quelques unes de mes pièces fétiches.... Quel est votre secret ?
Cette barcarolle nous emporte loin, un élan magnifique avec un parfait équilibre entre l'intime et le le brillant, la pudeur et le panache !
Beaucoup d'émotion pour moi.
Bravo !

[Okay]

Merci beaucoup à vous deux.
Jean-Luc, cette barcarolle te doit à toi et à quelques autres membres du forum une belle évolution. Vos commentaires avant l'été sur une précédente version ont imprimé des remises en questions et ont germé, quelque part dans un coin du grenier. J'avais un peu travaillé juste après dans ce sens, puis j'ai simplement mis la pièce de côté. L'essentiel a été un travail de fond sur l'ostinato de la main gauche, 20-30mn quotidiennes très intensives sur ces quelques notes pendant deux semaines (essentiellement main gauche seule), à chercher le legato, changer le déplacement de la main, et poursuivre le balancement le plus naturel possible. J'ai aussi un peu réfléchi à nouveau sur ce que je voulais vraiment y raconter, et les choses se sont apaisées "toutes seules". Le dolce sfogato par exemple est passé d'une vision "queue de comète" à quelque chose de plus extatique.
Et enfin, je ne sais pas si ça a vraiment aidé, mais je suis passé à Venise quelques semaines plus tard et j'ai vraiment observé les gondoles en pensant à cet ostinato, en tentant de me caler intérieurement sur la respiration de ce balancement, et ai constaté quelque chose de plus paisible que ce qui m'habitait jusqu'alors. Ça c'est pour la vision romantique… Chopin n'a jamais mis les pieds à Venise.

Le "grenier" n'a rien de magique à mon avis, c'est juste un lieu de décantation du travail et de la pensée, qui évoluent de pair en tache de fond dans une certaine direction selon la manière dont on a semé tout ça. Parfois on y récolte de belles choses et bien souvent, c'est le révélateur des défauts plus profonds, masqués par l'élan d'une phase de travail.

[Val]

C'est superbe ! Cette version est très inspirée, et on dirait que tu as toujours joué sur ce piano, tellement tu le contrôles bien.
Et c'est super aussi que ton problème de trac commence à se résoudre.

[Jean-Michel Verdier]

Bonjour Okay,

Contrairement à l'extase générale, je trouve que la première partie de la barcarolle (disons les 1-2 premières minutes) ne sont pas très bonnes. Ca manque de legato dans les doubles notes (en particulier les tierces), des forte trop forts et un relâchement coupable du rythme par moment (peut-être un peu trop de rubato pas très bien contrôlé). Après ça s'améliore considérablement et je trouve ça très bon, même si j'aurais aimé un peu plus de contrastes.
Bien évidemment, je serais incapable de jouer une seule mesure de cette magnifique pièce et, n'ayant pas fait d'étude musicales, je suis certainement à côté de la plaque. Mais là on parle de très haut niveau et à ce niveau il me semble que le moindre défaut s'entend d'autant qu'on a en mémoire de nombreuses interprétations.
Je vais écouter la rhapsodie.

[sylvie piano]

Bonjour Okay,

Contrairement à l'extase générale, je trouve que la première partie de la barcarolle (disons les 1-2 premières minutes) ne sont pas très bonnes.

Bien évidemment, je serais incapable de jouer une seule mesure de cette magnifique pièce et, n'ayant pas fait d'étude musicales, je suis certainement à côté de la plaque. Mais là on parle de très haut niveau et à ce niveau il me semble que le moindre défaut s'entend d'autant qu'on a en mémoire de nombreuses interprétations.

Monsieur Verdier, sauf, votre respect, ce commentaire me fait penser aux milliers de commentaires postés sur les blogs en général: je ne sais pas,je n'y connais pas grand chose, mais je donne mon avis. En même temps c'est le jeu, c'est certain.
C'est la différence entre une écoute morcelée ( la vôtre, vous ne parvenez pas à entrer globalement dans un discours), une écoute déjà habitée par d'autres versions, (vous attendez quelque chose de précis) et qui ne vous permet pas de laisser une émotion spontanée prendre place, et l'écoute de pianistes amoureux des nouvelles versions crédibles, authentiques, faisant fi d'une maladresse gommée par le magnifique discours, capables de s'abandonner simplement. Heureux nous sommes de pouvoir goûter ainsi à des moments de véritable émotion à l'écoute d'une oeuvre mille fois entendues et dont Okay, à un moment unique, en concert réinvente la narration. Oubliez " la " barcarolle de Chopin, simplement écoutez Okay, dans " sa" barcarolle..... Un cadeau....

[mieuvotar]

Sylvie, ton commentaire sur le commentaire de Jean-Michel est assez mal venu et particulièrement dédaigneux, je trouve. JMV est un très ancien du forum, qui a eu le courage de nous exposer son propre jeu à plusieurs reprises et qui est, AMHA, tout à fait légitimé à exprimer son opinion, quand bien même elle diverge de l'avis général. D'autre part, on est pas du tout, mais alors pas du tout, dans le registre "je ne sais pas,je n'y connais pas grand chose, mais je donne mon avis" (sic) !! JMV a expliqué pourquoi la version d'Okay lui déplaisait (en partie seulement d'ailleurs), et ses explications - bien que je ne les partage personnellement pas - me paraissent tout à fait pertinentes et recevables

Pour ma part, j'ai trouvé, du haut de ma très petite personne pianistique, l'interprétation d'Okay tout simplement remarquable, extraordinaire ( ) mais ça ne m'empêche pas de rester capable d’accepter un propos plus incisif comme celui de JMV, autant d'ailleurs que d'autres dont le caractère laudateur est parfois malheureusement caché dans une phraséologie un peu gnan-gnan...

Mais revenons à Okay : il y a eu plusieurs opinions sur le Chopin, et finalement assez peu sur le Liszt. Je me demande pourquoi ?

[sylvie piano]

En effet, chacun est libre de penser ce qu'il veut. Moi la première !!!!
. Je ne vois d'ailleurs pas très bien ce que vient faire l'ancienneté dans cet exemple ? Ni de quel courage vous parlez. Il m'en faut tout autant. Je sais très bien que Monsieur Verdier a posté des versions sur le forum, je prends toujours le temps de savoir à qui je m'adresse. Je l'ai donc écouté soigneusement.Vous trouvez ma réaction un peu vive. C'est ma nature.... (Je ne suis pas dedaigneuse ! J'ai assez dit combien chaque témoignage m'intéressait ! ) Je sais que c'est le jeu des forums. Peut-être justement pas assez joueuse !
Pour info, je ne suis pas vraiment "gnan gnan " ni too meutch.... Cette Image des professeurs de piano me semble totalement obsolète... Et en ce qui me concerne vous ne mesurez pas à quel point !!!! Je suis tout simplement enthousiaste ! Le piano y contribue largement !

Et je sens bien que cet enthousiasme est dérangeant. l'indignation est à la mode, mais l'enthousiasme suspect !
Et puis voyez-vous même si chacun peut donner son avis, évidemment !!!! Lorsqu'on parle d'un domaine que l'on connaît particulièrement bien, vous pouvez tout de même admettre qu'on ait à coeur d'exprimer son point de vue . D'ailleurs finalement, vous aussi vous avez aimé cette barcarolle !
Et puis franchement ceci est un peu ridicule, Okay n'a vraiment pas besoin du moindre soutien. Il suffit de l'écouter !

[mieuvotar]

Lorsqu'on parle d'un domaine que l'on connaît particulièrement bien, vous pouvez tout de même admettre qu'on ait à cœur d'exprimer son point de vue

Absolument !
Mais j’admets moins que l'on détruise avec mépris celui des autres, lorsqu'il est dissonant, sur un ton du genre "vous n'avez rien compris"...

[Jean-Michel Verdier]

Cher Mieuvotar,

Je te remercie de ton soutien (du reste, ça ne me surprend pas venant de toi ) dans cette terrible querelle des anciens (qui, comme moi, ne connaissent que « la » barcarolle de Chopin) et des modernes (qui offrent en cadeau « leur » propre Barcarolle, qui bien sûr n’a rien à voir avec celle de Chopin), de ceux qui ont une grenier magique alors que moi je n’ai qu’une cave (et encore, ordinaire), de ceux qui savent se laisser porter par l’émotion (pure naturellement ou véritable à la limite) alors que je suis incapable de m’abandonner dans ces contrées lointaines où l’on réinvente la narration, où la musique ne fait plus qu’un, où la moindre note est comme le miel, nectar des dieux, et où l’ambroisie coule à flots dans un tourbillon d’émotions (pures) sans cesse renouvelées qui nous laissent pantois, hagards, où l’on s’abandonne heureux et vaincus.

Mais je m’égare.

A propos, la rhapsodie est superbe. J’espère que je n’ai pas dit une connerie.

[sylvie piano]

Il y a des caves qui valent des greniers....
Et votre tableau allégorique ressemble vraiment à ma vraie vie....

[fugue]

alors que je suis incapable de m’abandonner dans ces contrées lointaines où l’on réinvente la narration, où la musique ne fait plus qu’un, où la moindre note est comme le miel, nectar des dieux, et où l’ambroisie coule à flots dans un tourbillon d’émotions (pures) sans cesse renouvelées qui nous laissent pantois, hagards, où l’on s’abandonne heureux et vaincus.

Et ben voilà! Déjà que tu es toujours plein d'humilité, tu vas du coup t'en aller vers les contrées encore plus sombres et sans vie de l'absolu "manque de confiance" musical !??!

A propos, la rhapsodie est superbe

Oui.

J’espère que je n’ai pas dit une connerie

Non. Ah mais!!
D'ailleurs, c'est vrai que c'est bizarre de ne pas la commenter plus que ça.
Cette rhapsodie est vibrante, moi aussi je l'ai trouvée superbe. Mais je ne peux pas dire pourquoi car je suis un peu cruche, notamment au piano, en technique, en vocabulaire musical, en lecture de notes etc... mais heureusement, je peux ressentir quelque chose quand j'écoute une interprétation, ouf.

Sylvie, un post intéressant sur les échanges que nous avons eus sur les commentaires des Pmistes: viewtopic.php?f=1&t=14212

La sensibilité artistique est différente chez chacun et, au delà de la partition et de la technique, les modèles, les interprétations que l'on entend nous touchent un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout. Cela prête peu à discussion. Et, comme il a été relevé, Jean-Michel a su en effet expliquer pourquoi.
On est donc loin du "blog" ou (par exemple) du "j'aime pas" sans explication ni possibilité d'améliorer ce qui ne va pas, du "sérial no-lover" you(tue)besque qui se cache lâchement derrière l'anonymat.
C'est vrai que vous êtes enthousiaste et c'est bien, mais...j'ai eu le même ressenti que Mieuvotar en découvrant votre 1er message et, pour le coup, c'est surtout une forme d'indignation que j'ai perçue: celle-là même que vous évoquez lorsque vous exprimez :

l'indignation est à la mode, mais l'enthousiasme suspect !

Comme quoi, on peut tous être des "fashion Victim"

[Okay]

Je n'imaginais pas que ce concert allait déchaîner de telles passions ! Au moins ça ne laisse pas indifférent, ce qui est finalement l'essentiel.
Je suis évidemment très heureux que certaines et certains aient pu être touchés par ce que j'ai pu communiquer. Pas possible de m'en cacher. Je ne poste pas des enregistrements pour faire la pêche aux compliments, comme je l'ai souvent dit, les avis que je recherche le plus sont les moins complaisants. C'est notamment en partie grâce à ce type de commentaires directs et avisés sur ce forum, il y a quelque mois, que j'ai pu libérer une certaine perspective de cette barcarolle d'ailleurs. Je reste mon critique le plus sévère, mais j'ai réalisé que je priorisais mal les problèmes. Pour moi un petit ou un gros problème sont 2 problèmes sur ma "to do list", dont la hiérarchie est parfois chaotique. Tandis que les oreilles extérieures vont en général droit à l'essentiel. Ça a énormément de valeur quand on doit faire des choix et allouer du temps de travail.

En musique et ailleurs, c'est rarement bon signe lorsqu'un consensus absolument total se forme spontanément. Chacun est évidemment le bienvenu pour dire ce qu'il pense tant que c'est fait avec sincérité, ce qui d'après mon ressenti est toujours le cas sur PM. Je vous remercie d'ailleurs à nouveau por votre écoute, qui plus est renouvelée, car de deux œuvres dont j'ai déjà posté des vidéos passées. Jean-Michel Verdier a le droit de ne pas apprécier le rubato de mon début, Jean-Luc peut trouver la reexposition trop rapide, ça donne toujours matière à réflexion. Ensuite je suis assez grand pour décider de remettre en cause ce que je fais ou non. Et il m'arrive en plus de changer d'avis ! Donc pas de censure.

[Legato]

Bonsoir Okay,

Conséquence de ta réflexion sur le lâcher prise et la prise de risque sans doute, je trouve que ton jeu s'est considérablement libéré. Jusqu'à présent, lorsque je t'écoutais, j'appréciais tes moyens techniques, ta culture musicale, ta finesse d'analyse, mais je percevais trop le contrôle que tu exerçais sur ton jeu pour ne pas rester à distance. Là, je suis emportée, particulièrement dans cette rhapsodie délirante, mais aussi dans la Barcarolle, et pourtant Chopin est un compositeur qui me "parle" peu.

Je ne sais pas si cela correspond à la réalité, mais je perçois encore quelques passages de "reprise de contrôle" où j'ai le sentiment que tu me laisses tomber, où je décroche.

En tout cas, continue dans cette voie !

[Okay]

Merci beaucoup Legato.
Oui, ce travail sur le lâcher-prise a bousculé beaucoup de choses sur ma manière d'aborder le jeu en public. Ne reste plus qu'à généraliser cette attitude, tant le contrôle produit des effets adverses qu'on ne soupçonne pas, en voulant justement les contrôler directement ... il faut briser cette circularité qui est un vrai piège. Pas évident de "se rendre" mais c'est pourtant la seule voie.
Oui il y a eu des moments où le contrôle a repris sur le flot. Presque 25 minutes sans jeter un oeil aux voyants de contrôle, c'est encore bien difficile quand on a passé tant d'années le nez rivé sur les compteurs du cockpit plutôt qu'à porter le regard au loin sur la piste et les nuages. Ca se libère petit à petit.

[zende]

moi, en tous cas, j'admire le travail, la finesse, et surtout la victoire sur le trac