Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

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Midas
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Midas »

Je ne suis pas d'accord sur le fait que le prélude et fugue de Bach soit trop "sage", c'est dans l'esprit du morceau. On pouvait craindre qu'il soit trop feutré, comme beaucoup de pianistes tendent à jouer Bach-, mais ce n'est pas le cas. Entre parenthèses, pour quelqu'un qui dit redouter Bach, réussir à le monter en si peu de temps... ça me laisse admiratif. J'aimerais "redouter" Bach comme ça. :)
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Midas
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Midas »

nox a écrit :A noter que les tempi indiqués par Chopin ne correspondent a priori pas aux métronomes modernes.
Il faut retrancher environ deux "crans" aux tempi indiqués pour avoir l'équivalent sur nos métronomes.
C'est sûr, ça? Je me suis laissé dire ici même qu'il était plus facile de jouer vite sur les pianos du temps de Chopin (ceci dit, je ne suis pas convaincu que ce soit vrai pour un pianiste vraiment exercé sur les pianos durs, ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'entre nous). Ça donnerait combien, sachant que les "crans" comportent de plus en plus de graduation à mesure qu'on augmente la vitesse?
nox
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par nox »

Midas a écrit :Je me suis laissé dire ici même qu'il était plus facile de jouer vite sur les pianos du temps de Chopin
C'est vrai, mais en quoi est-ce en contradiction avec ma remarque sur les métronomes ? Ce n'est pas parce qu'on pouvait jouer plus vite que tout était joué à la vitesse grand V.
Je pense que le fait que les graduations ne soient pas régulières n'est pas non plus incompatible (même si "deux crans" reste bien sûr une approximation), car il est fort possible que la différence entre métronomes anciens et modernes soit plus sensible dans les tempi bas que dans les tempi élevés, mais ce n'est qu'une hypothèse. Je ne suis pas particulièrement documenté sur le sujet, je m'y suis juste penché un peu en étudiant les études de Chopin.
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Wladyslaw
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Wladyslaw »

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Okay
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Okay »

Je suis certain qu'il y a une correction à éffectuer par rapport aux métronomes de l'époque de Chopin et Schumann (sans parler de celui de Beethoven), mais ma théorie est que cette correction est moins importante qu'on pourrait le penser. Trois arguments :

- N'avez-vous pas remarqué que dans les enregistrements historiques où les compositeurs jouent leurs oeuvres, on a toujours l'impression qu'ils prennent le train ? Je pense à Rachmaninov, Bartok, Prokoviev, Medtner ... Je n'ai pas d'interprétation de violoniste ou de chef en tête, mais ça serait intéressant.

- Une idée plus personnelle. J'imagine le compositeur écrire un chiffre sur une oeuvre achevée, peut-être même à froid passé l'effervescence créatrice, peut-être même en hate au moment où ça part au copiste ou l'éditeur. L'idée, c'est qu'il sait mieux que tout interprète là où il va, il connait le chemin par coeur, il fait partie de lui. Imaginez 3 conducteurs sur la même route un dimanche : celui qui la découvre, celui qui en a l'habitude, l'ouvrier qui a posé les panneaux de virages pendant le bétonnage. Sans y faire attention, le 3e roulera plus vite que le 2d qui roulera plus vite que le 1er. Je pense qu'une sensation de déjà-vu poussé à l'extrême tort la perception du temps, ça le contracte. Donc il se peut qu'un tel phénomène fasse que le compositeur perde un peu la pulsation naturelle de sa propre création.

- L'organe créé la fonction. Bien sur que des pianos plus legers ont énormément influencé l'écriture pianistique. J'ai d'ailleurs lu que certaines des simplifications que Liszt a décidé dans la version finale des trenscandantes sont dues à l'alourdissement des claviers entre le milieu des années 1830 et les années 1850 (c'était au sujet de l'écriture en notes répétées de la 2e Grande Etude, qui a disparu). Imaginez Liszt composer sur un Kawai à plus de 60g, voire même sur un Steinway d'aujourd'hui ... je pense qu'il nous manquerait beaucoup d'oeuvres.
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jean-séb
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par jean-séb »

Okay a écrit :- N'avez-vous pas remarqué que dans les enregistrements historiques où les compositeurs jouent leurs oeuvres, on a toujours l'impression qu'ils prennent le train ? Je pense à Rachmaninov, Bartok, Prokoviev, Medtner ...
Oui, tout à fait, et c'est vrai de toutes sortes de musique, notamment par les pianistes français du tournant du siècle (19e-20e), qui ont une célérité incroyable, exagérée, depuis le baroque jusqu'au contemporain. Ce n'est pas du tout comme ça que je ressens aujourd'hui les œuvres.
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Okay
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Okay »

BluePhoenix05 a écrit :
Okay a écrit :malgré des mains pas très grandes
dixit Monsieur "je-plaque-ré-sib-fa-dans-la-4e-sonate-de-Scriabine" :wink:
Il s'agit d'une dixième majeure type do-mi, que j'arrive à faire à la limite et à l'extérieur du clavier. Je ne pourrais pas jouer ça plus fort que piano sans arpéger d'ailleurs, c'est assez périlleux pour moi, surtout à la main droite. Donc oui, mes mains ne sont pas vraiment grandes.
Okay a écrit :Je ne peux pas faire mi b-la avec 2-3 et pas non plus faire la-mi b avec 4-5.
Il faut sauter (entre les notes, hein, pas l'arpège :lol:), pourquoi tant de scrupules ? même si ça ne suffit pas je suis d'accord.
davsad fait 2-3 sur mib-la, ce qui m'avait beaucoup surpris au début (ça facillite la-mib avec 3-5 du coup). Finalement je pense que 2-3 et 2-4 sont tous les deux possibles, cependant je n'arrive encore à faire ni l'un ni l'autre :lol:[/quote]
Dans ma vidéo de cette étude, c'est ce que je fais, i.e. sauter entre les notes (je mets 1-2-3-5). Mais c'est une acrobatie qui n'est pas tenable car elle s'entend beaucoup. Il y a un vrai déplacement de la main entre 2 et 3.
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par nox »

Okay a écrit : - N'avez-vous pas remarqué que dans les enregistrements historiques où les compositeurs jouent leurs oeuvres, on a toujours l'impression qu'ils prennent le train ? Je pense à Rachmaninov, Bartok, Prokoviev, Medtner ... Je n'ai pas d'interprétation de violoniste ou de chef en tête, mais ça serait intéressant.
Mais ne se situe-t-on pas là près de 100 ans après Chopin (60-70 ans disons) ? Ce "problème" du tempo noté chez Chopin, je ne me le suis jamais posé pour les compositeurs que tu cites.
Okay a écrit : - Une idée plus personnelle. J'imagine le compositeur écrire un chiffre sur une oeuvre achevée, peut-être même à froid passé l'effervescence créatrice, peut-être même en hate au moment où ça part au copiste ou l'éditeur. L'idée, c'est qu'il sait mieux que tout interprète là où il va, il connait le chemin par coeur, il fait partie de lui. Imaginez 3 conducteurs sur la même route un dimanche : celui qui la découvre, celui qui en a l'habitude, l'ouvrier qui a posé les panneaux de virages pendant le bétonnage. Sans y faire attention, le 3e roulera plus vite que le 2d qui roulera plus vite que le 1er. Je pense qu'une sensation de déjà-vu poussé à l'extrême tort la perception du temps, ça le contracte. Donc il se peut qu'un tel phénomène fasse que le compositeur perde un peu la pulsation naturelle de sa propre création.
Si on tient ce raisonnement pour le tempo, on peut le tenir pour beaucoup de choses, et ça peut nous emmener très loin.
Ce que tu décris est bien sûr une possibilité, mais quel indice a-t-on pour la privilégier ? Par ailleurs je me dis que les compositeurs comme Chopin avaient conscience de l'importance de leurs notations. Ils revoyaient leurs oeuvres en permanence, les travaillaient avec leurs élèves etc...
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par nox »

Wladyslaw a écrit :Nox, tu es un puits de science !
T'es pas crédible, mon petit Wlad !
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Okay
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Okay »

nox a écrit :Mais ne se situe-t-on pas là près de 100 ans après Chopin (60-70 ans disons) ? Ce "problème" du tempo noté chez Chopin, je ne me le suis jamais posé pour les compositeurs que tu cites.
Oui tout à fait, c'est une des raisons qui me fait penser que la correction à apporter aux métronomes pourrait être moins grande qu'on pense, si on constate que les créateurs en général, jouent plus vite leurs propres créations que leurs interprètes. Et la raison d'après moi tient dans mon 2e point.
Ce qui n'est donc pas évident du tout à trancher, car ça voudrait dire qu'il faudrait corriger davantage qu'une machine déréglée, mais également le biais de jugement du compositeur lui-même à la fois en collant un chiffre mais en jouant sa musique, qui revêt pour le compositeur un caractère d'évidence poussant artificiellement vers plus de vitesse. Je suis conscient que c'est une hypothèse audacieuse.
nox a écrit : Si on tient ce raisonnement pour le tempo, on peut le tenir pour beaucoup de choses, et ça peut nous emmener très loin.
Ce que tu décris est bien sûr une possibilité, mais quel indice a-t-on pour la privilégier ? Par ailleurs je me dis que les compositeurs comme Chopin avaient conscience de l'importance de leurs notations. Ils revoyaient leurs oeuvres en permanence, les travaillaient avec leurs élèves etc...
Oui j'en suis aussi conscient. Ca a des conséquences quasi-métaphysiques sur lesquelles je ne me suis pas étendues. C'est toute la question de ce qui altère notre perception du temps, thème ultra rabaché par nombre de philosophes et romanciers. Je n'ai pas d'indice d'ordre musicologique appuyant mon hypothèse, excepté les enregistrements de compositeurs durant la 1ère moitié du 20e siècle, pour lesquels il semble qu'on retrouve cette distortion de manière assez généralisée. Généraliser à Chopin et Beethoven est mon extrapolation personnelle.
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

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Du coup, on peut tout aussi bien se dire que les compositeurs ne suivaient pas non plus exactement les indications de nuance et autre...

La grande question étant : a-t-on la même liberté sur les oeuvres que les compositeurs eux-mêmes ?
Pour moi : oui et non.
- Oui bien sûr car rien n'est interdit en terme d'interprétation
- Non car malgré toutes les différences entre ce que note et ce que joue le compositeur, la fidélité à l'oeuvre dans sa signification profonde est forcément préservée quand il se joue lui-même. Nous n'avons pas cette garantie quand nous choisissons nous-mêmes de ne pas suivre certaines indications de la partition.

En résumé : l'interprétation par les compositeurs eux-mêmes est certes très instructive, mais je ne pense pas que cela soit forcément un modèle à suivre. Je ne pense pas que Chopin cherchait à ce que ses élèves reproduisent exactement son jeu.
Et d'ailleurs, je n'aime pas du tout Scriabine par Scriabine :mrgreen:

Enfin, qui nous dit que ce que le compositeur a pensé en écrivant sa partition n'est pas plus fidèle et juste que ce qu'il fait en jouant ?
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Wladyslaw
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Wladyslaw »

nox a écrit :
Wladyslaw a écrit :Nox, tu es un puits de science !
T'es pas crédible, mon petit Wlad !

Bah si !!!! Tu devrais plutôt me remercier, ingrat.
Le boeuf est lent mais la terre est patiente ... (Proverbe Chinois)

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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Okay »

On peut faire plus que se le dire, c'est vrai... On sait de multiples sources que Chopin ne jouait jamais pareil 2 fois de suite, il y a ce fameux concert où il aurait joué sa barcarolle avec une reexposition piano, et les octaves conclusifs pianissimo.
J'ai même lu quelque part qu'il existe des esquisses du 14e prélude en mi bémol mineur où le tempo est Largo au lieu de Presto ! Chopin aurait donc hésité entre la pièce qu'on connait et qui annonce le finale de la sonate funèbre, et une pièce lourde et pesante ... tiens, il n'indique pas "pesante" d'ailleurs sur la partition ? Peut-être que parfois, il sentait mieux jouer cette pièce à un tempo ultra lent, ce qui peut se concevoir aussi ...

Je suis aussi d'accord que l'interprétation dû compositeur n'est pas à imiter. Et c'est pour ça qu'il faut prendre encore plus avec des pincettes les indications métronomiques, qui d'après moi souffrent d'une double distortion : parfois mécanique (la machine est mal étalonnée), et souvent cognitive (la perception du temps diffère entre interprète et créateur).

Le maître mot, c'est la signification de l'oeuvre. On pourrait je pense s'autoriser une relative liberté lorsqu'on reste dans ces bornes là. Mais le poids de la partition et de la tradition font qu'on se l'autorise de moins en moins. Le cas de Chopin semble ambivalent mais je pense qu'il ne l'est pas tant que ça. Il jouait ses oeuvres différemment mais exigeait de Liszt qu'il ne rajoute rien à la partition lorsqu'il le jouait, tout en rêvant de lui voler sa manière de le jouer. Casse-tête musicologique qui se résout plus facilement qu'on pourrait croire :
- Lorsque Liszt rajoute des traits et trilles dans un nocturne de Chopin, il est HS par rapport à la signification de l'oeuvre.
- Lorsque Liszt joue une étude avec plus de brio que le sylphe Chopin, son naturel le fait tendre vers la signification de l'oeuvre.
Modifié en dernier par Okay le mer. 27 août, 2014 11:54, modifié 1 fois.
nox
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par nox »

Certes. Mais du coup, pour moi, on doit impérativement apprendre une oeuvre en suivant à la lettre ce qui est indiqué. Une fois qu'on la sait parfaitement et qu'on s'en est imprégné, on peut se permettre plus de choses. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on pardonne ces libertés aux grandes interprètes plus facilement.
Se donner cette liberté dès le début, c'est un risque important de prendre une mauvaise direction et de contredire l'oeuvre.
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Okay
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Okay »

C'est sûr ... je dirais même que la raison, c'est que généralement, on comprend réellement le sens seulement après avoir appris, et pas le contraire ... c'est pour ça qu'il faut parfois désapprendre une fois qu'on a compris après avoir appris ...
nox
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par nox »

Mais du coup ma conclusion c'est aussi : oui, il faut prendre en compte ces "deux crans" de métronome à soustraire, pour suivre à la lettre les indications de Chopin :mrgreen:
BluePhoenix05
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par BluePhoenix05 »

L'usage de noter très précisément les indications sur une partition (et de respecter scrupuleusement) ne date que de moins de 70 ans, il est anachronique d'appliquer cette démarche aux partitions antérieures. Ca veut dire à mon avis qu'il y a beaucoup de choses non écrites et que la musique ne s'envisageait pas de façon aussi sclérosée.

Par ailleurs, croyez-vous à l'existence d'une "pulsation absolue" ? Vous balladez-vous constamment avec un métronome ? "Accordez"-vous votre pulsation à l'indication du morceau juste avant de monter sur scène ? #-o

L'indication métronomique est une indication, qui peut servir à comprendre l'effet recherché, mais ce dernier dépend avant tout de la façon de jouer, et ne doit pas être recherché uniquement pas la vitesse (voire n'est pas atteignable uniquement pas la vitesse). Quelle "marge"/latitude d'interprétation êtes-vous prêts à donner aux indications métronomiques ?

En tant qu'auditeur, je pense qu'on peut s'adapter sans trop de difficulté au "débit" d'un interprète, ce qui autorise à jouer plus vite ou moins vite que l'indication présumée. Celle-ci n'est pour moi qu'un "ordre de grandeur". Je pense néanmoins qu'il y a des effets qui ne s'obtiennent qu'à partir d'une certaine vitesse (un peu comme l'illusion de mouvement au cinéma n'apparaît qu'à partir de 12 images par seconde), par exemple quand des accords/notes répété(e)s sont là pour entretenir la vibration de l'harmonie, et pas là pour être entendues distinctement.
Okay a écrit :J'ai même lu quelque part qu'il existe des esquisses du 14e prélude en mi bémol mineur où le tempo est Largo au lieu de Presto ! Chopin aurait donc hésité entre la pièce qu'on connait et qui annonce le finale de la sonate funèbre, et une pièce lourde et pesante ... tiens, il n'indique pas "pesante" d'ailleurs sur la partition ? Peut-être que parfois, il sentait mieux jouer cette pièce à un tempo ultra lent, ce qui peut se concevoir aussi ...
Sur ma partition (Henle), il est écrit Allegro, pesante. Intéressant, ce que tu dis. En même temps, ce prélude est indiqué "alla breve", donc je ne suis pas sûr qu'un Lento changerait considérablement à la vitesse à laquelle ce serait joué. Par contre, si ce que tu dis est avéré, "Lento" peut avoir des implications cruciales en termes d'interprétation... :-k
Okay a écrit :Imaginez 3 conducteurs sur la même route un dimanche : celui qui la découvre, celui qui en a l'habitude, l'ouvrier qui a posé les panneaux de virages pendant le bétonnage. Sans y faire attention, le 3e roulera plus vite que le 2d qui roulera plus vite que le 1er. Je pense qu'une sensation de déjà-vu poussé à l'extrême tort la perception du temps, ça le contracte.
J'aurais dit que ça le dilate (pour le conducteur ou le compositeur/interprète), étant donné tu perçois tout mieux, le temps semble long/s'arrêter alors que dans le "réel", le temps passe plus vite. Je suis peut-être en train de me mélanger les pinceaux aussi...
Okay a écrit :Dans ma vidéo de cette étude, c'est ce que je fais, i.e. sauter entre les notes (je mets 1-2-3-5). Mais c'est une acrobatie qui n'est pas tenable car elle s'entend beaucoup. Il y a un vrai déplacement de la main entre 2 et 3.
Tiens, c'est marrant, en fait c'est 1245 qui me semblait le moins mal-aisé à la base. Mais après plusieurs essais, 1235 ne me semblait plus inenvisageable, comme je le disais, du coup je ne sais plus trop quoi garder... Bref, sinon, il y a bien des sauts de 11e dans l'op.25 no.11 (mes. 50, 52), et je ne crois pas que "ça s'entende" dans ton enreigstrement :wink: . Tout ça me laisse penser que c'est le même principe qu'il s'agit de pousser plus loin, pour l'op.10 no.1. :-k
Quelques traductions de poèmes chinois à ma sauce
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par nox »

BluePhoenix05 a écrit :L'usage de noter très précisément les indications sur une partition (et de respecter scrupuleusement) ne date que de moins de 70 ans, il est anachronique d'appliquer cette démarche aux partitions antérieures.
Pourquoi dis-tu ça ? On a quand même plusieurs témoignages de compositeurs du XIXème siècle demandant que l'on suive scrupuleusement la partition.
On note beaucoup plus de choses maintenant, oui. Ca ne veut pas dire qu'avant les indications pouvaient ne pas être suivies.
Les interprètes prenaient en effet parfois beaucoup de liberté par rapport à la partition, mais ça n'était pas forcément apprécié du compositeur.
BluePhoenix05 a écrit : Par ailleurs, croyez-vous à l'existence d'une "pulsation absolue" ? Vous balladez-vous constamment avec un métronome ? "Accordez"-vous votre pulsation à l'indication du morceau juste avant de monter sur scène ? #-o
Bien sûr que non, mais avant de jouer ton morceau sur scène, tu l'as bossé pendant des semaines/mois, avec un métronome à ta disposition. Donc tu t'es imprégné d'un tempo idéal qui lui est bien basé sur l'indication métronomique.

Ca ne veut pas dire :
1/ Qu'on le joue toujours précisément au tempo indiqué
2/ Qu'on ne peut pas jouer à un autre tempo

Mais pour moi, il ne convient pas de se poser des questions sur "doit-on vraiment jouer au tempo indiqué ?" lorsqu'on travaille un morceau.
Si c'est une notation de la main du compositeur, il faut la suivre au moins dans un premier temps. Ce n'est qu'une fois qu'on a assimilé le morceau et compris l'esprit fondamental de l'oeuvre qu'on peut prendre des libertés en étant sûr de ne pas y faire entorse.

Je suis donc d'accord avec ça :
BluePhoenix05 a écrit : L'indication métronomique est une indication, qui peut servir à comprendre l'effet recherché, mais ce dernier dépend avant tout de la façon de jouer, et ne doit pas être recherché uniquement pas la vitesse (voire n'est pas atteignable uniquement pas la vitesse).
, mais uniquement à partir d'un stade de travail avancé.
Sinon, c'est ouvrir la porte à la recherche de facilité ou aux incohérences.
BluePhoenix05 a écrit :Sur ma partition (Henle), il est écrit Allegro, pesante. Intéressant, ce que tu dis. En même temps, ce prélude est indiqué "alla breve", donc je ne suis pas sûr qu'un Lento changerait considérablement à la vitesse à laquelle ce serait joué. Par contre, si ce que tu dis est avéré, "Lento" peut avoir des implications cruciales en termes d'interprétation... :-k
Tiens, je ne me souvenais pas d'un alla breve (ni d'un pesante). J'avais "Presto" en tête aussi, ou à la limite "Allegro vivo". Mais j'ai une édition pourrie aussi...
Par contre oui j'ai également lu plusieurs fois que la notation initiale était "Largo" (ce qui à mon avis rend ce prélude très très difficile)
BluePhoenix05 a écrit :Tout ça me laisse penser que c'est le même principe qu'il s'agit de pousser plus loin, pour l'op.10 no.1. :-k
Pour moi, pas de saut dans l'op.10 n°1, c'est assez bien écrit pour pouvoir les éviter, tout comme les extensions (c'est d'ailleurs tout l'intérêt :) )
Modifié en dernier par nox le mer. 27 août, 2014 15:59, modifié 1 fois.
Gracou
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Gracou »

BluePhoenix05 a écrit :L'usage de noter très précisément les indications sur une partition (et de respecter scrupuleusement) ne date que de moins de 70 ans, il est anachronique d'appliquer cette démarche aux partitions antérieures. Ca veut dire à mon avis qu'il y a beaucoup de choses non écrites et que la musique ne s'envisageait pas de façon aussi sclérosée.
Je suis assez d'accord avec cela et il est vrai qu'on analyse des objets musicaux avec nos esprits du XXI°siècle. Je ne m'avancerais pas plus par rapport à Chopin, certains ici l'ont bien plus étudié que je ne l'ai fait.
BluePhoenix05 a écrit : Par ailleurs, croyez-vous à l'existence d'une "pulsation absolue" ? Vous balladez-vous constamment avec un métronome ? "Accordez"-vous votre pulsation à l'indication du morceau juste avant de monter sur scène ? #-o
Personnellement, le métronome n'est jamais loin et mon batteur en prend un sur scène dont il se sert avant de débuter certains morceaux (avec un "bip" lumineux, en toute discrétion). Je sais que certaines choses vont fonctionner à 72 à la noire et qu'on va passer à côté si on les prend à 68. Avant chaque morceau, la recherche du bon tempo, en me chantant intérieurement certains passages bien précis, constitue une part très importante de la concentration, de la préparation.
La différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou. Salvador Dali.
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Re: Enregistrements Bach - Beethoven - Chopin

Message par Okay »

BluePhoenix05 a écrit :Par ailleurs, croyez-vous à l'existence d'une "pulsation absolue" ? Vous balladez-vous constamment avec un métronome ? "Accordez"-vous votre pulsation à l'indication du morceau juste avant de monter sur scène ? #-o
Alors pour faire court : non, non et non :mrgreen: Perso, je n'ai jamais utilisé de métronome pour travailler. Et avant de monter sur scène, je ne pense pas au rythme, mais à la psychologie de ma musique, d'où le tempo doit découler. D'ailleurs, il peut m'arriver sur scène de m'éloigner substantiellement de mon tempo habituel dans l'émotion du moment. Je pense que c'est un effet négatif du trac.
Lorsque j'ai parlé de la pulsation naturelle d'une oeuvre, ça fait en effet penser à une pulsation absolue, mais je ne pense pas que ça puisse exister. Lorsque j'aborde un morceau, je ressens sans pouvoir l'expliquer quel doit être son tempo naturel, et ça rend d'ailleurs parfois compliqué mon travail lent, car je converge involontairement vers ce tempo, attiré comme par la gravité. Ce tempo qui m'est naturel l'est au sein d'une conception plus vaste, dans laquelle s'accordent son et phrasé. Donc c'est une notion qui ne peut être que relative, car elle resulterait de la rencontre de l'interprète et de l'oeuvre. En fait, je trouve que ça s'entend terriblement losque quelqu'un joue plus lentement ou plus vite que son tempo naturel personnel. C'est "forcé", dans un sens ou l'autre, il y a quelque chose de déséquilibré, une impression de trainée ou bien de hate, tandis que chez quelqu'un d'autre, ce même tempo pourrait être naturel. Bref, je réfute l'idée qu'il existe un tempo absolu pour une oeuvre, mais je pense qu'il est difficile pour un interprète de tenir une narration convaincante s'il s'éloigne même un petit peu de son propre centre de gravité.
BluePhoenix05 a écrit :
Okay a écrit :J'ai même lu quelque part qu'il existe des esquisses du 14e prélude en mi bémol mineur où le tempo est Largo au lieu de Presto ! Chopin aurait donc hésité entre la pièce qu'on connait et qui annonce le finale de la sonate funèbre, et une pièce lourde et pesante ... tiens, il n'indique pas "pesante" d'ailleurs sur la partition ? Peut-être que parfois, il sentait mieux jouer cette pièce à un tempo ultra lent, ce qui peut se concevoir aussi ...
Sur ma partition (Henle), il est écrit Allegro, pesante. Intéressant, ce que tu dis. En même temps, ce prélude est indiqué "alla breve", donc je ne suis pas sûr qu'un Lento changerait considérablement à la vitesse à laquelle ce serait joué. Par contre, si ce que tu dis est avéré, "Lento" peut avoir des implications cruciales en termes d'interprétation... :-k
De mémoire, c'est mentionné dans le bouquin d'Eigeldinger qui essaie de reconstituer la méthode de piano que Chopin avait mise en chantier. A vérifier.
BluePhoenix05 a écrit :
Okay a écrit :Dans ma vidéo de cette étude, c'est ce que je fais, i.e. sauter entre les notes (je mets 1-2-3-5). Mais c'est une acrobatie qui n'est pas tenable car elle s'entend beaucoup. Il y a un vrai déplacement de la main entre 2 et 3.
Tiens, c'est marrant, en fait c'est 1245 qui me semblait le moins mal-aisé à la base. Mais après plusieurs essais, 1235 ne me semblait plus inenvisageable, comme je le disais, du coup je ne sais plus trop quoi garder... Bref, sinon, il y a bien des sauts de 11e dans l'op.25 no.11 (mes. 50, 52), et je ne crois pas que "ça s'entende" dans ton enreigstrement :wink: . Tout ça me laisse penser que c'est le même principe qu'il s'agit de pousser plus loin, pour l'op.10 no.1. :-k
Ce serait trop beau ... mais c'est impossible. Je pense qu'il n'y a quasiment pas une mesure de Chopin qui n'ait pas son geste naturel associé, la rendant parfaitement naturelle. Les sauts de l'opus 25 n°11 se font dans une progression par groupes de doubles-croches, comme si l'arpège se déployait pallier par pallier de manière ponctuelle (entre chaque saut, on reste dans le pallier). En d'autres termes, l'écriture ici s'accorde parfaitement au geste, et même si c'est assez difficile ça reste parfaitement naturel à executer. Dans l'opus 10 n°1, aucun saut n'est "prévu" par l'écriture de Chopin, et on est contraint de le faire seulement parce que les extensions de la main sont insuffisantes ... et ça s'entend drolement car on saute toutes les 4 notes à un tempo d'enfer ! Ce n'est pas viable. Il me semble qu'il s'agit l'un des rares exemples où une main trop petite conduit à une vraie impossibilité. Avec une main un peu plus grande, ça passe d'impossible à presque facile.
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