Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
Val
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Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Val »

Bonsoir,
Tout est dans le titre. Comment savoir ?
J'aime, j'adore le piano, mais je ne sais pas si je peux, si je veux, en faire ma vie. C'est l'occasion pour moi de compléter un peu ma présentation .... J'ai 15 ans et demi, je vais entrer en Terminale S l'année prochaine. Parallèlement, je devrais passer l'examen d'entrée pour peut-être intégrer l'École normale de musique de Paris.
Il paraît que j'en ai les capacités, mais je ne sais pas si je suis capable d'arriver au niveau de concertiste, je ne suis d'ailleurs pas certain que ce soit ce que je veux faire. Le problème, c'est que je ne suis pas plus clairement "prédestiné" pour la musique que pour autre chose, et si je m'engage dans quelque direction que ce soit, je veux arriver au plus haut niveau, sous peine d'être immanquablement insatisfait et malheureux. Je n'aime pas faire les choses à moitié. Pourtant, quelle que soit la voie dans laquelle je m'engagerai, je sais qu'il me faudra faire des sacrifices, que j'ai peur d'être insupportables.

Que faire ? Comment savoir ?

Pardonnez-moi de vous faire partager mes problèmes insolubles...

Merci.
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jean-séb
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par jean-séb »

Voilà clairement un problème dont la solution est exclusivement entre tes mains.
Tu fréquentes ce forum depuis assez longtemps pour savoir que tu n'es pas le premier à te poser cette question et à la soumettre au forum. Souvent, l'équation présentée est plus simple à résoudre : un pianiste qui se sent des aspirations mais n'a encore rien donné de bien en piano hésite entre se lancer dans sa carrière et, par exemple, une classe préparatoire au métier d'ingénieur. D'une voix quasiment unanime, on lui conseille de choisir la classe de prépa, c'est plus sûr !
Ton cas est différent. Tu fais bien de rappeler ton jeune âge : car à te lire, j'ai toujours eu l'impression d'un interlocuteur très mûr, qui maîtrise parfaitement sa pensée et soigne son expression. Ces deux qualités, assez rares, sont à mon avis des atouts pour deux choses : d'une part, elles me semblent soutenir ton sens musical développé, d'autre part, elles devraient te permettre plus qu'à quiconque de bien analyser le dilemme dans lequel tu te trouves, et de lui trouver une solution non cornélienne.
Hier, j'ai regardé à la télévision un reportage de l'insupportable Stéphane Bern sur les résidences royales, papales et présidentielles. Au milieu des magnifiques jardins de Castel Gandolfo, il rappelait que le premier pape retraité Benoît XVI continuait régulièrement de jouer du piano. Vois-y un encouragement à faire une autre carrière que celle de musicien, si finalement tu ne te sens pas plus poussé que ça : tu pourras certainement, avec ton bagage, avoir un beau métier qui te laisse encore le plaisir de jouer du piano. Tiens, et si tu faisais pape ? :wink:
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zmarianne
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par zmarianne »

Salut Val
Dois-tu vraiment répondre à cette grande question tout de suite ? C'est stressant d'être devant un choix si grand, si crucial, mais dans la réalité, on peut souvent se contenter d'avancer à petit pas. Passer ou ne pas passer tel concours. Signer ou pas pour une année à tel endroit. On a aussi le droit de se tromper, de recommencer. En fait les choix sont rarement irrémédiables, il y a des passerelles, et la vie est longue... Moi aussi je te croyais plus âgé. Quand j'étais au lycée, les choses m'apparaissaient très tranchées : tel choix mène à ci, tel autre choix mène à ça (je ne dis pas que c'est ton cas, hein. J'étais particulièrement naive. Mais comme je vois que tu vas passer ton bac à 16 ans, et que j'étais dans le même cas, tu me fais penser à moi-même ; on peut être très mature sur certains points et manquer de recul sur d'autres). En réalité, c'est beaucoup moins simple que ça. Après c'est sûr que c'est plus confortable d'avoir un but bien dessiné et de marcher droit vers lui, mais avancer en se reposant la question à chaque pas, avec la confiance que tes pas te mèneront quelque part au final, ça fonctionne aussi, et je trouve que c'est finalement plus pertinent (pour moi), parce que ça permet d'intégrer les aléas de la vie, de ne pas se crisper sur un but qui peut s'avérer soit impossible à atteindre soit pas souhaitable, finalement. Une espèce de souplesse d'esprit...
Bon courage pour ta réflexion Val. Je suis certaine que tu réussiras quoique tu choisisses, même si au final ce ne sera peut-être pas forcément de la façon dont tu l'imagines maintenant. Ca sera encore mieux. :wink:
Marianne
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Okay
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Okay »

Merci de nous faire partager tes interrogations. Personne ne peut dire pour toi ce que tu veux vraiment faire, cependant tu sauras assez rapidement si tu peux. Une grande volonté est nécessaire a priori pour faire émerger de grandes capacités, celles requises pour mener une carrière de concertiste.

Avant de parler de capacités instrumentales, qu'est-ce qui t'attire vraiment dans ce métier ? Être tout le temps au contact du piano ? L'amour de la musique ? La scène elle-même et le contact du public ? Tout ça ? Es-tu conscient que c'est une vie extrêmement solitaire très peu compatible avec une vie de famille ?
Il est important que tu cernes bien à un moment donné la source de motivation, car le chemin est aussi difficile qu'incertain (tu le sais sans doute parfaitement). Et si c'est la voie que tu choisis, dans les moments de découragement, car ne doute pas que tu en rencontreras, il faudra que tu saches ce qui te pousse à vouloir continuer dans cette direction.

Tu as 15 ans et demi, c'est-à-dire que tu es exactement dans les années où un concertiste construit son bagage technique et avale le gros de son répertoire. Je ne veux pas relancer la polémique sur l'âge et l'apprentissage du piano, mais il est quand même important que tu gardes à l'esprit qu'il y a une énorme corrélation entre la précocité et la carrière. Ce n'est pas une loi de la nature mais on peut quasiment se permettre de généraliser cette observation.
Je me refuse a donner un âge butoir mais disons que tu approches l'âge où la technique doit être déjà construite pour jouer l'essentiel du répertoire et espérer une carrière. Bien sûr, il n'y a rien de définitif, et on progresse toute la vie, mais autant te présenter les choses telles qu'on les observe dans ce milieu. Tu te doutes bien qu'il y a une quantité colossale de pianistes ayant ces aspirations et que la concurrence est internationale. Pour se démarquer (i.e. pour espérer accéder à la scène professionnelle), il faut bien sur être très fort au clavier, mais surtout démontrer une singularité artistique, car les pianistes très forts il y en a déjà des régiments.

Je suis conscient d'avoir été un peu direct. Ce n'est pas par volonté de te décourager, plutôt de t'informer du contexte concret qui est le cadre de tes d'interrogations.
dilettante
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par dilettante »

Si il s'agit de choisir entre un job d'ingénieur dans l'industrie et un métier de musicien, pour moi le choix est très vite fait : musicien.
Personnellement je suis ingénieur dans l'industrie et je ne le conseille pas à tous ceux qui ont un tout petit peu d'intérêt autre que pécunier pour leur activité professionnelle. Entre les études, intéressantes, et le job, rien à voir. Et ça se détériore de plus en plus.
Maintenant question rémunération ça risque d'être mieux, mais ça peut aussi vouloir dire que tu va passer des années en tant que presta(taire de service), mal payé et corvéable à merci, comme certains de mes collègues. Ou alors il faut faire le top ten des écoles et c'est pas donné à tout le monde, et malgré tout, je ne trouve pas que les postes proposés soient géniaux.
Si tu as un rêve et une chance de le réaliser il faut la tenter, c'est ça la vraie vie.
BluePhoenix05
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par BluePhoenix05 »

Je ne sais pas si je suis le mieux placé pour prodiguer des conseils, mais je pense comprendre ton sentiment quand tu dis ne pas être "plus clairement "prédestiné" pour la musique que pour autre chose", cette impression d'avoir en soi un potentiel à exprimer et cette envie de l'explorer le plus loin possible, sans savoir si le domaine choisi va permettre sa complète réalisation, ni si on va se fermer à certaines choses. Il y a sûrement choses que tu aimes à part la musique, non ? (les jeux vidéo ? :lol: ) Je comprends cette envie de rester ouvert à la richesse des expériences de la vie en dehors de la musique.

Pour moi concertiste est un métier, et pas forcément le meilleur moyen pour faire de la bonne musique (si tant est qu'être concertiste permet de faire de la meilleure musique).
Si tu as des opportunités d'étudier la musique de façon poussée dans l'environnement adéquat, et si l'opportunité d'une carrière de concertiste s'offre peu à peu à toi, accueille les à bras ouverts ! Tu me sembles avoir l'intelligence pour réussir ce que tu vas entreprendre, et je suis sûr que tu n'ignores pas que tes résultats dépendront en partie du travail que tu fourniras. Si d'autres opportunités s'ouvrent aussi et que tu les sens bien, saisis-les aussi, les chemins ne sont pas linéaires et tracés d'avance, la musique continuera de t'accompagner :wink: .
Quelques traductions de poèmes chinois à ma sauce
https://www.instagram.com/penseesaupinceau
Val
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Val »

Merci à tous pour vos réponses, tant ici que par messages privés.

Je suis conscient de n'être pas le premier à soulever ces interrogations, mais je n'ai dans mon entourage que peu d'avis, et besoin de leur plus grande diversité possible. Excusez-moi si je ne fais que vous obliger à répéter une opinion dix, cent fois exprimées.
L'année prochaine, il me faudra faire des choix pour mes études post-bac. Et ces choix, même s'ils ne sont pas définitifs, risquent d'impacter plus ou moins sérieusement ma pratique du piano. D'ailleurs, je m'ennuie aussi sérieusement en cours ... Ai-je envie de faire une prépa ? Si oui, laquelle ? Dans cette option, le temps qui me sera dévolu sera extrêmement faible, sinon inexistant. Je pourrais également choisir une formation plus légère, de type Sciences-Po ou Dauphine, mais si je devais me tourner vers autre chose que le piano, ces formations ne m'ouvriraient pas des portes à des métiers qui seraient susceptibles de pleinement m'intéresser.
D'autre part, comme le fait très justement remarquer Okay, je suis au moment où je dois absolument acquérir le bagage technique ainsi que le répertoire indispensables à tout pianiste, je suis même en retard, donc, je n'ai pas beaucoup de temps devant moi, peut-être un an, peut-être moins. L'autre élément, c'est qu'on ne peut pas vraiment revenir en arrière. Si je ne fais pas de prépa, échoue en piano, je ne pourrai pas retenter une prépa, et c'est le cas pour à peu près chaque formation. Je n'ai pas deux chances, pour le piano encore moins qu'ailleurs.

Je pense être prêt à faire de la musique ma vie, peut-être pas concertiste, si je découvrais autre chose qui m'intéressait dans ce domaine, peut-être chef d'orchestre, ça a l'air passionnant aussi. La musique est chaque jour, chaque heure et chaque minute avec moi, mais je ne peux hélas pas être tout le temps avec elle, mais chacune de mes heures libres est exclusivement dévolue à la musique. Si je ne peux jouer que 3 h par jour, c'est seulement parce que l'acoustique de la pièce où se trouve le piano est terriblement mauvaise, tant que j'en ai presque mal aux oreilles ... Je vis par la musique, comme j'essaye de la faire vivre, pour moi autant que pour les autres, même s'il me reste quelques relents de tracs, qui tendent peu à peu à s'évanouir, notamment grâce à la discussion qui a eu lieu ici, qui m'a été d'une aide inestimable.
Concertiste, c'est une vie solitaire, c'est une vie où l'on ne dépend presque que de soi-même, c'est presque la vie que je mène maintenant, les multiples voyages et une partie du travail en moins. Plus que ne pas me déranger, c'est seul que j'aimerais vivre, ou presque. Mes amis se comptent sur les doigts d'une main. Je n'aime pas le travail en groupe, je n'aimerai pas les réunions, et j'ai beaucoup de mal à accorder ma réelle confiance.
Pour la question de l'identité musicale, disons que je ne suis pas "formaté" (ce n'est pas le terme exact), je suis encore "moi", et j'espère pouvoir le rester.

Cet échange me permet aussi de prendre un peu de recul, et de confronter des avis différents. J'espère qu'il pourra épargner à d'autres ces cruelles extrémités (qui parlait de dilemme cornélien, déjà ? :wink: )
Merci à tous. :)

ÉDIT : Bluephoenix à répondu avant moi.

Bluephoenix : C'est tout à fait ça, j'aimerais pouvoir tout savoir sur tout, ne rien abandonner. Pourquoi la vie est-elle si exclusive ? Ne peut-on pas tout faire en même temps ?
Merci de tes encouragements. En tout cas, il est certain que concertiste est la finalité d'un parcours, que je n'ai qu'à peine commencé ...
Merci de ton message :)
Jean-Luc
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Jean-Luc »

C'est en effet une question qui a souvent été abordée ici. C'est un choix difficile, et malgré tout ce qu'on pourra te dire, ce n'est qu'en toi qu'il y a LA réponse. On ne peut juste que t'aider à éclairer ta lanterne, qui peut-être te conduira sur le bon chemin.

Permets moi de te raconter un épisode de ma vie... :mrgreen:

Lorsque j'avais ton âge (ou presque, j'avais 18 ans), j'avais plus de 10 ans de pratique pianistique derrière moi. J'étais en 1ère année de fac, et je n'ai pas beaucoup travaillé... parce que je me donnais à fond dans le piano. A l'issue de l'année scolaire, j'ai donné un petit concert (entrée gratuite) dans le sud de la France, sur un programme que j'avais dans les doigts depuis plusieurs années pour certains morceaux.
Ma prof m'a beaucoup fait (re)travailler tout le programme pendant toute l'année, et le concert s'est bien passé. Ce n'était pas un vrai public puisque la majorité était composé de personnes que je connaissais et qui ont eu la gentillesse de faire le déplacement depuis Paris. Quelques personnes étaient cependant venues là en "touriste". Après le concert, j'étais grisé. Je me suis dit "c'est pianiste que je veux faire!"
j'ai gardé cette idée pour moi sans en parler à mes parents, j'en ai parlé à ma prof en premier. Elle m'a regardé et m'a dit tout de go avec son accent russe caractérisé : "Jean-Louk, tu joues très bien le piano, mais tu n'as pas talent..." C'est comme si le sol s'effondrait sous moi! Elle a rajouté ensuite "tu peux faire prof de piano, il y a études pour ça". Non, j'étais si anéanti que je n'ai rien répondu et je suis rentré à la maison, fort déprimé.
Ma prof était fine psychologue, malgré le fait qu'elle hurlait souvent en cours, si bien que quelques jours après, elle a téléphoné chez mes parents (qui n'étaient toujours pas au courant de l'histoire) et m'a proposé de venir avec elle écouter les candidats au concours d'entrée du CNSM. Ce qu'on a fait après les vacances d'été.
En attendant j'avais loupé mon concours d'entrée en 2ème année... :lol:

Donc je suis allé avec elle. La majorité des candidats ont bien joué, d'autres moins, je ne pourrais pas aujourd'hui me rappeler de tout, ni même des pièces que j'ai entendues. On y a passé presque la journée, on a pu écouter dans un silence absolu une dizaine de candidats. A la sortie, elle m'a dit cette chose : "tu vois tous ces pianistes, sans doute que pas un seul ne fera carrière. Jean-Louk, il faut penser beaucoup, tu pourras toujours continuer le piano, mais vivre comme concertiste c'est très difficile. Fais-toi plaisir".

Bon, OK, ma prof était d'une exigence absolue et sévère, mais elle a eu la clairvoyance d'être absolument honnête et franche, et avec les années, je ne peux que la remercier de cette franchise.

Okay a très bien dit les choses. La situation en 1983/84 était bien différente de celle d'aujourd'hui, le mur n'était pas tombé, les Asiatiques étaient encore rares. Aujourd'hui, la concurrence est vraiment rude. Aussi, il faut avoir ce petit "plus" que les autres n'ont pas, étant entendu que le bagage technique et artistique, fort difficile à acquérir, est le pré-requis vraiment basique.

Je te fais juste partager mon expérience au travers de cette anecdote, qui maintenant me fait sourire, mais je ne te connais pas, je ne sais pas quelle force de caractère tu as, quelle endurance est la tienne, ni quel est ton profil psychologique face à l'échec ou à la réussite. Il faut avoir des nerfs d'acier pour faire ce métier, en plus de tous les atouts cités plus haut.
Je ne t'ai entendu que via YT dans un mouvement d'une sonate de Haydn, c'est bien peu pour te conseiller quelque chose sur ton avenir.

Donc, je suis passé par là où tu passes en ce moment, mais bien vite on m'as remis dans la réalité. Aujourd'hui, je suis très content d'être amateur de piano et j'ai un métier que j'aime. Je ne sais pas si j'aurais été aussi bien dans ma tête si j'avais été pianiste... :D
Val
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Val »

Merci, Jean-Luc, de ce témoignage.

En fait (oui, en fait), tu as eu ce que je voudrais presque avoir : un jugement objectif, qui même s'il est très dur, t'a fixé. J'aimerais qu'on me dise : "Non, tu ne pourras jamais faire concertiste", car, même si ça serait très certainement un coup extrêmement difficile à supporter, j'aurais une certitude : ma voie n'est pas celle-là.

Hélas, mon entourage est trop sympathique ...
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Lee
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Lee »

Val, je te salue pour le courage d'avoir posé la question sur le forum et d'avoir partagé autant.
Val a écrit : je voudrais presque avoir : un jugement objectif, qui même s'il est très dur, t'a fixé. J'aimerais qu'on me dise : "Non, tu ne pourras jamais faire concertiste", car, même si ça serait très certainement un coup extrêmement difficile à supporter, j'aurais une certitude : ma voie n'est pas celle-là.
Mais ce jugement stricte n'est-il pas de faire plusieurs concours de piano cette année ? Ça pourrait trancher pour toi nettement, car j'imagine que c'est un microcosme minuscule de comment tu te trouverais dans le monde des concertistes. Mais ça, c'est si tu veux être concertiste du piano. A part pianiste ou chef d'orchestre, il y a d'autres voies en musique qui sont moins glorieux ou qui gagnent moins bien mais qui sont aussi importants à la musique.

Je me demande pourquoi il y a autant de ingénieurs passionnés de musique sur ce forum qui ne sont pas ingénieurs en musique. Sont-il également les métiers difficiles d'accéder ? Si j'étais orientée maths/science, je trouverais l'acoustique spatiale passionnante, juste pour donner un exemple.
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jean-séb
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par jean-séb »

Lee a écrit :Je me demande pourquoi il y a autant de ingénieurs passionnés de musique sur ce forum qui ne sont pas ingénieurs en musique.
Boulez a abandonné à la fin de la classe de mathématiques supérieures pour se préparer au Conservatoire. On voit ce que ça a donné ! :D Il y a aussi le cas Xénakis.
Val a écrit : j'aimerais pouvoir tout savoir sur tout, ne rien abandonner. Pourquoi la vie est-elle si exclusive ? Ne peut-on pas tout faire en même temps ?
Bon, puisqu'on est dans le mode "confessions intimes", quand j'avais ton âge, il y a plusieurs décennies, j'ai ressenti exactement ce que tu ressens. À l'école, j'avais deux ans d'avance et j'étais bon en tout (pour ne pas paraître immodeste, j'ajoute quand même que j'étais nul en gym, et je le regrette aujourd'hui). Du coup, je ne savais absolument pas vers quoi m'orienter. J'avais commencé à noter dans un cahier les plus beaux passages de mes lectures, et j'avais senti comme particulièrement vraie cette observation de Gide, dans les Nourritures terrestres :
choisir, c'était renoncer pour toujours, pour jamais, à tout le reste et la quantité nombreuse de ce reste demeurait préférable à n'importe quelle unité.

Un peu par paresse, j'ai cédé aux pressions familiales et fait des études d'ingénieur ; je suis sorti de Centrale à 21 ans ! Aujourd'hui, avec le recul, j'en suis très heureux. Mais peut-être aurais-je été aussi heureux avec d'autres choix.

On t'a parlé de la difficulté du métier de concertiste, et de sa terrible solitude. J'ai l'impression que ceux qui ont vraiment la vocation pour cette exigeante passion ne se posent même pas la question de savoir s'ils vont ou non s'y consacrer ; ils foncent. Mais il n'y a pas que concertiste comme métier dans la musique. Nous avons ici sur le forum plusieurs exemples de gens qui vivent de et par la musique. Et ceux que j'ai rencontrés m'ont l'air épanouis.
Gracou
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Gracou »

Qu'en disent les gens avec qui tu prends des cours ?

C'est difficile de donner un avis ferme et définitif à un ado qui se pose ce genre de question. Le cas de la prof de Jean-Luc, même si on peut louer sa franchise est juste hallucinant. Etre si brutal avec quelqu'un qui est en construction, c'est limite criminel. La personne peut se raccrocher à cette idée comme à son dernier espoir, rentrer chez elle et juste se foutre en l'air.

Je ne sais pas si tout le monde sera d'accord avec ça, mais j'ai souvent constaté que le choix de la musique comme métier n'en est pas un dans le sens où il s'impose à l'individu : c'est ça ou rien, comme une évidence, même si on a toute les chances de ne pas très bien en vivre, même si ce choix n'est pas raisonnable. Peut-être un peu comme en amour, d'ailleurs :mrgreen: . Mais bon, je m'emballe, c'est peut-être plus une question de caractère qu'autre chose.

Je n'ai pas fait concertiste, mais quand j'ai décidé de faire de la musique mon métier, il était déjà tard et j'avais un petit niveau. Ce dont je me souviens, c'est d'avoir demandé l'avis de tous les gens que je connaissais (ou bien chacun s'empressait de donner le sien :mrgreen: ) et qu'avec le recul, chacun me disait ce qu'il aurait fait à ma place, avec ses peurs, ses aspirations, etc. Genre celui qui était mal dans sa vie professionnelle me disait qu'il fallait tenter, faire ce qu'on voulait, etc. Celui qui était plus trouillard, pépère tranquille me disait que non, surtout pas, ce n'était pas raisonnable, etc.

J'ai finalement eu la chance de rencontrer le prof que j'ai gardé pendant un paquet d'années après et qui m'a auditionné, avec qui on a longuement parlé et qui m'a dit que ça allait être difficile, très difficile, que je n'aurais jamais la technique d'Oscar Peterson, mais que si j'étais prêt à beaucoup bosser, on pouvait faire affaire ensemble, et qu'il fallait faire parallèlement à ça l'étude d'un métier que l'étude du piano viendrait nourrir (en l'occurrence, pour moi, ça a été prof), parce que vivre uniquement en jouant devient de plus en plus injouable et rare, que le statut d'intermittent finirait par prendre du plomb dans l'aile (déjà à l'époque), etc, et je crois qu'il avait bien raison.

Peut-être qu'un métier de la musique autre que concertiste pourrait combler tes attentes. Au cas où, des pistes :wink:
http://www.lesmetiers.net/orientation/p ... la-musique
http://mediatheque.cite-musique.fr/masc ... efault.htm
La différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou. Salvador Dali.
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Okay
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Okay »

Je n'ai pas osé l'écrire, mais j'ai pensé très fort la même chose que jean-seb et Gracou : ce n'est pas vraiment une carrière qu'on choisit, c'est elle qui nous choisit.
Val a écrit : L'année prochaine, il me faudra faire des choix pour mes études post-bac. Et ces choix, même s'ils ne sont pas définitifs, risquent d'impacter plus ou moins sérieusement ma pratique du piano. D'ailleurs, je m'ennuie aussi sérieusement en cours ... Ai-je envie de faire une prépa ? Si oui, laquelle ? Dans cette option, le temps qui me sera dévolu sera extrêmement faible, sinon inexistant. Je pourrais également choisir une formation plus légère, de type Sciences-Po ou Dauphine
A mon tour de raconter un peu ma vie, puisqu'à peu près à ton âge, il a un peu été question des mêmes interrogations (j'étais en première lorsque mon prof m'a fait tenter le concours d'entrée du CNSM, que j'ai échoué). Pour te donner une idée, j'étais le seul de ma classe de piano à poursuivre des études au collège puis au lycée à plein temps. Tous les autres sans exception suivaient déjà un cursus à horaires aménagés dans un lycée parisien à quelques encablures du CNR : lycée le matin, conservatoire l'après-midi. En rentrant en seconde, la question s'est posée, puis lorsque j'ai appris que seule la filière littéraire était accessible ensuite en première, j'ai tout de suite compris qu'un tel choix allait sévèrement brider ma poursuite d'études. Dans ma tête il était hors de question de sacrifier autant les études pour le piano, car en baignant au même moment dans les 2 milieux, je pouvais constater la chose suivante. Etre bon parmi les bons au lycée me garantissait certaines choses, notamment un accès direct aux meilleures prépas parisiennes avec tout ce que ça implique. Alors qu'en piano il était à peu près acquis qu'un avenir un tant soi peu prometteur reste fermé même à ceux là, pour espérer une carrière, il fallait déjà sortir du lot de manière évidente et spectaculaire. Donc pour être honnête, la question ne s'est pas aussi concrètement posée pour moi, puisque malgré de réelles prédispositions, ce métier ne m'avait pas choisi. J'ai eu mon prix du conservatoire au moment de commencer les études supérieures, symboliquement ça clôturait mes études musicales alors que je commençais les autres.
Néanmoins, en raison de mon tempérament et aussi pour préserver un peu de temps pour la musique, je n'ai pas mis les pieds dans la prépa où j'étais inscrit. J'ai finalement fait Dauphine, que tu cites, et j'y enseigne même une trentaine d'heures par an depuis quelques années. Je ne dirais pas que ce sont des études légères, très loin de là, mais il est évident que la charge de travail n'a rien à voir avec la prépa. Disons qu'elle est mieux répartie sur les 5 ans. En prépa tu donnes énormément pendant 2 ou 3 ans, puis c'est beaucoup plus calme ensuite. A Dauphine, tu prends le barycentre [prépa,école] et tu étales sur 5 ans :mrgreen: Par contre pour Science-Po, c'est le modèle prépa. J'avais un ami au lycée qui faisait du sport de haut niveau et qui a ensuite fait khâgne, hypokhâgne et a cubé, car il voulait intégrer Science-Po (il a du finir ses études à la fac in fine). Autant dire que les entraînements sportifs avaient à peu près disparu de sa vie à cette époque. Il est devenu prof d'histoire-géo.

A nouveau, je ne te connais pas et ne me permettrais jamais de juger tes aspirations. Je te suggère simplement de mettre tout ça dans la balance de manière la plus réaliste possible, surtout si tu as des capacités avérées dans les domaines extra-musicaux (ce qui semble d'évidence le cas). Mon parcours n'est pas un modèle en soi, il reflète juste ce qui était possible et ce qui ne l'était pas, sans obstination dans ce qui était la voie de garage pour moi. Les choses peuvent être très différentes pour toi, mais par pitié, n'écoute pas les conseils du type "avec la volonté on déplace des montagnes, suis ton rêve et tu verras là où ça te mènera". Crois moi, rien n'est en plus profond décalage avec tes interrogations.
Rien n'est cependant impossible, il existe bien des cas absolument exceptionnels, des pianistes comme Jonathan Gilad qui mènent une carrière brillante de pianiste professionnel et qui ont fait l'X ...
Modifié en dernier par Okay le jeu. 17 juil., 2014 12:00, modifié 1 fois.
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jean-séb
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par jean-séb »

Okay a écrit :Rien n'est cependant impossible, il existe bien des cas absolument exceptionnels, des pianistes comme Jonathan Gilad qui mènent une carrière brillante de pianiste professionnel et qui ont fait l'X ...
Oui, et avant lui, il y avait eu le pianiste Claude Helffer, qui paraît un peu oublié aujourd'hui, peut-être parce qu'il s'est plus (trop ?) consacré à la création contemporaine.
Dans un autre genre, le compositeur Karol Beffa m'épate forcément ; d'après Wikipédia :
Il mène en parallèle une carrière intellectuelle qui l'amène à obtenir un nombre impressionnant de diplômes :
licence en histoire
licence en philosophie
maîtrise d'anglais
Master of Philosophy de l'université de Cambridge
diplôme de l'École nationale de la statistique et de l'administration économique (ENSAE)
reçu premier à l'École normale supérieure (ENS)
agrégation d'éducation musicale (reçu premier)
doctorat en musicologie du XXe siècle à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) (2003). Sujet de thèse : Les études pour piano de György Ligeti : imagination sonore et théâtralisation.

Il enseigna à l'Université Paris IV (1998-2003) puis à l'École polytechnique (2003-2009).
C'est l'arbre qui cache la forêt. En fait, cet arbre est même bien trop maigrichon et isolé pour cacher l'immense forêt derrière.
dilettante
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par dilettante »

Je précise mon point de vue.
Je vois deux questions cruciales :
- quelle est "la vie qui va avec" ma future profession ? (que ce soit concertiste, ingénieur, conservateur de musée ou directeur marketing chez OnVeutDesSous SA)
- est-ce le domaine de la musique ou concertiste qui m'intéresse ?

Pour ce qui est de la deuxième question, c'est forcément non déterministe, c'est aussi une histoire de chance et pas uniquement de talent. Mais c'est déjà important d'avoir un objectif, tout le monde n'en a pas. Ensuite il faut se donner les moyens de réussir. Tous ceux qui ont réussi se sont donnés les moyens et ont su lutter contre "les vents contraires". Mais il faut inclure dans la démarche l'échec possible, et les conséquences. C'est pourquoi je pense que si c'est la musique qui t'intéresse, de manière plus générale, il faut envisager d'autres professions pour pouvoir rebondir en cas d'échec (mot trop fort d'ailleurs). Une solide formation au conservatoire ne peut pas mener à rien, il y a toujours la possibilité de devenir enseignant. Ensuite on peut aussi composer de la musique et pas forcément des symphonies (c'est juste pour donner un exemple). L'objectif, au fond, étant de "baigner" dans le milieu dans lequel on se sent naturellement bien. En outre si le minimum pour toi c'est 3 h de piano par jour, il faut être conscient qu'après une journée de travail, dans un domaine non musical, ça va être dur de les caser. (temps de trajet, déplacements loin de ton domicile, fatigue, courses, etc.). Et si en plus tu as fondé une famille, ça va être encore plus dur. Tout ça pour dire que si tu es, par exemple, prof dans un conservatoire, tu trouveras naturellement plus le temps de pratiquer et ton chef ne te reprochera pas de sortir plus tôt pour aller jouer. Je rejoints donc Gracou qui donne un avis très pertinent. Je connais un autre exemple, similaire, d'un ami qui tout en étant prof dans une école municipale, fait des animations avec un petit orchestre, certes, c'est de la variété, mais il est visiblement très heureux comme ça et je ne le vois pas du tout travailler dans un autre contexte.

La première question "la vie qui va avec", c'est la question à se poser quelle que soit la profession envisagée, et elle est rarement abordée.
En effet c'est bien beau de faire des études et d'avoir un diplôme reconnu et un job bien payé, mais cela a une contrepartie. Si c'est dans un domaine autre que la musique ça veut dire que tu va avoir toutes les contraintes de ce job, ce qu'on n'explique jamais aux étudiants. Mais c'est aussi vrai pour la musique et évidemment encore plus pour un concertiste. Il faut essayer de se faire une idée de l'emploi du temps réel que cela implique. Un choix de profession en entraine beaucoup d'autres, implicites et pas nécessairement pris en compte immédiatement mais qui peuvent devenir des gros problèmes. Donc quelque soit le choix, il faut avoir opté pour celui qui laisse un temps et des conditions matérielles suffisants pour pratiquer sa passion et avoir une vie harmonieuse.
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thiducha
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par thiducha »

dilettante a écrit :Si il s'agit de choisir entre un job d'ingénieur dans l'industrie et un métier de musicien, pour moi le choix est très vite fait : musicien.
Personnellement je suis ingénieur dans l'industrie et je ne le conseille pas à tous ceux qui ont un tout petit peu d'intérêt autre que pécunier pour leur activité professionnelle. Entre les études, intéressantes, et le job, rien à voir. Et ça se détériore de plus en plus.
Maintenant question rémunération ça risque d'être mieux, mais ça peut aussi vouloir dire que tu va passer des années en tant que presta(taire de service), mal payé et corvéable à merci, comme certains de mes collègues. Ou alors il faut faire le top ten des écoles et c'est pas donné à tout le monde, et malgré tout, je ne trouve pas que les postes proposés soient géniaux.
Si tu as un rêve et une chance de le réaliser il faut la tenter, c'est ça la vraie vie.
Je me sens obligé de contrebalancer ce jugement un peu extrême me semble-t-il... Non pas pour avoir raison, mais pourquoi dégouter des lycéens qui se destinent à une formation scientifique ou technique et vont tomber sur cette description? C'est vrai certains ingénieurs se trouvent dans cette situation, mais ce n'est pas un fatalité.

Pour ma part:
- j'ai fait une (très) petite école
- je n'ai jamais travaillé une minute pour une boite de service, par choix
- j'ai toujours eu des métiers passionnants et riches
- j'ai eu d'assez bon postes
- j'ai créée une boite sur des technologies de pointe et qui n'est pas une société de service
- nous embauchons des ingénieurs qui utilisent leur cerveau et leur savoir-faire

Donc c'est possible comme il est possible de faire des carrières passionnantes dans la musique et certainement d'en faire de désastreuses. Et donc ce n'est à mon avis pas un critère de décision pour notre ami Val.

Désolé pour cette intrusion, Val, je me sens tout à fait incompétent pour de donner quel que conseil que ce soit sur le choix d'une carrière musicale.

Les gens qui t'ont répondu sont d’expérience!
dilettante
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par dilettante »

thiducha a écrit :
dilettante a écrit :Si il s'agit de choisir entre un job d'ingénieur dans l'industrie et un métier de musicien, pour moi le choix est très vite fait : musicien.
Personnellement je suis ingénieur dans l'industrie et je ne le conseille pas à tous ceux qui ont un tout petit peu d'intérêt autre que pécunier pour leur activité professionnelle. Entre les études, intéressantes, et le job, rien à voir. Et ça se détériore de plus en plus.
Maintenant question rémunération ça risque d'être mieux, mais ça peut aussi vouloir dire que tu va passer des années en tant que presta(taire de service), mal payé et corvéable à merci, comme certains de mes collègues. Ou alors il faut faire le top ten des écoles et c'est pas donné à tout le monde, et malgré tout, je ne trouve pas que les postes proposés soient géniaux.
Si tu as un rêve et une chance de le réaliser il faut la tenter, c'est ça la vraie vie.
Je me sens obligé de contrebalancer ce jugement un peu extrême me semble-t-il... Non pas pour avoir raison, mais pourquoi dégouter des lycéens qui se destinent à une formation scientifique ou technique et vont tomber sur cette description? C'est vrai certains ingénieurs se trouvent dans cette situation, mais ce n'est pas un fatalité.

Pour ma part:
- j'ai fait une (très) petite école
- je n'ai jamais travaillé une minute pour une boite de service, par choix
- j'ai toujours eu des métiers passionnants et riches
- j'ai eu d'assez bon postes
- j'ai créée une boite sur des technologies de pointe et qui n'est pas une société de service
- nous embauchons des ingénieurs qui utilisent leur cerveau et leur savoir-faire

Donc c'est possible comme il est possible de faire des carrières passionnantes dans la musique et certainement d'en faire de désastreuses. Et donc ce n'est à mon avis pas un critère de décision pour notre ami Val.

Désolé pour cette intrusion, Val, je me sens tout à fait incompétent pour de donner quel que conseil que ce soit sur le choix d'une carrière musicale.

Les gens qui t'ont répondu sont d’expérience!
Sans entrer dans une polémique hors sujet, je persiste sur ce que j'ai écrit. Je précise que ça ne concerne que les grosses structures.
Il faut "avoir le choix" de ne pas travailler pour une société de service. C'est de moins en moins possible (il suffit de consuler les petites annonces de l'APEC pour faire une petite stat.). Personnellement j'ai eu cette chance de ne pas "y passer", mais j'ai des amis qui n'en sont pas sortis. Et je ne compte pas les jeunes qui sont blasés, et qui visiblement, attendent que ça se passe. Il y a bien sûr aussi des gens qui sont adaptés à ce milieu et qui s'y épanouissent.
Effectivement la PME c'est plus souvent une niche, et donc on est beaucoup moins dans le travers que je décris.

Ton expérience positive montre que l'on est satisfait lorsque l'on ne s'est pas arrêté en chemin ; on a fait un choix, on l'assume et on se donne les moyens d'aller jusqu'au bout.
La plupart des gens sont dans la survie, très peu sont détachés des contingences matérielles et encore moins réalisent leurs aspirations profondes (encore faut-il les connaître).

Bon il faut relativiser tout ça. J'ai quand même un boulot que beaucoup m'envieraient, un bon salaire, et six semaines de vacances, et je peux faire du piano tous les jours.
On reste dans la discussion "de riches"...
BluePhoenix05
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par BluePhoenix05 »

J'ai comme l'impression que Val a également d'autres centres d'intérêt que la musique, et auxquels il ne se voit pas forcément renoncer.
Il me semble que se lancer dans la musique ferme à d'autres domaines. En essayant de discuter des musiciens aspirants professionnels, je sentais qu'en simple "amateur", ils étaient dans un autre monde dont ils m'excluaient comme si je ne pouvais les comprendre #-o . Je pense qu'une grande part de l'intérêt suscité par le CGAP (concours des grand amateurs) auprès du public et des médias, provient de là, cette "accessibilité" rêvée de la musique et des musiciens (j'ai trouvé les candidats bien plus ouverts à l'échange).

Aujourd'hui je suis plus porté sur le piano que plus jeune, et ça me montre qu'il est facile de revenir vers la musique. C'est vrai qu'actuellement je travaille mon piano dès que je le peux, et c'est probablement au détriment d'autres choses, mais bon j'ai envie d'en profiter :) !

Alors qu'une prépa, on n'a qu'une seule occasion d'en faire une (par ex il y a une limite d'âge pour entrer à Polytechnique, comme au CNSM :mrgreen: ). Si je n'avais que la musique, ma vie serait une erreur :P . Je n'en dirais autant si je n'avais que les maths dans la vie 8) . Mais c'est personnel, je ne me voyais et ne me vois pas faire uniquement de la musique dans la vie.
Val a écrit :Je pense être prêt à faire de la musique ma vie, peut-être pas concertiste, si je découvrais autre chose qui m'intéressait dans ce domaine, peut-être chef d'orchestre, ça a l'air passionnant aussi.
Ca me semble super dur d'être chef, il faut avoir des capacité de leader, gérer des musiciens distraits/dociles/égocentriques/etc., savoir leur communiquer l'intention musicale qu'on veut créer et obtenir leur adhésion tout en leur permettant de s'exprimer... (cf. les chefs qui dirigent sans diriger :shock: =D> )

Cette réflexion me fait penser à Jarrousky, qui ayant commencé le violon trop tard, pensait se tourner vers les matières musicales "théoriques" (comme chef).
Tu peux toujours devenir chanteur comme lui 8) (ou chanteur mais pas chanter comme lui :mrgreen: )
La limite d'âge au CNSM c'est 28 ans pour les garçons je crois. Je peux encore le faire lol ! :lol:

Le chant c'est facile. On ne gère pas la polyphonie, on fait semblant d'écouter les autres qui accompagnent. Tu acquières la technique (accessible avec des méthodes éprouvées), tu passes les auditions (c'est rare de trouver quelqu'un à la technique complète), tu te fais recruter facilement ! Et puis tu parles allemand. Avec éventuellement un physique avantageux hop ta carrière est lancée ! :lol: :mrgreen:
Quelques traductions de poèmes chinois à ma sauce
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Ashiro
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Ashiro »

BluePhoenix05 a écrit :Le chant c'est facile.
Si seulement.... Je commence (enfin) à aborder le répertoire de l'opéra ça n'a rien de facile du tout... Après je crois que comme toute chose, tout dépend de la hauteur de nos ambitions. Je pense que ce qui a été dit en haut est plutôt vraie à l'heure actuelle concernant le piano. Hélas à 15/16 ans, on est censé avaler une bonne partie du répertoire et posséder une technique complète afin de travailler sur d'autre choses. MAIS, rien ne dit qu'il est impossible d'y arriver. Il ne faut pas penser qu'à la scène française mais aussi à des pays étrangers et parfois émergeant qui accueillent eux aussi de nombreux artistes.
Après c'est vrai que tu peux aussi te lancer dans de longues études menant sur des emplois lucratifs (qui te plaisent bien entendu !) et qui te permette de pouvoir te faire plaisir à haut niveau avec ton piano tout est étant amateur surtout si tu en as les capacités.
Et est ce que tu as déjà demandé à ton professeur de participer à des concours de piano ? Ça pourrait être une bonne piste pour te faire une idée de la chose.
Val
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Re: Suis-je prêt à m'engager dans la voie professionnelle ?

Message par Val »

Encore merci de vos nombreux retours, je ne peux y répondre comme je le devrais, car j'ai une connection assez faible, là où je suis actuellement.

Des concours, j'en ai fait, plusieurs fois. Mais disons qu'un concours juge plus du travail présenté que des capacités supposées du candidat. Toutefois, je ne suis jamais arrivé premier, mais ma professeur m'a fait savoir que c'était à son avis uniquement parce que ma technique était insuffisante. Ma prof est ma première "supportrice", la première à avoir su me motiver, me pousser, et maintenant à m'encourager à aller plus loin dans la musique. C'est d'ailleurs elle qui m'a suggéré de passer le concours d'entrée de l'école normale, où elle a elle-même été étudiante.
Vous avez souligné le fait que devenir musicien devait s'imposer à moi. Je partage entièrement cet avis. Je sais qu'une grande part de moi est dévouée à la musique, pourtant, je n'ai pas été enfant prodige (ou peut-être qu'on ne m'a pas laissé l'être ?), et, aujourd'hui, il me reste encore un chemin conséquent à parcourir avant d'acquérir le niveau requis. Dans ces conditions, la musique peut-elle s'imposer à moi comme chez d'autres ? Lorsqu'on est enfant prodige, le piano prend immédiatement toute la place, moi, lorsqu'on a découvert mes possibilités, mes autres capacités avaient déjà émergées. Mais, si j'entre à l'école normale, peut-être ferai-je des rencontres, qui me décideront totalement en faveur ou contre ce projet, peut-être aurai-je à subir un jugement aussi terrible que celui qu'a subi Jean-Luc. Une fois un pied dans le monde de la musique, peut-être que je saurai.
Vous l'aurez remarqué, tout ce projet est exclusivement fondé sur l'école normale. Si je ne l'ai pas, le dilemme n'aura plus lieu d'être, et ne me resteront que les soucis courants de l'orientation post-bac.

Car, vous avez raison, j'ai d'autres centres d'intérêts, aussi nombreux que variés. Ainsi, j'aime beaucoup les sciences, physique et mathématiques en particulier, mais j'aime également la biologie, la psychologie, l'histoire du monde, les langues (anciennes et actuelles), les langues non déchiffrées, la littérature, les arts, l'économie, le droit, la politique, ... Et, comme Jean-Séb, je suis bon partout (moyen, mais pas "nul" en sport :wink: ). C'est cette histoire de "prédisposition naturelle", qui ne m'a frappé pour aucun domaine plus que pour d'autres (désolé pour la vantardise :oops: ). Et, cette sorte de "polymathie", je ne voudrais pas la perdre, je ne voudrais pas avoir à abandonner une discipline pour en garder une autre. Je voudrais que tous les arbres poussent également et en même temps, sans qu'il y ait de clairière ignorante. Je comprends, je partage cette citation désespérée de Gide ... Hélas, on ne peut rien y faire. Évoluer, c'est se spécialiser, abandonner l'idée d'une connaissance globale du monde, de son histoire, de son avenir autant que de son contenu. J'ai beaucoup de mal à m'y résoudre. J'ai longtemps dévoré des encyclopédies de toute sorte, fouillé sur internet toute sorte de choses, lu beaucoup de livres sur beaucoup de sujets, et je réalise que j'aurai beaucoup de mal à compléter ce savoir. Mais ce problème se posera toujours, quelque soit mon métier. C'est donc en m'y résignant que je pourrai avancer, mais tant que rien n'est amorcé, je fais comme toi, Okay, j'essaye d'assurer sur tous les fronts, car, à la fin de l'année, ce sont mes résultats qui décideront pour moi, et tant que je ne serai pas en cursus professionnalisant en musique, je continuerai à aller en cours, et si possible au plus haut niveau.

Pourtant, dans pianiste, il y a des dimensions supplémentaires. Les arts se nourrissent des autres arts, il est même nécessaire de les connaître. Joue-t-on les Russes de la même manière quand on a lu Gogol et Dostoïevsky ? Barenboïm disait au sujet de Rubinstein : "Il ne voyait pas la musique comme une tour d'ivoire". Je partage cette vision.
Il y a également une dimension de partage illimité avec le public, je veux quand je joue, créer la même émotion que celle que j'éprouve quand j'entends Bach par Gould, ou Chopin par Rubinstein, Schumann par Cortot ou Richter, ... Et quand j'entends la fugue en mi majeur du CBT par Gould (pas celle de ses enregistrements, celle de Youtube), je reste muet, transi d'émotion, et je ne peux que rêver d'en produire de la même intensité. Concertiste, c'est la place privilégiée pour l'expression de telles choses. Bien sûr, j'essaye de ne pas trop idéaliser, et je suis bien conscient des difficultés inhérentes à son exercice. J'imagine sans mal les mois où il y a autant de concerts que de jours, dans les quatre coins du monde, où lorsqu'il y a un différent insoluble avec le directeur artistique ... Mais cela enlève-t-il beaucoup à l'amour que l'on porte à son métier ? Je vous le demande sincèrement.


Vous aurez remarqué que je ne réponds pas à chacun d'entre vous spécifiquement comme je le devrais, j'essaye de construire une réponse globale en tenant compte des remarques ou questions de chacun. Si ce n'est pas très clair, dites le moi !

Merci pour vos nombreuses réponses, qui me font beaucoup réfléchir.
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