Je ne vais pas souvent au concert, et je poste encore moins souvent de compte rendu, mais là je n'ai pas d'autre choix.
J'ai eu la chance hier d'etre présent à Pleyel écouter Volodos dans le deuxième concerto de Brahms avec Ricardo Chailly. À la fin du premier mouvement, je me suis dit : ce type est juste un extraterrestre. Et la suite était à ne pas en douter du même acabit.
Moyens absolument inhumains (PAS UNE SEULE fausse note jusqu'à la fin du concerto, oui, on parle bien du deuxième de Brahms), imagination débridée, sens du phrasé et des plans sonores hallucinant. Outre l'exploit de dompter un tel concerto sans effort apparent, ce qui m'a le plus impressionné est son contrôle du son absolument permanent du pianissimo à peine audible (debut du 3e mouvement par exemple), jusqu'au fortissimo massif, et ce peu importe le tempo et l'extrême virtuosité. Un son toujours très coloré, soyeux, jamais la moindre dureté ni superficialité, et en même temps un sentiment paradoxal de spontanéité.
Bref, ça a l'air un peu dithyrambique ce que je raconte, mais j'ai pris une sacrée claque pianistique. Pour donner une idée, j'avais aussi vu Berezovsky dans Prokofiev l'année dernière, qui m'avait énormément impressionné (il a un côté "nonchalant" assez déroutant quand on connaît la partition), mais hier Volodos était sur une autre planète.
C'est fascinant, car ce pianiste était un peu catalogué bête de scène virtuose. Mais c'est bel et bien un véritable poète du clavier aujourd'hui. Il a tout pour faire partie des plus grands.
Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
Modifié en dernier par Okay le mer. 30 oct., 2013 10:35, modifié 1 fois.
Re: Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
Il se bat contre cette réputation dont tu parles, mais c'est pas facile.
Je l'avais aussi entendu à Pleyel il y a quelques années, avec notamment de très belles Waldszenen, et de magnifiques Funérailles. Il avait volontairement choisi un répertoire destiné à mettre en avant sa musicalité plutôt que sa technique hors du commun.
J'avoue qu'il m'avait moins marqué que ce que tu décris, même si c'était évidemment un formidable moment musical ; il faudrait que je le réécoute. J'en entends un peu moins parlé récemment, et je l'entends assez rarement finalement.
Je l'avais aussi entendu à Pleyel il y a quelques années, avec notamment de très belles Waldszenen, et de magnifiques Funérailles. Il avait volontairement choisi un répertoire destiné à mettre en avant sa musicalité plutôt que sa technique hors du commun.
J'avoue qu'il m'avait moins marqué que ce que tu décris, même si c'était évidemment un formidable moment musical ; il faudrait que je le réécoute. J'en entends un peu moins parlé récemment, et je l'entends assez rarement finalement.
Re: Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
C'est sûr, c'est un immense pianiste, extrêmement subtil et précis, brillant et virtuose, mais avant tout un très rare musicien.
Zimerman en concert en Juin, salle Pleyel !
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Re: Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
je pense que Volodos fait le choix de s'éloigner de la réputation qu'il a lui même construit, en jouant moult transcriptions à la virtuosité monstrueuse.
J'ai été moi même, assez longtemps, un peu dubitatif....de voir autant de moyen pas utilisé toujours pour la bonne cause...mais depuis pas mal de temps, il prend un virage.
La maturité va bien lui aller...
Son concert à Nohant en juillet dernier (Mompou, Schumann) était magnifique de poésie, de conception, et de réalisation.
Je deviens, malgré moi, un peu plus fan à chaque concert.
M..de....par ailleurs j'ai oublié de prendre des billet pour Sokolov....je m'en veux beaucoup....
J'ai été moi même, assez longtemps, un peu dubitatif....de voir autant de moyen pas utilisé toujours pour la bonne cause...mais depuis pas mal de temps, il prend un virage.
La maturité va bien lui aller...
Son concert à Nohant en juillet dernier (Mompou, Schumann) était magnifique de poésie, de conception, et de réalisation.
Je deviens, malgré moi, un peu plus fan à chaque concert.
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Re: Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
Je continue sur ce fil. Ce soir j'ai écouté Volodos en récital au théâtre des Champs-Elysées (TCE). Ce concert était passionnant et surtout illustrait pour moi à merveille ce qui a été dit hier après les propos de Trifonov. L'illustration était pour moi parfaite car il n'y a pas eu qu'une seule vague, loin de là, il fallait que l'artiste aille les chercher. En clair, si je résume ce que j'ai ressenti du concert, il a commencé par une sonate de Schubert peu connue en ut majeur. Le premier mouvement était une mise en scène géniale d'un texte à mon avis parfaitement indigent, le problème est que la pièce avait 4 actes, et qu'il était tout de même difficile de maintenir l'intérêt jusqu'au bout. Changement d'atmosphère avec l'opus 118 de Brahms. Le n°1 est solidement charpenté, le n°2 est très poétique, avec des sonorités merveilleuses, le n°3 (ballade) alterne violence et douceur de façon convaincante, mais un je ne sais quoi fait que je reste un peu extérieur à ce magnifique piano. Puis arrive le compliqué n°4, le début file un peu vite pour moi, mais quelque chose se passe et devient évident au début du passage médian après la double barre, il attrapé une vague qu'il ne lâche plus, il y a une micro-différence qui fait qu'on rentre avec lui dans la musique, et on sent en même temps une fragilité de ce lien avec le public qui est profondément émouvante ; la romance qui suit est plus mystérieuse et profonde que ce qu'on entend habituellement et le dernier morceau nous tient quelque part entre ciel et terre.
Même chose avec les scènes d'enfant de Schumann après l'entracte, des premiers numéros très beaux et très poétiques distillent une poésie peut être un peu lointaine, puis un Am Kamin particulièrement inspiré déclenche le même processus que dans Brahms, il ne nous lâchera plus, avec un Fürchtenmachen très personnel et deux derniers numéros qui atteignent des sommets, le poète parle dans le rêve de l'enfant qui s'est endormi. Suit une Fantaisie de Schumann pianistiquement irréprochable (la fin du second mouvement ne lui pose aucun problème visiblement) et qui sonne magnifiquement de bout en bout, dans laquelle se reproduit parfois cette impression qu'il doit chercher une vague sur laquelle surfer.
Nous aurons 4 bis : l'Oiseau prophète dont il donne une version quasi impressionniste rapide, très originale et très belle, le n°6 des Cançons de Mompou, sans la Danse, une transcription transcendante de la 1ère danse espagnole de la Vie brève de Falla, où il est visiblement content de montrer ce qu'il sait faire (et c'est vraiment très impressionnant), puis une courte pièce lente probablement de Bach que je n'ai pas su identifier.
C'était la première fois que je l'entendais en récital. Il joue assis sur une chaise un peu bizarre, il a l'air plutôt timide, et je l'ai trouvé extrêmement attachant. Par ailleurs sur le plan pianistique, c'est exactement comme l'a dit Okay à propos du 2ème de Brahms, absolument hors norme sans effort apparent.
Même chose avec les scènes d'enfant de Schumann après l'entracte, des premiers numéros très beaux et très poétiques distillent une poésie peut être un peu lointaine, puis un Am Kamin particulièrement inspiré déclenche le même processus que dans Brahms, il ne nous lâchera plus, avec un Fürchtenmachen très personnel et deux derniers numéros qui atteignent des sommets, le poète parle dans le rêve de l'enfant qui s'est endormi. Suit une Fantaisie de Schumann pianistiquement irréprochable (la fin du second mouvement ne lui pose aucun problème visiblement) et qui sonne magnifiquement de bout en bout, dans laquelle se reproduit parfois cette impression qu'il doit chercher une vague sur laquelle surfer.
Nous aurons 4 bis : l'Oiseau prophète dont il donne une version quasi impressionniste rapide, très originale et très belle, le n°6 des Cançons de Mompou, sans la Danse, une transcription transcendante de la 1ère danse espagnole de la Vie brève de Falla, où il est visiblement content de montrer ce qu'il sait faire (et c'est vraiment très impressionnant), puis une courte pièce lente probablement de Bach que je n'ai pas su identifier.
C'était la première fois que je l'entendais en récital. Il joue assis sur une chaise un peu bizarre, il a l'air plutôt timide, et je l'ai trouvé extrêmement attachant. Par ailleurs sur le plan pianistique, c'est exactement comme l'a dit Okay à propos du 2ème de Brahms, absolument hors norme sans effort apparent.
Re: Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
Merci beaucoup pour ce super compte rendu, ça donne vraiment envie.
Ca devait être vraiment passionnant de l'écouter dans ce programme 100% germanique, si exigent. Ca confirme vraiment ce que j'avais ressenti à Pleyel : un musicien créatif bourré de bonnes idées muni d'une palette sonore incroyable, et un pianiste simplement confondant. Il est à mes yeux l'un des très rares aujourd'hui à pouvoir tutoyer les sommets dans toutes les dimensions de l'art du piano. J'aurais en particulier voulu entendre ses scènes d'enfants, et l'intermezzo qui referme l'opus 118.
JPS, ce que je trouve étonnant dans ton commenaire, c'est ça: "il n'y a pas eu qu'une seule vague, loin de là, il fallait que l'artiste aille les chercher".
Tu as senti qu'il y avait vraiment un effort créatif de sa part, quelque chose de délibéré, qu'il amenait la vague à lui ? Tu sembles parler d'une démarche active. Sur scène, je vois ça plutôt comme une inspiration qui se présente, comme un train qui passe, et dans lequel on décide de monter ou non. Et lorsqu'on est dessus, on se laisse porter par sa direction, on lâche.
A moins que tu disais ça surtout pour la sonate de Schubert, qu'il a eu à activement illuminer.
J'avais remarqué la petite chaise aussi. Il semble qu'il ait souvent besoin de s'y adosser.
Ca devait être vraiment passionnant de l'écouter dans ce programme 100% germanique, si exigent. Ca confirme vraiment ce que j'avais ressenti à Pleyel : un musicien créatif bourré de bonnes idées muni d'une palette sonore incroyable, et un pianiste simplement confondant. Il est à mes yeux l'un des très rares aujourd'hui à pouvoir tutoyer les sommets dans toutes les dimensions de l'art du piano. J'aurais en particulier voulu entendre ses scènes d'enfants, et l'intermezzo qui referme l'opus 118.
JPS, ce que je trouve étonnant dans ton commenaire, c'est ça: "il n'y a pas eu qu'une seule vague, loin de là, il fallait que l'artiste aille les chercher".
Tu as senti qu'il y avait vraiment un effort créatif de sa part, quelque chose de délibéré, qu'il amenait la vague à lui ? Tu sembles parler d'une démarche active. Sur scène, je vois ça plutôt comme une inspiration qui se présente, comme un train qui passe, et dans lequel on décide de monter ou non. Et lorsqu'on est dessus, on se laisse porter par sa direction, on lâche.
A moins que tu disais ça surtout pour la sonate de Schubert, qu'il a eu à activement illuminer.
J'avais remarqué la petite chaise aussi. Il semble qu'il ait souvent besoin de s'y adosser.
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Re: Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
Disons que c'était un concert passionnant parce qu'il n'a pas été touché par la grâce de bout en bout. Au début des Brahms et des Schumann je trouvais ça magnifique tout en restant un peu sur ma faim, en espérant que quelque chose d'autre se passe. En général dans les concerts qui commencent comme ça (indépendamment des capacités pianistiques du pianiste, qui sont là totalement insurpassables à mon avis) on espère souvent en vain jusqu'à la fin, et là, au milieu des Klavierstücke et des Scènes d'enfant, on sentait arriver ce qu'on espérait depuis le début, l'impression qu'il avait réellement trouvé une vague sur laquelle se laisser aller, mais que ce n'était pas "donné" dès le début. Dans la Fantaisie j'ai eu un peu la même impression avec le 1er mouvement, alors que le second était génial de bout en bout. Par ailleurs il a pris des risques énormes en matière de sonorité pendant tout le concert, des pianissimo à peine audibles sur des accords de huit notes parfaitement complets néanmoins etc, la fin de la danse espagnole complètement "déboutonnée" donnait l'impression qu'il laissait jouer ses mains toutes seules etc.
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Re: Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
Merci beaucoup JPS pour ce compte-rendu passionnant.
Cela donne vraiment envie d'aller l'écouter !
Et cela doit effectivement être une immense satisfaction que de le voir prendre cette vague qu'on attendait et de se laisser emporter avec lui .
J'aime beaucoup : "et le dernier morceau nous tient quelque part entre ciel et terre " : j'y retrouve toute la poésie de Brahms .....
Cela donne vraiment envie d'aller l'écouter !
Et cela doit effectivement être une immense satisfaction que de le voir prendre cette vague qu'on attendait et de se laisser emporter avec lui .
J'aime beaucoup : "et le dernier morceau nous tient quelque part entre ciel et terre " : j'y retrouve toute la poésie de Brahms .....
"Il faut que cela soit si gai , si gai , que l'on ait envie de fondre en larmes ."
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Re: Volodos à Pleyel - 2ème concerto de Brahms
Je suis heureux de trouver ce fil et de lire des avis semblables au mien, apres avoir lu une critique peu elogieuse envers Volodos. J'aurais voulu demander a ceux qui etait a Pleyel en octobre 2013 si vous aussi vous avez l'orchestre catastrophique. Volodos etait merveilleux comme d'habitude, particulierement le dernier mouvement, mais cet orchestre, ca m'enerve encore maintenant: son horrible des cordes, pas ensemble, particulierement dans le second mouvement, solo de violoncelle primitif... Je ne suis pas reste pour la symphonie. Et vous souvenez-vous du long temps d'attente (plusieurs minutes) avant de commencer le scherzo, ou Volodos parlait a Chailly? Je me demande ce qu'il a bien pu lui dire...
JPS1827, le dernier bis qu'il a joue au Theatre des Champs est la Sicilienne de Vivaldi-Bach dont il existe un superbe enregistrement a Musikverein (Volodos in Vienna).
Okay, le dernier intermezzo des op. 118 etait tres beau, sombre etc, avec pas mal de fluctuations de tempo. Plutot de la retenue dans la partie mediane. Dommage que la fin ait ete ratee par une sonnerie de telephone...
JPS1827, le dernier bis qu'il a joue au Theatre des Champs est la Sicilienne de Vivaldi-Bach dont il existe un superbe enregistrement a Musikverein (Volodos in Vienna).
Okay, le dernier intermezzo des op. 118 etait tres beau, sombre etc, avec pas mal de fluctuations de tempo. Plutot de la retenue dans la partie mediane. Dommage que la fin ait ete ratee par une sonnerie de telephone...