26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
et puis pour Richter , vous me pardonnerez j'en suis sûre de citer les mots de Monsaingeon :
Les artistes-interprètes avec lesquels je me sens une véritable affinité, ceux qui me semblent les seuls vraiment importants, sont ceux qui dépassent l'instrument qu'ils pratiquent; ceux qui, voyageant à l'intérieur d'eux-mêmes, ne se contentent pas d'utiliser les paramètres de l'instrument pour exprimer la musique. Ce n'est pas parce que la corde de sol sonne de façon flatteuse qu'elle doit être mise à contribution dans telle variation de la Chaconne de Bach. L'instrument n'est plus qu'un instrument, il ne dicte pas la pensée musicale, et on ne l'exploite pas pour faire briller sa relation avec lui, mais pour donner à l'auditeur une impression d'intimité avec la musique. Parmi tous les grands instrumentistes avec lesquels j'ai eu le privilège de travailler, Richter est l'un de ceux qui donnent le plus fort ce sentiment de "dématérialiser" la musique. Tel un canon qui tirerait un obus sans recul, un avion qui s'envolerait verticalement sans élan, il est capable de varier les couleurs à l'infini et sans dégradé, de passer du pianissimo le plus impalpable au fortissimo le plus volcanique sans césure ni force d'inertie. S'il donne parfois l'impression d'une lutte avec la matière, c'est pour la pulvériser, et laisser naitre le chant pur, dans l'ivresse des pièces les plus hystériquement virtuoses où ses doigts font reculer les limites du physiquement possible, comme dans l'extrême lenteur d'adagios qu'il sait, comme personne, habiter d'un sentiment de totale immobilité.
.....
Depuis le début des années quatre-vingt, il ne se produit plus qu'avec partition sur le pupitre, dans des salles à peu près obscures où l'on distingue à peine sa silhouette massive, créant ainsi une atmosphère saisissante, tout en étant convaincu qu'il épargne au spectateur la tentation de se laisser aller aux démons du voyeurisme.
Les artistes-interprètes avec lesquels je me sens une véritable affinité, ceux qui me semblent les seuls vraiment importants, sont ceux qui dépassent l'instrument qu'ils pratiquent; ceux qui, voyageant à l'intérieur d'eux-mêmes, ne se contentent pas d'utiliser les paramètres de l'instrument pour exprimer la musique. Ce n'est pas parce que la corde de sol sonne de façon flatteuse qu'elle doit être mise à contribution dans telle variation de la Chaconne de Bach. L'instrument n'est plus qu'un instrument, il ne dicte pas la pensée musicale, et on ne l'exploite pas pour faire briller sa relation avec lui, mais pour donner à l'auditeur une impression d'intimité avec la musique. Parmi tous les grands instrumentistes avec lesquels j'ai eu le privilège de travailler, Richter est l'un de ceux qui donnent le plus fort ce sentiment de "dématérialiser" la musique. Tel un canon qui tirerait un obus sans recul, un avion qui s'envolerait verticalement sans élan, il est capable de varier les couleurs à l'infini et sans dégradé, de passer du pianissimo le plus impalpable au fortissimo le plus volcanique sans césure ni force d'inertie. S'il donne parfois l'impression d'une lutte avec la matière, c'est pour la pulvériser, et laisser naitre le chant pur, dans l'ivresse des pièces les plus hystériquement virtuoses où ses doigts font reculer les limites du physiquement possible, comme dans l'extrême lenteur d'adagios qu'il sait, comme personne, habiter d'un sentiment de totale immobilité.
.....
Depuis le début des années quatre-vingt, il ne se produit plus qu'avec partition sur le pupitre, dans des salles à peu près obscures où l'on distingue à peine sa silhouette massive, créant ainsi une atmosphère saisissante, tout en étant convaincu qu'il épargne au spectateur la tentation de se laisser aller aux démons du voyeurisme.
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Tu veux dire que tous qui était joué avant Liszt n'avait pas un niveau d'aboutissement dans le travail de l'oeuvre aussi important ?nox a écrit :Il y a quand même une chose à prendre en considération par rapport à ce que tu dis (cette discussion devient vraiment intéressante, dites moi) : l'art de l'interprétation a il me semble beaucoup évolué depuis le temps où on ne jouait pas par coeur. J'ai l'impression qu'on a aujourd'hui un niveau d'exigence dans ce domaine qui n'a plus rien à voir avec celui du XVIIIème siècle. Je pense qu'il y a plus que de la mise en scène dans le fait de jouer par coeur. Comme tu le dis, à un certain niveau, on peut choisir de jouer avec partition, mais on est capable de tout jouer par coeur, parce qu'on a un niveau d'aboutissement dans le travail de l'oeuvre qui est important. Je ne pense pas que c'était le cas avant.

Je suis nulle en informatique (comme beaucoup de sujets) mais c'est trop réductive de penser que le cerveau humain ressemble à un disque dur. Pour parler plus concrètement, je ne pense pas que à un moment donné, on est obligé de garder ou oublier tel ou tel image de l'enfance pour avoir la place de mémoriser une mesure de musique, nous ne sommes pas les ordinateurs. Peut-être ça peut prendre plus de temps et du travail à mémoriser, et si finalement c'est pour "faire oublier" quelques "trucs inutiles" notre capacité n'est pas mieux utilisé alors ? Mais enfin, pour le meilleur et pour le pire, ça ne fonctionne pas comme ça.GrandeIgnorante a écrit : *pour la taille de la mémoire humaine :
http://www.universalis.fr/encyclopedie/ ... au-humain/
ce serait inférieur à 1 giga octet, mais çà couvre tout : images de l'enfance, endroits passés, personnes pouvant etre croisés 10 avant si il y a eu un incident sans interet, donc çà inclut les trucs "inutiles". Un exemple : vous vous souvenez encore des formules de chimie de lycée ? moi non, car j'ai oublié tout simplement, parce que d'autres trucs l'ont remplacé dans le cerveau : j'apprends un truc->je désapprend un autre truc.
EDIT:
"Les neurones combinent pour que chacun aide avec plusieurs souvenirs, donc augmentant la capacité à 2.5 petabytes (on un million gigabytes). Pour comparer, si le cerveau fonctionnait comme un télé, 2.5 petabytes seraient assez pour contenir 3 million heures de télé qui équivaut comme si on laisse la télé enregistrer sans arrêt plus que 300 ans pour utiliser toute la capacité."
http://www.scientificamerican.com/artic ... ty/?page=1
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Grandeignorante, la persistance des souvenirs est intimement liée à l'émotion qu'on associe à chaque information. Si on met à part les cas de mémoire eidétique comme von Neumann, certains autismes, et sûrement Mozart et quelques autres musiciens, on a tous tendance à retenir en proportion a l'émotion associée au souvenir, pas forcément intense d'ailleurs, mais qui dépasse quand même un matériau froid qu'on aurait appris car il le fallait. Le souvenir perdure car il est spécial pour nous. Tu ne te rappelles peut être pas de tes formules de chimie mais tu dois sûrement te souvenir de choses encore plus complexes et plus anciennes car tu y avais eu un certain goût, une certaine intention un peu spéciale de t'en souvenir pour de vrai, consciente ou pas, mais au fond ton cerveau avait envie de garder ça. Peut-etre tel cours d'histoire ou tels attributs precis de tel personnage de roman. Et miracle, dès que l'information a été ingérée dans un tel contexte, elle reste et parfois précisément alors qu'on n'a pas forcément décidé qu'on voulait la garder. Ensuite la répétition volontaire fait son œuvre d'impression souvent définitive.
Pour ma part j'ai un mal fou à retenir la musique qui me parle peu, même si c'est peu dense, a priori facile à jouer et retenir. Si je trouve un mouvement lent de 5 pages un peu fade ça va être la croix et la bannière, plus dur à retenir qu'une oeuvre de 50 pages qui me parle directement. Si l'envie et le désir de s'offrir l'œuvre est très intense, l'appropriation est totale si bien que le par-cœur se met en place sans même y penser, et qu'un jour on se lève et se dit : "tiens, je le sais par cœur au fait".
Pour ma part j'ai un mal fou à retenir la musique qui me parle peu, même si c'est peu dense, a priori facile à jouer et retenir. Si je trouve un mouvement lent de 5 pages un peu fade ça va être la croix et la bannière, plus dur à retenir qu'une oeuvre de 50 pages qui me parle directement. Si l'envie et le désir de s'offrir l'œuvre est très intense, l'appropriation est totale si bien que le par-cœur se met en place sans même y penser, et qu'un jour on se lève et se dit : "tiens, je le sais par cœur au fait".
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Mais en dehors du côté visuel, ne penses-tu pas que l'acteur jouerait forcément moins bien en devant lire son texte ?GrandeIgnorante a écrit : tout à fait d'accord : un acteur qui aurait un texte dans les mains, çà me choquerait car le but de l'acteur est que l'on s'imagine que la situation du film soit réelle.
Sur la mémoire, rappelez moi, quel est la question initiale par rapport au par coeur ?
Oui, Liszt marque la naissance du récital de piano moderne. Et à cette époque apparaissent les premiers grands interprètes. Et depuis, ce savoir-faire a été poussé à l'extrême. Je ne pense pas qu'on puisse comparer les interprètes d'aujourd'hui avec d'avant le début du XIXème siècle.Lee a écrit : Tu veux dire que tous qui était joué avant Liszt n'avait pas un niveau d'aboutissement dans le travail de l'oeuvre aussi important ?![]()
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Ah oui j'ai oublié que tu as assisté au premier concert de Beethoven à Vienne. Tant qu'on y est, pourrais-tu nous clarifier si c'était le premier ou deuxième concerto de piano stp?
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
C'est sûr que si on ne peut parler que de ce à quoi on a pu assister, il va y avoir un peu moins de messages sur le forum...
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Mais explique au moins les raisons pour tes suppositions qu'ils jouaient meilleur après Liszt qu'avant.
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
L'art de l'interprétation est un art récent, qui s'est logiquement développé avec l'avènement de l'enregistrement. Avant, un interprète ne laissait aucune trace pour la postérité, et les musiciens connus étaient plutôt les compositeurs.
On était musicien, c'est-à-dire compositeur/improvisateur avant tout et non interprète.
Par ailleurs, les musiciens ont très longtemps été peu considérés. Seuls quelques compositeurs majeurs ont fait exception.
Du coup je ne pense pas qu'à l'époque de Bach, les interprètes passaient des heures et des heures sur chaque mesure pour en extraire la substantifique moëlle.
On était musicien, c'est-à-dire compositeur/improvisateur avant tout et non interprète.
Par ailleurs, les musiciens ont très longtemps été peu considérés. Seuls quelques compositeurs majeurs ont fait exception.
Du coup je ne pense pas qu'à l'époque de Bach, les interprètes passaient des heures et des heures sur chaque mesure pour en extraire la substantifique moëlle.
- jean-séb
- Messages : 11298
- Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
- Mon piano : Yamaha C3
- Localisation : Paris
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Je crois que c'est inexact. Il y a eu beaucoup de pianistes quasiment seulement interprètes, en tout cas au XIXe siècle, et en particulier des femmes. Je suis sûr que ces interprètes s'attachaient à la qualité de leur interprétation, et d'ailleurs ils avaient des réputations à soutenir. Certes, ils ne gravaient rien dans la cire, travaillaient donc dans l'éphémère, mais leurs concerts faisaient l'objet de comptes rendus et de critiques.nox a écrit :L'art de l'interprétation est un art récent, qui s'est logiquement développé avec l'avènement de l'enregistrement. Avant, un interprète ne laissait aucune trace pour la postérité, et les musiciens connus étaient plutôt les compositeurs.
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Oui, XIXème siècle, donc post-Liszt/Chopin et autres, qui marquent le début des grands interprètes comme je le dis plus haut. On est donc en phase 
L'art de l'interprétation date de cette époque, mais a explosé avec le XXème siècle et la popularisation des enregistrements.

L'art de l'interprétation date de cette époque, mais a explosé avec le XXème siècle et la popularisation des enregistrements.
- jean-séb
- Messages : 11298
- Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
- Mon piano : Yamaha C3
- Localisation : Paris
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Hum, c'est du lard ou du cochon ?nox a écrit :Oui, XIXème siècle, donc post-Liszt/Chopin et autres, qui marquent le début des grands interprètes comme je le dis plus haut.
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Qu'est ce qui te choque ? La formule "post-Liszt/Chopin" ? Bon, ça a effectivement commencé juste avant, avec les Kalkbrenner, Moscheles et consors, mais pour moi ce sont vraiment Liszt et Chopin qui marquent le début des grands pianistes au-delà de la composition/improvisation, et qui ont commencé à semer parmi leurs élèves ceux qui entameront la lignée des grands interprètes.
D'ailleurs quand on remonte la "généalogie" des rapports maître/élève aujourd'hui, on ne remonte jamais au-delà d'eux.
Toujours est-il, au-delà du débat sur la date précise (si c'est bien là ton point), que l'interprétation reste un exercice récent à l'échelle de l'histoire de la musique, et qu'elle n'a jamais été aussi poussée qu'au cours du XXème siècle, ce qui explique que la question du "par coeur" ne se posait pas avant le milieu du XIXème siècle.
D'ailleurs quand on remonte la "généalogie" des rapports maître/élève aujourd'hui, on ne remonte jamais au-delà d'eux.
Toujours est-il, au-delà du débat sur la date précise (si c'est bien là ton point), que l'interprétation reste un exercice récent à l'échelle de l'histoire de la musique, et qu'elle n'a jamais été aussi poussée qu'au cours du XXème siècle, ce qui explique que la question du "par coeur" ne se posait pas avant le milieu du XIXème siècle.
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Tiens j'ai eu une conversation pas plus tard qu'hier sur cette question (jouer ou non avec partition) avec Laurent Martin et une autre pianiste après un récital.
Pour lui, qui joue presque toujours avec partition, y compris en enregistrement (il m'avait expliqué les ruses parfois très compliquées pour éliminer les bruits de tourne), l'équation est simple. Il pourrait jouer par coeur s'il ne montait qu'un ou deux programmes par an. Il en a quatorze différents pour cette année, solo et musique de chambre, et c'est comme ça quasiment tous les ans, et il avoue très simplement ne pas pouvoir tout retenir. Beaucoup de pianistes plus fameux tournent avec moins que ça, et mettent moins de nouveautés dans leur répertoire (ils jouent des pièces qui leurs sont au moins familières depuis longtemps même s'ils ne les ont pas travaillées en profondeur,,et ça aide).
Est-ce que ça implique forcément moins de qualité dans l'interprétation? Franchement je ne le pense pas. Il y a un gros travail en amont et le niveau de déchiffrage est tel (dans le cas de L.M en tout cas ) que j'assimile ça à un comédien qui fait une lecture publique. Le fait d'avoir le texte sous les yeux ne l'empêche absolument pas d'investir les mots et d'insuffler de la vie à l'ensemble.
Pour lui, qui joue presque toujours avec partition, y compris en enregistrement (il m'avait expliqué les ruses parfois très compliquées pour éliminer les bruits de tourne), l'équation est simple. Il pourrait jouer par coeur s'il ne montait qu'un ou deux programmes par an. Il en a quatorze différents pour cette année, solo et musique de chambre, et c'est comme ça quasiment tous les ans, et il avoue très simplement ne pas pouvoir tout retenir. Beaucoup de pianistes plus fameux tournent avec moins que ça, et mettent moins de nouveautés dans leur répertoire (ils jouent des pièces qui leurs sont au moins familières depuis longtemps même s'ils ne les ont pas travaillées en profondeur,,et ça aide).
Est-ce que ça implique forcément moins de qualité dans l'interprétation? Franchement je ne le pense pas. Il y a un gros travail en amont et le niveau de déchiffrage est tel (dans le cas de L.M en tout cas ) que j'assimile ça à un comédien qui fait une lecture publique. Le fait d'avoir le texte sous les yeux ne l'empêche absolument pas d'investir les mots et d'insuffler de la vie à l'ensemble.
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Bonne question, je me suis posé tout de suite la même en lisant ta réponse.Florestan a écrit : Est-ce que ça implique forcément moins de qualité dans l'interprétation? Franchement je ne le pense pas. Il y a un gros travail en amont et le niveau de déchiffrage est tel (dans le cas de L.M en tout cas ) que j'assimile ça à un comédien qui fait une lecture publique.
Honnêtement, étant moi même bon lecteur à vue, je peux dire qu'il n'y a malgré tout rien à voir entre un morceau su par coeur et un pour lequel je ne peux pas encore me passer de la partition.
Je peux jouer des dizaines de morceaux avec partition, de manière tout à fait présentable en public, mais c'est à des années lumières du niveau d'interprétation acquis après un travail approfondi impliquant de savoir l'oeuvre par coeur (bon après, je n'ai pas le niveau d'un vrai pianiste professionnel non plus).
Je pense qu'on peut arriver à quelque chose de très bien avec partition, mais que ça sera toujours mieux après un travail permettant de s'en passer. Ceci dit effectivement, avec un programme aussi chargé que celui que tu évoques, on ne peut sûrement pas se le permettre. Mais du coup ce n'est pas un choix...
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Ce qui pourrait aussi être une autre explication du cas Richter, qui à partir d'un moment s'est imposé à chaque apparition publique de jouer une nouvelle oeuvre qu'il n'avait jamais jouée en public avant.
Cependant, j'ignore s'il faisait déjà ça jeune, ou s'il a vraiment commencé plus tard à partager son ecléctisme de manière aussi systématique. Un artiste ayant la capacité sur la durée - ce qui dépasse de loin le cadre des talents pianistiques, aussi immenses que soient ceux de Richter - de présenter régulièrement au public une part assez large de repertoire neuf n'a en effet probablement pas le temps de tout savoir par-coeur avec sécurité.
Je ne doute pas que Richter, avec ses moyens et son intelligence colossaux, pouvait jouer en version concert à peu près n'importe quoi après quelques déchiffrages et un peu de travail ciblé (quand on pense qu'il a assuré la création de la 7e sonate de Prokofiev quelques jours après en avoir reçu la partition ...).
Cependant, j'ignore s'il faisait déjà ça jeune, ou s'il a vraiment commencé plus tard à partager son ecléctisme de manière aussi systématique. Un artiste ayant la capacité sur la durée - ce qui dépasse de loin le cadre des talents pianistiques, aussi immenses que soient ceux de Richter - de présenter régulièrement au public une part assez large de repertoire neuf n'a en effet probablement pas le temps de tout savoir par-coeur avec sécurité.
Je ne doute pas que Richter, avec ses moyens et son intelligence colossaux, pouvait jouer en version concert à peu près n'importe quoi après quelques déchiffrages et un peu de travail ciblé (quand on pense qu'il a assuré la création de la 7e sonate de Prokofiev quelques jours après en avoir reçu la partition ...).
-
- Messages : 2148
- Enregistré le : sam. 10 août, 2013 11:32
- Mon piano : The piano chooses the pianist!
- Contact :
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Ca peut être bien de garder un répertoire avec partition et un autre sans !nox a écrit :Honnêtement, étant moi même bon lecteur à vue, je peux dire qu'il n'y a malgré tout rien à voir entre un morceau su par coeur et un pour lequel je ne peux pas encore me passer de la partition.
Je peux jouer des dizaines de morceaux avec partition, de manière tout à fait présentable en public, mais c'est à des années lumières du niveau d'interprétation acquis après un travail approfondi impliquant de savoir l'oeuvre par coeur
En ce moment je suis à fond dans les oeuvres que je travaille, donc je ne peux pas envisager de les terminer sans les avoir étudiées et sues par coeur.
Mais il y a plein d'autres pièces qui me touchent mais pour lesquelles je ne ressentirai pas l'envie d'un tel engagement (de travail mais aussi artistique) ; dans ce cas on peut quand même les inclure dans son répertoire, mais avec une place distincte.
Quelques traductions de poèmes chinois à ma sauce
https://www.instagram.com/penseesaupinceau
https://www.instagram.com/penseesaupinceau
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
J'ai eu la chance d'entendre Richter peu de temps avant sa mort, à la chapelle du Méjean à Arles, il avait joué les quatre ballades de Chopin avec partition (plus deux sonates de Haydn). Dans ce cas il est bien évident que le texte n'est qu'une présence rassurante et que le fait de lire ne remet pas en question tout l'approfondissement fait en amont (dans ce cas toute une vie de musicien, et quel musicien...).
Un des récitals les plus émouvants auxquels j'ai assisté. Bien content de n'être pas passé à côté, la publicité avait été quasi inexistante (une feuille A4 scotchée sue la vitrine de la librairie, c'est tout ce que j'ai vu).
Etant moi même un lecteur très minable, j'ai eu tendance pour me réconforter sans doute à voir dans les prestations avec partitions un côté un peu besogneux, en tout cas moins investi et spontané. Mais j'avoue bien volontiers que le fait "suivre" Laurent Martin (nous sommes voisins et il donne beaucoup de concerts dans la région) a bien fait évoluer mon opinion sur la question. Je l'ai entendu si souvent aborder une même oeuvre de manière différente (avec bien évidemment les irrégularités que cela implique, et qui font pour moi tout le prix de l'art vivant), selon l'inspiration du moment, et ce avec la partition devant les yeux, que j'ai fini par me dire que tout ça était secondaire...
Et puis j'ai entendu pas mal de concerts exécutés par coeur et passablement dénués de musique...
Un des récitals les plus émouvants auxquels j'ai assisté. Bien content de n'être pas passé à côté, la publicité avait été quasi inexistante (une feuille A4 scotchée sue la vitrine de la librairie, c'est tout ce que j'ai vu).
Etant moi même un lecteur très minable, j'ai eu tendance pour me réconforter sans doute à voir dans les prestations avec partitions un côté un peu besogneux, en tout cas moins investi et spontané. Mais j'avoue bien volontiers que le fait "suivre" Laurent Martin (nous sommes voisins et il donne beaucoup de concerts dans la région) a bien fait évoluer mon opinion sur la question. Je l'ai entendu si souvent aborder une même oeuvre de manière différente (avec bien évidemment les irrégularités que cela implique, et qui font pour moi tout le prix de l'art vivant), selon l'inspiration du moment, et ce avec la partition devant les yeux, que j'ai fini par me dire que tout ça était secondaire...
Et puis j'ai entendu pas mal de concerts exécutés par coeur et passablement dénués de musique...
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Ah oui, le fait de jouer par coeur ne garantit rien, je te l'accorde. On peut jouer par coeur très mal et avec partition très bien, tu as raison.
Je suis exactement dans le même cas que tu décris : quand je joue avec partition, c'est très variable, selon mon humeur. Je n'ai pas "mon" interprétation. C'est comme si je découvrais à chaque fois la musique que je joue. Mais je me bats un peu contre ça, parce que pour moi c'est un signe que je ne maîtrise pas l'oeuvre, que je ne sais pas ce que je veux en faire et que je manque de recul. Ca n'empêche pas que ça peut plaire et être très musical.
Je pense vraiment que, dans le cas de Laurent Martin, c'est vraiment une situation subie par manque de temps, et que s'il le pouvait il jouerait moins d'oeuvres différentes mais avec un travail plus approfondi, et donc par coeur (mais je peux me tromper).
Tu ne penses pas ?
Pourtant en l'état ils sont présentables en public, d'aucuns diraient que c'est musical et interprété, mais c'est selon moi une illusion d'optique.
Mais il est vrai que je me suis posé plusieurs fois la question. Il m'arrive de jouer un morceau avec partition, et d'être très content de ce que je restitue. Dans ce cas, j'ai l'impression qu'il ne me manque "que" le par coeur pour pouvoir vraiment considérer que j'ai cette oeuvre à mon répertoire, et du coup je vis parfois le par coeur comme une vraie contrainte.
Mais je me dis que si je travaillais pour apprendre l'oeuvre par coeur, mon interprétation évoluerait sûrement aussi, et que le morceau prendrait finalement une toute autre dimension.
NB : Je suis absolument désolé de parler égoïstement de mon propre cas, ça fait très égocentrique, mais je n'ose pas me faire le héraut de Laurent Martin, je ne sais pas s'il est dans le même cas que moi. Je ne peux donc parler que de mon propre cas
Ceci dit je pense que ce que je décris est valable pour plusieurs des pianistes très avancés du forum.
Je suis exactement dans le même cas que tu décris : quand je joue avec partition, c'est très variable, selon mon humeur. Je n'ai pas "mon" interprétation. C'est comme si je découvrais à chaque fois la musique que je joue. Mais je me bats un peu contre ça, parce que pour moi c'est un signe que je ne maîtrise pas l'oeuvre, que je ne sais pas ce que je veux en faire et que je manque de recul. Ca n'empêche pas que ça peut plaire et être très musical.
Je pense vraiment que, dans le cas de Laurent Martin, c'est vraiment une situation subie par manque de temps, et que s'il le pouvait il jouerait moins d'oeuvres différentes mais avec un travail plus approfondi, et donc par coeur (mais je peux me tromper).
Tu ne penses pas ?
Mais je n'ai pas de répertoire avec partition, justement. Ca ne veut rien dire pour moi. Avec partition, je peux jouer à peu près l'intégrale des nocturnes, valses, mazurkas de Chopin, mais je suis loin de considérer que je les ai à mon répertoire. Je ne les "sais" pas. Par exemple les nocturnes qui sont sur ma chaîne youtube (http://www.youtube.com/watch?v=jGlfO218Dpk, http://www.youtube.com/watch?v=8d379HIpDXA et http://www.youtube.com/watch?v=tz0yXAf9G50) ne sont pas travaillés, et joués avec la partition sous les yeux. Idem pour les préludes de Szymanowski. Je pense (j'espère) qu'il y a quand même une différence sensible par rapport par exemple au temps de travail que j'ai investi sur les études.BluePhoenix05 a écrit : Ca peut être bien de garder un répertoire avec partition et un autre sans !
Pourtant en l'état ils sont présentables en public, d'aucuns diraient que c'est musical et interprété, mais c'est selon moi une illusion d'optique.
Mais il est vrai que je me suis posé plusieurs fois la question. Il m'arrive de jouer un morceau avec partition, et d'être très content de ce que je restitue. Dans ce cas, j'ai l'impression qu'il ne me manque "que" le par coeur pour pouvoir vraiment considérer que j'ai cette oeuvre à mon répertoire, et du coup je vis parfois le par coeur comme une vraie contrainte.
Mais je me dis que si je travaillais pour apprendre l'oeuvre par coeur, mon interprétation évoluerait sûrement aussi, et que le morceau prendrait finalement une toute autre dimension.
NB : Je suis absolument désolé de parler égoïstement de mon propre cas, ça fait très égocentrique, mais je n'ose pas me faire le héraut de Laurent Martin, je ne sais pas s'il est dans le même cas que moi. Je ne peux donc parler que de mon propre cas

Modifié en dernier par nox le lun. 12 mai, 2014 14:39, modifié 2 fois.
-
- Messages : 2148
- Enregistré le : sam. 10 août, 2013 11:32
- Mon piano : The piano chooses the pianist!
- Contact :
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
Non rassures-toi, ce n'est pas du tout égocentrique
, d'ailleurs on sent que tu dois être un excellent lecteur à vue ^^
Finalement, ça rejoins ce qu'on disait plus haut, c'est-à-dire qu'en s'investissant tellement dans une oeuvre, sans chercher à tout prix et a priori à "se passer" de la partition, on va finir par tellement s'en imprégner et se l'approprier, que la question "jouer avec ou sans partition" ne devient plus essentielle.

Finalement, ça rejoins ce qu'on disait plus haut, c'est-à-dire qu'en s'investissant tellement dans une oeuvre, sans chercher à tout prix et a priori à "se passer" de la partition, on va finir par tellement s'en imprégner et se l'approprier, que la question "jouer avec ou sans partition" ne devient plus essentielle.
Quelques traductions de poèmes chinois à ma sauce
https://www.instagram.com/penseesaupinceau
https://www.instagram.com/penseesaupinceau
-
- Messages : 2148
- Enregistré le : sam. 10 août, 2013 11:32
- Mon piano : The piano chooses the pianist!
- Contact :
Re: 26e Concours International Des Grands Amateurs De Piano
C'est plus spontané, comme de l'improvisation, je comprends que c'est différent, et que ça reste de la musique !nox a écrit :quand je joue avec partition, c'est très variable, selon mon humeur. Je n'ai pas "mon" interprétation. C'est comme si je découvrais à chaque fois la musique que je joue. Mais je me bats un peu contre ça, parce que pour moi c'est un signe que je ne maîtrise pas l'oeuvre, que je ne sais pas ce que je veux en faire et que je manque de recul. Ca n'empêche pas que ça peut plaire et être très musical.
Quelques traductions de poèmes chinois à ma sauce
https://www.instagram.com/penseesaupinceau
https://www.instagram.com/penseesaupinceau