Bonjour, que signifie le "2" entouré en rouge sur cette partition ? Qu'il faut mettre la sourdine en même temps que la pédale forte ?
(c'est du Ravel)
Autre question, pensez-vous qu'on ait le droit d'utiliser la pédale sostenuto pour jouer du Ravel ou du Rachmaninov, sachant que ces compositeurs ont écrit leur musique sans cette pédale ? Moi je le fais, mais certains profs sont contre...
Oui, il faut mettre la pédale una corda en plus de la pédale forte
Pour la deuxième question, je me dis que si les compositeurs ont écrit leurs pièces sans cette pédale, c'est qu'on peut obtenir le rendu qu'ils souhaitent sans cette pédale, et je m'efforce donc de ne pas l'utiliser pour ma part. C'est vraiment un effet très particulier, qu'on ne peut pas essayer au hasard.
Il y a quelques cas où je m'y essaye (par exemple sur la dernière mesure du second mouvement de la sonatine de Ravel), mais c'est souvent acrobatique et pas très naturel.
Mais à ce moment-là, pourquoi jouer du Bach sur un piano, ça n'existait pas à l'époque ! Les nuances, les thèmes de fugue à faire resortir... Sur un clavecin c'est chaud
ps. nox : ton site "la vie parisienne" m'a fait trop rire
Ah mais c'est très différent !
Le problème de la pédale sostenuto, c'est qu'elle est pour moi difficile à utiliser, et j'ai du mal à trouver un contexte où elle apporte véritablement quelque chose. Donc sauf indication explicite du compositeur, pourquoi s'astreindre à l'utiliser puisqu'on peut apparemment s'en passer ?
Bach au piano, c'est un tout autre débat. Déjà Bach a écrit pour "clavier", et c'est très vaste.
D'autre part "l'effet recherché" dans Bach réside souvent dans la compréhension de l'écriture et la maîtrise du toucher, choses qu'on peut faire aussi bien au piano qu'au clavecin ou à l'orgue. Je ne fais donc pour moi aucune entorse aux souhaits de Bach en le jouant au piano.
xav a écrit :
ps. nox : ton site "la vie parisienne" m'a fait trop rire
Pour ma part, je pense qu'on peut sans problème utiliser la pédale tonale dans des oeuvres qui ont été composées avant son invention et sa généralisation.
Tout simplement parce que l'effet de la pédale forte des pianos modernes n'a déjà plus rien à voir avec celui des pianos produits pendant une bonne partie du 19e siècle. Donc puisqu'on joue sur des pianos qui n'ont déjà rien à voir en général et pour l'effet des pédales en particulier, en gros on n'est plus à ça près avec la pédale tonale.
En plus, je ne serais pas surpris que la combinaison pédales forte/tonale reproduise dans certains cas (recherche d'une résonnance prolongée malgré une harmonie changeante) un effet proche de celui désiré par le compositeur lorsqu'il nous demande la seule pédale forte...
Je me surprends à l'utiliser de plus en plus souvent.
On pourrait même dire que l'invention de la pédale tonale répond au fait que cette figure sonore était déjà dans l'air du temps, la musique écrite se rapprochant de plus en plus, dans son esprit, de cet effet.
La pédale tonale a été inventé en 1844 bien avant Ravel et Rachmaninov. Liszt l'a même rencontrée, utilisé et composée pour elle. Des écrits de sa main qui le prouvent.
Il est vrai qu'en France, cette pédale n'est apparue que très tardivement, je crois qu'elle n'a jamais été adoptée par les fabricants de piano français (Pleyel, Gaveau, Erard, etc) et c'est certainement pour cela que l'idée fausse d'une pédale tonale très récente est très répandue en France.
Donc pour Ravel, peut-être, mais pour Rachmaninov qui a émigré au Etats-Unis en 1917 et entamé des tournées dans ce pays encore avant, on ne peut vraiment pas dire qu'il a composé sans connaitre la pédale tonale. J'ai un prof de nationalité Américaine qui a tout naturellement la certitude qu'on peut (doit?) utiliser cette pédale si cela s'impose... Steinway a déposé un brevet en 1874 pour cette pédale et a équipé tous ses modèles américains de concert depuis la fin du XIXème. Il est donc certain que Rachmaninov qui a passé une grande partie de sa vie aux Etats-Unis, avait sous les pieds une pédale tonale en permanence.
Modifié en dernier par thiducha le ven. 13 déc., 2013 16:41, modifié 1 fois.
Merci beaucoup thiducha pour toutes ces références historiques. J'ignorais tout ça. C'est vraiment hyper intéressant.
@nox, quelques exemples qui me viennent de ce que je travaille en ce moment ou ai récemment rejoué :
- Il y a exactement la même basse obstinée de la bémol à la fin du 17e prélude de Chopin et à l'avant dernière page de Ricordenza de Liszt.
- Dans la première pièce des Scènes de la Forêt, il y a une longue pédale indiquée par Schumann à la 2e page qui se résout sur un accord fa 7e, je la remplace par la pédale tonale sur 2 mesures tout en changeant la pédale forte.
- L'octave de do# qui ouvre la Barcarolle de Chopin
- Vers la fin du développement du 1er mouvement de la 3e sonate de Chopin, il y a un accord la bémol 7e dans le grave suivi de l'accompagnement dans la même hamonie main gauche seule en doubles croches.
- Dans l'introduction de la rhapsodie espagnole de Liszt, la dernière basse dans le grave sur l'octave de si#. J'aime bien la garder dans la pédale tonale car l'harmonie se déplace vers do 7e ensuite, donc toujours entendre ce si# fait du sens car il devient en quelque sorte un do, tandis que les harmonies changent trop pour tenir la pédale forte tout en restant compatibles avec cette basse (jusqu'à la modulation en mi mineur où je retire la pédale tonale).
Autre question, à propos de la pédale forte cette fois. J'ai remarqué que quand je l'enfonce à moitié, elle prend les extrêmes basses mais pas les aigüs. C'est très subtil, ça se joue à un quart de poullième de degré d'enfoncement de la pédale... Est-ce que c'est fait exprès ? Est-ce que tous les pianos sont comme ça ? Ca pourrait éventuellement être utilisable pour certains effets dans Scarbo de Ravel, quand on n'a pas le temps de mettre la pédale tonale :
Oui c'est normal ! moi aussi je croyais un moment que c'était psychologique et dans ma tête, mais c'est bien réel ! j'étais trop content quand j'ai vu Neuhaus en parler dans son livre, je n'étais donc pas fou ! Il explique ça avec la différence de masse/densité des cordes qui fait que les basses sont moins facilement étouffées si on laisse les étouffoirs proches des cordes avec une fraction de pédale.
Je suis obligé de faire comme ça vu que je n'ai pas de pédale tonale , et c'est à utiliser partout ! dans Bach, Chopin...