Fiabilité du métronome - quand ?

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Okay
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Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Okay »

Bonjour,

Il y a déjà eu des discussions dans le passé par sur les indications de tempo de Beethoven dans certaines sonates, ou Chopin dans certaines études, a priori plus rapides que le bon sens et la majorité des interprétations. C'est un débat impossible à trancher avec certitude, mais au sein duquel la précision du métronome est un problème qui ne peut être ignoré, même si les traditions d'interprétation ont pu changer et que les claviers se sont alourdis.

Je regardais ma partition des Waldszenen de Schumann, une composition plus tardive (1848-9). On a des indications de métronome du compositeur, et à nouveau, on peut se demander si elles ne sont pas artificiellement trop rapides.
Par exemple, l'Eintritt est indiquée à 132 à la noire en C, et notée "Nicht zu schnell". J'aime bien jouer cette pièce assez allante, mais je ne me vois pas la précipiter jusqu'à 132, qui me paraît très excessif.
Par contre, les 60 à la noire de Verrufene Stelle me semblent juste un poil trop vite, mais pas aberrants. De même pour 130 de Heberge. 63 pour Vogels als Prophet me semble bien.

Que penser ?
Est-ce que le métronome de Schumann était forcément plus fiable que celui de Beethoven une trentaine d'années plus tôt ? Faut-il monter à 132 dans l'Eintritt en dépit de l'indication de départ ?
Et plus généralement, y a t'il un moment où l'on peut se dire que les indications de tempo (métronome) des compositeurs sont incontestablement fiables ? (je ne veux pas dire qu'il faut les suivre aveuglément, mais que 60 bat effectivement à la seconde).
Jean-Michel Verdier
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Jean-Michel Verdier »

Bonjour,
Je n'ai pas trop l'expérience des tempi dans les sonates, mais je me souviens d'une émission où Kurt Mazur expliquait que, dans certaines symphonies de Beethoven, il était impossible de suivre le tempo indiqué par le compositeur. Et il avait fait une démonstration avec un métronome. Donc je pense que globalement les tempi indiqués sont beaucoup plus rapides que ce qu'on joue aujourd'hui. Je crois qu'ils avaient expliqué que les métronomes de l'époque étaient différents de ceux d'aujourd'hui mais j'avoue que je ne m'en souviens plus très bien.
Cordialement
JM
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Arabesque44
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Arabesque44 »

Et 152 à la noire pour cette valse de Chopin, dont le tempo est "moderato" çà vous semble cohérent?
J'ai vérifié, toutes le éditions portent cette indication :shock:
metro (2).JPG
Peacherine_Rag
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Peacherine_Rag »

Pour une valse c'est cohérent, sachant qu'une valse "standard" se compte généralement à la mesure , non pas à la noire. Dans celle-ci, la valeur la plus rapide est la croche, du coup noire=152 me semble assez raisonnable.

Par contre c'est vrai que les tempos de Schumann sont très déconcertants. Pour un pianiste de notre époque c'est difficile de comprendre ses intentions : parfois ses tempos sont tellement exagérés qu'on se demande si c'est le même Schumann qui note les tempos et qui compose ses oeuvres ! D'ailleurs beaucoup de pianistes ne respectent pas ses annotations, même les plus grands...
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twane
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par twane »

Pour une valse c'est cohérent, sachant qu'une valse "standard" se compte généralement à la mesure , non pas à la noire. Dans celle-ci, la valeur la plus rapide est la croche, du coup noire=152 me semble assez raisonnable.
#-o je ne comprends pas... Qu'est ce que ça change par rapport à une pièce qui ne serait pas une valse mais au même tempo?
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Arabesque44
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Arabesque44 »

Je vois à peu près ce que veut dire Peacherine. Le tempo d'une valse dite "lente" sera toujours beaucoup plus rapide qu'un adagio, et une valse "moderato" aura un nombre de pulsations par minute plus proche d'un allegro vivace que d'un moderato classique ( 80 à 100)
Je suis d'accord pour ne pas jouer l'op 69 n°2 à 80 à la noire, encore moins l'op 69 n°1 "lento", à 50 à la noire. :shock:
Mais tout de même...Les deux valses de l'op 69 ne sont jamais jouées au tempo indiqué.( même si c'est très faisable en effet, vu que les valeurs les + rapides ne sont que des croches )
Peacherine_Rag
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Peacherine_Rag »

Merci d'éclaircir mes propos Arabesque je m'embrouille toujours avec ces histoires de tempo...

Le compositeur choisit le caractère de son tempo en fonction de la pulsation du morceau, mais aussi par rapport aux valeurs rythmiques récurrentes le long de l'oeuvre (rondes, doubles,triples) : un mouvement lent de Mozart qui a une pulsation égale à 50 mais qui comporte principalement des doubles croches sera noté Andante plutôt qu'Adagio.
Je sais pas si c'est plus clair qu'avant :mrgreen:
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JPS1827
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par JPS1827 »

En fait je pense que les indications trop rapides sont liées à deux problèmes :
- d'une part au métronome plus ou moins bien étalonné que le compositeur avait à sa disposition. J-P Marty dans son livre sur les études de Chopin donne son point de vue selon lequel il faut se baser sur le tempo auquel il paraît logique de jouer les trois études "lentes" (op.10 n°3 et 6, op. 25 n°7) pour déduire qu'il faut pour toutes les études retirer à peu près trois "graduation" de métronome type Maelzel (c'est à dire entre 9 et 12 battements par minute selon l'endroit où on se trouve sur la graduation) pour obtenir des mouvements raisonnables, quoique encore très rapides pour l'op 10 n°1 (entre 160 et 164 à la noire après sa correction) ou n°2 (encore 132 à la noire après correction). Il pense simplement que le métronome dont disposait Chopin à ce moment-là était mal réglé. Je travaille en ce moment le trio n°1 de Mendelssohn pour lequel le 1er mouvement chez Henle est donné à 80 à la blanche pointée, ce qui va vraiment très vite quand on arrive aux triolets de croches, et le finale pour 100 à la blanche, ce qui rend les doubles croches à peu près injouables (d'ailleurs personne ne joue à ce mouvement, et je ne suis pas sûr des sources de Henle, dans la mesure où d'autres éditions ne comportent pas d'indication métronomique pour le premier mouvement, mais semblent garder 100 pour le finale). Dans la première sonate pour piano et violon de Fauré, l'allegro initial est donné à 152 à la noire, ce qui paraît aberrant, et le finale à 6/8 est donné à 104 à la blanche pointée, à peu près injouable. La plupart se contentent de 120-126 pour le 1er mouvement (ce qui "avance déjà bien") et de 80-84 pour le finale. Bref, rien que sur des œuvres abordées récemment, je retrouve de nombreuses indications métronomiques qu'on ne peut pas suivre dans une approche normalement musicale. Je pense que les différences sont telles entre ce qui semble "logique" et ce qui est indiqué qu'il y a forcément plusieurs raisons à cela. La première qui vient à l'esprit est que ces métronome étaient en général mal étalonnés ou déréglés, mais cela ne suffit probablement pas pour expliquer de telles différences.
- j'arrive donc à la seconde raison. Je ne sais pas si vos profs vous donnent des indications métronomiques, mais je me rappelle comment la mienne procédait : elle sortait de son sac un métronome d'horlogerie qui ressemblait à un chronomètre avec un cadran de verre, objet qui faisait notre admiration, d'autant qu'il paraissait impossible d'en trouver un (indépendamment du prix sûrement élevé de l'objet), et chantonnait le début du morceau tout en réglant son métronome, jouait parfois au piano la première mesure, faisait quelques essais, puis marquait le tempo sur la partition. Quand on arrivait à la leçon suivante en jouant à ce tempo, elle était parfois surprise, ne se rappelant pas avoir indiqué un tempo aussi rapide. Quand on travaille avec le métronome, on a souvent une impression un peu semblable, un mouvement qui paraît "tenable" sur les premières mesures devient vite impossible à tenir au bout de quelques lignes (en plus le métronome utilisé dans le travail empêche de respirer, mais c'est un autre débat). Je pense donc que les compositeurs ont indiqué des mouvements en faisant des essais avec un métronome sur les premières mesures de leurs œuvres, ce qui permet de ne pas s'apercevoir de minimes décalages entre le mouvement joué et le mouvement indiqué (ça peut atteindre assez facilement 4 à 8 battements par minutes qui s'ajoutent aux erreurs liées à l'étalonnage du métronome).

En conclusion, on ne peut suivre les indications métronomiques que quand elles corroborent l'idée qu'on se fait de l'œuvre, c'est dire que je cherche de moins en moins à les respecter.
Barococo
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Barococo »

Merci Jps pour ces infos, c'est super intéressant! C'est une mine de savoir ce forum!
Peux tu me dire de quel livre tu parles concernant les études de Chopin?
Jean-Luc
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Jean-Luc »

C'est une question que je me pose souvent. Les indications métronomiques sont-elles authentiques et vérifiables?

Pour Beethoven, je trouve que les indications généralement données sont assez cohérentes avec ce qu'on peut entendre au travers des enregistrements. Sans pouvoir dire que c'était bien ce que voulait Beethoven, il y a au moins une concordance.

Pour Schumann, j'ai récemment lu que son métronome était déréglé ; il battait plus rapidement de 12 graduations.
Si cette découverte que l'on fit à la mort de Schumann s'avère exacte, si l'oeuvre porte une indication métronomique de la main de Schumann, on devrait la jouer beaucoup plus vite. Certaines éditions comporte cette modification; la 2ème sonate que je travaille en ce moment, le 1er mouvement indique 132 dans l'édition revue par Fauré, mais beaucoup d'éditions indiquent 144.

Dans la 13ème mazurka de Chopin, je pense que très peu de pianistes jouent au tempo indiqué : 152 à la noire, alors qu'il est indiqué Lento ma non troppo.

Les "interprétations" que l'on peut faire des indications métronomiques, ou les indications du tempo sont vraiment très variables.

Il paraît que Andante serait environ à 72/76, tout simplement parceque le coeur humain bat entre 72 et 76 pulsations par minutes (sauf les coureurs de fond et certains sportifs... :wink: )

Il y a tout un chapitre assez intéressant sur le tempo, ses indications et les différentes écoles dans ce livre (à partir de la page 55 ou 63 dans pdf) : AGOGIQUE
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Mylène
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Mylène »

Merci Jean-Luc, je cherchais cette référence dimanche dernier, et je ne le retrouvais pas.
AGOGIQUE
:mrgreen:
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Okay
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Re: Fiabilité du métronome - quand ?

Message par Okay »

Merci beaucoup pour vos réponses, exemples et documents.
Du coup, ce que nous apprend Jean-Luc me perturbe encore plus puisque je trouvais les tempi de Schumann trop rapides dans les Waldszenen. Par contre je suis d'accord que 132 c'est bien trop lent pour la 2ème sonate. Après, on peut toujours conjecturer que Schumann a utilisé des métronomes différents puisque ces 2 œuvres ne sont pas contemporaines ... ou bien c'est ma conception des Waldszenen qui passe à côté.

Très interressant JPS. Je ne connais pas le livre de Marty et du coup il va falloir que je me le procure. Je trouve la réflexion à partir des études lentes extrêmement pertinente, c'est vrai qu'il y a moins de degrés de liberté pour ces pièces. Du coup, les tempi du compositeur redeviennent informatifs si l'on se convainc de la correction qu'il faut leur appliquer. D'où l'intérêt de regarder un panel de pièces écrites à la même période par la même main.

Je suis vraiment surpris pour Fauré, je pensais que plus loin dans le 19eme siècle on construisait des métronomes plus fiables (peut etre qu'il utilisait une vieillerie, qui sait ?). En fait la vraie question, c'est de déterminer à partir de quelle année environ, on peut se dire que le nombre de battements par minutes indiqué est correct. Ça permet de garder son regard critique juste pour la question : est ce que/pourquoi le compositeur voulait qu'on joue si vite/lentement.
Dans le 2e concerto de Bartok (désolé, je n'ai pas d'autre exemple), la mètre et le tempo changent très fréquemment. À chaque fois, il y a une indication de métronome qui est très naturelle. Parfois ca change assez peu d'ailleurs, tout ceci est tres precis, mais s'inscrit bien compte tenu du discours musical.

Donc, faut-il vraiment attendre le 20ème siècle pour faire confiance aux métronomes ?
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