La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
- dominique
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La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Pour ne pas polluer les sujets dans "piano" sur le répertoire contemporain, j'ouvre ce nouveau sujet.
La conférence du 20 décembre dernier de Jérôme Ducros au collège de France a fait couler beaucoup d'encre...
http://www.college-de-france.fr/site/ka ... 15h00.htm|
Pourquoi réveiller cette vieille querelle "tonale/atonale", alors que justement, la création actuelle a largement dépassé ce clivage !
Voilà ce que cela a inspiré à Claude Abromont :
http://www.melozzoo.org/melozzoo/Home-J ... s-le-futur
Puis, ce bel exposé, toujours par Claude Abromont :
http://www.melozzoo.org/melozzoo/Home-J ... st-musique
Des réflexions ?
La conférence du 20 décembre dernier de Jérôme Ducros au collège de France a fait couler beaucoup d'encre...
http://www.college-de-france.fr/site/ka ... 15h00.htm|
Pourquoi réveiller cette vieille querelle "tonale/atonale", alors que justement, la création actuelle a largement dépassé ce clivage !
Voilà ce que cela a inspiré à Claude Abromont :
http://www.melozzoo.org/melozzoo/Home-J ... s-le-futur
Puis, ce bel exposé, toujours par Claude Abromont :
http://www.melozzoo.org/melozzoo/Home-J ... st-musique
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- jean-séb
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Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Tu as raison de séparer les fils. La réaction d'Abromont avait été citée dans le fil "répertoire contemporain".
viewtopic.php?f=1&t=12106&p=197711&hili ... nt#p197711
viewtopic.php?f=1&t=12106&p=197711&hili ... nt#p197711
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
j'ai écouté (entre autre) cette conférence de Jérome Ducros, donnée dans le cadre d'un séminaire animé par Karol Beffa au Collège de France.
J'ai apprécié d'écouter son point de vue, moi qui ne suis pas du tout une musicienne professionnelle.
Bien sûr , on ne prouve jamais la véracité d'une affirmation par l'exemple. Mais ses explications m'ont fait avancer dans la compréhension de ce monde. J'ai lu ensuite les articles de Claude Abromont (qui ne prouve rien non plus) et ce fut intéressant aussi.
J'ai apprécié d'écouter son point de vue, moi qui ne suis pas du tout une musicienne professionnelle.
Bien sûr , on ne prouve jamais la véracité d'une affirmation par l'exemple. Mais ses explications m'ont fait avancer dans la compréhension de ce monde. J'ai lu ensuite les articles de Claude Abromont (qui ne prouve rien non plus) et ce fut intéressant aussi.
- dominique
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Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Merci de me le re-situer, Jean-Séb. Je ne trouvais plus cet extrait dans les 2 fils...
Que penses-tu de son nouvel exposé; "la musique post musique" ?
Que penses-tu de son nouvel exposé; "la musique post musique" ?
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Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Je trouve la pensée d'Abromont un peu brouillonne ; il me faudrait probablement du temps pour que je réfléchisse mieux aux arguments qu'il présente. Mais je dois à ton dernier lien une découverte fabuleuse : ce trio de Ducros, totalement classique (post romantique), vraiment magnifique. Pas plus qu'Abromont, je ne sais répondre à la question "pourquoi écrire un tel trio aujourd'hui ?". Un peintre qui peint aujourd'hui comme Vinci, un architecte qui construit comme Palladio, c'est aussi beau qu'il y a quatre siècle, mais ça n'intéresse plus ; l'Art n'aime pas la répétition, le chef d’œuvre devient pastiche.
En tout cas, je vais le réécouter, il est superbe, ce trio.
En tout cas, je vais le réécouter, il est superbe, ce trio.
- dominique
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Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Je pense que tout simplement, il montre qu'il y a des chefs d'oeuvre dans toutes les formes-langages, et qu'il n'y a aucune raison d'en éliminer, ou de monter les uns contre les autres.
Le langage est un outil, encore faut-il avoir à dire.
Que Jérôme Ducros écrive un trio "brahmsien" est un "hors-temps". Il ne dit rien de nous. Il ne dit rien. Il se moque.
Dans les exemples d'Abromont, j'aime particulièrement Olivier Greif. J'écoutais l'an dernier en boucle sa sonate "codex domini".
Jérome Ducros, au contraire, ridiculise, abaisse.
Le langage est un outil, encore faut-il avoir à dire.
Que Jérôme Ducros écrive un trio "brahmsien" est un "hors-temps". Il ne dit rien de nous. Il ne dit rien. Il se moque.
Dans les exemples d'Abromont, j'aime particulièrement Olivier Greif. J'écoutais l'an dernier en boucle sa sonate "codex domini".
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Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
C'est étrange que dans ces discussions, tonal vs. atonal, qui reviennent tout le temps, on en vienne finalement toujours aux pastiches, aux pièces "dans le genre de", et aux mêmes arguments.
Je suis plutôt d'accord avec Dominique (un pastiche, c'est un pastiche, point, c'est une coquille vide) et je trouve curieux qu'un certain nombre de musiciens se mettent à faire a aujourd'hui, alors qu'on est justement dans une période où on redécouvre un répertoire énorme de compositeurs un peu mineurs (mais qui écrivaient en disant quelque chose sur eux/leur temps).
On pouvait déjà dire "à quoi bon faire du Brahms alors que celui qui a été le meilleur pour en écrire, c'est Brahms lui même", mais on peut même aller jusque à dire que même en dehors des compositeurs majeurs, on a déjà tout ce qu'il faut pour plusieurs vies, et qu'il n'y a pas besoin d'en rajouter.
Par contre, bizarrement, dans la musique de film, des pièces qui pourraient être "dans le style de", des exercices de style parodiques, marchent bien... par exemple : http://www.youtube.com/watch?v=vlxraNmZFR4 tout seul c'est super niais et pas terrible, mais ça va tellement bien avec le film et son univers que ça passe vraiment bien.
Peut être que c'est une question de contexte, que cette musique pastiche n'est juste pas appropriée à une salle de concert ou un disque, mais qu'elle peut accompagner autre chose ?
Sinon, je suis plutôt, intuitivement en tout cas, d'accord avec m.Abromont, mais peut-t-on considérer que "la musique post-musique" est une invention toute récente ?
Je me souviens avoir déchiffré des pièces du début XXème qui auraient pu être écrites en 1770...
Je suis plutôt d'accord avec Dominique (un pastiche, c'est un pastiche, point, c'est une coquille vide) et je trouve curieux qu'un certain nombre de musiciens se mettent à faire a aujourd'hui, alors qu'on est justement dans une période où on redécouvre un répertoire énorme de compositeurs un peu mineurs (mais qui écrivaient en disant quelque chose sur eux/leur temps).
On pouvait déjà dire "à quoi bon faire du Brahms alors que celui qui a été le meilleur pour en écrire, c'est Brahms lui même", mais on peut même aller jusque à dire que même en dehors des compositeurs majeurs, on a déjà tout ce qu'il faut pour plusieurs vies, et qu'il n'y a pas besoin d'en rajouter.
Par contre, bizarrement, dans la musique de film, des pièces qui pourraient être "dans le style de", des exercices de style parodiques, marchent bien... par exemple : http://www.youtube.com/watch?v=vlxraNmZFR4 tout seul c'est super niais et pas terrible, mais ça va tellement bien avec le film et son univers que ça passe vraiment bien.
Peut être que c'est une question de contexte, que cette musique pastiche n'est juste pas appropriée à une salle de concert ou un disque, mais qu'elle peut accompagner autre chose ?
Sinon, je suis plutôt, intuitivement en tout cas, d'accord avec m.Abromont, mais peut-t-on considérer que "la musique post-musique" est une invention toute récente ?
Je me souviens avoir déchiffré des pièces du début XXème qui auraient pu être écrites en 1770...
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Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
l' exposé de Ducros est orienté et essentiellement "à charge", pas objectif, malgré tout ses arguments portent, pour justifier son propos il passe de Schubert à Schoenberg et il oublie Debussy et Ravel, il oublie aussi le jazz qui en un siècle, du New-orleans au free a parcouru tout le chemin de la musique classique.
comme Nem je suis plutôt d'accord avec l'approche d'Abromont.
comme Nem je suis plutôt d'accord avec l'approche d'Abromont.
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Mettons les choses au clair. Évidemment il y a du bon dans tout, il y en a aussi dans la musique atonale. Déjà il n'existe pas, à ma connaissance, de définition précise de ce terme, et beaucoup d’œuvres sont certainement entre ces deux mondes. Je ne vois donc pas comment on pourrait couper l'univers en deux en classant chaque œuvre d'un côté ou de l'autre.
Ce que j'ai dit pour ma part :
1/ Globalement la direction prise, avec ce côté "peu importe le beau", voire "peu importe l'avis de l'auditeur" ne correspond pas à ce que l'on peut attendre d'une œuvre d'art
2/ Beaucoup de courants contemporains correspondent à de l'intellectualisme pur, avec un système logique, construit, mais sans intérêt tant qu'on n'a pas la clé de ce système, ce qui est difficile vu le nombre de systèmes existants (un par "style" contemporain, voire par compositeur)
3/ Si on prend les œuvres les plus "avancées", c'est à dire les plus audacieuses, et qui ont longtemps été les porte-étendards de la musique atonale, ça relève plus de l'expérience sonore que de l'art, ou tout du moins de la musique.
4/ Dans les œuvres les plus extrêmes, le savoir-faire, inhérent au concept d'art, disparaît totalement au profit de l'idée pure. On est tous artistes tant qu'on a l'idée...
Donc si votre conclusion c'est de dire "ce n'est pas Tonal OU Atonal, il y a du bon partout", vous enfoncez une porte ouverte. Par contre l'atonalité est un terrain propice aux nombreuses exagérations qui répondent aux critiques ci-dessus. Donc quand on dit "Tonal" ou "Atonal", c'est un raccourci évidemment, il ne faut pas le prendre au pied de la lettre.
Je pense que c'est aussi le propos de Ducros : quand on regarde certaines œuvres contemporaines, c'est vraiment du grand n'importe quoi. Et pourtant selon les définitions actuelles, ces œuvres sont considérées comme de l'art, de la musique, au même titre qu'une symphonie de Beethoven ou un concerto de Mozart. Il y a légitimement de quoi se dire qu'on a dépassé une limite quelque part. Sa conférence cherche la catharsis, ce qui explique le ton général employé.
Ce que j'ai dit pour ma part :
1/ Globalement la direction prise, avec ce côté "peu importe le beau", voire "peu importe l'avis de l'auditeur" ne correspond pas à ce que l'on peut attendre d'une œuvre d'art
2/ Beaucoup de courants contemporains correspondent à de l'intellectualisme pur, avec un système logique, construit, mais sans intérêt tant qu'on n'a pas la clé de ce système, ce qui est difficile vu le nombre de systèmes existants (un par "style" contemporain, voire par compositeur)
3/ Si on prend les œuvres les plus "avancées", c'est à dire les plus audacieuses, et qui ont longtemps été les porte-étendards de la musique atonale, ça relève plus de l'expérience sonore que de l'art, ou tout du moins de la musique.
4/ Dans les œuvres les plus extrêmes, le savoir-faire, inhérent au concept d'art, disparaît totalement au profit de l'idée pure. On est tous artistes tant qu'on a l'idée...
Donc si votre conclusion c'est de dire "ce n'est pas Tonal OU Atonal, il y a du bon partout", vous enfoncez une porte ouverte. Par contre l'atonalité est un terrain propice aux nombreuses exagérations qui répondent aux critiques ci-dessus. Donc quand on dit "Tonal" ou "Atonal", c'est un raccourci évidemment, il ne faut pas le prendre au pied de la lettre.
Je pense que c'est aussi le propos de Ducros : quand on regarde certaines œuvres contemporaines, c'est vraiment du grand n'importe quoi. Et pourtant selon les définitions actuelles, ces œuvres sont considérées comme de l'art, de la musique, au même titre qu'une symphonie de Beethoven ou un concerto de Mozart. Il y a légitimement de quoi se dire qu'on a dépassé une limite quelque part. Sa conférence cherche la catharsis, ce qui explique le ton général employé.
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Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
En résumé, tu dis qu'il n'y a pas d'art conceptuel, que seul ce qui est effectivement réalisé compte. Pour une fois je suis entièrement d'accord !
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
En substance c'est ça. Si la réalisation ne permet pas de remonter à l'idée sans faire une analyse approfondie et sans connaître les clés du système utilisé, elle n'a aucune valeur sur le plan artistique. L'écoute DOIT suffire.
Pour moi il ne faut pas "comprendre", il faut ressentir et apprécier. L'écoute ne doit pas se ramener à une réflexion logique. On ne devrait pas avoir à réfléchir en écoutant une œuvre. La réflexion et l'analyse peuvent venir par la suite, pour aller encore plus loin dans l'écoute, mais on doit pouvoir s'en affranchir.
Typiquement l'exemple joué par Pollini dans la conférence de Ducros, à l'écoute c'est juste hermétique. Il faut chercher, comprendre, orienter son écoute. Et franchement, faut être motivé...
NB : et par pitié, pas de réponse du style "oui mais il y a aussi de belles choses, Ducros a pris un exemple extrême, voilà par exemple un très beau morceau de XXX...", comme je l'ai dit pour moi tout le problème est justement que dans les principes modernes de l'art, ces œuvres extrêmes peuvent être considérées comme de la musique, comme de l'art, et c'est ça qui ne va pas. C'est ça qui pousse à remettre en questions les principes de l'art contemporain.
Pour moi il ne faut pas "comprendre", il faut ressentir et apprécier. L'écoute ne doit pas se ramener à une réflexion logique. On ne devrait pas avoir à réfléchir en écoutant une œuvre. La réflexion et l'analyse peuvent venir par la suite, pour aller encore plus loin dans l'écoute, mais on doit pouvoir s'en affranchir.
Typiquement l'exemple joué par Pollini dans la conférence de Ducros, à l'écoute c'est juste hermétique. Il faut chercher, comprendre, orienter son écoute. Et franchement, faut être motivé...
NB : et par pitié, pas de réponse du style "oui mais il y a aussi de belles choses, Ducros a pris un exemple extrême, voilà par exemple un très beau morceau de XXX...", comme je l'ai dit pour moi tout le problème est justement que dans les principes modernes de l'art, ces œuvres extrêmes peuvent être considérées comme de la musique, comme de l'art, et c'est ça qui ne va pas. C'est ça qui pousse à remettre en questions les principes de l'art contemporain.
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Je suis d'accord avec ce qui a été écrit plus haut par Nox notamment. En fait, je n'ai pas de position mais beaucoup d'interrogations.
Par exemple: quand tu dis, Nox, d'une oeuvre X qu'elle n'est pas de l'art, que c'est juste une expérimentation sonore, tout en étant plutôt d'accord avec l'énoncé de ton jugement, j'ai envie d'en savoir plus, en tout cas aussitôt je me dis, oui, mais le beau qu'est-il, sinon une expérience, justement, une expérience qui se déroule avec des sons dans le temps et suivant un langage?
Je suis 100% d'accord que quand il n'y a pas de ressenti mais juste un concept, ce n'est plus de l'art, là j'adhère et je comprends et je n'ai pas vraiment besoin d'aller plus loin. En revanche, quand une oeuvre s'adresse au ressenti, quand de toute évidence elle explore un langage sonore, sous une forme qu'intuitivement je perçois comme "savante", riche, parlante, mais que ce langage m'est moins familier que celui de la musique classique que je connais, que se passe-t-il? Comment juger? Si mes sensations, tout en étant proprement musicales, sont encore "indéterminées" du fait de l'étrangeté qui m'est proposée? C'est-à-dire, si je ne peux pas dire immédiatement, j'aime, ou je n'aime pas? Je ressens ceci: il y a quelque chose dans cette musique, je dois y revenir, cela prendra peut-être du temps. Cela ne veut pas dire que je passe par la médiation du concept, je ne vais pas chercher un "mode d'emploi" à cette musique, c'est juste que j'ai besoin d'y revenir, de la réécouter, de prendre le temps de mieux la connaître. Mais ce temps n'est-il pas musical? Ne fait-il pas partie de l'expérience normale d'un amoureux de la musique?
Par exemple: quand tu dis, Nox, d'une oeuvre X qu'elle n'est pas de l'art, que c'est juste une expérimentation sonore, tout en étant plutôt d'accord avec l'énoncé de ton jugement, j'ai envie d'en savoir plus, en tout cas aussitôt je me dis, oui, mais le beau qu'est-il, sinon une expérience, justement, une expérience qui se déroule avec des sons dans le temps et suivant un langage?
Je suis 100% d'accord que quand il n'y a pas de ressenti mais juste un concept, ce n'est plus de l'art, là j'adhère et je comprends et je n'ai pas vraiment besoin d'aller plus loin. En revanche, quand une oeuvre s'adresse au ressenti, quand de toute évidence elle explore un langage sonore, sous une forme qu'intuitivement je perçois comme "savante", riche, parlante, mais que ce langage m'est moins familier que celui de la musique classique que je connais, que se passe-t-il? Comment juger? Si mes sensations, tout en étant proprement musicales, sont encore "indéterminées" du fait de l'étrangeté qui m'est proposée? C'est-à-dire, si je ne peux pas dire immédiatement, j'aime, ou je n'aime pas? Je ressens ceci: il y a quelque chose dans cette musique, je dois y revenir, cela prendra peut-être du temps. Cela ne veut pas dire que je passe par la médiation du concept, je ne vais pas chercher un "mode d'emploi" à cette musique, c'est juste que j'ai besoin d'y revenir, de la réécouter, de prendre le temps de mieux la connaître. Mais ce temps n'est-il pas musical? Ne fait-il pas partie de l'expérience normale d'un amoureux de la musique?
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Suivant un langage connu, compréhensible, c'est toute la différence. Si chaque compositeur se construit son propre langage, et que pour aimer chaque oeuvre il faut réfléchir, toute notion de spontanéité disparaît. Et c'est une situation que je qualifierais de pas glop. Or justement l'atonal donne une telle liberté qu'il n'y a quasiment plus de langage commun, et même la qualité de réalisation devient subjective.Oupsi a écrit :oui, mais le beau qu'est-il, sinon une expérience, justement, une expérience qui se déroule avec des sons dans le temps et suivant un langage?
Si c'est vraiment une sensation, et pas une réflexion, alors c'est tout bon. Quand je regarde l'extrait joué par Pollini, je sais bien qu'il y a quelque chose derrière, en m'intéressant à ce morceau et en l'analysant, en apprenant à l'écouter, je pourrais peut-être même l'apprécier (peut-être hein, ne nous emballons pas). Mais franchement j'ai pas envie d'analyser tous les morceaux que j'écoute.Oupsi a écrit : En revanche, quand une oeuvre s'adresse au ressenti, quand de toute évidence elle explore un langage sonore, sous une forme qu'intuitivement je perçois comme "savante", riche, parlante, mais que ce langage m'est moins familier que celui de la musique classique que je connais, que se passe-t-il? Comment juger? Si mes sensations, tout en étant proprement musicales, sont encore "indéterminées" du fait de l'étrangeté qui m'est proposée? C'est-à-dire, si je ne peux pas dire immédiatement, j'aime, ou je n'aime pas? Je ressens ceci: il y a quelque chose dans cette musique, je dois y revenir, cela prendra peut-être du temps. Cela ne veut pas dire que je passe par la médiation du concept, je ne vais pas chercher un "mode d'emploi" à cette musique, c'est juste que j'ai besoin d'y revenir, de la réécouter, de prendre le temps de mieux la connaître. Mais ce temps n'est-il pas musical? Ne fait-il pas partie de l'expérience normale d'un amoureux de la musique?
Si je ressens quelque chose (et pas seulement quelque chose du type "tiens c'est bizarre ce truc"), c'est bien que je suis touché par le morceau, et que quelque part je perçois le langage utilisé.
Pour moi ce qui compte ce n'est pas uniquement le potentiel final d'une oeuvre, ce qu'on peut ressentir une fois qu'on a les clés et qu'on perçoit tout ce qui s'y passe, mais aussi - et c'est ce qui est négligé par l'art contemporain - le ressenti immédiat, spontané.
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Le "beau" est tout de même subjectif, ne l'oublions pas. Certains seront émus par certaines oeuvres, d'autres seront sur le point de bailler. De même que le "beau" est restrictif dans le sens où on cherche davantage l'esthétique d'une manière générale que le "beau". Un passage d'une oeuvre sombre ou se voulant effrayante ne sera pas nécessairement "beau" mais pourra contenter l'auditeur car esthétique. Des compositeurs rejetant dans toute leur oeuvre l'idée d'esthétique, je suis loin d'être certain que ça court les rues.nox a écrit :Globalement la direction prise, avec ce côté "peu importe le beau"
Je ne suis pas certain que ce soit si simple, pour preuve qu'on peut être sensibiliser à une musique à travers l'explication (fugue, musique étrangère, etc). Avoir les clés pour comprendre peut permettre d'aimer.nox a écrit :L'écoute DOIT suffire.
La différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou. Salvador Dali.
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Oui enfin avoir conscience que c'est subjectif et avoir conscience que ça ne plaira à personne (ou presque) c'est quand même deux choses différentes. Il faut que le fait de plaire reste un objectif. Une oeuvre qui ne plait et ne plaira jamais à personne, je vois pas l'intérêt...Gracou a écrit : Le "beau" est tout de même subjectif, ne l'oublions pas. Certains seront émus par certaines oeuvres, d'autres seront sur le point de bailler.
Là on joue vraiment sur les mots...Remplace "beau" par "esthétique" si ça peut te faire plaisir, toute la réflexion reste la même. L'important c'est qu'il y ait une sensation à l'écoute.Gracou a écrit : De même que le "beau" est restrictif dans le sens où on cherche davantage l'esthétique d'une manière générale que le "beau". Un passage d'une oeuvre sombre ou se voulant effrayante ne sera pas nécessairement "beau" mais pourra contenter l'auditeur car esthétique.
Ben ne me dis pas que Stockhausen s'est dit "je suis sûr que les gens vont trouver ça magnifique"...Là c'est vraiment qu'il vit dans son petit monde...Gracou a écrit :Des compositeurs rejetant dans toute leur oeuvre l'idée d'esthétique, je suis loin d'être certain que ça court les rues.
Comme je l'ai dit environ 54 fois, la différence avec une fugue c'est qu'on n'a pas besoin de la comprendre pour l'apprécier.Gracou a écrit :Je ne suis pas certain que ce soit si simple, pour preuve qu'on peut être sensibiliser à une musique à travers l'explication (fugue, musique étrangère, etc). Avoir les clés pour comprendre peut permettre d'aimer.nox a écrit :L'écoute DOIT suffire.
Mais si à l'écoute tu ne perçois rien, même si après analyse ça se révèle génial, pour moi en tant qu’œuvre d'art c'est un échec.
Alors oui ça peut arriver avec la musique tonale, mais pour moi c'est quand même beaucoup plus fréquent dans la musique atonale, parce qu'on n'a plus aucun repère harmonique auquel se raccrocher, ni pulsation ni harmonie. On nage...
Pour moi ce qui compte ce n'est pas uniquement le potentiel final d'une oeuvre, ce qu'on peut ressentir une fois qu'on a les clés et qu'on perçoit tout ce qui s'y passe, mais aussi - et c'est ce qui est négligé par l'art contemporain - le ressenti immédiat, spontané.
Par ailleurs, un point qu'on a laissé de côté mais que j'ai soulevé également : l'art contemporain permet à l'extrême de s'affranchir de tout savoir faire et de réduire l'art à une idée. On peut très bien être compositeur en étant nul en harmonie/orchestration/interprétation, en étant piètre musicien. C'est quand même un peu paradoxal.
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
En fait, prendre le temps d'écouter, ce n'est pas forcément "analyser". C'est là où je pense que tu sautes une étape. Ce n'est pas parce qu'on ne sait pas tout de suite mettre des mots sur une émotion esthétique un peu étrange ou complètement nouvelle qu'il faut tout de suite fermer le chapitre "sensation" et ouvrir le manuel "analyse". On peut prendre le temps d'une ouverture sensible et non intellectuelle, se rendre disponible, ce qui ne veut pas dire qu'on "s'éduque" comme s'il fallait retourner à l'école.nox a écrit :Si c'est vraiment une sensation, et pas une réflexion, alors c'est tout bon. Quand je regarde l'extrait joué par Pollini, je sais bien qu'il y a quelque chose derrière, en m'intéressant à ce morceau et en l'analysant, en apprenant à l'écouter, je pourrais peut-être même l'apprécier (peut-être hein, ne nous emballons pas). Mais franchement j'ai pas envie d'analyser tous les morceaux que j'écoute.
- Yapluka
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Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Au bout de combien de temps peut-on laisser tomber ? Il y a quelques années (lorsque ma faille aînée était en troisième cycle) j'ai essayé pendant plusieurs mois de me plonger dans la musique contemporaine ... En fait son prof, lui avait imposé deux pièces (courtes heureusement !) contemporaines (une de Schonberg, et l'autre je ne me souviens plus de qui ). Rien à faire, ça n'est jamais passé (ni chez moi, ni chez mes deux filles ...). J'ai essayé d'assister à 3 concerts (sous les conseils de son prof, pour qui par ailleurs, j'ai la plus grande estime ) : j'ai tenu 30' au premier (j'ai pris sur moi ) 15' au second, et peut-être 5' au dernier ... Personnellement, tout ce que j'en déduis, c'est que cette musique n'est pas pour moi ... Et ce n'est pas faute d'avoir essayé !Oupsi a écrit :En fait, prendre le temps d'écouter, ce n'est pas forcément "analyser". C'est là où je pense que tu sautes une étape. Ce n'est pas parce qu'on ne sait pas tout de suite mettre des mots sur une émotion esthétique un peu étrange ou complètement nouvelle qu'il faut tout de suite fermer le chapitre "sensation" et ouvrir le manuel "analyse". On peut prendre le temps d'une ouverture sensible et non intellectuelle, se rendre disponible, ce qui ne veut pas dire qu'on "s'éduque" comme s'il fallait retourner à l'école.nox a écrit :Si c'est vraiment une sensation, et pas une réflexion, alors c'est tout bon. Quand je regarde l'extrait joué par Pollini, je sais bien qu'il y a quelque chose derrière, en m'intéressant à ce morceau et en l'analysant, en apprenant à l'écouter, je pourrais peut-être même l'apprécier (peut-être hein, ne nous emballons pas). Mais franchement j'ai pas envie d'analyser tous les morceaux que j'écoute.
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Je ne saute pas d'étape, dans la musique contemporaine dont il est question, l'écoute attentive ne suffit pas. Je garde l'exemple de Pollini, je peux être aussi attentif que tu veux, ça passera pas. Et encore, je suis déjà moi-même musicien, pour un profane ça sera encore moins digeste.Oupsi a écrit :En fait, prendre le temps d'écouter, ce n'est pas forcément "analyser". C'est là où je pense que tu sautes une étape. Ce n'est pas parce qu'on ne sait pas tout de suite mettre des mots sur une émotion esthétique un peu étrange ou complètement nouvelle qu'il faut tout de suite fermer le chapitre "sensation" et ouvrir le manuel "analyse". On peut prendre le temps d'une ouverture sensible et non intellectuelle, se rendre disponible, ce qui ne veut pas dire qu'on "s'éduque" comme s'il fallait retourner à l'école.nox a écrit :Si c'est vraiment une sensation, et pas une réflexion, alors c'est tout bon. Quand je regarde l'extrait joué par Pollini, je sais bien qu'il y a quelque chose derrière, en m'intéressant à ce morceau et en l'analysant, en apprenant à l'écouter, je pourrais peut-être même l'apprécier (peut-être hein, ne nous emballons pas). Mais franchement j'ai pas envie d'analyser tous les morceaux que j'écoute.
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
ah bon? je trouve ce raisonnement vraiment bizarre !Et encore, je suis déjà moi-même musicien, pour un profane ça sera encore moins digeste.
Re: La conférence de Jérôme Ducros Tonal vs Atonal
Ah, c'est intéressant, Yapluka, figure-toi que je vais commencer une petite pièce courte de Schönberg moi aussi. Quand mon prof me l'a jouée, je ne l'avais jamais entendue auparavant, ça m'a fascinée tout de suite, j'ai dit "c'est du pur piano, ça!", je ne sais absolument pas ce que je voulais dire par là, et en réécoutant maintenant en disque, je retrouve cette sensation de pureté de son éminément pianistique, comme si le piano lui-même parlait, murmurait, improvisait, recueillait aussi avec gourmandise le silence entre les notes. Je pense que cette musique se prête à rêver au moment de la naissance de la musique, "avant la partition". Je sens la proximité avec cette naissance. C'est pour ça que cela m'émeut. Si je n'avais pas ressenti ça, j'aurais poliment décliné l'offre de mon professeur "d'explorer cette musique", car je n'ai aucune envie de jouer un morceau que je n'aime pas ou qui ne m'attire pas ou qui ne me dit rien!
Après, un musicologue savant viendra peut-être m'expliquer que mes sensations sont complètement à côté de la plaque, et ça j'avoue que je m'en fiche un peu. Il est très probable aussi qu'en le travaillant, je découvrirai d'autres choses dans ce morceau, qui prendront plus de relief que ma première sensation. On verra bien!
Après, un musicologue savant viendra peut-être m'expliquer que mes sensations sont complètement à côté de la plaque, et ça j'avoue que je m'en fiche un peu. Il est très probable aussi qu'en le travaillant, je découvrirai d'autres choses dans ce morceau, qui prendront plus de relief que ma première sensation. On verra bien!