Je vous remercie pour votre écoute et vos commentaires. En fait depuis quelques jours, quelque chose s'ouvre dans ces longues heures quotidiennes de pratique, et ce matin encore tout parait facile, certes il y a encore de nombreux accords que mes mains ne trouvent pas, mais la main gauche commence à prendre de l'autonomie, la main droite de la fluidité, et la précision progresse aussi énormément. Comme je joue aussi de la batterie, je constate la même ouverture, après plusieurs mois à affermir une sorte de chanson (les éléments répétitifs à l’improvisation en sont la trace) en tâchant d'en perfectionner le rythme et la variété de formulation harmonique, à présent les accords et les gammes s'ouvrent, et chaque quart d'heure se termine par une sorte d'éblouissement, wahou!, quel chemin parcouru depuis l'achat du piano il y a 3 ans!
Keith Jarrett, bien sûr, c'est une vieille connaissance, mais il est difficilement imitable (et ce n'est pas nécessairement un exemple de ce qu'il faut faire), je vous conseille son concert dans le Vermont en 1977, un soir d'aout en plein air (en trois partie sur youtube, voici la première :
https://www.youtube.com/watch?v=_MOx-jY9BeE) Dans l'interview (la deuxième partie), il explique que dans sa musique il y a un implicite qui est contenu et qui ne se révèle que dans l’oreille des auditeurs, qu'il n'a pas besoin de tout jouer, qu'il cherche à exprimer ce que la musique elle-même ne rendra pas manifeste. C'est très exactement ce que l'on ressent à écouter cette période de son travail, notamment dans la première partie, et c'est du très grand art.
Pour ma part récemment j'ai écouté beaucoup les quatre que j'ai cités, parce que ce sont des classiques. Voici quelques vidéos où l'on peut facilement s'émerveiller de leurs travaux sans devoir rechercher de nombreux albums disséminés. Cela ne dispense pas d'écouter les œuvres entières, maintenant qu'elles sont disponibles.
Art Tatum pour son génie technique, son inventivité prise dans l'artifice entêtant, par exemple dans
Too marvelous for words, la façon dont il ajoute un étage totalement convainquant au refrain à 2'03'', il y a là beaucoup d'énergie qui tire le temps en avant à un rythme très soutenu.
Oscar Peterson est sans doute LE pianiste classique par excellence, à la fois héritier de la période des débuts du jazz, et des avancées modernes et contemporaines. L'on trouve des concerts entiers sur youtube à présent, par exemple à Berlin (dans les années 80 sans doute, avant son AVC)
https://www.youtube.com/watch?v=4da_2L0qMnA. Il est aussi un personnage très touchant, son enfance, sa vie de tournées loin de ses propres enfants, son attaque cérébrale qui le prive de sa main gauche si forte, puis son travail de reconstruction pour remonter sur scène. Il était aussi un passionné de techniques modernes, les synthés, les studios, comme des jouets, le passionnaient (c'est Keith Jarrett qui parle des synthés comme des jouets, à propos de son époque avec Miles Davis.) Il développe une main gauche aussi libre et forte que possible, et les facilités de la main droite sont envoutantes chez lui. Tout cela, non pas sur des facilités de transpositions chromatiques, mais à l'ancienne, sur des gammes solidement sues.
Bill Evans est aussi une sorte de classique sophistiqué, blanc, tout droit issu des années 50 aux cheveux gominés, et ses inventions harmoniques sont très riches et identifiables entre toutes. il existe un documentaire bien connu et unique où il discute avec son frère, de la musique qu'il crée, expliquant ce qu'il décrit comme une exigence d'honnêteté, en donnant l'exemple (ce n'est pas vraiment perdre son temps que de regarder ce documentaire en entier). C'est aussi l'occasion de l'entendre et de le voir jouer à son meilleur, loin de l'easy listening qu'il inventera plus tard,
The Universal Mind of Bill Evans.
McCoy Tyner est quant à lui l'inventeur du jazz contemporain en un sens, car sa musique ne se base plus seulement sur des gammes tirées par la tradition, mais par l'invention pentatonique, qui suppose un aspect cinématographique, visuel, et suspensif. C'est moins classiquement beau si l'on veut, mais il y a de la vision, de l'horizon, du suspens, c'est un paysage de gratte-ciels qui se dessine là, exemple :
https://www.youtube.com/watch?v=qgPKSRuhHg4
Récemment j'ai découvert une pianiste contemporaine qui tranche dans le paysage,
Hiromi Ueahara, que l'on peut voir à Marciac en 2010 :
http://www.youtube.com/watch?v=vf9boOR1KXA
Il y a tant de choses à écouter! Il faudrait parler des autres, ce n'est qu'une entrée parmi d'autres.
Pour les aspects pratiques, j'ai trouvé quelques vidéos qui sont des ouvroirs de musiques potentielles, il y en a beaucoup, mais celles-ci sont réalisées sur le pouce par des pianistes à la fois renommés et engagés dans l'enseignement :
Michael Wolf (sur
cette page il y a un total de 19 vidéos dont 7 sont des courtes indications très générales de M. Wolf sur les divers aspects contemporains du jazz, sur un exemple célèbre. il faut voir cela comme un pensum, on peut s'y référer pour se donner des idées à travailler, c'est une méthode intéressante à mon avis.)
Et puis
Dave Franck qui est une sorte de pédagogue invétéré du jazz. Ici il donne
15 éléments stylistiques détaillés, c'est une de ses nombreuses vidéos, très intéressant à regarder aussi pour l'inspiration.
La route est longue, mais il y a beaucoup à apprendre en dehors de l'école en jazz, et si l'idée est de se rendre capable d'exprimer ce que l'on entend, il faut écouter les autres, et regarder comment ils résolvent des problèmes que l'on peut être amené à se poser.
Maintenant, après tout cela, mes improvisations semblent bien modestes... : il faut que je retourne travailler!
