Brahms et Schumann

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Mylène
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Re: Brahms et Schumann

Message par Mylène »

Mais c'est très bien, c'est ce qu'il faut de toute façon, France-Musique n'est pas écoutée par des musicologues.
Jean-Luc
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Re: Brahms et Schumann

Message par Jean-Luc »

Eh bien, que de messages...!! Ca sent les vacances pour certains, alors que moi j'ai du boulot par-dessus la tête, c'est pô juste.
Mylène a écrit :
quand il explique que selon lui les dernières mesures du sonnet de Pétrarque 104 doivent être jouées avec force et virilité alors que tout le monde donne dans le pathos et l'attendrissement, mais c'est ce que moi je trouve tellement beau...Il s'appuyait sur la partition pour affirmer cela mais pourtant personne ne le joue comme ça donc que faut-il en penser
Est-ce que parce que "tout le monde fait comme ça" c'est comme ça QU'IL FAUT faire ?
Le sonnet 104, généralement, les interprétations sont imbuvables je trouve.
Justement, à mon avis, à la fin, c'est"un poco piu lento", ça commence sur une écriture assez verticale Forte sur laquelle à mon avis il n'y a pas besoin de ralentir, c'est juste "un poco piu lento". Après le triolet "adagio" est écrit "a tempo", ça ne sert à mon avis à rien de continuer de ralentir et jouer hors temps., sinon, le smorzando qui n'arrive que 5 mesures avant la fin n'a plus son intérêt ?
Il faut à mon avis garder le tempo, et grâce à la mg continuer d'avancer.
(Je ne sais pas ce qu'a dit Ph. Cassard, je n'ai pas entendu son émission, je donne mon avis sur cette fin qui souvent m'agace).
Effectivement, cette fin est souvent déplaisante à mes oreilles aussi. Je vous encourage toutes et tous à écouter la version de Bertrand Chamayou si vous ne la connaissez pas (dispo sur Deezer et music.me). A mon avis, son interprétation est la meilleure de tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant. Et justement pour cette fin, il fait exactement ce qui est écrit.

@Mylène : le passage à partir de A tempo avec les arpèges MG, il ne faut en effet pas trop rallentir, mais tu oublies une indication de taille tout de même : languando!
Alors, la langueur, c'est vraiment selon chacun... :wink:
Il ne faut pas non plus être trop "strict" et peut-être penser que le compositeur a laissé une certaine marge de liberté d'expression, liberté qu'il pouvait lui-même prendre selon son humeur du moment...

Sinon, pour le Clair de Lune de Debussy dont l'enregistrement de Debussy himself traîne sur le net, c'est effectivement déroutant.
C'est bien pour cela que tout ce qu'on pourra analyser ou lire ne donne pas toutes les clés comme je le disais plus haut.
Il faut jouer aussi avec son propre langage. Sinon, tout le monde jouerait de la même manière!! (bon, d'accord j'exagère un peu là... :D ).

De même que l'avis de certaines personnes dites "éclairées" ne sont à prendre que comme des opinions personnelles et subjectives qui n'ont rien d'absolu.
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katy
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Re: Brahms et Schumann

Message par katy »

Ca c'est rigolo car il y a eu il y a quelques mois il y a une tribune des critiques de disques sur FM et Chamayou a été viré très rapidement justement sur un sonnet de Pétrarque pour, je me souviens bien, absence de chant, de rubato, interprétation trop scolaire :shock: Et c'est la version de Louis Lortie, totalement méconnue, qui a été choisie...
Mais bon, cela est assez subjectif aussi...
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Mylène
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Re: Brahms et Schumann

Message par Mylène »

Oui Jean-Luc, l'interprétation de Bertrand Chamayou me plait beaucoup.
Ses Années de Pèlerinage sont une belle réussite.
Il ne faut pas non plus être trop "strict" et peut-être penser que le compositeur a laissé une certaine marge de liberté d'expression, liberté qu'il pouvait lui-même prendre selon son humeur du moment...
J'ai beaucoup de mal à comprendre ça, honnêtement (ça viendra peut-être avec âge :? ).

Lorsqu'on travaille un morceau, on lit les notes, le rythme, la mesure,le tempo, les nuances, indications d'attaques, de phrasé, conduite des phrases...
Avec ma maigre expérience, je ne vois pas la liberté là dedans. Lorsque j'étudie le morceau, je me dis que je n'ai pas le choix et qu'il faut que je fasse "comme ça".
Et s'il m'arrive de revenir sur certains "choix", c'est parce que je n'avais pas compris tout, me dis-je.
Les différences vont être pour moi dans la manière de jouer les notes, grâce à mon écoute, par notre morphologie. C'est pour moi ce qui fait la différence ? Notre manière de jouer, notre manière d'écouter, mais à la base, le texte, on devrait tous le réaliser pareil ?
Où est-la liberté dans la partition ? Car je pense qu'on y est très dépendant.

Lorsque j'écoute différentes interprétations, celles que je préfère sont celles qui sont le plus en mesure, qui suivent les inflexions du texte (d'après moi). Les autres, ça peut être de belles exécutions, on peut être touché par une belle sonorité... Mais ce n'est pas l'oeuvre.

Par exemple, si j'écoute Cziffra dans les cloches de Genève (j'ai étudié ça dernièrement) http://www.youtube.com/watch?v=m0WWMAD2OoY je pense que la sonorité est très belle, bien assumé, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il doit être bien "bourré" en jouant ça. C'est"joli", mais c'est pas la partition me dis-je.
Qu'en penses-tu, Jean-Luc, toi qui as joué également cette pièce il me semble ?
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katy
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Re: Brahms et Schumann

Message par katy »

Moi j'aime aussi beaucoup le coffret de Chamayou.

Mais concernant la liberté de l'interprète, tu ne trouves pas que beaucoup d'indications sont finalement assez floues ou laissent pas mal de marge d'interprétation, à moins que le compositeur soit vraiment très précis et directif.
Par exemple comme on parle de Brahms et Schumann, je suis en train d'apprendre la 1ère rhapsodie de Brahms qui porte pour indication "agitato". Du coup c'est souvent joué assez vite mais j'aimerais sortir du cliché qui est pour moi de jouer fort et vite à peu près tout le long... par exemple l'interprétation assez "hystérique" de Grimaud. (J'ai rien contre elle, c'est juste à titre d'exemple). Mais bon, à quel tempo ça se joue...
Jean-Luc
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Re: Brahms et Schumann

Message par Jean-Luc »

katy a écrit :Ca c'est rigolo car il y a eu il y a quelques mois il y a une tribune des critiques de disques sur FM et Chamayou a été viré très rapidement justement sur un sonnet de Pétrarque pour, je me souviens bien, absence de chant, de rubato, interprétation trop scolaire :shock: Et c'est la version de Louis Lortie, totalement méconnue, qui a été choisie...
Mais bon, cela est assez subjectif aussi...
Cela va au-delà de la subjectivité. C'est une bande de snobinards ni plus ni moins et c'est à qui dira la chose la plus inattendue qui a la palme de la "connaissance"... Alors franchement, ces gens-là font ce qu'ils veulent, mais ils ne m'inspirent aucun respect... :mrgreen:
Pourtant le principe est intéressant et amusant, mais il faudrait le faire avec d'autres personnes que des critiques pédants!
Mylène a écrit :Par exemple, si j'écoute Cziffra dans les cloches de Genève (j'ai étudié ça dernièrement) http://www.youtube.com/watch?v=m0WWMAD2OoY je pense que la sonorité est très belle, bien assumé, mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il doit être bien "bourré" en jouant ça. C'est"joli", mais c'est pas la partition me dis-je.
Qu'en penses-tu, Jean-Luc, toi qui as joué également cette pièce il me semble ?
Oui, j'ai joué ce morceau au Beuvray... et je n'aime pas du tout la version de Cziffra, je ne trouve même pas ça "joli".... Ca dégouline de rubato, c'est plein de faux accents.... C'est comme si je mangeais 50 religieuses au chocolat d'un coup, à la fin je suis écoeuré... :mrgreen: (et pourtant j'adore les religieuses!!). Bon, je fais mon snobinard pédant, mais je n'en pense pas moins. C'est un choix d'interprétation qui ne me parle pas on va dire!

Sinon Mylène, ce n'est pas un histoire de compréhension qui viendra avec l'âge... :wink: C'est simplement qu'il faut prendre un peu de recul avec la partition car tout n'est pas indiqué. Il n'y a guère que Massenet qui, dans ses partitions, a tout tout tout indiqué, ce qui laisse assez peu de place à la liberté d'expression. C'est d'ailleurs la grosse difficulté de ce compositeur justement.
Mais pour les autres romantiques, j'imagine la partition comme les fondations et les murs d'une maison. Ce qu'il y a d'indiqué est immuable, mais ensuite on est libre de décorer comme on veut.
Et encore, il y a quelques indications qu'on peut interpréter de sa propre manière. Un andante religioso par exemple, peut être envisagé de différentes manières, et ce malgré les indications de phrasé, des attaques et de tout le reste. Il y a une dynamique qui est propre à chaque instrumentiste. Certains passages sont complètement dépouvus d'indications, cela ne signifie pas pour autant qu'il faille jouer sans "rien dire".
Ensuite, plus on a avancé dans le temps, plus les indications sont devenues précises ou différentes. Il n'y a aucune indication dans la musique baroque jusqu'à Bach, c'est un peu plus précis dans Mozart et Haydn (mais beaucoup d'éditions ont ajouté des phrasé ou indiqué des intentions voire un tempo métronomique), encore plus précis dans Beethoven. Dans Chopin, Liszt ou Brahms c'est un autre genre de précisions. Enfin pour Debussy, Poulenc ou Satie, c'est encore très différent, avec des indications souvent précises et en français.

En résumé, la partition dit beaucoup de choses, mais ca reste très insuffisant pour construire une interprétation jusqu'au bout. C'est tout le challenge d'ailleurs : respecter la partition et y mettre "son grain de sel", tout en restant dans l'esprit du style. On pourrait en parler pendant des heures... :D

@katy : pour la 1ère rhapsodie de Brahms, l'indication agitato te donne l'esprit et non le tempo. Bien entendu pour donner ce côté agité, il ne faut pas être trop lent, mais souvent les pianistes vont à toute vitesse. C'est un choix! Néanmoins, il n'y a aucune indication de tempo... Alors, il faut que tu trouves ce qui te sied le mieux.
De même, dans le passage PP en ré mineur qui suit l'exposition, il est à mon avis évident que ce n'est plus agitato, bien que ce cher Brahms n'ait absolument rien indiqué... :wink:
nox
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Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

Jean-Luc, ce que tu dis est très juste, mais il y a une différence entre exploiter les libertés volontairement laissées par l'interprète (encore faut-il pouvoir les repérer) et contredire la partition.
Au final quand on regarde une partition romantique, on a très peu de libertés justement je trouve. Je suis d'accord que tout n'est pas sur la partition, mais ce qui n'y est pas ne veut pas dire qu'on est libre de faire ce qu'on veut.

Dans une valse de Chopin, aucune indication de liaison ou d'accentuation au niveau de la main gauche, mais on se doute bien que ce n'est pas le deuxième temps qui porte l'accent. On sait aussi que ce n'est pas une valse viennoise, et que l'écriture de Chopin nous demande plus de subtilité dans cette main gauche qui doit donner à la valse tout son caractère.
Donc même si rien n'est indiqué, celui qui va écraser la basse et piquer les deux accords sera à côté de la plaque, et contredira Chopin tout autant que celui qui contredira ouvertement la partition.
Pour moi l'absence d'indication, c'est déjà une indication en soi.

Sans parler des cas où le compositeur n'indique rien justement parce qu'il ne veut rien, comme dans le scherzo de Chopin dont a parlé Mylène plus haut.

Evidemment, ne faire "que" ce qui est sur la partition c'est exagéré. Il y a des non-dits. Mais même ces non-dits ont leurs règles, et la première est pour moi que ce qui n'est pas écrit ne peut pas permettre d'outre-passer ce qui est écrit (et aussi qu'il est interdit de parler du fight club, mais c'est une autre histoire :mrgreen: ).
Je pense que c'est le sens global des remarques de Mylène (je la laisse me reprendre si je m'égare)
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Mylène
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Re: Brahms et Schumann

Message par Mylène »

Evidemment, ne faire "que" ce qui est sur la partition c'est exagéré. Il y a des non-dits. Mais même ces non-dits ont leurs règles, et la première est pour moi que ce qui n'est pas écrit ne peut pas permettre d'outre-passer ce qui est écrit (et aussi qu'il est interdit de parler du fight club, mais c'est une autre histoire ).
Je pense que c'est le sens global des remarques de Mylène (je la laisse me reprendre si je m'égare)
Oui Nox, c'est exactement ça !

Par exemple, je travailler actuellement la D.958 de Schubert. Ce matin, (comme je pars demain pour Nancy) je me décide une énième fois à reprendre la partition du 4è mouvement et la suivre "à la lettre".
Bien que je sois toujours en temps normal psycho-rigide en ce qui concerne la partition, je m'aperçois que je m'égare encore ! TOUT est écrit sur la partition !
J'ai parfois tendance à m'égarer et à faire un crescendo là où il n'est pas écrit, et pourtant, si je joue tel qu'il l'a écrit, c'est un monde complètement différent, extraordinaire de couleurs.
Il a noté tellement précisément ses soufflets (cresc-decresc), j'ai scruté à nouveau toutes ses indications en recomptant vraiment les carrures, en considérant les temps forts, les temps faibles (et tous les prérequis qu'il n'est pas besoin d'écrire parce que ce sont les règles) et là, mais c'est évident !
Si j'éxécute la partition telle que Schubert l'a écrite, elle est formidable je trouve, pas la peine de se "laisser aller" ou d'en rajouter.
Pourtant, ce n'est "que" du Schubert si j'ose dire (j'entends par là que d'autres compositeurs, Liszt, Schumann etc sont encore bien plus précis - il me semble- ).
nox
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Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

Mylène a écrit : Pourtant, ce n'est "que" du Schubert si j'ose dire (j'entends par là que d'autres compositeurs, Liszt, Schumann etc sont encore bien plus précis - il me semble- ).
C'est différent, comme je l'ai dit plus haut, Liszt par exemple a été un pianiste avant d'être un compositeur. Ca a beaucoup d'importance dans la manière d'interpréter ses oeuvres.
Schubert n'a toujours été "que" compositeur.

Mais je suis d'accord avec ce que tu décris, j'aime par exemple beaucoup les interprétations de Richter dans Schubert, car je trouve qu'il reste complètement dans l'ombre, et se met complètement au service de l'oeuvre et du compositeur.
Gould (je crois) disait de lui "c'est un des plus puissants communicateurs de notre temps". C'est vraiment la sensation que j'ai. Richter joue, mais c'est bien Schubert qui me parle quand j'écoute. Et je pense que je dois cette impression incomparable à son respect scrupuleux de la partition (en tout cas pour la D.960). Qu'en est-il de sa version de la D.958 au fait Mylène ?
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Moderato Cantabile
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Re: Brahms et Schumann

Message par Moderato Cantabile »

Nox : absolument d'accord au sujet de Richter , interprète exceptionnel de Schubert surtout dans la D 960.
C'est d'ailleurs Philippe Cassard qui m'avait fait découvrir cette sonate en direct à St Emilion en 2010 , mais c'est Richter qui me l'a révélée.

Son interprétation de l'Andante sostenuto est vraiment unique : personne ne le joue comme lui . Même si le tempo surprend au départ , il est pour moi le vrai "passeur" de Schubert :

http://www.youtube.com/watch?v=8EGIbFAF ... h_response
"Il faut que cela soit si gai , si gai , que l'on ait envie de fondre en larmes ."
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Mylène
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Re: Brahms et Schumann

Message par Mylène »

Nox, c'est vrai que l'interprétation de Schubert de la D.958 fait partie des "moins pires" :mrgreen: je trouve.
Je l'ai écoutée il y a longtemps. Je n'ai pas son dernier mouvement qui est beaucoup trop rapide pour un Allegro. Alors que les trois premiers mouvement sont pas mals (il jouerait presque le menuetto comme un vrai menuetto, voilà qu'il nous saccage le dernier mouvement). :(

Je vénère l'interprétation de Kempff. Il est ce qu'on fait de mieux en particulier dans le développement du premier mouvement, qui est clair, net, précis. (j'aime moins l'ouverture).
Et pour les trois mouvements, ses tempi sont pour moi idéaux.
Le Si Majeur du dernier mouvement est incroyable. Il est le seul à le jouer si linéaire, je trouve ça fascinant.
http://www.youtube.com/watch?v=6HZBLQh9QQw

Que penses-tu de l'interprétation de Madame Lin ? http://www.youtube.com/watch?v=8ghy3-DD1QM C'est très fidèle je trouve. J'ai hâte de recevoir ses conseils.
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Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

On est en phase, puisque j'ai l'intégrale de Kempff pour les sonates de Schubert :)
Je ne peux pas écouter les liens ici (oui malgré ce qu'on pourrait croire, je suis au bureau :mrgreen: ) je te dirai ce que j'en pense ce soir.

Pour Richter, le problème c'est qu'il avait aussi ses humeurs ce brave homme. Pour peu qu'il ait enregistré dans un mauvais jour...
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JPS1827
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Re: Brahms et Schumann

Message par JPS1827 »

Mylène a écrit :Nox, c'est vrai que l'interprétation de Schubert de la D.958 fait partie des "moins pires" :mrgreen: je trouve.
Je l'ai écoutée il y a longtemps. Je n'ai pas son dernier mouvement qui est beaucoup trop rapide pour un Allegro. Alors que les trois premiers mouvement sont pas mals (il jouerait presque le menuetto comme un vrai menuetto, voilà qu'il nous saccage le dernier mouvement).
Je ne suis pas d'accord du tout. Richter donne à cette tarentelle une allegresse très ambiguë qui en fait une chevauchée fantastique pour le premier couplet, puis qui devient une véritable course au tombeau absolument saisissante. Bien sûr on est très loin de la simplicité ensoleillée de Kempff mais Richter nous donne une vision puissante et passionnante de ce mouvement
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Mylène
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Re: Brahms et Schumann

Message par Mylène »

Je ne suis pas d'accord du tout. Richter donne à cette tarentelle une allegresse très ambiguë qui en fait une chevauchée fantastique pour le premier couplet, puis qui devient une véritable course au tombeau absolument saisissante. Bien sûr on est très loin de la simplicité ensoleillée de Kempff mais Richter nous donne une vision puissante et passionnante de ce mouvement
Je suis d'accord avec vous JPS.
Comme je l'ai écrit (mais je m'exprime comme une vraie gamine, je suis désolée. :? ) l'interprétation de Richter est remarquable, et fait partie pour moi des plus réussies.
Cependant, je n'adhère pas du tout à sa vision du dernier mouvement. Je partage votre idée de "chevauchée", de "course au tombeau", mais pourquoi vous t-il si rapide cet Allegro ?

Je ne suis pas experte en musique, mais il me semble que les Allegros de Schubert ne sont jamais trop rapides ?
Schubert n'aurait-il pas alors précisé "Allegro Vivace" comme dans le 1er mvt de la D.850 ?
Voilà, c'est juste ce qui me dérange, c'est tout !

(je n'ai absolument rien contre Richter).

J'aime beaucoup la simplicité de Kempff, qui à mon avis correspond plus à l'idée de l'Allegro de Schubert.

Pour les trois dernières sonates, on a l'habitude de dire "la sombre" (958) ; "la virtuose" 959 ; la "lumineuse" 960. (je suis sceptique).
J'aime justement la touche de lumière qu'apporte Kempff à cette "sombre D.958
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Re: Brahms et Schumann

Message par Jean-Luc »

nox a écrit :Evidemment, ne faire "que" ce qui est sur la partition c'est exagéré. Il y a des non-dits. Mais même ces non-dits ont leurs règles, et la première est pour moi que ce qui n'est pas écrit ne peut pas permettre d'outre-passer ce qui est écrit
Oui, on est bien d'accord!
Il ne s'agit pas non plus de faire n'importe quoi... [-X C'est pour cela que plus haut, j'ai parlé du style (époque, compositeur, type de pièce, etc...) qu'il faut respecter. C'est donc bien une "marge" de liberté qu'on a sur certains passages où le compositeur n'a rien indiqué.
A côté de ça, il ne faut pas qu'on ait la sensation d'être dans un carcan ("mais bon sang, je n'arrive pas à jouer ce qui est indiqué!!"), ou au contraire de se sentir perdu ("mais bon sang, comment jouer ce passage, il n'y a rien d'indiqué!!")...
Ce qui m'amène naturellement à la conclusion qu'il faut parfois prendre des décisions sans avoir l'assurance de se dire "je suis dans le vrai, c'est ça que le compositeur a voulu".
C'est la connaissance du style qui fait que l'ensemble d'une interprétation tiendra debout ou pas. Et à partir de là, il n'y a pas UNE interprétation possible, mais plusieurs.
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Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

Tiens, je suis en plein dans le sujet en ce moment.
Je vous soumets ma problématique. J'en ai déjà discuté avec Mylène, mais je serai curieux d'avoir d'autres avis.

Je bosse l'op.26 de Schumann (le Carnaval de Vienne).
Pour vous rafraîchir la mémoire, le voilà par Michelangeli.
Le premier mouvement est un grand rondeau, avec des enchaînements de tableaux.
La partition est si vous voulez.

Sur la partition, il n'y a aucune indication de ralenti, ni de coupure entre certains tableaux, ça s'enchaîne sans la moindre pause. Et pourtant, dans tous les enregistrements que j'ai écouté, il y a à chaque fois une coupure assez nette, voire des ralentis en fin de chaque partie.
Exemple : avant le premier motif à contretemps, rien d'indiqué. Pourquoi ralentir ? Pourquoi s'arrêter ? Idem sur la première page avant le motif plus lyrique, en sol mineur...Quand Schumann veut une coupure ou un ralenti, il l'indique ! Alors pourquoi en faire ailleurs ?

J'ai joué le cycle complet à mon prof hier, et il m'a demandé pour le premier mouvement de mieux marquer les différentes parties, en faisant des pauses et des ralentis. Pourquoi ?
Réponse de mon prof : le sous-titre est "Fantasie bilder", ce sont bien différents tableaux, qu'il faut jouer avec fantaisie.

Ce point de vue se défend, mais je n'arrive pas à comprendre l'intention de Schumann en ne notant rien. Ca me chiffonne.
Ni "rall", ni pause, mais d'un autre côté pas non plus d'indication pour dire "enchaînez sans attendre" ou "ne pas ralentir".

Votre avis ?
Jean-Luc
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Re: Brahms et Schumann

Message par Jean-Luc »

Eh bien voici un cas qui est exactement ce que je voulais illustrer. Il n'y a rien de marqué effectivement, mais il ralentit à chaque fois que le 1er thème se termine (entre autres). On peut envisager cette façon de faire dans la mesure où ce thème principal est entre-coupé de différents passages, un peu dans le même esprit que des variations qui se succèdent (même si ce n'est pas du tout le cas ici).

En tous les cas, les deux façons de faire sont aussi défendables l'une que l'autre de mon point de vue. Il n'y a pas d'erreurs de style, et Michelangeli fait ici un choix, ou propose quelque chose devrais-je dire, qui n'est pas indiqué sur la partition et cela fait donc parti de son interprétation.

Donc pourquoi ralentir? Plusieurs possibilités :

-il peut s'agir aussi d'une histoire de "tradition", comme c'est souvent le cas en musique. On fait "comme ça" parcequ'on le tient de du professeur de son professeur, dont le grand-père lui-même pianiste a entendu Clara jouer ce morceau... :wink: Oui, bref, les traditions en musique cela existe comme vous le savez! (Et surtout en chant d'ailleurs).

- l'écriture se prête assez bien à ce ralenti : après les trois grands accords qui correpondent au point culminant de la phrase, il n'est pas "ahurissant" de ralentir un peu.

- il se peut aussi que le ralenti "aille de soi". Parfois les indications d'interprétation qui sont notées sont celles qui ne sont pas intuitives (P subito par exemple).
Il faut quand même ne pas oublier que toute rigoureuse qu'elle fut, Clara n'a peut-être pas tout tout indiqué. C'était une autre époque.

Cela dit, dans l'interprétation de Michelangeli, il y a des tas de choses qui sont indiquées et qu'il ne fait pas.... :P
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Re: Brahms et Schumann

Message par JPS1827 »

C'est une mode très "fin de 20ème siècle" cette façon de scruter les partitions pour penser avec une bonne dose d'illusion qu'il est possible de jouer ce qui est écrit. D'abord, un bon nombre d'indications ne sont pas des compositeurs eux-mêmes, et s' y conformer strictement demande des recherches bibliographiques souvent importantes (dont une bonne partie a été faite en général par les réviseurs qui publient des urtext). D'autre part, il est est bien évident que même en suivant strictement les indications notées, il reste mille et une façon de jouer les grandes œuvres. Personne ne peut se targuer d'avoir une communication directe avec Bach ou Schumann. Par ailleurs les œuvres immortelles des siècles précédents n'appartiennent plus à leur compositeur, elles sont versées au patrimoine de l'humanité. Vouloir recréer des conditions d'interprétation semblables à celles de leur époque est une démarche interessante et louable, prétendre que c'est la seule valide est totalement absurde.
Ce qui me paraît essentiel, c'est d'arriver à une certaine "sincérité" dans l'interprétation. Schumann ne se joue pas comme Beethoven parce que l'expression ne correspond pas à l'idée qu'on pourrait se faire d'une certaine rigueur rythmique mesurée. C'est d'ailleurs une véritable difficulté de conserver le rythme en donnant de la fantaisie par de petites modifications de tempo. Pourquoi on ne peut pas jouer Schumann comme Beethoven ? parce qu'on accentue la raideur, et que l'obsession rythmique schumannienne est alors transformée en ennui, et on perd une bonne partie de l'expression.
Pour arriver à une certaine sincérité, je pense qu'un pianiste qui a une grande expérience de la musique comme nox gagne a essayer de se faire une idée personnelle, mais qui soit vraiment personnelle, en essayent d'éliminer les préjugés, et à la mettre en œuvre (vérifier en s'enregistrant qu'il joue bien ce qu'il pense jouer). Après je pense que c'est le rôle des profs de signaler des libertés excessives, ou bien des mises en œuvre qui ratent complètement leur but, mais je ne crois plus du tout à ces cours du genre "vous ralentissez un peu à la mesure x, mois je ralentirais plutôt à la mesure x+1", "machin a écrit piano ici mais là vous jouez trop piano", tous ces conseils ne veulent dire qu'une seule chose, c'est que l'élève ne joue pas ce que le prof a l'habitude d'entendre. Je pense qu'à partir d'un certain niveau on progresse beaucoup plus en essayant d'imposer, ou tout au moins de faire valoir, sa conception personnelle (laquelle peut varier dans le temps bien sûr).
Ce premier mouvement du Carnaval de Vienne est un magnifique morceau. Le plus important est effectivement qu'on y saisisse une foule d'atmosphères différentes, une succession de petits groupes déguisés différemment et évoluant différemment aussi, dans une certaine verve allante. Pianistiquement il faut que ça reste bondissant, que ça avance, que les accords ne s'écrasent pas. Une fois ces donnée indispensables en place, il faut se mettre dedans, ralentir, ne pas ralentir, quelle importance du moment qu'on ne s'ennuie pas ?
roland
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Re: Brahms et Schumann

Message par roland »

merci +1 au carré :lol:
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nox
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Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

Comme on l'a dit, le problème n'est pas de prendre des libertés avec la partition, mais de la contredire.
JPS1827 a écrit :C'est une mode très "fin de 20ème siècle" cette façon de scruter les partitions pour penser avec une bonne dose d'illusion qu'il est possible de jouer ce qui est écrit.
Oui, mais c'est normal. Jusqu'au milieu du XXème siècle, les pianistes étaient autant (voire plus) compositeurs que pianistes. C'est au cours du XXème siècle que l'interprétation s'est hissé à un tel niveau de perfection. Il y a donc logiquement beaucoup plus de recherche.
Beaucoup d'interprètes avec des personnalités très fortes sont apparus, et ont livrés des versions merveilleuses de pièces des grands compositeurs du passé qu'ils se réappropriaient totalement.
Mais ça n'est possible que pour un artistes hors du commun.
Pour les pianistes "ordinaires", et a fortiori pour des apprentis pianistes comme nous, il serait présomptueux de dire "ce qui compte c'est que je m'exprime". Non, c'est d'abord le compositeur qui doit parler à travers nous. C'est le sens de la partition.
JPS1827 a écrit : D'abord, un bon nombre d'indications ne sont pas des compositeurs eux-mêmes, et s' y conformer strictement demande des recherches bibliographiques souvent importantes (dont une bonne partie a été faite en général par les réviseurs qui publient des urtext).
"bon nombre" c'est un peu exagéré. Cette remarque est valable pour les compositeurs jusqu'au milieu du XIXème siècle. Ensuite non. Sur une partition de Ravel, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'ajouts de l'éditeur.
JPS1827 a écrit :D'autre part, il est est bien évident que même en suivant strictement les indications notées, il reste mille et une façon de jouer les grandes œuvres.
Justement ! Il faut commencer par les suivre, et ensuite on aura toute latitude d'exploiter les libertés laissées par le compositeur.
JPS1827 a écrit :Par ailleurs les œuvres immortelles des siècles précédents n'appartiennent plus à leur compositeur, elles sont versées au patrimoine de l'humanité.
Pourtant quand on joue la 9ème symphonie, on joue toujours du Beethoven, patrimoine de l'humanité ou pas. Ca ne doit pas servir d'excuse pour se permettre tout et n'importe quoi.
l'interprète a pour moi avant tout un devoir de respect et d'exactitude.
JPS1827 a écrit :Vouloir recréer des conditions d'interprétation semblables à celles de leur époque est une démarche interessante et louable, prétendre que c'est la seule valide est totalement absurde.
Il n'est pas question de vouloir "copier" les conditions d'interprétation de l'époque, mais de respecter les indications inscrites, c'est à dire le message, l'expression, voulus par le compositeur. Comme tu l'as dit, même en respectant ces indications il reste assez de marge pour livrer une version personnelle
JPS1827 a écrit :je pense que c'est le rôle des profs de signaler des libertés excessives, ou bien des mises en œuvre qui ratent complètement leur but, mais je ne crois plus du tout à ces cours du genre "vous ralentissez un peu à la mesure x, mois je ralentirais plutôt à la mesure x+1", "machin a écrit piano ici mais là vous jouez trop piano"
Mais parfois ces petites indications mesquines changent tout, et impacte grandement l'interprétation ! Avant de prendre du recul et de parler des grandes lignes du morceau, il faut déjà que l'essentiel soit en place.
JPS1827 a écrit : Ce premier mouvement du Carnaval de Vienne est un magnifique morceau. Le plus important est effectivement qu'on y saisisse une foule d'atmosphères différentes, une succession de petits groupes déguisés différemment et évoluant différemment aussi, dans une certaine verve allante. Pianistiquement il faut que ça reste bondissant, que ça avance, que les accords ne s'écrasent pas. Une fois ces donnée indispensables en place, il faut se mettre dedans, ralentir, ne pas ralentir, quelle importance du moment qu'on ne s'ennuie pas ?
Comment, quelle importance ? Mais ça change complètement le morceau !
Si on ne ralentit pas, on a vraiment un enchaînement assez étrange, avec une constante juxtaposition d'ambiances très différentes s'enchaînant sans répit du début à la fin. Ca peut être un bel effet mais qui demande beaucoup de travail.
Si on ralentit, on retrouve presque l'ambiance des cycles comme de Kreisleriana ou des Papillons

Ce choix conditionne grandement le rendu final du morceau. Je ne peux pas le balayer d'un revers de la main en disant "quelle importance ?".
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