J’ai fait du piano dans ma jeunesse, plutôt une idée de mon père frustré de ne pas avoir appris la musique. Après 9 ans avec 0,5h de pratique quotidienne je commençais à stagner. J’ai arrêté de prendre des cours après le bac (manque de temps, de motivation, moins de pression parentale).
Je jouais de plus en plus rarement, surtout les derniers morceaux appris que je jouais de plus en plus mal ce qui n’était pas encourageant. Les dernières années je ne jouais plus du tout. Je me disais je reprendrai quand je serai en retraite dans le but(le rêve ?) de tester autre chose, les possibilités offertes par la musique numérique, la musique de chambre si possible, la composition, d’autres instruments (violon, harpe celtique)…….
Cet automne, quelques années avant cette échéance, je suis tombée par hasard sur PM, il y avait un sujet qui m’intéressait, j’ai participé ponctuellement, je me sentais étrangère à ce monde de passionnés mais j’ai lu le forum pendant quelques temps, j’ai particulièrement apprécié l’approche multiculturelle de la musique.
L’envie de reprendre un peu le piano pour voir est venue en quelques semaines, d’autant que les beaux jours étaient derrière nous. Je n’étais tout de même pas complètement sûre de ma motivation, consciente des difficultés qui m’attendaient……alors j’ai mis le paquet (achat de nouvelles partitions pas trop difficiles (pianorama n°1A avec ses musiques de chansons et de films, recueil du groupe Muse, achat d’un piano numérique portable avec ses multiples sonorités (sympa le clavecin ou l’orgue pour Bach, les voix pour la voix du cœur de Van Gaël, les violons pour les petits Strauss en version pianino, enfin au bout d’un moment cela fait un peu gadget sauf pour le son de piano de base beaucoup plus élaboré).
De la motivation il en fallait, avant quand j’ouvrais le clavier c’était les doigts rouillés, les morceaux qui ne sont plus assez sus mais là et je ne m’y attendais pas j’avais des difficultés à lire donc retour à la case départ avec la méthode rose sur quelques séances. Une fois cette première étape franchie après quelques tâtonnements (Bach, études), ce que j’ai trouvé de mieux pour réapprendre progressivement à lire sans douleur c’est le volume 1A des classiques favoris du piano des éditions Lemoine en mode déchiffrage, c’est progressif, les morceaux sonnent bien (sans trop de dissonances) donc on se rend tout de suite compte si on tape à côté d’autant que j’avais déjà appris les 2 tiers de ces morceaux. J’en faisais environ 15 pages à chaque fois.
un autre problème technique que je rencontre c’est la grande faiblesse des doigts 4 et 5.
J’ai repris les 20 premiers exercices du Hanon que je jouais lentement à chaque début de séance(23 minutes quand même !). Au bout d’un mois je commençais à percevoir les effets positifs de ce travail de musculation mais peu de temps après un problème que j’avais déjà rencontré dans ma jeunesse mais seulement après de nombreuses années de pratique est réapparu. A la main droite (je suis droitière), le doigt 5 a tendance à venir se placer au-dessus du 4 lorsque celui-ci est joué juste avant le 5 joué sur la touche voisine.
Donc nouveau problème, le manque d’autonomie des doigts 4 et 5 de la MD.
Je n’ai jamais eu d’accident concernant la MD et ce phénomène ne se produit pas à la main gauche.
Des expériences de section de doigts sur des singes montrent une régression des aires de projection corticale de ces doigts au profit de celles des doigts voisins. J’assimile mes doigts 4 et 5 à ces doigts coupés puisqu’ils sont sous-utilisés ( Chez un adulte droitier , les doigts 1, 2 et 3 ont des fonctions spécifiques alors que les doigts 4 et 5 ne font guère que participer de manière indifférenciée et accessoire à la préhension), les zones corticales où arrivent les messages nerveux en provenance de ces doigts doivent être réduites et probablement aussi les aires motrices, d’où un contrôle nerveux moins précis sur ces doigts .
Le phénomène est moins marqué à la main gauche où la différenciation des doigts est moins poussée.
Des expériences sur des singes au cours desquelles on entraine plus intensivement certains doigts montrent l’extension des aires de projection sensorielles afférentes(il y a aussi des observations sur les violonistes), mon problème semble donc réversible mais nécessite un réentrainement spécifique.
Il me faut jouer plus les doigts 4 et 5 que les autres doigts mais sans jouer le 5 après le 4 sur des touches voisines. Il faut supprimer le geste inadapté et réorienter ainsi les voies nerveuses en créant de nouvelles synapses.
Pendant ce temps je continuai le Hanon pour la MG qui s’en portait bien. Pour la MD je conservai quelques rares parties d’ex du Hanon non problèmatiques et j’ajoutai quelques exercices simples comme faire des tierces avec les doigts 4 et 5 sans jouer les 2 doigts en même temps et en décalant tout le long du clavier (mouvement ascendant et descendant).
Le problème de tous ces exercices, c’est bien pour la musculation, l’échauffement mais cela prend du temps et après quand j’attaque les morceaux c’est plutôt avec un esprit récréation, j’ai beaucoup de mal à faire un travail organisé.
J’ai tout de même réussi à me contraindre à réapprendre sérieusement la lettre à Elise de Beethoven. J’y ai éprouvé une phase difficile où pour chaque note je me posais la question de la pression que j’allais exercer sur le doigt, cela devenait obsédant, j’ai donc laissé tomber quelques temps (2 semaines peut-être), quand j’ai repris j’avais de nouveau une approche plus globale, cela allait à peu près.
Je travaillais environ 4 heures par semaine (en 4 fois) mais aux vacances de noël j’ai pu faire plus et un jour, je m’étais peut-être entrainée 2 heures et j’ai ressenti comme un état de grâce, de nouvelles possibilités de contrôle du jeu s'offraient à moi, malheureusement je n’ai plus retrouvé cet état. C’est dans ces moments que j’ai commencé à participer modestement aux discutions sur PM ce qui a dopé ma motivation.
Travailler avec un professeur à ce stade, j’y voyais trop de contraintes d’emploi du temps mais peut-être aussi trop de contraintes méthodologiques potentielles, je n’étais pas prête et puis je n’aurais pas su quel professeur aller trouver.
L’occasion de travailler avec un professeur allait finalement se présenter plus tôt que prévu.
Dans des circonstances évoquées par ailleurs sur PM je me suis imposé un réapprentissage d’un morceau assez difficile l’impromptu de Raymond Lamote en 3 semaines dont 2 de vacances avec mon petit piano numérique (18 kg quand même !).
Il m’apparut alors qu’il serait génial de travailler avec un prof, deux leçons avec un bon prof qui attendrait après moi et qui n’attendrait aucune fidélité de ma part en retour( ???).
En réalité je ne pouvais guère faire la difficile, je m’étais juste fixée de ne pas prendre un prof qui annoncerait ne prendre que des débutants.
Comme mue par un message subliminal distillé par un éminent membre de PM sur la suprématie des professeurs de l’est

(de la France), je m’adressai, en réalité sans le savoir à un professeur formé à Strasbourg, installé en Bretagne depuis 3 ans seulement, après une carrière de professeure de collège donc à priori pas vraiment une prof de piano spécialisée.
Le professeur me donna RDV le jour même. Elle me reçut dans un salon de musique attenant à son séjour. Le piano (un C7 Yamaha) était orienté de telle sorte que le pianiste pouvait voir la mer, j’étais très impressionnée, comme transportée dans un autre monde, moi qui n’avais jamais vu autre chose qu’un gaveau droit contre un mur triste chez un prof de piano, c’était il y a 40 ans.
La prof parlait de double échappement, de rythmes en fusée, elle avait un chat, toutes choses que j’avais récemment découvertes sur PM comme semblant caractériser le piano moderne.
Plus sérieusement cette prof est super sympa et compétente. J’ai été stupéfaite par son aptitude et apparemment son plaisir à enseigner à jouer un morceau qu’elle ne connaissait pas auparavant.
Elle montrait beaucoup, se voulait encourageante. Elle sélectionnait judicieusement les points à travailler, car il fallait aller à l’essentiel. Elle donnait des astuces pour un travail rapide et efficace (ne jouer que le chant, jouer le chant en silence, moins articuler pour aller plus vite, reprendre très lentement un passage au rythme bancal, faire des accords perlés (jouer à peine plus tardivement la partie aigue……). Pour la muscu quelques ex du Hanon avec bcp de doigts 4 et 5 mais avec un travail sur les rythmes et une vitesse plus importante (je suis passée de 80 à 110 en une semaine), plus efficace qu’un jeu pépère. Je conserve cependant mes exercices spécifiques pour l’indépendance des doigts 4 et 5., cela semble commencer à aller un peu mieux de ce côté-là.
Elle m’a également conseillé de multiplier de courtes (20 minutes) séances de travail pour rester toujours bien concentrée mais cela concernait surtout le morceau travaillé dans lequel il n’y avait aucun moment où on puisse relâcher la tension.
C’est sûr nous nous reverrons, on a déjà des projets de morceaux que j’aimerais travailler avec elle, elle m’en a proposé également.
Depuis mon retour j’ai fait mon enregistrement et j’ai pris un peu de distance par rapport à ce morceau, un peu trop difficile pour moi, j’essaierai d’y revenir plus tard. Je déchiffre actuellement un petit choral de difficulté moyenne écrit par un compositeur breton que ma prof m’a fait découvrir.
Mais aujourd’hui c’est le printemps, les travaux afférents à cette saison se profilent, d’autres loisirs vont également bientôt me faire signe, il faudra garder la motivation, ce n’est pas encore gagné...
Courage à toi Cerise et bonne reprise ainsi qu’à tous ceux qui sont dans le même cas.