Hommage à Jehan Alain

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
Répondre
nashh
Messages : 1589
Enregistré le : sam. 28 juil., 2007 14:57

Hommage à Jehan Alain

Message par nashh »

Pour faire découvrir ce compositeur disparu sur le champs en pleine 2è guerre mondiale http://www.youtube.com/watch?v=h-qxVNvv ... h_response

"Mais mon but serait atteint et ce serait pour moi une très grande joie si l'un de vous, lecteurs, se retrouvait lui-même, tout à coup, dans l'une de ces lignes; qu'il s'arrête, touché et qu'il s'en aille en ayant reçu un peu de cette douceur qui vous baigne lorsqu'on a croisé un regard ami." Jehan Alain.

Jehan Alain :
Musique
L'œuvre d'art véritable, c'est la fraîcheur ressuscitée de nos premiers émois.
Un chef d'orchestre est un magicien. Il tient entre ses doigts la baguette des fées.
Les oreilles musiciennes qui n'ont pas entendu un rire d'enfant n'ont entendu sonner que des ferrailles.
On a trop insisté sur l'orthographe musicale, évidemment indispensable. Travaillons nos états psychologiques.
La musique est faite pour traduire les états d'âme d'une heure, d'un moment, surtout l'évolution d'un état d'âme. Donc mobilité nécessaire. Ne pas essayer de traduire un sentiment unique, fût-ce un sentiment éternel.
Se rappeler que presque tous les musiciens parlent trop longtemps.
A notre époque, on est fatigué des grands discours. Le public n'est pas si bête. Ne pas insister sur des "évidences" musicales. Fuir les lieux communs. Etre bref. Time's money.
Ce qui importe le plus en musique, c'est peut-être moins le charme que le mystère. Une musique qui dit tout ne dit pas grand'chose. Qu'ajouter à Wagner ? A peu près rien. C'est pour cela que Debussy, succédant à Wagner, a paru si rafraîchissant. Pendant une partie de sa vie, Beethoven a tout dit. Puis il s'est avisé que l'éloquence ne suffit pas. Aussi, dans plus d'une de ses dernières œuvres, il a mis du mystère. Le défaut de l'école de Franck et de Franck lui-même a été également de tout dire. Quelques-uns des disciples du maître ont poussé l'incontinence de langage jusqu'à bavarder avec le public par-dessus la rampe.
Savoir se retenir, ce n'est pas tout, mais c'est déjà beaucoup.
La Messe en ré, de Beethoven, est ennuyeuse, dramatique, et très mal écrite pour les voix qui sont traitées comm des instruments, c'est-à-dire perchées, tendues à rompre. Et, naturellement, dès que le contrepoint s'en mêle, c'est la catastrophe. Bach et Mozart, dieux du contrepoint, où êtes-vous ? (malgré ce que dit Cortot du style fugué chez Mozart, auquel il reproche d'être parfois scolastique et laborieux). 
Circonstance atténuante : au temps de Beethoven, le diapason était un bon demi-ton au-dessous du diapason actuel. Les voix étaient donc moins tendues qu'à notre époque. 
Dans le Sanctus, Beethoven a voulu évoquer le calme, l'adoration par des moyens paradoxaux, en tendant tout - voix, violon, orchestre - au maximum.
La musique de Beethoven est presque toujours belle. Mais que dire de sa pensée qui est une bagarre confuse, et de sa philosophie ! Dès qu'il interprète un texte, il devient nébuleux, il se dessèche, il cesse d'être le grand Beethoven, une barbe de fleuve s'enroule aux pieds du dieu.
Après l'épreuve de la Messe en ré, le Requiem de Fauré offre un divertissement nullement funèbre. Dès les premières mesures, on respire. Enfin des voix posées, qui peuvent sortir sans efforts de coq enroué !
Et quelle philosophie de la mort et de l'au-delà ! Loin de lui les gouffres terribles dont l'Eglise et l'Ecriture nous donnent, avouons-le, une appréhension extrême. Le Dies Irae, chaque fois que je l'accompagne, me fait passer un frisson glacé dans les moelles. Ce qui, dans la liturgie, a trait à la mort est simplement effroyable. Comment connaître, sur ce point, la pensée de Dieu ? Celle des hommes, celle même de l'Eglise a évolué sur ce point. En ce qui concerne la vie éternelle, je suis toujours surpris que l'Eglise nous en donne si peu le goût, le désir. Souvent, dans la liturgie, c'est la peur horrible de la mort, l'angoisse de la bête traquée par un chasseur impitoyable. Aux enterrements, j'ai souvent éprouvé, en tant qu'organiste, le sentiment exprimé par un romancier dont j'ai oublié le nom : "L'Eglise s'emplit de fantômes et le vieux drame recommença, tout frémissant de l'épouvante millénaire…". 
Au contraire, chez Fauré, tout n'est qu'ordre et beauté, et, si j'ose écrire, luxe et volupté… Quelle sérénité ! Mais voilà : Fauré était un chrétien tiède, il croyait comme certains marchent - sur la pointe des pieds… Alors, son opinion a-t-elle moins de valeur ?
Le divin Jean-Sébastien Bach sait être, à l'occasion, mortellement ennuyeux. J'ai entendu l'autre jour au Temple de l'Etoile, deux cantates qui auraient donnée l'envie de grimper aux rideaux, s'il y avait eu des rideaux… A la sortie, rencontré D... Echangé deux fortes grimaces, la sienne nuancée de doute : "Ah ! me dit-il, c'est diablement ennuyeux, mais c'est beau !". 
Il n'est pas vrai que la musique ait le droit d'être ennuyeuse. Quand elle est ennuyeuse, c'est qu'elle est manquée.
Le thème est à la pièce musicale ce que l'âme est aux pensées.
Un morceau de musique, ce n'est pas un bocal à cornichons dans lequel il faut piquer le ou les thèmes. Le thème, c'est un personnage brillant au milieu d'une assemblée d'autres personnes. Il n'y a pas de conférencier sans auditoire.
Avatar du membre
JPS1827
Messages : 3426
Enregistré le : lun. 25 avr., 2011 11:27
Mon piano : Steinway A, Seiler 122
Localisation : Bourg la Reine

Re: Hommage à Jehan Alain

Message par JPS1827 »

Un compositeur très attachant, dont je ne connais que peu d'œuvres malheureusement. Merci pour ce texte Nashh
nox
Messages : 8338
Enregistré le : jeu. 17 mai, 2007 22:22

Re: Hommage à Jehan Alain

Message par nox »

J'aime beaucoup ce compositeur, surtout connu des organistes en fait. Sa sœur Marie-Claire Alain que j'ai eu le bonheur de rencontrer deux ou trois fois est une véritable légende de l'orgue.

Je vous conseille :
- 3 danses
- Litanies
- Le jardin suspendu

NB : j'ai trouvé les liens sur google directement, sans pouvoir les écouter. Je ne peux pas garantir la qualité de ces versions
Avatar du membre
Marie-france
Messages : 2764
Enregistré le : mer. 16 févr., 2005 13:17

Re: Hommage à Jehan Alain

Message par Marie-france »

Très beau texte Nashh, merci.
A propos de Jehan Alain, justement, le 9 décembre, je suis allée à un concert symphonique où étaient jouées en première partie "Trois danses" pour orchestre dans une orchestration de Luc Antonini.... Une beauté !!!!! Si vous en avez l'occasion, allez voir cette oeuvre. C'est magnifique et prenant!
S'en est suivi un Concerto n°23 de Mozart dont l'adagio a failli me sortir les larmes...
https://sites.google.com/site/classique ... au-clavier
Je plébiscite ce compositeur.
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11305
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Hommage à Jehan Alain

Message par jean-séb »

Notre ami Nashh, plus réservé que de coutume :wink: , a oublié de rappeler qu'il avait interprété, et fort bien, Tarass Boulba de Jehan Alain devant quelques-uns d'entre nous lors d'une réunion PMiste.
Bonusmalus
Messages : 1599
Enregistré le : ven. 19 juin, 2009 22:21
Mon piano : Yamaha S3X

Re: Hommage à Jehan Alain

Message par Bonusmalus »

A savourer d'autant plus en ayant lu ce petit bouquin de Gogol qui est un chef d'oeuvre flamboyant et truculent sur l'épopée Cosaque, écrit dans un trait de génie à l'âge de 26 ans.
Bonusmalus
Avatar du membre
Oupsi
Messages : 4422
Enregistré le : ven. 31 juil., 2009 14:06
Localisation : S.-O.

Re: Hommage à Jehan Alain

Message par Oupsi »

Magnifique, ce texte! Merci Nashh. Je ne connais pas ce compositeur, donc petit programme de découverte à mon prochain passage à la médiathèque.
Praeludium
Messages : 681
Enregistré le : sam. 09 mai, 2009 23:32

Re: Hommage à Jehan Alain

Message par Praeludium »

Mon prof d'harmonie adore Jehan Alain (il est organiste) et en parle souvent.
Il m'a prêté la partition des Jardins Suspendus pour que je regarde comment c'est fait : c'est génial !
Répondre