Vie des compositeurs

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
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Bergamotte
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Vie des compositeurs

Message par Bergamotte »

C'est un sujet qu'on a plusieurs fois évoqué, je viens de lire une chose assez intéressante là dessus. Tiré d'un livre d'Henri-Claude Fantapié.

"Vie des compositeurs

A ce sujet, les interprètes sont assez divisés. Est-il si important de bien connaitre les détails de la vie d'un compositeur pour bien interpréter sa musique? Allons plus loin encore. La passionnante analyse de la cinquième de Beethoven par Bernstein, qui va bien au-delà puisque c'est une analyse de l'oeuvre en devenir, a-t-elle permis de magnifier son interprétation? D'incontestables musiciens apportent des réponses divers à ces questions, même si une majorité penche pour une nécessaire connaissance biographique et analytique.

Il y a dans l'étude d'une vie de compositeur deux éléments particulièrement sensibles qu'il faut différencier. Le premier est la chronologie et les détails annexes (le grand-père forgeron, les premières dents, les amours, les loisirs) et le second concerne les rapport de l'artiste avec son environnement artistique. Ce deuxième point est lui-même à intégrer dans une optique plus large (les antécédents familiaux, l'environnement sonore, les premiers maîtres) ou plus précise (les conditions socio-historiques de la création, les articles parus à l'époque, les rapports avec la profession, les opinions sur les autres arts ). Encore faut-il distinguer les arts entre eux et leur correspondance n'est pas aussi évidente qu'il n'y parait.
Ainsi la biographie de l'écrivain dont l'artifice s'appuie sur l'observation de la vie ou celle du peintre soumis à son environnement et entouré d'images n'est pas à envisager de la même manière que celle d'un musicien.

En musique, art abstrait et non-signifiant par excellence, ce genre de travail parait annexe et secondaire à beaucoup. Si, au moment de faire revivre le Requiem de Mozart, il importe peu de s'attendrir de la fosse commune, du chien qui a suivi le convoi funèbre ou de s'interroger sur le mystérieux commanditaire de l'oeuvre, il est plus important de consulter la chronologie des ouvrages qui jalonnent les dernières années du compositeur, d'en comprendre les motivations, de connaître l'état du manuscrit à la mort de Mozart, d'identifier les mains qui ont complété l'ouvrage, et connaitre l'environnement musical de l'instant à Vienne. Des premières informations ne peuvent naître que des sentiments subjectifs et sentimentaux tandis que les seconds vont clarifier de nombreuses situations (ou n'apporter aucune réponse). C'est dire que la littérature n'a pas sa place ici, mais que la musicographie, petite soeur de la musicologie, peut être utile. De là à les parer de toutes les vertus,[...] il y a un pas que la raison musicale -au contraire de celle du commerce-ne franchira pas.

La motivation qui faire retenir l'une ou l'autre des informations apprises dans les ouvrages de ce genre , sera beaucoup plus restreinte pour le musicien que pour un "exploitant" tertiaire ( critique, marchand, musicographe, présentateur, etc ). Toutefois elle peut exister et éclairer d'un jour particulier telle ou telle partition, y faire découvrir une influence née d'une rencontre ou d'une audition (par exemple en examinant quelles sont les relations entre Sibelius et Wagner, Sibelius et Debussy, Debussy et Tchaïkovski, Debussy et Wagner, etc, et qui a entendu quoi? ou? Quand? dans quelles conditions? ). Il ne faut donc surtout pas la négliger mais s'assurer de la qualité des sources et du sérieux du scripteur et éviter peut-être de vouloir à tout prix transposer en musique ce qu'on a lu. [...]

Enfin, il faut prendre garde à ne pas faire dire à la musique plus qu'elle n'en est capable. Les pires politiciens ont trop fait parler la Neuvième de Beethoven ou, dans un genre différent, on n'a pas toujours suffisamment su séparer l'oeuvre du musicien Wagner de celle du polémiste vain et raciste ( mais assez intelligent pour confier aux mains musicalement expertes d'un Hermann Levi son Parsifal, pourtant si chargé de sous-entendus ). On ne peut aujourd'hui citer le nom de Wagner sans ses référer à ce que sa pensée avait de trouble. Ce qui ne doit pas empêcher d'aborder son oeuvre avec une attitude critique un peu plus saine et séparer la musique de ce que représente encore aujourd'hui Bayreuth ( en littérature, le cas est différent mais quoi qu'on puisse penser de Céline, il est impossible de ne pas inclure Mort à crédit ou Voyage au bout de la nuit parmi les ouvrages clefs du XXe siècle).
Esthétiquement, l'amalgame se justifie rarement. Pas plus que l'interdiction de jouer en un certain lieu pendant un certain temps certaines musiques, qu'elles soient "boches", "décadentes", "dégénérées", "formalistes" ou "de nègre". Seule à la périphérie de l'oeuvre, plus encore d'ailleurs en musique qu'en littérature, l'explication de texte rappellera certains errements, parfois même graves, et l'interprète saura ce qu'il lui reste à faire. "
kangoo
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Re: Vie des compositeurs

Message par kangoo »

Il y a plusieurs idées là dedans non? Pour moi, "connaître la vie d'un compositeur" et "ne pas faire dire à la musique plus qu'elle n'en est capable" sont deux choses différentes.
1) Connaître la vie d'un compositeur peut apporter de la lumière sur le contexte d'une partition qu'on a du mal à cerner. Etre trop influencé par la vie du compositeur peut en revanche être restrictif pour l'interprète. C'est justement la mise en relation entre la vie d'un interprète et le contexte donné par le compositeur qui crée une nouvelle interprétation.
2) Là, ça traite du problème entre art et politique, c'est très intéressant mais je n'ai pas d'avis là dessus :P
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