Je voulais intervenir dans un ancien post sur le role du prof dans l'apprentissage, mais je ne le retrouve pas. Alors j'en cree un nouveau.
Citation de l'apprentissage selon Tchouang-Tseu
« Le Duc Houan lisait dans la salle, le charron Pien taillait une roue au bas des marches. Le charron posa son ciseau et son maillet, monta les marches et demanda au duc : « Puis-je vous demander ce que vous lisez ? » - Les paroles des grands hommes, répondit le duc ? – Sont-ils encore en vie ? – Non, ils sont morts. – Alors, ce que vous lisez là, ce sont les déjections des Anciens ! – Comment un charron ose-t-il discuter ce que je lis ! répliqua le duc ; si tu as une explication, je te ferai grâce ; sinon tu mourras ! – J’en juge d’après mon expérience, répondit le charron. Quand je taille une roue et que j’attaque trop doucement, mon coup ne mord pas. Quand j’attaque trop fort, il s’arrête [dans le bois]. Entre force et douceur, la main trouve, et l’esprit répond. Il y a là un tour que je ne puis exprimer par des mots, de sorte que je n’ai pu le transmettre à mes fils, que mes fils n’ont pu le recevoir de moi et que, passé la septantaine, je suis encore là à tailler des roues malgré mon grand âge. Ce qu’ils ne pouvaient transmettre, les Anciens l’ont emporté dans la mort. Ce ne sont que leurs déjections que vous lisez là . »
Jean-François Billeter, "Leçons sur Tchouang-Tseu"
De l'apprentissage du geste juste
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Re: De l'apprentissage du geste juste
J'ai du mal à saisir exactement la comparaison.
Mais j'en dégage cette idée.
"Dans une discipline pratique, on ne peut pas apprendre le geste juste sans passer à la pratique."
Par contre, selon moi, la parole et les textes (la théorie quoi) serviront à aiguiller l'élève au plus près du but pour que lorsqu'il passera à la pratique, il découvrira le geste juste le plus rapidement possible.
Mais j'en dégage cette idée.
"Dans une discipline pratique, on ne peut pas apprendre le geste juste sans passer à la pratique."
Par contre, selon moi, la parole et les textes (la théorie quoi) serviront à aiguiller l'élève au plus près du but pour que lorsqu'il passera à la pratique, il découvrira le geste juste le plus rapidement possible.
- Marie-france
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Re: De l'apprentissage du geste juste
Ce que veut dire Chaupain, c'est qu'il est impossible de décrire avec précision, par de simples mots, le geste de ce tailleur qui doit savamment doser sa frappe. Et il lui est donc impossible de transmettre son savoir.
Ainsi, Chaupain en déduit qu'il est impossible à un prof de préciser un geste à effectuer.
Je dois sortir, mais je vais y réfléchir, histoire de ne pas répondre n'importe quoi tout de même.
Ainsi, Chaupain en déduit qu'il est impossible à un prof de préciser un geste à effectuer.
Je dois sortir, mais je vais y réfléchir, histoire de ne pas répondre n'importe quoi tout de même.
Re: De l'apprentissage du geste juste
J'ai mis cet extrait, mais j'aurais pu en mettre un autre. J'encourage ceux qui reflechissent a cette question a lire le livre "Leçons sur Tchouang-Tseu".
Un prof de piano, selon moi, indique ce qu'il est interessant de pratiquer (gammes, arpeges,...), apporte sa culture musicale, trouve le bon morceau au bon moment, insufle une envie d'apprendre et une energie,...mais le geste lui-meme, c'est le corps de l'eleve qui le trouve, toute explication est inutile.
Enfin, a discuter
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Un prof de piano, selon moi, indique ce qu'il est interessant de pratiquer (gammes, arpeges,...), apporte sa culture musicale, trouve le bon morceau au bon moment, insufle une envie d'apprendre et une energie,...mais le geste lui-meme, c'est le corps de l'eleve qui le trouve, toute explication est inutile.
Enfin, a discuter

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Re: De l'apprentissage du geste juste
Faux!
Comme je l'ai déjà dit ici et dans un autre poste. Les explications sont le chemin et mieux elles sont faites en fonction de l'élève, plus ce dernier progressera vite vers le ressenti cherché. Si tu ne le guide pas ou pas bien, il trouvera peut-être mais en bcp plus de temps, cela en fonction de son potentiel de base. => Un enseignement vague privilégie les gens aisés.
Comme je l'ai déjà dit ici et dans un autre poste. Les explications sont le chemin et mieux elles sont faites en fonction de l'élève, plus ce dernier progressera vite vers le ressenti cherché. Si tu ne le guide pas ou pas bien, il trouvera peut-être mais en bcp plus de temps, cela en fonction de son potentiel de base. => Un enseignement vague privilégie les gens aisés.
Re: De l'apprentissage du geste juste
Je ne suis pas sur que ca soit vrai ou faux.
Par contre, je suis tres sensible au fait qu'un enseignement vague profite aux gens aises. Comprenons nous bien, je ne deduis pas de ce que j'ai ecrit que l'enseignement est finalement juste l'encadrement d'une activite. Il serait trop facile d'utiliser ces arguments pour faire un enseignement neglige.
Ma question est ailleurs. Sachant qu'un enseignant se doit moralement (et politiquement ?) d'etre engage et exigeant, la question est de savoir ou il intervient exactement et quelle est sa reelle influence. Plus generalement, comment apprendre un geste et transmettre ce savoir.
Je crois en tout cas qu'un bon enseignement est celui qui offre l'independance, et qui, justement, delivre du maitre.
Par contre, je suis tres sensible au fait qu'un enseignement vague profite aux gens aises. Comprenons nous bien, je ne deduis pas de ce que j'ai ecrit que l'enseignement est finalement juste l'encadrement d'une activite. Il serait trop facile d'utiliser ces arguments pour faire un enseignement neglige.
Ma question est ailleurs. Sachant qu'un enseignant se doit moralement (et politiquement ?) d'etre engage et exigeant, la question est de savoir ou il intervient exactement et quelle est sa reelle influence. Plus generalement, comment apprendre un geste et transmettre ce savoir.
Je crois en tout cas qu'un bon enseignement est celui qui offre l'independance, et qui, justement, delivre du maitre.
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Re: De l'apprentissage du geste juste
Le sujet est complexe et ne me semble pas pouvoir être traité à grand coup d'affirmation péremptoires en tout cas.
Ce que je retiens pour ma part du texte initiateur c'est plutôt qu'il y a des limites au transfert de la connaissance par le biais de mots, et ceci me paraît effectivement une évidence, l'apprenti doit chercher de lui-même, à son niveau, ce qui ne peut être dit.
Maintenant quand l'auteur considère que ce qui n'est pas transmissible par les mots n'est que scories, c'est un peu plus long et complexe à analyser, je ne m'y risquerais pas pour ma part. Au moins et particulièrement ici pas à grand coup de phrases bateaux.
Enfin, en lisant le texte, le transfert par "contact" avec un maître ne me semble pas abordé (le maître regarde l'élève et lui fait ressortir ce qu'il doit ressentir, améliorer, garder...), il semble donc s'agir d'un autre sujet.
BM
Ce que je retiens pour ma part du texte initiateur c'est plutôt qu'il y a des limites au transfert de la connaissance par le biais de mots, et ceci me paraît effectivement une évidence, l'apprenti doit chercher de lui-même, à son niveau, ce qui ne peut être dit.
Maintenant quand l'auteur considère que ce qui n'est pas transmissible par les mots n'est que scories, c'est un peu plus long et complexe à analyser, je ne m'y risquerais pas pour ma part. Au moins et particulièrement ici pas à grand coup de phrases bateaux.
Enfin, en lisant le texte, le transfert par "contact" avec un maître ne me semble pas abordé (le maître regarde l'élève et lui fait ressortir ce qu'il doit ressentir, améliorer, garder...), il semble donc s'agir d'un autre sujet.
BM
Je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira.
A. de Tocqueville
A. de Tocqueville
Re: De l'apprentissage du geste juste
Moui...
Vous oubliez juste un petit détail... c'est que l'aphorisme du charron (lequel d'ailleurs use de mots pour décrire son expérience) est rapporté par Tchouang-Tseu au moyen de mots...
Le propos de ce fragment, à mon sens, ce n'est donc pas qu'on ne peut rien transmettre, puisqu'il y a beaucoup de transmission dans ce texte!
Bien au contraire.
Ce que Tchouang-Tseu veut dire, je pense, c'est qu'il y aura toujours un "reste" qui ne peut être transmis: une valeur, une sensation, un geste, le coeur de l'expérience, avec son côté positif et son côté négatif, fait de savoir et de non savoir, donc non réductible au contenu positif d'une expérience scientifique ou d'une "méthode progressive".
Peut-être aussi qu'il faut être vivant pour transmettre: quelque chose passe par la voix, le corps, la présence vivante d'une personne, le désir, les relations que cette personne entretient avec ce qu'elle sait, ce qu'elle ignore, sa volonté, sa technique, sa spiritualité, sa disponibilité, etc., tout ce qu'un texte ne peut arriver à rendre tout aussi fidèlement.
Un enseignant donne le plus qu'il peut: le "reste" non rationnel, artistique, orphique et non prométhéen, parfois advient, ou non. C'est un changement de dimension. Mais l'élève peut toujours se préparer, s'ouvrir, affiner son esprit, afin de rendre cet échange possible.
Vous oubliez juste un petit détail... c'est que l'aphorisme du charron (lequel d'ailleurs use de mots pour décrire son expérience) est rapporté par Tchouang-Tseu au moyen de mots...
Le propos de ce fragment, à mon sens, ce n'est donc pas qu'on ne peut rien transmettre, puisqu'il y a beaucoup de transmission dans ce texte!
Bien au contraire.
Ce que Tchouang-Tseu veut dire, je pense, c'est qu'il y aura toujours un "reste" qui ne peut être transmis: une valeur, une sensation, un geste, le coeur de l'expérience, avec son côté positif et son côté négatif, fait de savoir et de non savoir, donc non réductible au contenu positif d'une expérience scientifique ou d'une "méthode progressive".
Peut-être aussi qu'il faut être vivant pour transmettre: quelque chose passe par la voix, le corps, la présence vivante d'une personne, le désir, les relations que cette personne entretient avec ce qu'elle sait, ce qu'elle ignore, sa volonté, sa technique, sa spiritualité, sa disponibilité, etc., tout ce qu'un texte ne peut arriver à rendre tout aussi fidèlement.
Un enseignant donne le plus qu'il peut: le "reste" non rationnel, artistique, orphique et non prométhéen, parfois advient, ou non. C'est un changement de dimension. Mais l'élève peut toujours se préparer, s'ouvrir, affiner son esprit, afin de rendre cet échange possible.