Réflexions sur le documentaire Gould

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
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Marie-france
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Réflexions sur le documentaire Gould

Message par Marie-france »

Bonjour,
Après avoir vu et revu le documentaire sur Gould, j'ai relevé des commentaires qui m'ont fait réfléchir, et que je vous soumets pour vous demander ce que vous en pensez.
En voici le premier:
Gould pensait que ... "La musique vous protège et vous maintient à une certaine distance du monde."

La vivez-vous ainsi? Diriez-vous que cela est valable pour toute passion? Ou pensez-vous que ceci est le reflet d'une psychose, d'une paranoïa?
Merci de vos commentaires avisés...
Jypé
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Re: Réflexions sur le documentaire Gould

Message par Jypé »

Bien sûr, GG a raison dans ce qu'il affirme. Cependant il convient de nuancer quelque peu, à mon sens.
Protégé du monde... du monde extérieur à la musique s'entend, certes, mais alors il ne reste presque rien.
En effet et pour ne citer que mon cas, Le simple fait d'avouer (oui on en arrive là... presque à s'excuser...) faire de la musique... et du piano... et du classique... fait que tout le monde fuit à cette annonce. Tout l'environnement (voisinage) trouve ça ennuyeux, voire ringard. Les voisins ou amis (en fait des connaissances) qui viennent le font pour tout autre chose que la musique ; pire encore, ne demandent jamais de musique, ne parlent jamais de musique. C'est vrai que je vis à la campagne et que les concerts n'existent pas. Il faut se déplacer. Rien n'est simple.
Alors j'ai tendance à m'enfermer dans ma bulle ; là, je suis protégé du monde. Heureusement que mon épouse est là pour avoir un peu les pieds sur terre.
Maintenir à une certaine distance...
Moi, je crois plutôt que plus ça va et plus je m'en éloigne... de ce monde, au risque de vivre complètement à côté du vélo.
parfois, un autre doux dingue se joint à moi ou inversement...une image d'un petit bonheur, mais qui n'appartient qu'à nous. Nous sommes alors protégé du monde, nous nous en tenons à distance... jusqu'à ce que une âme chatritable nous rappelle à l'ordre par des mots simples du genre :
"A table !"
Il doit y avoir des passions qui permettent l'échange. Celles qui ne sont pas culturelles et surtout pas un brin intello, celles qui ne demandent pas d'effort, celles qui ne sont que des loisirs. Parlez voyage et tout le monde vous écoute les yeux grands ouverts (oui, écouter avec les yeux grands ouverts c'est possible !) parlez piano et vous faites un "flop" en trente secondes.
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alex2612
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Re: Réflexions sur le documentaire Gould

Message par alex2612 »

sauf sur ce forum .
je pense que chaque passion peut etre dévorante si on ne peux la partager. et ca peux conduire a l'isolement. comme glenn ou tant d'autres moins connus.
RationalPianist
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Re: Réflexions sur le documentaire Gould

Message par RationalPianist »

Je pense que le sujet est vaste.
La musique peut etre thérapeutique pour certains, chiante pour d'autre, merveilleuse (ah que c'est bon d'avoir la chair de poule quand des notes sont si belles...), spirituel...
Le côté spécial du piano c'est que c'est un instrument qui se suffit a lui meme, l'interprete peut donc y trouver son plaisir tout seul.

Mais, d'un autre coté, en jouant devant des amis ou meme des inconnus, votre musique peut très bien faire ressentir des émotions intenses (par plusieurs manières). Quoi de mieux pour engager facilement une discussion ensuite?
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NLR
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Re: Réflexions sur le documentaire Gould

Message par NLR »

RationalPianist a écrit :Quoi de mieux pour engager facilement une discussion ensuite?
Quand je joue (et surtout improvise) devant un auditoire, je le vis un peu comme une mise à nu quand j'y pense. Pour faire vraiment ce que je veux pendant que des yeux sont rivés sur moi, il faut que je m'extraie du monde des vivants et que je puise dans ressources dont je ne sais parler, mais qui me permettent d'atteindre des performances différentes en live que ce que je fais à la maison. C'est assez bizarre comme sentiment, et à la fin d'un concert, je suis incapable de parler de ma performance parce que je ne m'en souviens plus, à part cette ignoble impression de honte, et d'avoir été ridiculement mauvais (bien que tout le monde soutienne l'inverse, certainement par pitié). Donc là, je pense comprendre ce qu'a voulu dire G.G., à ma mesure, évidemment. D'un autre côté, ça ne m'empêche pas d'être quelqu'un de sociable, ou d'autre part apprécier des performances d'autres personnes, et même parler de ma passion... La musique est un bon moyen de se protéger du monde, c'est vrai, mais s'en protéger, pour mieux l'approcher je dirais.

NLR
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Marie-france
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Re: Réflexions sur le documentaire Gould

Message par Marie-france »

Pour ma part, je penserais que GG se retranchait derrière sa musique, il la mettait entre lui et le monde.
Etait-ce volontaire ou subi? En fait, un peu à la manière de Jypé, parlait-il le même langage?
Un peu plus loin, dans le documentaire, on nous explique: "... qu'il s'introduisait littéralement dans la tête des compositeurs, il intériorisait tout, il allait au-delà de la simple identification avec le compositeur, il ressentait une fusion totale entre lui et la musique qu'il interprétait..."
Il vivait donc la musique. C'était pour lui sa première langue.
Son seul moyen d'expression qui lui permette de se sentir vivre.

Apparemment, certains d'entre nous s'enferment dans la musique, quand d'autres s'en servent comme d'un tremplin.
Oui, à chacun son caractère et son appréhension du monde.
Mais GG,était vraiment un phénomène. Il semble qu'il vivait hors du monde effectivement.
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Marie-france
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Re: Réflexions sur le documentaire Gould

Message par Marie-france »

Jypé a écrit : ...En effet et pour ne citer que mon cas, Le simple fait d'avouer (oui on en arrive là... presque à s'excuser...) faire de la musique... et du piano... et du classique... fait que tout le monde fuit à cette annonce. Tout l'environnement (voisinage) trouve ça ennuyeux, voire ringard. Les voisins ou amis (en fait des connaissances) qui viennent le font pour tout autre chose que la musique ; pire encore, ne demandent jamais de musique, ne parlent jamais de musique....
Tiens, je me retrouve là dedans :D
Déjà, là, on a l'impression qu'on ne vit pas dans le même monde. Mais est-ce bien volontaire?
NLR a écrit :... Quand je joue (et surtout improvise) devant un auditoire, je le vis un peu comme une mise à nu quand j'y pense.

NLR
Le documentaire faisait aussi état de cela. Et rajoutait, que certains avaient besoin d'un public pour être poussés dans leur derniers retranchements.
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Midas
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Re: Réflexions sur le documentaire Gould

Message par Midas »

Pour ma part, je ne joue pas souvent en public, et comme tout le monde, je perds alors une bonne partie de mes moyens, mais l’idée seulement que quelqu’un puisse m’écouter incidemment me motive, mon but étant autant mon plaisir personnel que celui de faire connaître des pépites inconnues de la plupart de mes contemporains pollués de musique techno. De temps en temps, parmi les auditeurs occasionnels, il y en a qui sont touchés par la musique que je m’efforce de restituer, malgré les fausses notes et les accrocs, et qui me le font savoir. C’est alors la sensation que tout ce travail ingrat en solitaire n’est pas vain, surtout quand la personne en question est dépourvue de bagage musical et que c’est une révélation pour elle.

Mais comme le dit Jypé, on se prend surtout des « vents » d’indifférence magistrale. Le summum que j’aie vécu, c’était aux Baléares, alors que je profitais du piano du club dans lequel je passais mes vacances. Bien que j’attendisse (si, si, subjonctif !) les heures les plus creuses de la journée, où tout le monde était parti, les serveurs du bar me donnaient toujours la clef du piano à contrecœur, préférant entendre vagir à pleins tubes la télé qui diffusait des programmes pour enfants lobotomisés à toute heure du jour (et une partie de la nuit), que personne ne regardait. Seule parmi tous les hôtes du club : une charmante Suissesse prenait plaisir à m’écouter relire mon « répertoire » Bach, malgré les fautes.

Un jour, je me risque à jouer un ou deux Albeniz pas trop durs (je ne les avais pas vraiment dans les doigts), dans une indifférence assourdissante (on est en Espagne, hein). Jusqu’au moment où, de mes doigts dépités, sortent les premières notes de « The Entertainer » de Scott Joplin. Ni une, ni deux, on me tombe dessus avec enthousiasme pour me demander de rappeler de quel film c’était tiré (« The Sting » = « L’Arnaque »). J’aime beaucoup Joplin, mais c’est lassant à jouer au bout d’un certain temps, et je n’en connaissais qu’une partie de tête.

On ne m’y reprendra plus : depuis ce jour, je garde toujours dans un coin de ma mémoire un bon morceau de tapage, style « Five Finger Boogie » ou « Honky Tonk Train Blues », avec lequel je me sens prêt à couvrir le vacarme d’une télé sans remords pour le massacre.

Non mais !
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