
Les sensations psychomotrices au piano
Re: Les sensations psychomotrices au piano
La vrai question est : si George Sand était pianiste, aurait-elle mieux jouer Chopin... 

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Re: Les sensations psychomotrices au piano
J'ai bien sûr essayé de me poser précisément cette question en te répondant, avec le plus de sincérité possible. Mais je n'ai pas la réponse. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour faire la plus grande abstraction possible des éléments hors du morceau qui auraient pu me dicter cette analyse, mais je ne suis pas en mesure d'affirmer si j'ai réussi ou non cette expérience de pensée. Ce n'est pas parce que je n'ai pas invoqué ces éléments, qu'ils ne m'ont pas été utiles inconsciemment. Donc je reste prudent.Jean-Luc a écrit :très franchement, ton analyse n'est-elle pas influencée parce que tu sais déjà toutes ces choses, qui ne font que conforter ladite analyse?
Re: Les sensations psychomotrices au piano
C'est en fait une réflexion que je me suis faite en travaillant Beethoven, raison pour laquelle je parle toujours de ses sonates. Quand j'ai travaillé la sonate op.101, j'ai eu plusieurs retours disant que j'étais passé à côté et que je ne faisais pas du Beethoven, je donnais un côté trop lyrique peut-être, trop romancé. Pourtant je jouais scrupuleusement chaque indication de la partition. Même retours sur le Carnaval de Vienne de Schumann. Alors ... ? Comment on avance dans ce cas ?
C'est très frustrant parce que cette impasse n'est pas pianistique, et toutes les heures de travail ne changeront rien.
Effectivement je me rends compte que j'ai beaucoup de mal à savoir quelle direction prendre dans Beethoven, comme dans Schumann ou dans Brahms d'ailleurs.Et je pense que c'est parce que je connais très mal ces compositeurs, ou peut-être que mon caractère fait que je suis naturellement moins en phase avec eux, en tout cas j'ai beaucoup de mal à savoir où emmener ce que je joue, comment le rendre...Je suis en quelque sorte enfermé dans la partition.
Je reviens toujours à cet exemple, j'en suis désolé, mais regardez la master-class de Schiff : ce sont d'excellents pianistes qui jouent exactement ce qui est indiqué sur la partition, et pourtant ils passent à côté de quelque chose, et la métamorphose apportée par les conseils de Schiff est flagrante je trouve. Alors ces conseils, comment les construire soi-même ? D'où ça sort ? Comment arrive-t-on à une telle vision de la partition ?
Pour moi on voit nettement la frontière entre le maître et l'élève, c'est une façon totalement différente d'appréhender la partition, je me demande comment arriver à ce niveau.
C'est très frustrant parce que cette impasse n'est pas pianistique, et toutes les heures de travail ne changeront rien.
Effectivement je me rends compte que j'ai beaucoup de mal à savoir quelle direction prendre dans Beethoven, comme dans Schumann ou dans Brahms d'ailleurs.Et je pense que c'est parce que je connais très mal ces compositeurs, ou peut-être que mon caractère fait que je suis naturellement moins en phase avec eux, en tout cas j'ai beaucoup de mal à savoir où emmener ce que je joue, comment le rendre...Je suis en quelque sorte enfermé dans la partition.
Je reviens toujours à cet exemple, j'en suis désolé, mais regardez la master-class de Schiff : ce sont d'excellents pianistes qui jouent exactement ce qui est indiqué sur la partition, et pourtant ils passent à côté de quelque chose, et la métamorphose apportée par les conseils de Schiff est flagrante je trouve. Alors ces conseils, comment les construire soi-même ? D'où ça sort ? Comment arrive-t-on à une telle vision de la partition ?
Pour moi on voit nettement la frontière entre le maître et l'élève, c'est une façon totalement différente d'appréhender la partition, je me demande comment arriver à ce niveau.
Re: Les sensations psychomotrices au piano
Ce que tu dis ressemble beaucoup à ce que décrit JPS plus haut : il y a des compositeurs qui nous parlent naturellement et d'autres moins, qu'on apprend après. C'est comme ça, on a tous nos prédiléctions. Peut-être simplement que le répertoire germanique te parle moins spontanément. Beethoven, Schumann, Brahms, c'est une lignée.nox a écrit :Effectivement je me rends compte que j'ai beaucoup de mal à savoir quelle direction prendre dans Beethoven, comme dans Schumann ou dans Brahms d'ailleurs.Et je pense que c'est parce que je connais très mal ces compositeurs, ou peut-être que mon caractère fait que je suis naturellement moins en phase avec eux, en tout cas j'ai beaucoup de mal à savoir où emmener ce que je joue, comment le rendre...Je suis en quelque sorte enfermé dans la partition.
Je ne pense pas que ce soit un manque de culture ou de connaissances, je suis certain que tu sais largement plus de choses qu'il n'en faut sur ces compositeurs et oeuvres pour les comprendre. On arrive là dans un domaine plus impalpable, beaucoup plus irrationnel, celui de nos affinités les plus personnelles. On n'est plus dans la compréhension ou l'analyse, on est dans le ressenti. Lorsque j'analyse une oeuvre, je ne fais qu'exposer sous un format un peu rationnel ce que me dicte mon ressenti. Ce ressenti, il se construit par une exposition prolongée aux oeuvres, une immersion parfois même excessive, qui peut virer à des obsessions plus ou moins temporaires.
D'ailleurs je pense que ce n'est pas une coincidence que tu cites ces exemples ... le 2e mouvement de l'opus 101, c'est une prophétie Schumannienne, rien ne ressemble plus à du Schumann que ça, et bien au delà des rythmes pointés. Evidemment, c'est l'unes des grandes facettes de Schumann qui est issue de l'un des très multiples aspects de Beethoven ici.
Il y a des compositeurs (Chopin ?) pour lesquels tu dois plus naturellement savoir quelle direction prendre.
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Je pense qu'on a tous ses compositeurs fétiches.nox a écrit :Effectivement je me rends compte que j'ai beaucoup de mal à savoir quelle direction prendre dans Beethoven, comme dans Schumann ou dans Brahms d'ailleurs.Et je pense que c'est parce que je connais très mal ces compositeurs, ou peut-être que mon caractère fait que je suis naturellement moins en phase avec eux, en tout cas j'ai beaucoup de mal à savoir où emmener ce que je joue, comment le rendre...Je suis en quelque sorte enfermé dans la partition.
Je pense être beaucoup plus en phase avec Beethoven qu'avec Chopin. Je ne l'explique pas c'est comme ça. J'aime beaucoup Chopin mais j'ai tendance à souvent voir quelque chose de larmoyant (j'exagère bien sur). Beethoven correspond plus à mon tempérament et j'ai souvent des bons retours sur les sonates que je joues, par mon prof notamment, alors que techniquement je ne m'estime pas du tout au point.
En fait pour Beethoven j'arrive à fixer ce que je veux exactement (je n'y arrive pas mais je tends vers un objectif précis), pour Chopin c'est beaucoup plus difficile, l'objectif est plus floue et donc plus difficile à atteindre (comme tirer à l'arc sans lunettes, pour un myope).
Une piste peut être : est ce que tu essaies de penser à ce qu'a pensé le compositeur lorsqu'il a écrit le morceau ? Est ce que tu te renseignes sur le contexte dans lequel a vécu le compositeur ? Inconsciemment peut être que cela influe sur la façon dont on comprend et interprète une œuvre. J'imagine Beethoven un peu fougueux, un peu rebelle, ne cachant pas ses convictions. J'aime cette image que je me fais de lui. Sa musique doit faire ressortir cela. J'ai une image très précise de Beethoven finalement. Je connais assez bien sa vie, son histoire. Quant à Chopin, à part qu'il était malade, qu'il était en couple avec Georges Sand, qu'il était Polonais et Français, je ne connais pas sa vie et je n'arrive pas à cerner le personnage.
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
C'est exactement le cheminement qui m'a amené à exposer ce blocage dans cette discussionbigrounours a écrit : Une piste peut être : est ce que tu essaies de penser à ce qu'a pensé le compositeur lorsqu'il a écrit le morceau ?



Précisément je me dis que pour passer du stade "je joue les notes et les indications" à "j'interprète le morceau", il me manque une maîtrise plus intellectuelle du morceau et du compositeur, peut-être un contexte en effet.
Et donc pour reboucler avec le sujet initial, car oui on est dedans pour moi, je pense que cette maîtrise intellectuelle est également indispensable pour arriver à une interprétation maîtrisée.
Re: Les sensations psychomotrices au piano
Jean-Bernard Pommier a eu récemment quelques phrases bien tournées sur cette question, à propos de Schubert (sur France-Musique le 18 décembre 2013, 2e émission de Philippe Cassard avec JBP, 1 h 20 après le début du programme) :
« Un interprète ne peut pas tricher avec son répertoire. Les chose qu'il doit faire parce qu'on les lui demande, il les fait… ou il ne peut pas les faire. Mais ce qu'il a envie de jouer, ce n'est pas lui qui décide. Comme dit Valéry dans L'âme et la danse, "C'est l'œuvre qui te concède une place." »
« Un interprète ne peut pas tricher avec son répertoire. Les chose qu'il doit faire parce qu'on les lui demande, il les fait… ou il ne peut pas les faire. Mais ce qu'il a envie de jouer, ce n'est pas lui qui décide. Comme dit Valéry dans L'âme et la danse, "C'est l'œuvre qui te concède une place." »
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Je me permets de te contredire. D'abord tu joues très bien le Carnaval de Vienne, c'est comme tu le dis plus un problème de direction à donner. Il ne faut pas se leurrer, il y a des œuvres d'expression assez complexe, dont font partie le Carnaval de Vienne et l'opus 101 (bien plus difficile encore à saisir que le Carnaval de Vienne) qui demandent à tous les pianistes un travail de mise en œuvre. Ceux pour qui le sens de l'œuvre est limpide vont devoir travailler à la réalisation nécessaire pour communiquer ce sens. Ceux pour qui le sens n'est pas évident vont avoir plusieurs façons possibles d'aborder les choses : soit se faire expliquer le sens par un professeur et le mettre en œuvre le mieux possible, c'est la démarche qui donne beaucoup de très bons pianistes auxquels beaucoup s'accordent à trouver un certain manque de personnalité quand ils jouent ces œuvres (c'est ce qui faisait dire à Rubinstein à peu près, je cite de mémoire, "on ne devrait jouer que les œuvres avec lesquelles on est en communion parfaite"), soit se forger eux-mêmes une image esthétique de l'œuvre, et travailler ensuite à la rendre crédible et convaincante, ce qui est un travail long et ingrat, avec forcément des renoncements ("non, finalement cette approche ne peut pas marcher pour moi, quoi que je fasse").nox a écrit :C'est en fait une réflexion que je me suis faite en travaillant Beethoven, raison pour laquelle je parle toujours de ses sonates. Quand j'ai travaillé la sonate op.101, j'ai eu plusieurs retours disant que j'étais passé à côté et que je ne faisais pas du Beethoven, je donnais un côté trop lyrique peut-être, trop romancé. Pourtant je jouais scrupuleusement chaque indication de la partition. Même retours sur le Carnaval de Vienne de Schumann. Alors ... ? Comment on avance dans ce cas ?
C'est très frustrant parce que cette impasse n'est pas pianistique, et toutes les heures de travail ne changeront rien.
Ce qui est sûr, c'est qu'en l'absence de certitude sur la direction à prendre, des pianistes comme toi ou moi ont tendance à se mettre des barrières qui les empêchent un temps d'accéder à quelque chose qui leur soit vraiment personnel (c'est pour ça que je te disais, je crois, de t'occuper un peu moins des moindres indications de la partition du Carnaval de Vienne et d'essayer plutôt de recourir à une imagination plus libre ; le point de vue auquel je suis arrivé est qu'il vaut bien mieux donner un esprit à l'œuvre, même s'il n'est a priori pas en accord avec ce qu'on pourrait penser du compositeur, que de suivre à la lettre des indications). Ce n'est pas pour cela qu'il y a une limitation à leurs possibilités musicales. Et c'est un problème qui ne s'arrange pas en prenant des cours, le professeur n'arrive que rarement à sortir de l'image esthétique qu'il s'est lui-même forgée, pour essayer au contraire "d'entrer" dans celle de l'élève (et je me surprends périodiquement à avoir le même travers dans les commentaires que je fais sur ce qui est posté, par exemple je n'ai pas cherché, avec l'impromptu de Schubert posté par ledessousdesnotes, à examiner comment on pouvait le rendre plus convaincant en conservant son tempo). Il y a un niveau, auquel tu es depuis longtemps, où il faut commencer à prendre les choses autrement. Peut-être que tu pourrais travailler l'opus 101 uniquement dans ta tête, sans jamais toucher un piano, pendant quelques mois (je dis bien quelques mois, pas quelques jours, le processus de construction et d'appropriation est lent ; il m'a fallu plusieurs années, avec des impressions de blocage complet, et surtout en arrêtant d'écouter des enregistrements, pour mener l'opus 110 au point où elle en est sur la vidéo que j'ai postée, la 3ème manière de Beethoven n'est évidente pour personne, même pas les "beethovéniens").
Re: Les sensations psychomotrices au piano
Certes, merci pour ces précisions, fort justes. Mais alors la question revient : comment forger cette image esthétique si elle ne vient pas "naturellement" ? Quelle solution ?
L'attente, donc, d'après ton message ? Tu ne penses pas qu'une plongée (littéraire, musicale etc...) dans l'univers beethovenien pourrait aider en ce sens ?
L'attente, donc, d'après ton message ? Tu ne penses pas qu'une plongée (littéraire, musicale etc...) dans l'univers beethovenien pourrait aider en ce sens ?
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Ca fait plaisir à lire de genre de choses auxquelles j'adhère pleinement pour ma part, c'est ce que je pense depuis pas mal de temps mais j'avais l'impression d'être un peu atypique (comme souvent) et esseulé avec ce genre de tournure de pensée qui dicte mes choix de (petit) répertoire (quel intérêt de jouer comme tout le monde en copiant ce qui est fait en général, si on ne le ressent pas ?)JPS1827 a écrit :.... soit se faire expliquer le sens par un professeur et le mettre en œuvre le mieux possible, c'est la démarche qui donne beaucoup de très bons pianistes auxquels beaucoup s'accordent à trouver un certain manque de personnalité quand ils jouent ces œuvres (c'est ce qui faisait dire à Rubinstein à peu près, je cite de mémoire, "on ne devrait jouer que les œuvres avec lesquelles on est en communion parfaite"),....
...le point de vue auquel je suis arrivé est qu'il vaut bien mieux donner un esprit à l'œuvre, même s'il n'est a priori pas en accord avec ce qu'on pourrait penser du compositeur, que de suivre à la lettre des indications)....
BM
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
J'ai vraiment du mal avec la supposition qu'il faut comprendre un compositeur, sa vie, son monde autant pour réaliser un morceau. J'imagine nos grands compositeurs en train de tourner dans leur tombes "mais, mais...ma belle musique, ça ne vous suffit pas ?" Encore plus clair pour moi - et là c'est la foi qui parle donc je n'ai pas d'arguments à avancer - l'oeuvre parle en soi.
C'est pourquoi ce que JPS propose sonne logique pour moi. C'est qu'il faut apprendre vive ce morceau, donc apprendre ce qui est littéraire, musicale, non. C'est le morceau qui chante, pas le reste. Surtout que nous n'avons pas pour chaque morceau ce que le compositeur était en train de penser quand il a écrit, et ça pourrait être complètement différent que les autres moments de sa vie...
Si au contraire vous - Jean-Luc, Bigrounours, Nox - avez raison, vous proposez alors une immersion complète dans le monde du compositeur avant de jouer un morceau ? Mais il y a des écoles de musique qui enseignent comme ça ? Ou ils doivent selon vous ? Ou je ne comprends pas de tout ce que vous voulez dire ?
C'est pourquoi ce que JPS propose sonne logique pour moi. C'est qu'il faut apprendre vive ce morceau, donc apprendre ce qui est littéraire, musicale, non. C'est le morceau qui chante, pas le reste. Surtout que nous n'avons pas pour chaque morceau ce que le compositeur était en train de penser quand il a écrit, et ça pourrait être complètement différent que les autres moments de sa vie...
Si au contraire vous - Jean-Luc, Bigrounours, Nox - avez raison, vous proposez alors une immersion complète dans le monde du compositeur avant de jouer un morceau ? Mais il y a des écoles de musique qui enseignent comme ça ? Ou ils doivent selon vous ? Ou je ne comprends pas de tout ce que vous voulez dire ?
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Dans les biographies, je vois plutôt des compositeurs qui se disent quelque chose comme : "ils jouent ce que j'écris, mais ils ne comprennent rien à ce qu'ils jouent".Lee a écrit :J'ai vraiment du mal avec la supposition qu'il faut comprendre un compositeur, sa vie, son monde autant pour réaliser un morceau. J'imagine nos grands compositeurs en train de tourner dans leur tombes "mais, mais...ma belle musique, ça ne vous suffit pas ?" Encore plus clair pour moi - et là c'est la foi qui parle donc je n'ai pas d'arguments à avancer - l'oeuvre parle en soi.
Le cas inverse, du genre "Pourquoi ils ne se contentent pas de ce qui est écrit ?", c'est rare. Le seul exemple qui me vient c'est la réaction de Chopin à la lecture de l'article élogieux de Schumann sur son op.2 "Quelle imagination a cet homme !".
Mais tu vois, rien que là on voit que la conception de la musique peut différer d'un compositeur à un autre.
Par exemple Liszt, aussi bien dans les titres que dans les effets sonores, est beaucoup dans le descriptif, presque l'imitation.
Alors que Chopin ne parle que par sa propre voix. Ce sont deux manières très différentes de composer et de jouer du piano.
Et je pense qu'il est important de savoir ça pour interpréter correctement ces compositeurs.
Beethoven c'est encore autre chose pour moi, comme Brahms, c'est une écriture qu'il faut presque penser de manière orchestrale, parce que ce sont des musiciens avant d'être des pianistes comme je l'ai dit.
Schumann c'est encore différent, il cite les autres et lui même, il personnalise sa musique, c'est presque de la personnification...
Tout ça, c'est important, et on peut peut-être le savoir en décortiquant la partition, comme le dit Okay (Oupsi a également rapidement évoqué ce point : le meilleur moyen de connaître Beethoven n'est-il pas de le jouer, justement ?), mais ça me semble un exercice périlleux de reconstituer une personnalité d'après une partition.
Témoin les oeuvres de Chopin justement. Si on regarde l'oeuvre de Chopin, on peut avoir l'impression qu'on a affaire à un dépressif profond (cf le témoignage de bigrounours !), or ce n'est pas le cas. C'est bien plus subtil et complexe que ça.
Et c'est justement une erreur terrible selon moi que de tomber dans un sentimentalisme primaire (auquel la partition pourrait inciter !) chez Chopin.
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Il y a aussi Ravel qui demandait que sa musique soit jouée avant d'être interprétée, et n'attendait pas que ses interprètes aient un don du ciel pour permettre qu'elle soit comprise et appréciée.nox a écrit : Dans les biographies, je vois plutôt des compositeurs qui se disent quelque chose comme : "ils jouent ce que j'écris, mais ils ne comprennent rien à ce qu'ils jouent".
Le cas inverse, du genre "Pourquoi ils ne se contentent pas de ce qui est écrit ?", c'est rare. Le seul exemple qui me vient c'est la réaction de Chopin à la lecture de l'article élogieux de Schumann sur son op.2 "Quelle imagination a cet homme !".
Il me semble tout de même que si un compositeur a du succès, une reconnaissance, du talent voire du génie c'est aussi parce qu'il est capable de composer de telle sorte que ça soit beau si c'est joué correctement.
Modifié en dernier par zebestovol le ven. 28 févr., 2014 21:13, modifié 2 fois.
Re: Les sensations psychomotrices au piano
Tout à fait ! Mais justement pour moi il y a un monde à franchir pour passer du correct au beau, et toute la question est de savoir comment passer cet obstacle.
Pour ma part, j'ai besoin de croire en mon interprétation, et de me convaincre moi même, pour donner vraiment une bonne prestation.
Pour ma part, j'ai besoin de croire en mon interprétation, et de me convaincre moi même, pour donner vraiment une bonne prestation.
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Absolument !nox a écrit : Pour ma part, j'ai besoin de croire en mon interprétation, et de me convaincre moi même, pour donner vraiment une bonne prestation.
Il faut d'une certaine manière s'émouvoir soi même, jouer aussi pour soi même, c'est à dire rester concentré pour continuer à interpréter au mieux, bien loin du jeu automatique.
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Je dirais même qu'il faut d'abord jouer pour soi-même!Ragnarock a écrit : Il faut d'une certaine manière s'émouvoir soi même, jouer aussi pour soi même,
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
C'est vrai
!

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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Je partage aussi cet avis. Une oeuvre est un tout organique "auto-suffisant". Quand on est touché en tant qu'auditeur ou spectateur, sans être au courant de l'histoire de l'oeuvre ou du compositeur, l'émotion est bien là. Pourquoi serait-ce différent au moment d'interpréter une oeuvre que l'on (pense) comprend(re) ?Lee a écrit :J'ai vraiment du mal avec la supposition qu'il faut comprendre un compositeur, sa vie, son monde autant pour réaliser un morceau. J'imagine nos grands compositeurs en train de tourner dans leur tombes "mais, mais...ma belle musique, ça ne vous suffit pas ?" Encore plus clair pour moi - et là c'est la foi qui parle donc je n'ai pas d'arguments à avancer - l'oeuvre parle en soi.
A la limite, j'ai même l'impression que connaître l'histoire du compositeur est presque hors-sujet vis à vis de l'oeuvre à jouer. Et les biographies ne nous renseignent qu'imparfaitement sur leur "vie intérieure". Malgré tout, je comprend que connaître le contexte de composition puisse changer la vision d'une oeuvre (mais cette connaissance efface-t-elle toute imagination ?). Néanmoins, la "puissance" de l'oeuvre, si on arrive à la ressentir, son "esssentialité", finit par éclipser le reste à mon avis.
Je pense que ce n'est pas uniquement des affinités avec des compositeurs, mais avec les oeuvres elle-mêmes.bigrounours a écrit :Je pense qu'on a tous ses compositeurs fétiches.nox a écrit :Effectivement je me rends compte que j'ai beaucoup de mal à savoir quelle direction prendre dans Beethoven, comme dans Schumann ou dans Brahms d'ailleurs.Et je pense que c'est parce que je connais très mal ces compositeurs, ou peut-être que mon caractère fait que je suis naturellement moins en phase avec eux, en tout cas j'ai beaucoup de mal à savoir où emmener ce que je joue, comment le rendre...Je suis en quelque sorte enfermé dans la partition.
Je pense être beaucoup plus en phase avec Beethoven qu'avec Chopin. Je ne l'explique pas c'est comme ça. J'aime beaucoup Chopin mais j'ai tendance à souvent voir quelque chose de larmoyant (j'exagère bien sur). Beethoven correspond plus à mon tempérament et j'ai souvent des bons retours sur les sonates que je joues, par mon prof notamment, alors que techniquement je ne m'estime pas du tout au point.
En fait pour Beethoven j'arrive à fixer ce que je veux exactement (je n'y arrive pas mais je tends vers un objectif précis), pour Chopin c'est beaucoup plus difficile, l'objectif est plus floue et donc plus difficile à atteindre (comme tirer à l'arc sans lunettes, pour un myope).
Je suis plus "chopinien" que "beethovenien" (tiens, c'est marrant ^^ !), mais j'ai du mal à "pénétrer" vraiment les polonaises et les mazurkas, et certains scherzos, par exemple.
Je n'arrive pas à jouer la musique pour piano de Schumann, mais j'adore sa musique de chambre.
Ca me fait penser au paradoxe de l'acteur qui, pour bien jouer, ne doit rien ressentir de ce qu'il joue !Val a écrit :La difficulté, c'est de répartir efficacement ces deux "pensées". Comment peut-on jouer une mazurka sans y penser ? En particulier chez Chopin, la musique demande un certain état d'esprit, qui ne peut être obtenu dans l'exécution "instinctive", et qu'il faut réinventer à chaque fois, il ne faut jamais jouer une œuvre plusieurs fois de la même manière... Mais pourquoi ? Car les moment où l'on se trouve dans l'état d'esprit que nécessite l'œuvre, s'ils sont suffisamment réguliers, peuvent s'inscrire dans la pensée instinctive. Pourrait-on alors jouer une pièce sans la sentir ? Pour autant, techniquement j'en suis presque assuré, mais émotionnellement...
Sommes-nous capables d'exprimer des sentiments profonds sans même qu'ils n'aient été convoqués ? Jusqu'où peut apprendre cette mémoire instinctive, et surtout dans quelle mesure peut-on l'utiliser, face à la pensée ordonnée ?
C'est tout un débat, mais je ne pense pas qu'il faut nécessairement avoir beaucoup "vécu" pour ressentir ou exprimer une émotion authentique. Un minimum d'empathie ou de sym-pathos suffit. Sinon on ne ressentirais pas grand chose au cinéma par exemple. Mais peut-être que le manque de sincérité se ressent aussi.
Ca me rappelle la disserte de philo au bac - c'était "La sensibilité aux oeuvres d'art peut-elle être éduquée ?" ou quelque chose comme ça...Okay a écrit :Je ne pense pas que ce soit un manque de culture ou de connaissances, je suis certain que tu sais largement plus de choses qu'il n'en faut sur ces compositeurs et oeuvres pour les comprendre. On arrive là dans un domaine plus impalpable, beaucoup plus irrationnel, celui de nos affinités les plus personnelles. On n'est plus dans la compréhension ou l'analyse, on est dans le ressenti. Lorsque j'analyse une oeuvre, je ne fais qu'exposer sous un format un peu rationnel ce que me dicte mon ressenti. Ce ressenti, il se construit par une exposition prolongée aux oeuvres, une immersion parfois même excessive, qui peut virer à des obsessions plus ou moins temporaires.

Quelques traductions de poèmes chinois à ma sauce
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Héhéhé... Bien sûr je ne suis pas d'accord...BluePhoenix05 a écrit :Je partage aussi cet avis. Une oeuvre est un tout organique "auto-suffisant". Quand on est touché en tant qu'auditeur ou spectateur, sans être au courant de l'histoire de l'oeuvre ou du compositeur, l'émotion est bien là. Pourquoi serait-ce différent au moment d'interpréter une oeuvre que l'on (pense) comprend(re) ?Lee a écrit :J'ai vraiment du mal avec la supposition qu'il faut comprendre un compositeur, sa vie, son monde autant pour réaliser un morceau. J'imagine nos grands compositeurs en train de tourner dans leur tombes "mais, mais...ma belle musique, ça ne vous suffit pas ?" Encore plus clair pour moi - et là c'est la foi qui parle donc je n'ai pas d'arguments à avancer - l'oeuvre parle en soi.
A la limite, j'ai même l'impression que connaître l'histoire du compositeur est presque hors-sujet vis à vis de l'oeuvre à jouer. Et les biographies ne nous renseignent qu'imparfaitement sur leur "vie intérieure". Malgré tout, je comprend que connaître le contexte de composition puisse changer la vision d'une oeuvre (mais cette connaissance efface-t-elle toute imagination ?). Néanmoins, la "puissance" de l'oeuvre, si on arrive à la ressentir, son "esssentialité", finit par éclipser le reste à mon avis.

En tant qu'auditeur, effectivement ce n'est pas grave, mais en tant qu'interprète, il faut aller bien au-delà de la partition à mon avis. L'interprète saura raconter une histoire qui touchera son auditoire, parce qu'elle sera la plus authentique possible et collera au maximum avec l'écriture.
C'est alors à ce moment précis que la musique va toucher l'inconscient de chacun, parce que le pianiste aura su insuffler une justesse qui parle à l'auditeur : on peut appeler ça un moment de grâce...

Et de savoir tous ces détails, très franchement ça m'aide à donner un sens à une phrase, une direction lorsque je cherche comment jouer une phrase ou un passage entier.
Mais je suis d'accord que tout ce que je viens de dire ne suffit pas. Il faut en effet aussi faire appel à son imaginaire. La puissance d'une oeuvre ne peut se restituer que si on l'a comprise sans avoir fait fausse route.
N'as-tu jamais entendu de très bons pianistes passer complètement à côté d'une oeuvre? Je pense notamment à un certain pianiste Chinois avec d'énormes possibilités techniques et artistiques, mais de ce que j'ai entendu de lui m'est très décevant : http://www.youtube.com/watch?v=org1Tt1NnBY C'est très impressionnant ce qu'il joue, mais pardon d'avance pour les fans qu'il peut y avoir sur ce forum, mais il est totalement à côté de la plaque. Ce n'est pas Chopin!
Par contre ça, il a tout compris le gars : http://www.youtube.com/watch?v=NHV0ByoaKF0
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Re: Les sensations psychomotrices au piano
Merci à tous pour cette conversation passionnante. Elle rationalise un peu des impressions vécues parfois au piano. J'appelle cela bêtement "état de grâce" peut-être parce que l'on a l'impression de s'élever ; au dessus de quoi je ne sais pas vraiment de la technique, de la matérialité ...
Ce moment où l'on n'est plus que musique, où l'on joue ce que l'on entend. C'est peut-être plus un effet secondaire de la "fluidité cognitive" de Okay qu'une cause mais il y a comme une inversion : on n'écoute pas ce que l'on joue, on joue ce que l'on entend.
Cela ne m’ait pas arrivé souvent et jamais sur un morceau en entier. Je n'ai pas l'impression que l'on puisse le contrôler et encore moins le déclencher à volonté. Enfin si quelqu'un sait où se trouve l'interrupteur, je suis preneur
Ce moment où l'on n'est plus que musique, où l'on joue ce que l'on entend. C'est peut-être plus un effet secondaire de la "fluidité cognitive" de Okay qu'une cause mais il y a comme une inversion : on n'écoute pas ce que l'on joue, on joue ce que l'on entend.
Cela ne m’ait pas arrivé souvent et jamais sur un morceau en entier. Je n'ai pas l'impression que l'on puisse le contrôler et encore moins le déclencher à volonté. Enfin si quelqu'un sait où se trouve l'interrupteur, je suis preneur

«J'ai dû m'appliquer; quiconque s'appliquera de la même façon arrivera au même résultat.»
JEAN-SÉBASTIEN BACH
JEAN-SÉBASTIEN BACH