Alors, je vais essayer de répondre le plus précisément possible à toutes ces questions ☺
Tout d’abord, se risquer à déterminer la provenance du feutre une fois en place sur un marteau est une activité très aléatoire, même en pensant connaître quelques ficelles

C’est le jeu du poker menteur. D’une part tout le monde se copie (et Wurzen à ce petit jeu est très bon, un seul exemple, j’ai lu quelque part dans le forum que vous avez entendu parlé du programme européen de recherche « biofelt », et bien le feutrier était Laoureux en collaboration avec les frères Abel. Wurzen a sorti la qualité AA juste derrière… Et pour la petite histoire les lignes jaunes que vous pensez être une signature Wurzen, sont à l’origine une demande d’Abel…

)
D’autre part, les fabricants de marteaux ou les marques de piano n’ont aucun intérêt à dévoiler d’où vient le feutre étant donné que nous sommes seulement 4, voire 5 feutriers dans le monde à en faire. Sur ces 5, il n’y en a que 3 en Europe… Pourquoi donneraient-ils trop d’informations qui pourraient les contraindre à devenir dépendants d’un seul fournisseur

La seule assurance de fournisseur possible ne peut avoir lieu quand dans le cadre d’une relation tripartite entre un fabricant de piano, un fabricant de marteaux et un feutrier. Mais ceci reste très rare et limité aux pianos haut de gamme et de plus est totalement confidentiel.
Donc, malheureusement, pour la rechange, vous ne serez jamais sûr à 100% de la provenance de votre feutre. ☹
Où avez vous vu que l'usine Wurzen avait fermé pour ré-ouvrir ??

Pour nos capacités de production vous avez raison pour les feuilles marteaux, nous nous limitons volontairement à 33 000 pianos maximum par an (nous en faisions 75 000 il y a 30 ans, mais il se vendait plus d'un million de pianos à l'époque). Dépasser cette limite nous obligerait à travailler en plusieurs équipes (investissement très coûteux et très risqué pour le marché piano) ou alors à fabriquer "différemment" pour faire du volume. (Il n'en est pas question !)
Et je dois dire que cette situation nous satisfait car nous saturons chaque années nos capacités

Pour les etouffoirs notre outil de production est dimensionné pour des quantités bien plus importantes.
Concernant la carbonisation, c’est un procédé chimique par bains successifs qui vise à éliminer les débris végétaux contenus dans la laine. Malheureusement, revers de la médaille, ça fragilise la fibre… Cette opération est réalisée bien en amont de la fabrication du feutre. Tous les feutres utilisés dans les pianos sont carbonisés. Après c’est le rôle du feutrier de choisir tel ou tel type de laine en fonction des propriétés physiques recherchées.
Les traitements chimiques pour les feutres pianos sont néfastes pour les propriétés dynamiques. C’est en plus souvent un aveu de faiblesse du feutrier car il existe des moyens de production (certes couteux en temps de main d’œuvre) qui permettent d’obtenir de bons résultats sans aucun traitement (notamment pour la stabilité aux variations d’humidité).
La résistance au déchirement s’appelle pour nous l’élasticité (le terme est d’ailleurs impropre car il s’agit plus en fait de possibilité d’étirement sans rupture). Il faut trouver le bon point d’équilibre car « l’élasticité » nuit à la puissance du marteau. La principale préoccupation de tout bon facteur de marteau est plus en faite la résilience du feutre, qui elle donne la puissance.
Il est vrai que les japonais ont le blanchiment facile ☺ Ils sont parfois plus préoccupés par l’aspect visuel que par le son… C’est un choix.
Vous ne pouvez pas rajouter de la lanoline à un feutre sauf en surface… A l’origine, la lanoline recouvre la fibre comme une gaine. Recréer cette gaine après feutrage et foulage est impossible. On en revient à une question de coût. Travailler la laine en endommageant les fibres le moins possible est réalisable, mais ça demande de travailler moins chaud, à pH plus élevé, donc c’est beaucoup plus long.
Il est exact que le feutre est pressé à chaud (à moins de 130°C car à cette température la laine commence à se dégrader et à jaunir). La presse ne devrait servir en fait que pour égaliser le dimensionnel en épaisseur. Encore une fois, certains feutriers, pour faire des économies obtiennent la densité par écrasement plutôt que par foulage. (pour la même densité, 30 minutes à la presse automatique sans main d’oeuvre, 6 heures à deux personnes (soit 12 heures à payer) au foulon…) La différence, une fois finie ne se voit pas à l’œil. En revanche le feutre pressé regonflera et sera irrégulier dans sa dureté car les fibres sont justes compressées et non emmêlées (je schématise pour faire simple).
Votre impression de feutre imprégné n’en est pas une. C’est parfois le cas, les japonais sont friands de ça (encore une fois solution cache-misère). L’imprégnation est alors réalisée au cours de la fabrication des marteaux lorsque le feutre est déjà collé sur le bois.
Pour les feutres de sous garniture, nous n’en fabriquons plus ici depuis des années. (contraintes de teinture et prix du marché trop bas). Votre information est la bonne. Il ne reste plus qu’un seul feutrier à ma connaissance qui en propose, VFG. La chaleur ne joue pas sur la densité mais je pense que vous parlez plutôt de dureté (pas la même chose, d’autant que la densité est très difficile à contrôler sur un marteau fini, pour info densité=poids/volume). En revanche des colles différentes peuvent jouer sur la dureté du feutre en pénétrant plus ou moins dedans.
A ma connaissance, personne n’utilise de micro-ondes pour le séchage. Nous avions fait des essais il y a une quinzaine d’année avec le concours d’EDF, le feutre brûle à l’intérieur.
Plus que l’alimentation des moutons, leur race est importante. La façon de carboniser est importante aussi car ça peut être destructeur pour la fibre. Les provenances de la laine sont Australie, Nlle Zélande, Afrique du sud.
L’humidité n’est pas un ennemi du feutre en soi, mais je dirais que ça dépend de sa « construction ». Si le foulage est bon, pas de problème. I la densité est obtenue à la presse là…. (pour info, l’hygrométrie de la laine est de 18%, tout l’art consiste à faire un feutre qui ne se transforme pas en éponge et reste stable quelles que soient les conditions).
Malheureusement il n’existe pas de produit miracle pour lui donner une deuxième jeunesse après 50 ans. Le feutre est fait de fibres animales (kératine) qui se dégradent avec le temps et perdent les propriétés pour lesquelles cette matière a été choisie au départ… Vous pouvez comparer ça aux amortisseurs de votre voiture, si vous voulez une tenue de route parfaite vous devez considérer ça comme du consommable et les changer lorsqu’ils sont fatigués. Et puis sérieusement, ça ne coûte pas très cher. Alors plutôt que d’aller faire faire un vernis polyester en Pologne sur un modèle P… (si, si je l’ai vu !)
Pour les signatures, nous en avons mais ceci doit rester confidentiel car ça ne doit servir qu’à nous et à nos clients
Je ne connais pas de feutrier japonais appelé K ☺ (suivant les produits vendus Nikke ou Ambic, mais même groupe). Je ne suis pas dans leur production mais ça m’étonnerait qu’ils mélangent des fibres synthétiques pour des raisons de résistance à l’humidité car le résultat serait alors pire ☺. La fibre de laine est la seule fibre actuellement qui régule naturellement son hygrométrie, lui adjoindre une fibre synthétique serait contre productif. (dans un sens comme dans l’autre, par ex PE ou Viscose).
Vous avez raison quand vous dites que la pure laine est une excellente « barrière » à l’humidité (pour justement cette capacité de régulation, absorption/restitution), un tissus en laine mélangée (Viscose ou coton) a tendance a limiter cette régulation naturelle parcequ’il y a moins de laine.
Pour faire des couverture à cordes vous pouvez employer une feutrine de laine traitée anti-oxydant, vous aurez ainsi, toutes les propriétés recherchées

. (ce produit existe déjà pour l’argenterie…)
Voilà
