Arte : les jeunes stakhanovistes chinois du piano

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Naropa
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Arte : les jeunes stakhanovistes chinois du piano

Message par Naropa »

Une certaine tristesse à voir ces vies familiales gâchées, ces sacrifices énormes parfois au prix de la santé, et cet esprit de compétition forcené pour accéder à une hypothétique carrière pianistique…  Pire, l’absence de musique dans la plupart des extraits musicaux, sans parler de certains pianos totalement faux. Enfin, apparaissent en marge, certaines formes de maltraitances dans l'enseignement…

https://www.youtube.com/watch?v=J8jAoGWxmJU
diez
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Re: Arte : les jeunes stakhanovistes chinois du piano

Message par diez »

On en parle déjà ici viewtopic.php?p=463673#p463673.
Pos
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Re: Arte : les jeunes stakhanovistes chinois du piano

Message par Pos »

Très malaisant ce reportage. Avec mes yeux d’occidentale favorisée, je le trouve d’une telle violence. J’ai mal au cœur pour ces petits, d’une capacité de travail hors du commun mais dont l’expression de l’émotion est bannie ou plus rien ne compte que le challenge, la technique et le dépassement. Sans parler du sacrifice familial. J’aurais bien aimé savoir ce que devient celui qui, malgré un niveau technique élevé, ne peut pas prétendre à une carrière « nourricière » dans le piano. Que deviennent ils ?
freddo
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Re: Arte : les jeunes stakhanovistes chinois du piano

Message par freddo »

Naropa a écrit : mer. 22 mars, 2023 13:55 Arte : les jeunes stakhanovistes chinois du piano
(...)
Enfin, apparaissent en marge, certaines formes de maltraitances dans l'enseignement…
https://www.youtube.com/watch?v=J8jAoGWxmJU
Personnellement, dans ce documentaire, je n'avais pas vu, et ne vois toujours pas, le côté "stakhanoviste" étatique, adjectif [que je ne connaissais pas, mais] qu'on emploie probablement pour sa connotation politique, mais vu plutôt le délire de parents qui utilisent leur(s) enfant(s) pour assouvir des fantasmes de réussite qu'ils n'ont pu eux-mêmes réaliser; pratiques qui doivent bien aussi exister dans nos sociétés occidentales.

D'autre part, de mon point de vue, la maltraitance (relative au contexte) n'est pas marginale mais est, au contraire, le thème principal de ce documentaire.
Remarquons aussi, car c'est fugitif, à 15 min 20s, le rire nauséabond de la femme lorsque le gamin se met à pleurer.

Ceci dit, le débat est bien développé dans les commentaires de la vidéo d'Arte sur YT.
J'apprécie particulièrement la réponse suivante de Joris, (psychiatre) @Candice Breaud :
"- en tant que psychiatre je peux vous dire qu’en passant par cette moulinette on devient très névrosé, et il est très difficile de s’extraire du désir des parents, même à 20 ou 30 ans et a fortiori dans une culture telle que la chinoise. (...)
- À noter que les gens qui envoient leurs gamins dans des écoles privées prestigieuses de musique ne sont aucunement des prolétaires, donc cette histoire d’ « échapper à la misère » est erronée.
- Enfin, l’émotion de voir un enfant s’échiner à rendre fiers ses parents dans l’espoir que ces derniers l’aiment, je vous la laisse volontiers en espérant que vous n’ayez pas d’enfant à ce jour."

ceci en réponse au commentaire de Candice Breaud suivant :
"- Les Européens toujours à critiquer et à exagérer ! Je ressens moi une certaine émotion quand ces enfants jouent ! Celle de vouloir honorer leurs parents, de les rendre fiers, de sortir enfin de la misère !
- Plus tard ces enfants (...) se rendront compte du trésor que leurs parents leur ont mis dans les mains. Pour l'instant ils apprennent !
(...)"

Ce qui m'a aussi étonné, bien que secondaire, c'est de ne pas voir de pianos de marques chinoises, mais des Steinway, des Yamaha, et un Wilhelm Grotrian ... et d'autres choses.
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DIDIER25
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Re: Arte : les jeunes stakhanovistes chinois du piano

Message par DIDIER25 »

Oui, dérangeant et même malsain. Est-ce qu'en l'occurence on ne pousse pas à la musique comme en d'autres temps on pousserait à la guerre avec toujours un esprit de domination ? Mais méfiance, nos émissions de compétitions avec de super-prodiges sont un peu dans la même veine.... Prudence......
ET SI NOUS VALIONS MIEUX QUE LE BONHEUR ? - Franz Liszt.
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elenajalan
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Re: Arte : les jeunes stakhanovistes chinois du piano

Message par elenajalan »

J'ai vu le docu hier soir. J'aurais aimé un reportage plus approfondi, plus analytique. Mais ce qu'on y voit donne envie de fuir la musique. Bon c'est plus doux que ce que relatait le film (traumatisant) sur l'opéra chinois "Adieu ma concubine", mais franchement, l'enfance, elle leur est volée. Et que dire de la séparation d'avec le père pour financer les cours de piano (sauf que maman conduit une Tesla...), des deux nuits de train pour aller au cours de piano, et oui, ce petit qui pleure, sans attirer la compassion des adultes (pourtant filmés !!!), y mettra-t-il ses larmes dans son piano ? Je crains que même là, non, car on leur vole leur expressivité en leur imposant une technicité et un rythme de travail qui me fait penser au travail des enfants (voir le magnifique poème de Victor Hugo qui me revient soudain). Et la virtuosité évaluée lorsqu'ils jouent à deux pianos (caricatural). Cacophonie - abrutissement des Etudes de Frédéric Chopin jusqu'à la nausée......En voyant ces enfants le jouer, je me disais que le pauvre, heureusement qu'il est mort, car lui qui déconseillait formellement à ses élèves de s'abrutir devant le piano, de jouer mécaniquement, et même de dépasser les 3 h de piano quotidiennes, il aurait bondi de voir son oeuvre servir de souffre-douleur (en costume et avec le smile, bien sûr) à ces petits. Quelle musicalité, quel vécu pourraient-ils mettre dans leur jeu ? Où est le plaisir ? Bref....
Allez, pour le plaisir de relire la puissante plume de ce grand maître :

A l’origine de ce texte, sans doute le fait qu’Hugo a visité les caves de Lille (industrie textile) en compagnie de
l’économiste Adolphe Blanqui, frère du révolutionnaire Auguste Blanqui.
Mélancholia

(…)Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain*, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : "Petits comme nous sommes,
"Notre père, voyez ce que nous font les hommes !"
Ô servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme** ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, oeuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les coeurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain -
D'Apollon*** un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : "Où va-t-il ? que veut-il ?"
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre**** et comme le blasphème !
O Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !


Paris, Juillet 1838.
VICTOR HUGO , Les Contemplations, Livre troisième, vers 113-146.
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