Se juger objectivement

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nox
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Se juger objectivement

Message par nox »

Je m'interroge en ce moment sur ce point.

Richter était connu pour être la plupart du temps mécontent de ses prestations, alors que tout le monde criait au génie. Beaucoup de grands artistes sont plus ou moins dans le même cas (Zimerman par exemple a renié la plupart de ses anciens enregistrements qu'il trouvait mauvais).
Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une posture, ou d'un problème de confiance en soi, mais réellement ces pianistes ont un tel niveau d'exigence qu'ils n'entendent dans leurs prestations qu'une succession de défauts.

Je crois que nous sommes plusieurs ici à être dans le même cas (toute proportion gardée :mrgreen: ) : on se trouve moyen/nul/mécontent, alors que d'autres trouvent que ce qu'on fait est très bien (bon, parfois avec un fond de pure gentillesse aussi, on va pas se mentir :) ).

Alors comment savoir ce que vaut vraiment ce qu'on produit ?
Les enregistrements, certes, sont un bon moyen d'avoir une écoute plus neutre et plus objective. Mais ça ne permet de juger qu'une prestation ponctuelle. Très difficile de mettre ça en place pour le travail quotidien.

C'est typiquement le problème que je rencontre en ce moment : plus le travail sur une pièce avance, et plus nos exigences et notre écoute s'affinent, et donc paradoxalement plus on peut être mécontent de ce qu'on produit.

Pensez-vous qu'il y a vraiment un stade à partir duquel on peut objectivement se dire "ça y est, c'est bien ce que je fais !" ? Ou est-on condamnés à être d'éternels insatisfaits, parce que oui, évidemment, on peut toujours aller plus loin ?
Est-ce un travail sur soi qui va au-delà du piano ?
Est-ce plus prosaïquement un choix de pièce trop souvent mal adapté (pièce trop difficile) ?
Presto
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Re: Se juger objectivement

Message par Presto »

nox a écrit : ven. 17 nov., 2017 16:37 Est-ce plus prosaïquement un choix de pièce trop souvent mal adapté (pièce trop difficile) ?
Ne crois pas t'en sortir ainsi ! :wink: Il y a des morceaux qui peuvent nous aller mieux que d'autres, mais je ne sais réellement pas s'il existe des pièces faciles à bien jouer :?
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nox
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Re: Se juger objectivement

Message par nox »

Faut pas exagérer hein. Je suis le premier à dire que les classements par niveau n'ont aucun sens, mais je me sens quand même plus à l'aise pour bien jouer une sonatine de Diabelli qu'une rhapsodie hongroise de Liszt...
On fait souvent l'erreur de choisir des pièces trop difficiles, et de terminer le travail sans être pleinement satisfait du résultat.
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Lee
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Re: Se juger objectivement

Message par Lee »

Je crois, et ça rejoint un peu ce que j'ai écrit sur le fil du trac, qu'il faut avoir une part l'acceptation qu'aucun pianiste est parfait en live et également que chaque pianiste évolue avec du temps, et c'est ce qui doit te motiver et ne pas te décourager, c'est ton évolution...mais comme ton but est axé concours, ça te suffit peut-être pas...

Sinon, tes profs, tes amis pianos, ils doivent pouvoir t'aider "voir vrai" non ?
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
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Okay
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Re: Se juger objectivement

Message par Okay »

Je pense qu’il existe une forme de « minimum » où on peut dire que c’est objectivement bien joué. Cela ne veut pas dire que c’est intéressant voire inspiré, mais juste que le socle des « choses à faire » est bien la, qu’on fait ce qu’il faut faire. C’est à partir de ce socle que le travail passionnant débute.

On ne va pas se mentir, un tel socle correspondrait déjà à un rendu de qualité professionnelle. Je ne dis pas du tout que ce cela doit être l’objectif, mais c’est quelque chose qui me semble constituer un ensemble d’etalons objectifs. C’est le seuil au delà duquel on peut se dire qu’il ne reste quasiment plus rien à reprocher en termes de réalisation instrumentale et musicale (oui, musicale aussi, de manière indissociable). Évidemment, ça peut être parfaitement ennuyeux même avec tout ça, et un pianiste qui en serait loin peut être beaucoup plus passionnant à écouter. Mais la première couche d’interprétation est déjà en place, il n’y a plus de déchets à nettoyer. L’avantage de ce concept de socle, est qu’il concerne seulement des éléments objectifs sur lesquels il est très facile d’en dire « c’est bon » ou « ce n’est pas bon », et qu’on peut sur le principe scanner son jeu et cocher les cases correspondantes à ces items.

Lorsque je dis que c’est objectif, c’est aussi objectif qu’un dessin qui comporterait une erreur manifeste de perspective, ou dont les ombres seraient incohérentes par rapport à la source de lumière. Dommage de foirer la perspective si on est un « génie de la couleur ». En piano c’est pareil, et il y a déjà très fort à faire pour vérifier et travailler sur tous ces éléments. Le plus difficile est surement de savoir où porter son oreille spontanément, de détecter dans le texte tous les pièges où l’on peut mal réaliser des choses. Ma prof dit souvent que le principal problème des étudiants est la « paresse auditive », elle a raison... mais... sans savoir quoi écouter (au dela bien sûr des trivialités), difficile d’activer intelligemment les oreilles !
Il est important de pouvoir verbaliser précisément les défauts, ainsi que la nature des solutions à mettre en face. « Ça sonne bancal », « ca rate une fois sur deux la dessus » ne sert à rien comparé à « la basse n’est pas placée au fond du temps ni suivie  » ou « le 2ème doigt doit être attaqué au bord de la touche et au fond de la touche ».

Je ne sais pas si tout ça est bien clair. Mais l’idée est qu’il y a une montagne de choses objectives qu’on peut mettre en place avant de pouvoir dire qu’on aime le goût d’une interprétation, ceci constitue le socle de notre artisanat. Je ne pourrais pas lister en général tous ces points, mais je pense désormais qu’il est très possible de tous les identifier pour un passage donné, et d’écouter attentivement son jeu en portant son attention sur chaque l’un après l’autre.

Ensuite on peut dire objectivement qu’un pianiste se contente des choses objectives, qu’il n’y met pas son âme, etc. C’est un tout autre chapitre...
Abegg63
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Re: Se juger objectivement

Message par Abegg63 »

Bonjour

Se juger objectivement c’est aussi considérer ses progrès en fonction de ses capacités.
Mes enregistrés d’il y a quelques années sont moins bien que ce que je peux faire aujourd’hui. Cependant je ne suis toujours pas satisfaite.
En règle générale je ne suis jamais pleinement satisfaite de ma façon de jouer. Il manque toujours quelquechose.
Cependant j’ai l’impression que chaque fois j’améliore.

Je crois que la seule façon d’avoir des avis vraiment objectifs serait de faire écouter un enregistrement à des amis sans dire qui joue.
Attention les surprises!

Dire à quelqu’un qu’on connaît bien que ce qu’il joue n’est pas bien c’est toujours difficile. J’ai toujours peur de faire de la peine.
Je me dis que la personne que j’écoute a fait de son mieux et que si son interprétation ne correspond pas à ce que j’aimerais entendre cde n’est pas grave.

Généralement je prends bien les critiques, par contre je me demande souvent comment j’ai fait pour ne pas entendre ce qui n’allait pas. C’est souvent après moi que j’en ai dans ces cas-là parce que je me dis que, biensûr c’était évident que ça n’allait pas et que j’aurais dû m’en rendre compte@
leLama
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Re: Se juger objectivement

Message par leLama »

Sujet passionnant.
Alors comment savoir ce que vaut vraiment ce qu'on produit ?
Je dirais que cette question n'a pas de sens en soi. On ne peut pas se juger soi même. On ne peut pas etre juge et partie. Se poser des questions sur soi-même, sur la valeur de ce qu'on fait, c'est sans fin, et ça peut nous amener me semble-t-il à la fragilité, oscillant entre déprime et manque de modestie. Je prefere partir du constat qu'on est toujours un parmi les autres, moins boin que quelqu'un et meilleur qu'un autre. (Evidemment, ce n'est pas si simple, on se juge souvent implicitement).

Si on arrive à se liberer un peu de la question de la valeur (ce n'est sans doute pas completement possilbe, mais on peut s'efforcer d'aller dans ce sens la), on a je crois davantage de recul et on voit plus clair sur ce qu'on doit faire. On peut lister les points a ameliorer de facon purement technique, et on travaille en priorité ceux qui nous semblent importants pour le long terme et/ou qui nous permettent d'ameliorer signficativement avec peu de travail. On refuse de repondra a la question absolue (qu'est ce que ca vaut ?) mais on accepte de repondre a la question relative ( est-ce que c'est mieux ou moins bien si je change tel ou tel point ?).

Sur le sentiment d'insatisfaction, je pense qu'il est inevitable, qu'il faut vivre avec. Que c'est le moteur de notre progres, et ce n'est que partiellement lié a la qualité de notre jeu. C'est un sentiment desagreable mais utile d'un point de vue darwinien, comme la douleur qui nous evite de nous faire mal et d'abimer notre corps. J'ai entendu des scientifiques parler de la souffrance lors de leurs recherches. Pour certains, les reponses aux problemes sont mal formulees, insatisfaisantes. Ils sont en difficulté face aux textes qu'ils lisent comme un pianiste face a une fausse note. Et ce sentiment de desaccord interieur les pousse a chercher des ameliorations. Au piano, si on lit les interviews de Debargue, on voit qu'il souffre beaucoup. Donc je crois qu'il faut accepter ce sentiment, sans rever qu'on s'en debarassera un jour si on s'ameliore suffisamment.
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Re: Se juger objectivement

Message par franck210 »

nox a écrit : ven. 17 nov., 2017 16:37 C'est typiquement le problème que je rencontre en ce moment : plus le travail sur une pièce avance, et plus nos exigences et notre écoute s'affinent, et donc paradoxalement plus on peut être mécontent de ce qu'on produit.
Okay a écrit : ven. 17 nov., 2017 19:07 Je pense qu’il existe une forme de « minimum » où on peut dire que c’est objectivement bien joué. Cela ne veut pas dire que c’est intéressant voire inspiré, mais juste que le socle des « choses à faire » est bien la, qu’on fait ce qu’il faut faire. C’est à partir de ce socle que le travail passionnant débute.
c'est important de définir cette limite, et effectivement, c'est là que ça devient intéressant.
J'ai pu constater que l'on peut ranger les musiciens (les gens ?) en 2 catégories opposées avec bien sur des frontières élastiques et poreuses, (pas de manichéisme primaire ici [-X ). D'un coté ceux que j’appellerai les "joueurs" où l'on trouvera ceux qui se contentent de jouer les morceaux qu'ils connaissent, à peine capables de faire l'effort d'en apprendre de nouveaux jusqu'à ceux qui pensent travailler la musique mais qui en fait passent la majeur partie de leurs séances à jouer des morceaux ou a essayer de les apprendre,
et de l'autre les "travailleurs" ceux qui s'entrainent avec un objectif et un cheminement plus ou moins construit et raisonné mais qui peuvent perdent de vue ledit objectif.
Autant les premiers sauront (ou pas :D ) se satisfaire d'un niveau moyen et pourront y trouver du plaisir,
autant les seconds peuvent (ou pas :D :D ) succomber sous le poids de la frustration qu'ils s'infligent.

nox a écrit : ven. 17 nov., 2017 16:37 Est-ce un travail sur soi qui va au-delà du piano ?
on peut l'appeler comme ça, ou travailler le non travail, ou travailler le jeu, bref, il faut surtout ne pas oublier de jouer et y consacrer une partie de ses séances de travail.
en résumé, Jouer n'est pas travailler, c'est presque une attitude opposée qui s'exerce et s'entretient
beaucoup jouent en croyant qu'ils travaillent,
beaucoup d'autres oublient de jouer et ne font que travailler, jusqu'à l'infini et au-delàààà :lol:
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Re: Se juger objectivement

Message par Abegg63 »

C’est vrai que se juger soi-même n’est pas évident.

Au cours d’un déménagement j’ai retrouvé une cassette audio sans aucune indication. Je la mets dans mon lecteur;
C’est un concert, ça commence par des sonates de Scarlatti sans grand intérêt;
Ensuite la 4e sonate de Beethoven dont j’aime bien certains passages, d’autres moins mais que je trouve pas mal dans l’ensemble.
Cet enchaînement commence à me rappeler quelque chose;
ensuite une étude de Chopin complètement ratée!
Là plus aucun doute possible, c’est bvien moi dans mes oeuvres mais 20 ans plus tôt!
Il faut dire qu’après ça les études de Chopin j’en ai travaillé mais plus jamais joué en plublic.
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Re: Se juger objectivement

Message par Spianissimo »

Abegg63 a écrit : ven. 17 nov., 2017 19:27 Bonjour

Se juger objectivement c’est aussi considérer ses progrès en fonction de ses capacités.
Mes enregistrés d’il y a quelques années sont moins bien que ce que je peux faire aujourd’hui. Cependant je ne suis toujours pas satisfaite.
En règle générale je ne suis jamais pleinement satisfaite de ma façon de jouer. Il manque toujours quelque chose.
Cependant j’ai l’impression que chaque fois j’améliore.
Tout à fait d'accord, je peux reprendre mot pour mot à mon compte ce que tu dis Abegg. Le titre contient une contradiction, par définition, se juger est subjectif et tout jugement est subjectif, il n'y a que la somme de jugements qui deviennent un début d'objectivité.... par contre, on est bien tous (ou la plupart) conscients de notre niveau et même si ce niveau peut être qualifié de bon, et d'excellent pour certains, ça ne suffit jamais pour soi-même car on est pas dans le jugement mais dans l'action, on fait..., on veut...., on vit...et on donne le meilleur chacun pour atteindre ses objectifs. Aujourd'hui, Nox a besoin des concours qui peuvent apparaître effectivement comme une nécessité pour acquérir quelques certitudes au travers du regard des autres, et pas n'importe quels autres....son niveau et son cheminement le réclament... Il est évident que celui qui gagne un tel concours doit en retirer une immense satisfaction, c'est un socle sur lequel on peut ensuite s'appuyer, dans sa quête...à moment donné, un jury d'experts a dit, "voilà, là, tu es le meilleur"...on ne peut plus penser qu'on est pas bon après ça, ce qui ne signifie pas qu'on passe son temps à se satisfaire de ce verdict...ce n'est pas un aboutissement mais un départ, et une étape.
C'est sympa de parler mais jouons maintenant...
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Cadenza
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Re: Se juger objectivement

Message par Cadenza »

C'est intéressant ce fil.

Je pense en effet que plus l'on excelle dans un domaine, plus l'on devient critique envers soi-même, et souvent plus que les autres.

Mais son niveau d'autocritique dépend aussi des objectifs et du contexte.

Ainsi, personnellement, je trouve que je suis à un niveau où je me satisfais encore de peu. Et parfois pour la bonne raison que je n'ai pas développé la connaissance (théorique, auditive, ou autre) de juger ce que je fais (par exemple, quand quelqu'un m'a fait remarquer que j'accentuais mes 3e temps dans ma valse de Chopin. J'ai été frappée de ne pas m'en être aperçue moi-même et ça m'est devenu évident dès que le commentaire m'a été fait).

Toutefois, si je peux être satisfaite de ma performance pour une vidéo youtube (où je partage mes progrès, avec le fait que je sois débutante exposé en évidence), je ne serais pas satisfaite du même niveau de performance pour une prestation de concert, quand bien même ce serait un concert d'une école de musique : un concert suppose un niveau de préparation élevé. Ce n'est pas un «voici où j'en suis rendue dans mon travail».

Je suis persuadée que je réécouterai mes vidéos dans quelques années (voire dans quelques mois) et que j'y verrai et y entendrai des défauts dont je n'ai pas conscience aujourd'hui. C'est normal, dans un processus d'apprentissage.
Mais je ne pense pas que je deviendrai insatisfaite de ma performance à ce moment-là.
Comme il a été mentionné, il faut aussi se juger en fonction du contexte, de ce que l'on peut réalistement attendre de soi-même.
Et utiliser nos insatisfactions pour avancer, progresser davantage. :)
Mon parcours musical, du jour 1 (février 2016), avec ses hauts et ses bas. ;)
arg

Re: Se juger objectivement

Message par arg »

J'adhère à peu près à ce qui a été dit plus haut.
Cependant, et je ne suis pas sûre de savoir l'expliquer, je crois qu'être satisfait de soi n'est pas incompatible avec le fait qu'il reste largement de quoi améliorer ce qu'on fait. Peut-ete comme une photo que l'on prend à un moment en sachant que si le soleil brillait un peu plus, ou qu'on était une heure plus tard, ou que l'arbre avait moins de feuilles... la photo serait encore mieux. On peut d'ailleurs revenir à un autre moment pour en prendre une autre.
Je crois aussi que si on est vraiment et sincèrement jamais content de ce qu'on fait, on ne peut pas avancer. Il faut quelque chose sur quoi s'appuyer pour progresser et pour continuer à travailler.
Maintenant viser la prestation parfaite me semble une grande illusion, y compris dans un parcours de concours, et bien que je sache très bien que le minimum requis n'est pas le même; que dans une rencontre entre nous par exemple. Ce n'est jamais qu'un jugement par quelques personnes... la démarche d'y aller est en soi particulière et appelle peut-être à rester mécontent de soi tant qu'on n'a pas été rassuré par ce jugement ?
Presto
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Re: Se juger objectivement

Message par Presto »

nox a écrit : ven. 17 nov., 2017 16:37(Zimerman par exemple a renié la plupart de ses anciens enregistrements qu'il trouvait mauvais).
Il a tort, et faut parfois s'arrêter... qu'y a-t-il a jeter dans les premiers enregistrements de Zim ? peut-être ses meilleurs, avec de magnifiques sonates de Brahms, pleines d'élan et magnifiquement interprétées.

Personnellement, je n'aime pas m'écouter a posteriori, ça oscille entre le "ben c'était pas mal", et le "franchement, c'est nul", ce n'est pas grave parce que ce qui compte pour moi c'est l'effort - "la tension vers le texte" on pourrait dire pour faire bien :lol: , ou plus prosaïquement, l'espoir de progresser - pour essayer de faire mieux.

ps, pas sûr que tu te satisfasses de Diabelli, à part des Diabelli :wink:
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
Galadrielle
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Re: Se juger objectivement

Message par Galadrielle »

Bonjour à tous,
c'est une question très intéressante et que je me suis posée à maintes reprises!
Avant de reprendre le piano, je faisais pas mal de peinture (là je n'ai plus le temps, c'est l'un ou l'autre, ou je mets mes filles à la DDASS).
Eh bien je n'étais jamais contente de mes tableaux, même quand ils plaisaient à d'autres. Enfin, c'est plus compliqué que ça; en général, juste après une séance de peinture, alors que j'avais encore le nez dessus, je trouvais que j'avais vachement amélioré ma toile; j'abordais le processus (compliqué) de nettoyage des pinceaux avec une certaine joie dans le cœur; puis je revenais voir mon tableau un peu plus tard, et là à tous les coups j'étais effarée, je ne voyais plus que les défauts. Cela s'explique en partie du fait de la distance : je me tenais alors à un ou deux mètres, ce qui changeait complètement l'impression générale... mais il y avait aussi la distance temporelle, qui me permettait alors de voir le tableau comme une toile extérieure à moi; je le trouvais donc, presque invariablement, horrible.
Complètement déprimée, j'évitais l'immonde chose durant quelques jours, mais il me fallait bien y revenir car je savais que la toile était quelque part dans ma maison, et je ne pouvais vivre entre les même murs qu'une telle abomination (j'exagère à peine).
Je décidais donc fermement de remédier au problème et armée de mes pinceaux et de ma résolution, je revenais à la peinture. Et là, en général, il ne paraissait plus si affreux; certes, ça n'allait pas comme je voulais, mais je pouvais deviner un cheminement qui devait permettre un progrès.

C'est, pour moi, un peu la même chose au piano : quand je viens de jouer mon morceau, j'ai l'impression que c'était assez beau, je suis encore toute dans la musique, toute imprégnée des notes que j'ai fabriquées avec mes doigt (enfin, grandement aidée du piano tout de même, mais bon :-)); mais si par malheur j'écoute un enregistrement juste après, j'ai envie de me jeter sous un train. Enfin, d'arrêter le piano plutôt disons. Puis si, ne supportant pas d'avoir autant raté, je décide de retravailler le morceau, et que je réécoute la chose, je ne trouve pas cela génial, il ne faut pas abuser, mais pas aussi catastrophique que je le pensais...

En conclusion : ces revirements quant à ce que je pense de mes tableaux, ou de mon jeu pianistique, m'amènent à penser que le jugement de ses propres performances est un exercice assez vain, en tout cas me concernant, je n'en suis pas capable; cependant comme il a déjà été souligné par beaucoup, on peut juger en relatif, je pense, des progrès qu'on a fait...
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coignet
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Re: Se juger objectivement

Message par coignet »

Lorsque l'on joue les œuvres des autres comme la plupart d'entre nous, le simple fait d'avoir produit une lecture propre et sans scories, un peu cultivée, et de jouer avec une technique correcte, permet d'approcher quelque chose de satisfaisant, à mon humble goût. Et il s'agit là de quelque chose qui peut être jugé objectivement : technique correcte ou non, jeu propre ou non. Quelques mouvements de l'âme peuvent s'y glisser, et c'est ce qui est le plus difficile à gérer, ou organiser...
En peinture, la situation est beaucoup plus difficile, car, même figurative, elle est complètement personnelle, création intégrale.
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Re: Se juger objectivement

Message par leLama »

coignet a écrit : sam. 18 nov., 2017 23:26 Et il s'agit là de quelque chose qui peut être jugé objectivement : technique correcte ou non, jeu propre ou non.
Je suis d'accord avec ton point qui dit que la partie emotion est plus delicate à évaluer.

Mais Je ne suis pas certain qu'on puisse avoir un jugement objectif meme sur la partie technique. Si on fait jouer la partition par un ordinateur en respectant exactement la partition, le resultat est horriblement metronomique. On est obligé de s'eloigner de la partition si on veut un resultat décent. Il y a des facons de ne pas respecter la partiion qui sont jolies et d'autres non, ca me semble assez subjectif. Idem pour la technique ? Est-ce que Debargue avec ses doigts en araignee ou Horowitz avec ses doigts a plat ont une technique correcte ?
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Re: Se juger objectivement

Message par Galadrielle »

En réponse à Coignet : je ne compare pas vraiment le jeu pianistique en tant que tel à la peinture, mais à mon sens le processus de l'esprit dans lequel on rentre quand on juge sa production reste le même, car bien qu'au piano on joue les œuvres d'autrui, il rentre dans ce jeu beaucoup de nous-même, non tant en terme de création que d'investissement (tout ce temps qu'on y a passé, ce qu'on a sacrifié pour trouver ce temps, l'acharnement à surmonter les difficultés techniques, etc.)
Et d'ailleurs, la peinture, c'est plus ou moins créatif; personnellement je faisais plutôt des portraits, donc l'idée c'était que le résultat évoque autant que possible la personne représentée... pas si loin que ça du piano finalement.
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Re: Se juger objectivement

Message par Arabesque44 »

coignet a écrit : sam. 18 nov., 2017 23:26 Lorsque l'on joue les œuvres des autres comme la plupart d'entre nous, le simple fait d'avoir produit une lecture propre et sans scories, un peu cultivée, et de jouer avec une technique correcte, permet d'approcher quelque chose de satisfaisant, à mon humble goût. Et il s'agit là de quelque chose qui peut être jugé objectivement : technique correcte ou non, jeu propre ou non. Quelques mouvements de l'âme peuvent s'y glisser, et c'est ce qui est le plus difficile à gérer, ou organiser...
En peinture, la situation est beaucoup plus difficile, car, même figurative, elle est complètement personnelle, création intégrale.
D'accord avec cette vision en ce qui me concerne.
J'ai un naturel plutôt optimiste qui porte à positiver et voir les bonnes choses.
Je viens de le constater après m'être enregistrée sur les morceaux en cours.( exercice très utile et j'insiste, pas que l'audio, il faut la vidéo aussi, c'est là qu'on voit le pouce tout raide qui traine dehors, ou ces fichus mouvements verticaux inutiles..)
Déjà, par rapport à il y a 4 ans 1/2 , lors de mes re-débuts, mes mains n'ont plus du tout la même allure, les déplacements sont bien moins hésitants, et les poignets plus souples. Je me trouve presque agréable à regarder :D , avant c'était une véritable épreuve pour moi ( à voir comme à entendre)
Evidemment, on ne se compare pas aux concertistes, mais on mesure ses progrès et on essaie d'estimer ce qu'on peut encore améliorer .
Jouer proprement et à un tempo acceptable , avec musicalité et respect des nuances, c'est mon objectif.

Aucun de ces morceaux du jour n'est montrable en l'état, je travaille ces 4 morceaux depuis 1 à 4 mois, mais il me semble qu'après quelques semaines encore, je serai capable de les jouer correctement, et de les enregistrer "pour de bon.. "
Comme souvent le petit Bach qui n'a l'air de rien ne pardonnera aucune erreur #-o , alors que l'étude de Chopin et le Granados pourront supporter quelques fausses notes ou aléas de tempo... :roll:
Le Schumann ( Romance op 28 n°2) est un cran en dessous en difficulté, donc là je dois viser "zéro défaut" :mrgreen:
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coignet
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Re: Se juger objectivement

Message par coignet »

leLama a écrit : dim. 19 nov., 2017 1:56 Si on fait jouer la partition par un ordinateur en respectant exactement la partition, le resultat est horriblement metronomique.
Oui, c'est plus complexe que ce que j'ai dit, mais lorsque je parle de technique je pense aussi à ce qui est de l'ordre de la diction, de la scansion, c'est ce que j'ai de manière large évoqué sous le nom de culture.
J'ai généralement une idée assez précise de ce que je souhaite faire. Cela évolue pendant le travail, l'approfondissement, la réflexion sur le temps long, mais cela ne perd pas de sa précision. Il me reste essentiellement à réussir à faire ce que j'attends...

@ Galadrielle :
je voulais dire surtout que je trouve la peinture plus difficile que la musique. J'ai peint, et j'ai tout détruit. En revanche, en musique, j'ai parfois été content de moi. Je ne rejoue que depuis peu alors je n'en suis plus là pour l'instant !
franck210
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Re: Se juger objectivement

Message par franck210 »

leLama a écrit : dim. 19 nov., 2017 1:56 Si on fait jouer la partition par un ordinateur en respectant exactement la partition, le resultat est horriblement metronomique.
leLama a écrit : dim. 19 nov., 2017 1:56 On est obligé de s'eloigner de la partition si on veut un resultat décent.
l'ordinateur n'est pas en cause, il ne fait que suivre le programme qu'un homme y a inséré
(et n'as pas encore de problèmes de doigtés et d'articulations à gérer :D )

et la partition n'est pas la musique, mais sa transcription par le même homme,
il n'est pas question de s'éloigner de la partition comme si on refusait de la suivre ou si on osait dénaturer l’œuvre,
il est plutôt question de retrouver la vision du compositeur à travers les informations qu'on trouve sur cette partition,
et la culture joue là un grand rôle.
malheureusement, on voit trop de tempos ou des figures rythmiques massacrés sous prétexte de la recherche d'une plus grande musicalité :roll:

ceci dit, je ne vois pas trop le rapport direct entre l'ordinateur, la technique d'Horowitz et le sujet de l'auto jugement,
à part que la première étape de l' (auto)satisfaction soit déjà de pouvoir jouer la pièce désirée métronomiquement et harmoniquement juste
en utilisant la technique que tu t'es forgé (ou pas :P )
c'est valable autant pour un morceau que pour un exercice ou l'apprentissage d'un geste.
l'auto-jugement commence par la capacité à se fixer un objectif.
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