Lettre ouverte à votre ancien professeur

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
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Kât
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Kât »

Voilà donc l'explication du mot "patate" que tu emploies si souvent pour te qualifier durement.... quel mal peut faire un professeur, et tant d'années pour "passer au dessus"! félicitations pour ta résilience, et puisses tu connaître plein de joies pianistiques à venir Piano panier!
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Arabesque44
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Arabesque44 »

Quel plaisir de te lire Piano-Panier.
On sent en toi tant d'intelligence et de sensibilité qu'on ne te croit absolument pas quand tu nous dit jouer comme une "patate"
Ce prof est un monstre imbécile qui ignorait probablement le mal qu'il pouvait faire.
J'ai le souvenir d'un prof odieux qui avait dit à une élève de 5ème ou 6 ème, un peu timide, lymphatique et enveloppée, sans doute pour essayer de la stimuler( un prof d'allemand d'origine alsacienne , avec l'accent! :lol: )
" Fous êtes assisse là comme une krôsse crotte sur fotre chaisse, melle X..., il faut fous réveiller!"
C'était dans les années 60, les châtiments corporels avaient à peu près disparu de l'EN, mais un prof pouvait encore humilier et harceler publiquement sans aucun risque.
Modifié en dernier par Arabesque44 le dim. 13 mars, 2016 14:24, modifié 1 fois.
Piano-Panier
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Piano-Panier »

Merci à vous deux. Arabasque, pas d'inquiétude : le fait que je joue bien ou mal n'a pas ou plutôt plus d'importance. La seule chose qui importe est que j'aime ça. Peut-être même qu'un jour, j'oserai vous faire écouter. C'est un autre travail sur moi à faire... :P

Et merci à Lee. Très libératrice cette lettre...
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Lee
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Lee »

Merci Piano-Panier pour avoir partagé avec nous. Les profs et les parents ne se rendent pas toujours compte de l'effet de leurs mots, mais c'est très grave.

Contente que tu sois libéré, et que le sens de "patate" soit oublié ou changé par 10.000, chiffre particuliérement aimé par les chinois écrit par le beau caractère 萬 ou
la pomme, le beau fruit que ton prof n'a pas eu le don ou l'intelligence de dé-terrer.
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Mona
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Mona »

Piano-Panier a écrit : le fait que je joue bien ou mal n'a pas ou plutôt plus d'importance. La seule chose qui importe est que j'aime ça.
Oui, en effet, c'est bien là l'essentiel. Mais je trouve incroyable et remarquable que ton amour pour le piano n'ait pas été anéanti par ces paroles infectes. Raison de plus aujourd'hui, pour ne plus laisser quoi que ce soit se mettre en travers de ton chemin pianistique.
Piano-Panier a écrit : Peut-être même qu'un jour, j'oserai vous faire écouter. C'est un autre travail sur moi à faire... :P
Oui, ce serait vraiment une belle victoire ! J'espère que tu oseras ! :D
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jean-séb
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par jean-séb »

Chère Mademoiselle,
Comme il y a longtemps que je ne vous ai écrit ! Il faut dire qu’il y a longtemps que vous n’êtes plus de ce monde et je n’ai pas trouvé d’adresse précise pour vous envoyer une lettre au Paradis. Car je ne doute pas que vous soyez au Paradis. D’ailleurs peut-être y faites-vous du piano lors de goûters sympathiques comme ceux que vous organisiez une fois par an pour vos élèves ; j’espère que Dieu, ou saint Pierre si le Maître a trop à faire, aura arrangé vos pauvres mains qui étaient bien arthritiques la dernière fois que je vous ai vue, très vieille, dans votre malheureux hospice ; vous faisiez pitié en essayant de les mettre sur le clavier et de jouer autre chose que des fausses notes.
Vous êtes forcément au Paradis parce que vous étiez la crème des professeurs, non pas une vieille fille acariâtre mais une demoiselle âgée un peu fantasque, toujours de bonne humeur, habillée de tenues improbables ; je me rappelle bien votre robe mauve de gaze vaporeuse pour ma communion solennelle ; on ne voyait que vous à la sortie de l’église ! Vous étiez très douce ; je ne vous ai entendue qu’une fois ou deux élever le ton, quand j’avais été vraiment été trop paresseux ; sinon vous faisiez semblant de me croire quand je vous disais, comme à mes parents, que j’avais travaillé mon piano une heure chaque jour ; plût à Dieu que j’eusse été plus courageux et moins menteur, mon niveau après quelques années de cours hebdomadaires, aurait été bien meilleur. Tous mes camarades qui avaient commencé le piano en même temps que moi jouaient des morceaux bien plus difficiles que moi. Mais je crois que tous ont abandonné. Alors que vous, vous m’avez fait aimer le piano, vous ne m’en avez pas dégoûté ; vous avez semé la graine qui a germé des années plus tard, une fois que l’enfance heureuse mais indifférente eut fait place à l’âge adulte, en quête de douceur, d’harmonie, d’épanchement. À côté des indispensables grands classiques, vous m’avez fait découvrir des partitions d’auteurs peu connus, des arrangements, pris dans votre immense stock de partitions, et je vous dois donc cette curiosité qui ne m'a pas quitté.
Alors voilà, chère Mademoiselle, je voulais vous dire un grand merci bien tardif. Je regrette de n’avoir jamais parlé avec vous de votre jeunesse et de tous les pianistes que vous aviez connus au début du XXe siècle, une époque si passionnante pour la musique française ; vous deviez avoir mille choses merveilleuses à raconter. Eh bien, vous me les raconterez plus tard, quand je viendrai vous rejoindre. Ô comme j’aimerais être sûr qu’on pourra refaire du quatre mains ensemble là-haut, comme jadis ; qu’est-ce qu’on pouvait rire ensemble.
À bientôt, enfin, pas trop, nous verrons bien.
sylvie piano
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par sylvie piano »

Cher Monsieur,

Longtemps c'est ainsi que je vous ai appelé même si secrètement sur mon agenda j'inscrivais avec affection votre prénom composé d'une autre époque.
Merci, merci ! Merci de m'avoir donné cette magnifique formation qui m'a permis de vivre de ma passion. Merci d'avoir su patiemment construire solidement la technique au service de l'expression de ma personnalité.
Merci de m'avoir vue telle que j'étais et surtout telle que je serai. Merci de m'avoir fait confiance. Merci de m'avoir écoutée parfois au delà des notes. Merci pour Chagall, Proust, et Monet et Valéry et tant d'autres....
Merci pour l'Italie, Sienne et Rome, merci pour hier, merci pour aujourd'hui.
Toutes ces heures passées jusqu'à mes 18 ans, chaque semaine, deux séances, de 30 mn, nous passâmes à 1h, 1h30 puis 2h.....
Vous étiez le professeur idéal pour moi, clair, précis, à chaque nouveau texte votre première phrase était :" comment vas-tu t'y prendre ?". Et de-là les conseils de travail affluaient, je les connaissais à l'avance, j'aurais pu dire chacun des mots ( pas dans l'enfance, je vous ai rencontré à 9 ans).
Votre vocabulaire si riche et précis fut un précieux cadeau. Je relis avec tendresse toutes vos annotations si précises et évocatrices: " vibrant " " comme une incantation.... " sans marteler "...." avec ferveur ".... "Lointain".....

Certaines de vos phrases sont restées si présentes. Les plus fortes: " c'est beau, Sylvie, c'est beau ce que tu fais.... "
" quoi que tu joues tu donnes du chic !"

Mais aussi :" ça n'est pas digne de toi.... " ou bien " c'est tout ??? C'est tout ce que tu m'apportes ?"......

Mais votre propos était toujours juste. Ma confiance était totale, entre vous et moi un profond respect, toujours.

Je vous l'ai dit, je vous l'ai écrit. Sans vous, ma vie aurait été tout autre. La musique ne faisait pas partie de mon univers familial. Vous m'avez permis d'accéder très vite à cet univers parallèle où je me suis vite réfugiée et où j'ai pu laisser épanouir la vraie Sylvie, à loisir, en secret.

Généreusement vous m'avez conduite vers d'autres maîtres, mais sans votre formation, qu'aurais je pu retirer de leur enseignement ?

Aujourd'hui, je vous appelle par votre prénom, Longtemps nous n' échangeâmes plus que par lettres, puis nous nous sommes revus. Puis j'ai eu la force de vous rejouer du piano, et en décembre, alors que je venais de vous jouer la première Partita, et que je revenais vers vous assis sur un canapé, les yeux brillants d'émotion, vous m'avez dit :" Te rends tu compte combien cette situation est unique, tant d'années après ! Quelle chance j'ai ! " Et évoquant Noël tout proche, vous me dîtes " c'est mon cadeau tu sais , ça c'est un vrai cadeau ".
Cet instant si doux, si lumineux, comme une lumière de Noël ne cessera jamais de faire scintiller cette musique de piano qui m'habite et qui nourrit ma vie.

Affectueusement,
Sylvie.
fourmi
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par fourmi »

Très touchant ce fil, et parfois dur à avaler.
Quant à moi, je doute que mes professeurs se soient demandés ce que je pensais de leur enseignement. Je pense qu'ils se demandaient plutôt pourquoi je ne suivais pas leurs consignes et pourquoi je ne travaillais pas... Mais j'ai déjà eu 5 professeurs de piano... Deux m'ont marqué. Certes je ne suis plus de première jeunesse et j'ai eu des périodes d'arrêt du piano, mais suis-je le seul dans ce cas ? Vous avez tous eu 1 seul professeur ?
pianojar
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par pianojar »

Pour ma part j'en ai eu 2 il y a très (trop) longtemps mais au vu des lettres précédentes, ce que je pourrais écrire serait bien mièvre et sans grand intérêt.
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Midas
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Midas »

Bravo pour vos témoignages vraiment très émouvants. Je compatis, Piano-Panier, j'espère que tu surmonteras ce blocage qu'a dû instiller en toi ce professeur insensible. Il faut dépasser le stade du quolibet et faire de ce surnom infâmant une force: "la patate" doit être synonyme d'"avoir la patate", et non de "jouer comme une patate".

J'ai beaucoup aimé les témoignages de Jean-Séb et Sylvie Piano. Sylvie, c'est une chance incroyable d'avoir pu rejouer devant ton professeur, qui doit être très âgé, je suppose maintenant. J'ai cru lire ailleurs qu'un de tes excellents élèves t'avait fait le même cadeau: qu'est-ce que ce serait s'il revenait jouer devant son "grand-professeur"!
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Lee
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Lee »

Merci pour ces nouvelles lettres touchantes et poignantes.

@ Fourmi, je suis presque sûre que ma prof n'aurait pas demandé ce que je pensais de son enseignement, mais dans mon imagination, elle a demandé pour que je puisse répondre ! :mrgreen: Je crois avoir répondu à tes autres questions en haut.
pianojar a écrit :ce que je pourrais écrire serait bien mièvre et sans grand intérêt
Apparemment vis à vis les PMistes, j'aime le mièvre donc si si, je suis interéssée !
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gervaise
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par gervaise »

Je n'ai jamais eu l'idée d'écrire une lettre de ce genre et pourtant je pense à mes professeurs très souvent. J'ai eu plusieurs professeurs, j'ai tiré bénéfice de chacun de leur enseignement mais ...
Je trouve ce fil très intéressant car à la lecture des différents posts, j'ai réalisé que finalement mes pensées étaient brouillonnes et que peut être j'y gagnerais à y mettre de l'ordre.
Merci Lee d'avoir proposé ce sujet.
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Oupsi
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Oupsi »

Ce fil est l'un des plus beaux depuis longtemps! =D>
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Okay
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Okay »

Cher B.,

Après quelques années d’errance musicale à n’écouter aucun professeur, mon étrange cas s’est retrouvé baladé d’adresse en adresse, et j’ai atterri un jour à votre porte. Vous avez accepté de me rencontrer et de m’auditionner sur l’avis enthousiaste d’un ami à vous, en qui vous deviez vous fier. Je me souviens très bien de cette journée, où vous m’aviez reçu avec ma famille dans votre salon aux murs recouverts de livres et partitions jusqu’au plafond. J’ai joué, terriblement mal. J’ai arrêté de moi-même au milieu du deuxième morceau tant je savais que c’était mauvais. Mais je ne pouvais jouer mieux en ce temps là, car vous ne m’aviez encore rien appris ! Vous avez certainement dû tomber de très haut, tant vous m’avez découragé. Je vous en ai beaucoup voulu les jours suivants pour vos mots si durs, qui m’avaient descendu si bas, au point où j’avais désormais honte de toucher un piano. Je pensais que vous m’aviez pris en deux heures ce que j’avais de plus cher. Mais vous étiez beaucoup plus intelligent que ça. Vous avez sûrement pris un grand risque, mais aviez certainement compris que seul un électrochoc digne de ce nom pouvait me sauver de la boulimie de morceaux dont je souffrais, dans la forme la plus aigue qui soit.

C’était le début de l’été. Je n’avais plus de professeur (ce qui était du pareil au même), et n’avais plus envie de jouer du piano. Vous ne m’aviez pas laissé le moindre espoir sur mes chances et mes possibilités. J’ai fini par me rassoir devant le clavier avec votre phrase terrible en tête : « tu ne dois plus jamais faire au piano quelque chose qui ne soit pas bien ». Alors j’ai essayé de m’appliquer, je ne sais pas si c’était beaucoup mieux, mais pour la première fois j’ai commencé à essayer de jouer toutes les notes. Puis j’ai demandé à mon père de m’emmener au Conservatoire de Paris le jour où serait connu le programme du concours d’entrée, que je sache ce qui m’attendait, car malgré votre fin de non recevoir, je ne désirais qu'une chose : rejoindre votre classe. Mes parents vous ont rappelé, et très lourdement insisté, affirmant que ce serait ça ou rien. Vous avez affirmé que je n’avais absolument pas le niveau d’y songer.
J’ignore encore ce qui vous a décidé à me revoir chez vous à nouveau pour m’entendre dans le programme du concours. J’ai joué, pas bien, mais moins mal que la première fois. Sachez que ce jour là, vous m’avez donné - de manière gracieuse et sur plusieurs heures - le cours de piano le plus important de toute ma vie. Vous m’avez donné toutes les clés de votre enseignement. Vous m'avez revu une fois une fois juste avant le concours, j'étais déjà un autre pianiste, je crois que vous avez commencé à y croire. Vous aimiez dire durant ces cinq fabuleuses années où vous m’avez tant choyé et tant donné, que vous ne faisiez que vous répéter. Les mêmes choses, tout le temps. Peu de choses en réalité, si bien que vous êtes toujours assis à côté de moi lorsque je travaille aujourd’hui.

Treize ans depuis votre dernier cours, la semaine dernière je reprends une partition, un texte que j’avais travaillé avec vous, un peu trop lointain pour que ma mémoire l’ait conservé avec précision. J’y ai redécouvert vos annotations au crayon, et j’ai eu la confirmation que quelque chose de très fort s’était produit ces dernières années. Je bute sur un passage épineux, et me dis sans même réfléchir qu’il faut évidemment jouer les doubles croches de la main gauche de plus près, économiser mon articulation, suivre les basses, mieux timbrer le chant à droite. C’est automatique, il faut faire ça et c'est réglé en deux coups de cuillère à pot. Je lève les yeux vers la partition. Etait-ce vous ou moi qui avais écrit « de près », « avancer », « suivre » « net », « timbré », « legato » à tous ces endroits précis ?
Ces mots essaiment toutes mes nouvelles partitions. Vous m’avez offert le plus des cadeaux : les clés de l’autonomie. Vous avez continué de m’apprendre des centaines de pages que je ne vous ai pourtant jamais jouées. Oh, vous auriez certainement encore beaucoup à y redire, je n’en doute pas. Mais la synthèse de vos principes musicaux et pianistiques fait désormais partie de moi, pour toujours. Bien souvent j’arrivais en cours avec un nouveau morceau que vous m’aviez donné, que je jouais fort maladroitement. Puis je ressortais avec un résultat transfiguré, après une simple heure à votre contact. Ca me semblait absolument magique, prodigieux. J’avais pourtant beaucoup travaillé toute la semaine pour que ce soit présentable. Comment pouviez-vous me faire concrètement autant progresser en si peu de temps ? Je ne vous ai jamais vu me jouer quoi que ce soit en cinq ans, au plus vous pouviez battre la mesure de votre crayon sur le meuble du piano. A quoi bon ? La magie n’aurait pas opéré, on n’apprend rien en reproduisant. Alors je vous remercie infiniment de m’avoir révélé si patiemment tous les trucs, ces petits secrets indispensables pour réussir l’illusion. Que cela n'ait plus rien de magique est sans prix.

Matin de la finale du CGAP 2015, je sors d'Assas après avoir pu essayer le Steinway que je jouerai quelques heures plus tard. Je reçois alors un appel mystérieux. Je décroche et reconnais immédiatement votre accent. Nous échangeons pour la première fois depuis toutes ces années, car vous vous êtes débrouillé pour trouver mes nouvelles coordonnées (il semble que ce fut épique), après avoir découvert mon nom sur le programme largement diffusé. Nous nous sommes promis de nous revoir, mais nos emplois du temps ont compliqué les choses. Puis nous nous sommes recroisés par le plus grand des hasards dans un studio de répétition à la fin de l’été dernier (le hasard existe t-il ?). Beaucoup d’émotion partagée, vous n’avez absolument pas changé, moi si. Vous me confiez alors que vous enseignez désormais toute la semaine à Paris. La perche est tendue. Mais cette fois-ci c’est moi qui tarde à vous relancer, craignant peut-être vous rendre un peu de l'autonomie que vous m'avez offert. Mais au fond de moi, je crois que vous seul pourriez m’aider à achever ce qui doit l’être.
Alors je vous dis à bientôt.

O.
Modifié en dernier par Okay le lun. 14 mars, 2016 15:30, modifié 1 fois.
Florestan
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Florestan »

Autant le confesser, ce fil éveille en moi une légère mais déjà détestable jalousie... La preuve du pouvoir évocateur de ses interventions!
gervaise
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par gervaise »

Quand on lit ces lettres, on se dit qu'elles pourraient faire l'objet d'une publication!
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Mona
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Mona »

Okay, ta lettre est vraiment touchante....
Presto
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Presto »

Beau fil,
Je me suis retrouvé dans suffisamment de messages que j'y renonce !
"Vivi felice" Domenico Scarlatti,
Volga
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Volga »

Okay a écrit : Vous m’avez offert le plus des cadeaux : les clés de l’autonomie.

Mais la synthèse de vos principes musicaux et pianistiques fait désormais partie de moi, pour toujours. Bien souvent j’arrivais en cours avec un nouveau morceau que vous m’aviez donné, que je jouais fort maladroitement. Puis je ressortais avec un résultat transfiguré, après une simple heure à votre contact. Ca me semblait absolument magique, prodigieux. J’avais pourtant beaucoup travaillé toute la semaine pour que ce soit présentable. Comment pouviez-vous me faire concrètement autant progresser en si peu de temps ?
Okay, ce que tu écris est merveilleux, tellement émouvant. Tes mots trouvent une véritable résonance en moi. Je ressens la même chose avec ma nouvelle prof. Je l'ai depuis seulement début janvier. J'ai cherché et cherché longtemps un tel professeur . 10 ans d'errance à chercher LE ou LA prof qui déclencherait chez moi une telle envie de jouer et de progresser. Quand je sors de chez elle, j'ai engrangé un tel capital de joie de vivre, d'enthousiasme, de bonheur...oui de bonheur...que j'en ai les larmes aux yeux et que je me dis "mais bien sûr que la vie mérite d'être vécue". Quand je suis arrivée à mon cours en début d'après-midi, mon impromptu de Schubert était plutôt besogneux. Une heure de cours et le voilà transfiguré.... Ma super prof ne me passe rien, elle ne joue pas non plus car elle ne veut pas que je reproduise, mais tous ses conseils qui, pris individuellement, pourraient sembler anodins, mis bout à bout ça fait des merveilles. J'ai remarqué aussi que depuis que je travaille avec cette nouvelle prof, je suis tellement à fond dans mon morceau que quand l'élève suivant rentre, je ne suis plus déstabilisée et je n'ai quasiment pas le trac. Comment remercier un prof capable de tels miracles ? Je n'ai qu'un regret: ne pas l'avoir rencontrée plus tôt. Mais en même temps je me dis que j'aurais pu ne jamais la rencontrer. Mes cours de piano ont pris une autre dimension. C'est comme si je m'ouvrais, comme si mon cœur s'ouvrait. Je n'arrive pas à exprimer ce que je ressens mais je vous assure, c'est du bonheur, un enchantement, un véritable émerveillement....
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Oupsi
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Re: Lettre ouverte à votre ancien professeur

Message par Oupsi »

Voilà un message qui fait plaisir à lire, Volga! Bonne continuation, et bientôt peut-être te joindras-tu à nouveau à une réunion PM?
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