J'ai envie de dire pleins de choses, mais il est tard et je ne rebondirai que sur quelques points de ton premier message Okay.
Désolé d'avance, je n'arrive pas à utiliser les "quote" correctement alors je les ai mis à la main.
Okay : "Ce fil soulève l'un des graals de l'execution musicale, et il y aurait de quoi écrire plusieurs bouquins sur la question (il en existe d'ailleurs plusieurs non ?
). Faute de lui trouver un meilleur nom, je décris cet état fameux comme un état de "fluidité cognitive", que je vais essayer d'expliciter un peu dans la suite."
Je pense en fait que le terme approprié est "l'état de flow", concept developpé par le psychologue hongrois au nom difficilement prononcable de Mihaly Csikszentmihalyi (vous pouvez consulter l'article suivant sur wikipedia mais malheuresement l'onglet "musique" n'a presque pas été developpé
http://fr.wikipedia.org/wiki/Flow_%28psychologie%29).
Okay : "Oui, c'est très utile de souligner ça. L'objectif au piano n'est pas la détente abolue. C'est une hérésie de poursuivre ce but. Comment peut-on jouer du piano en étant comme un chamallow ? Selon les besoins, la force doit être repartie dans les doigts, jusqu'aux poignets, épaules, dos, voire tout le corps. La tension pour moi provient d'une mauvaise repartition de la force entre toutes ces parties. Plus précisément, si par exemple en jouant des octaves très vite on libère les poignets et les coudes mais pas les épaules, ça va coincer. Donc en effet, pour atteindre cet état, il y a déjà un rapport au corps. Généralement, on est trop tendu. Mais parfois on peut aussi être trop détendu, ce qui peut être ravageur pour la sécurité, notamment lorsqu'on a besoin d'attaques égales ou qu'on doit prendre des risques. Il faut bien allouer son energie."
Là je ne suis vraiment pas d'accord. Je pense que la force doit être entièrement localisé dans les doigts et que tout le reste de ton corps doit effectivement ressembler à un chamallow, je renvoie au livre de Monique Deschaussée sur les études de Chopin pour plus de précisions, où même plutôt à son livre "l'homme et le piano" que je ne peux pas encore conseillé néanmoins car ne l'ayant pas encore lu.
Okay : "Ce problème là, c'est de savoir à quel moment se mettre en pilote automatique, et à quel moment redoubler d'attention et de concentration (et sur quoi). On ne peut pas jouer du piano en faisant tout le temps attention, certaines choses doivent être automatisées. Mais pas tout, loin de là. Même lorsqu'on est dans cet état d'inspiration, il y a des balises à suivre, des instructions conscientes à mettre en oeuvre. A nouveau, on fait face à une notion d'équilibre entre ce qui appartient au domaine des reflexes et ce qui appartient à la cognition volontaire. C'est impossible de jouer en visant d'être à 100% sur l'un ou l'autre, c'est en permanance une combinaison des deux. Tout l'art étant de la réaliser."
Là encore, j'ai un point de vu différent du tiens sur la quesiton.
Pour moi justement, le but à rechercher est d'être à 100% sur le domaine des reflexes. Cet objectif est bien sûr presque impossible à atteindre mais il y a diverses techniques qui permettent de l'approcher au maximum.
Et pourquoi donc ?
Je lis en ce moment un livre intitulé "les deux vitesses de la pensée" de Daniel Kahneman, professeur de psychologie cognitive et prix nobel en 2002. Et les "deux vitesses de la pensée" sont justement ces deux systèmes de reflexion que tu met si bien en opposition : "la pensée instinctive, automatique" d'une part et "les instructions conscientes à mettre en oeuvre" d'autre part.
Et dans une partie de son livre, Kahneman parle justement de l'état de flow, et il explique en gros qu'on peut l'atteindre lorsque l'on parvient à rendre une activité qui en théorie devrait être pilotée par le système 2 (le système de pensée qui reflechit avant d'agir donc) par le système 1 (celui qu'on appelle communément l"instinct" ou les "reflexes").
L'état de flow correspondrait donc en fait à la capacité d'être tout à fait instinctif dans une activité qui necessiterait en théorie de la reflexion consciente.
Voilà, je pourrai développer beaucoup plus mais il est bien tard, et je me rend compte que je ne suis pas très clair.
Okay : "Finalement, le piano de Debussy est beaucoup plus voisin de celui de Chopin que de celui de Ravel."
Oui, entièrement d'accord avec toi sur ce point !
Okay : "Oui, ce problème est complètement associé aux sensations. C'est ce que Neuhaus appelle "l'image esthétique" dans la première partie de l'Art du Piano. Pour lui, c'est le point de départ de tout. Et comme le dit bien Oupsi (ce qui fait écho à Neuhaus et à ce que je pense également), l'approche du piano se doit d'être globale, intégrée. L'image esthétique dicte le résultat sonore à obtenir, et ce résultat demande la mise en place de certains moyens, et ces moyens sont associés à des sensations physiques chez l'instrumentiste."
J'apprécie beaucoup ta facon de voir les choses sur ce point (comme sur tant d'autres d'ailleurs !) mais je rajouterai juste que pour moi ce n'est pas l'"image esthétique" qui devrait guider le son mais bien le contraire : il y a des notes au départ, on entend tous les mêmes notes, et pourtant personne ne voit exactement les mêmes images et personne ne met exactement les même mots pour décrire les sensation que procurent tel accord ou telle mélodie. Et même deux grands pianiste peuvent avoir deux conceptions différente d'une même oeuvre sans pour autant qu'aucune des deux ne soit "fausse". Pour moi, le son est là avant toute chose, il habite dans un univers parallèle et toute image ou mot que l'on peut s'efforcer de "coller" à une musique donnée ne restera qu'un pâle reflet de cette réalité sublime qui existe quelque part. Pour résumer, vous pourrez parler tant que vous voulez à votre interlocuteur de cette fameuse sonate pour piano de Beethoven, s'il ne l'a jamais entendu il ne vous comprendra pas.