Rubato a écrit :Difficile de répondre, ne parlant pas l'Allemand !
Si l'on pense aux autres titres cependant, "Curieuse histoire", "Colin-Maillard", je pencherai plutôt pour "étranges" finalement.
J'ai demandé à quelqu'un, d'après son dictionnaire, il semblerait que ça peut vouloir dire les deux.
Et le colin-maillard, ce serait une histoire "d'attrape homme".
Difficile quand on ne parle pas l'allemand, oui.
Je ferais mieux de m'interesser à Titelouze, au moins, je n'aurais pas de problèmes avec la langue.
Littéralement, fremd veut dire "étranger"
Voila les traductions exactes et littérales :
Des pays et des personnes etrangers
Curieuse histoire
Colin-Maillard (le jeu ou on se bande les yeux :p)
L'enfant en priere
Bonheur parfait
Evenement important
Reverie
Au coin du feu
Le cavalier du cheval de bois (littéralement "du cheval bâton", ca désigne simplement ces bâtons avec une tete de cheval qui figuraient un cheval pour les enfants de l'époque )
Presque trop sérieux
Faire peur
L'enfant qui s'endort
Le poete parle
J'ai passé 8 ans en Allemagne, mais j'ai un peu perdu depuis 6 ans : /
Modifié en dernier par nox le jeu. 15 nov., 2007 23:21, modifié 1 fois.
Ne parlant pas l'allemand, la barrière de la langue est bien gênante.
J'ai trouvé de nombreuses traductions différentes.
Mais les mots, d'après ce que je vois, peuvent se traduire de plein de façons différentes, n'ont pas une unique traduction.
Ainsi, l'amie à qui j'ai demandé m'a bien dit qu'il y avait un doute entre étranger et "étrange" pour la première pièce.
Même chose pour la 4eme 'ton "enfant en prière". dans un traduction, j'ai même trouvé plus fort : "l'enfant supplie". C'est aussi un souhait semble-t-il. Ca peut aussi être la réclamation ? Une prière d'enfant, il faut mieux la comprendre dans ce sens je pense ?
louna a écrit :Ne parlant pas l'allemand, la barrière de la langue est bien gênante.
J'ai trouvé de nombreuses traductions différentes.
Mais les mots, d'après ce que je vois, peuvent se traduire de plein de façons différentes, n'ont pas une unique traduction.
Ainsi, l'amie à qui j'ai demandé m'a bien dit qu'il y avait un doute entre étranger et "étrange" pour la première pièce.
Même chose pour la 4eme 'ton "enfant en prière". dans un traduction, j'ai même trouvé plus fort : "l'enfant supplie". C'est aussi un souhait semble-t-il. Ca peut aussi être la réclamation ? Une prière d'enfant, il faut mieux la comprendre dans ce sens je pense ?
Louna, les traductions comme Nox les a donné sont correctes ("Des pays et des personnes étrangers" et "l'enfant en prière" (ou encore plus précis mais moins beau: l'enfant en priant"))
Pour moi il n'y a pas de doute ou d'ambiguïté..
Enfant en priere, ca n'est pas prier au sens religieux, mais "demander", dans le sens "prier quelqu'un"
Donc Louna a raison
(ne pas confondre bitten et beten )
En effet. Je n'avais pas fait attention.
Mais dans ce cas "L'enfant en prière" n'est peut-être pas un traduction correct!! Ca devrait être "l'enfant suppliant" (l'enfant qui supplie)...Comme Louna a dit..
louna a écrit :
J'ai trouvé de nombreuses traductions différentes.
Mais les mots, d'après ce que je vois, peuvent se traduire de plein de façons différentes, n'ont pas une unique traduction.
Ainsi, l'amie à qui j'ai demandé m'a bien dit qu'il y avait un doute entre étranger et "étrange" pour la première pièce.
Absolument, et je trouve Nox bien optimiste ou naïf de croire qu'il peut y avoir LA ou même UNE traduction exacte et littérale en toutes circonstances. Si certains titres se traduisent bien, d'autres n'ont pas forcément d'équivalent simple qui dénotent les mêmes connotations. Ainsi, Louna, tu as parfaitement raison, "fremd" signifie à la fois "étrange" et "étranger" d'où la présence constante des deux traductions. Comme le dit un correspondant allemand dans le lien http://forum.wordreference.com/archive/ ... 56595.html
ce sont des pays à la fois étrangers et étranges (exotiques). "Ausländer" suffirait pour dire "étranger" par simple opposition à "national". Il y a en anglais des choses un peu similaires entre "foreigner" et "stranger".
Quant à Hasche Mann qui signifie littéralement "attrape homme", c'est sûrement un jeu d'enfants, mais il me semble difficile de savoir s'il correspond exactement à Colin-Maillard. En anglais, le nombre de traductions données à cette pièce montre l'embarras : Catch me, Blindman's Buff (or bluff), Hide and seek (qui en principe est plutôt cache-cache), catch as catch can catch me if you can, etc. Là encore le lien ci-dessus donne des pistes intéressantes. D'après ce que je peux lire et comprendre des citations anciennes de "haschenmann", voire "haschenmännchen" et "haschen", il s'agit simplement de s'attraper, sans nécessairement avoir un bandeau sur les yeux. Cela cadre d'ailleurs mieux avec la musique qui suggère la vivacité d'une course, et moins celle d'une recherche à l'aveugle, par tâtonnements comme dans colin-maillard. Peut-être est-ce plus proche de "jouer à chat", mais pour cela, il faudrait avoir l'avis d'Allemands qui s'y connaissent dans les jeux d'enfants. J'observe en tout cas que dans la caricature représentée ici : http://www.vulture-bookz.de/imagebank/K ... mann).html
l'Allemagne qui attrape la France pour saisir l'Alsace -Lorraine n'a pas les yeux bandés bien qu'il soit question de "Haschenmännchen".
Jean-Séb
jean-séb a écrit :
Absolument, et je trouve Nox bien optimiste ou naïf de croire qu'il peut y avoir LA ou même UNE traduction exacte et littérale en toutes circonstances.
Ola ola, restons zens. Il n'est pas question d'optimisme ou de naïveté.
Par "exact" je veux dire "littéral", evidemment ... Je n'ai pas la prétention de traduire ces titres mieux que les traductions couramment données. Je veux simplement que chacun puisse se forger sa propre traduction en se basant sur les termes exacts.
Pour ce qui est du Hasche-mann, ne connaissant pas l'équivalent exact, je m'en suis tenu à la traduction courante.
Merci Jean-Seb, tes explications vont dans le sens de ce que je pensais.
"Fremden" veut donc dire à la fois "étranger" et "étrange" comme j'avais cru le comprendre ?
Ne pratiquant pas l'allemand, j'ai peur de m'avancer. Pour moi, on pourrait donc, comme je le disais plus haut, plutot traduire ça par "exotique" ? Qui serait à la fois étrange et étranger ?
Bien noté aussi que la 4eme pièce est bien un souhait d'un enfant qui demande quelque chose. On pourrait presque imaginer alors son "bonheur parfait" qui suit, lorsqu'il eut enfin ce qu'il souhaitait ?
Concernant le "colin maillard", j'ai eu le même avis de la personne qui m'a aidé ce matin, elle ne sait pas comment les Allemands appellent ce jeu où l'on se bande les yeux, mais pour elle, elle traduisait "hasche-Mann" comme "attrape-homme". Ce qui, comme toi, me semblait plus logique par rapport à la musique. La "poursuite" presque, contrairement au tatonnement.
Du coup, tous ces titres me laissent assez interrogative.
De même que les ovrages que j'ai pu lire traduits de l'allemand (le journal, les lettres, le livre d'Eugénie Schumann...)
Que nous reste-il du texte original ? Le traducteur se rerouve à jouer un rôle d'interprête.
Et interprêter à partir d'interprètations... Est-ce nécessaire ?
Pourquoi vouloir retrouver les évocations exactes de Schumann ? Pourquoi ne pas, à partir de ces titres, rendre tes propres émotions et tes propres perceptions, tout simplement ce que ces morceaux t'évoquent à toi. Je crois que c'était avant tout le souhait de Schumann
"Reminiscences d'un adulte pour les adultes"
"Comme j'ai rêvé en les écrivant"
Je crois que c'est cette derniere phrase qu'il faut rendre avant tout
non ?
C'est un peu stéril ce débat sur la traduction je trouve. S'il y avait une traduction exacte et fidele, elle serait identique partout.
Pour ce qui est de "fremd", pour moi ca veut bien dire "etranger" ici, sachant bien que ce mot est à placer dans la bouche d'un enfant, et que pour un enfant, un pays étranger, c'est un pays étrange, mystérieux, et plus proche du pérou que du luxembourg !
nox a écrit :Pourquoi vouloir retrouver les évocations exactes de Schumann ? Pourquoi ne pas, à partir de ces titres, rendre tes propres émotions et tes propres perceptions, tout simplement ce que ces morceaux t'évoquent à toi. Je crois que c'était avant tout le souhait de Schumann
"Reminiscences d'un adulte pour les adultes"
"Comme j'ai rêvé en les écrivant"
Je crois que c'est cette derniere phrase qu'il faut rendre avant tout
non ?
En fait, je joue rarement au "feeling".
l'impulsion profonde et spontannée a parfois ses limites.
Le souhait de Schumann, je ne le connais pas. Personne ne peut se vanter de le connaître. Il faisait tourner les tables, je devrais en faire autant pour avoir les réponses à mes questions.
Mais disons que c'est ma manière de bosser mon piano.
C'est un peu stéril ce débat sur la traduction je trouve.
Ben moi, je trouve que les titres de ces pièces sont très importants, et doivent être considérés dans toutes leurs dimensions quand on apprend ces pièces.
louna a écrit :
Ben moi, je trouve que les titres de ces pièces sont très importants, et doivent être considérés dans toutes leurs dimensions quand on apprend ces pièces.
Oui, comprendre l'intention de Schumann, je suis d'accord, apres savoir si dans le jeu d'enfant, le gosse à les yeux bandés ou non : /
Ca n'est pas l'évocation en elle meme qui est importante, mais le souvenir et le sentiment que Schumann y rattachait. Je pense que les pieces sont assez parlantes et évocatrices par elles memes à ce niveau la.
Mais bon c'est vrai que je peux comprendre que dans certains cas, ca change pas mal, comme pour l'enfant en priere.
Voilà ce que j'ai au sujet des Scènes d'Enfants de Schumann:
L'édition sur laquelle je les ai étudiées s'intitule Edito Musica Budapest. Elles sont toutes écrites en 3 langues (sauf en Français). Il y a très longtemps, j'ai écrit au crayon sur chacune d'elles les titres en Français mais je ne me rappelle plus où je suis allé les chercher. Je possède aussi une autre édition, Française celle-là de Gérard Billaudot (je n'ai jamais étudié dessus, elle est restée neuve.)
Sur Edito Musica Budapest, j'ai écrit:
1/ Des pays mystérieux
2/ Curieuse histoire
3/ Colin-Maillard
4/ L'enfant prie
5/ Bonheur parfait
6/ Grave évènement
7/ Rêverie
8/ Au coin du feu
9/ Sur le cheval de bois
10/ Presque trop sérieux
11/ Faire peur
12/ L'enfant s'endort
13/ Le poète parle
Sur l'édition de Gérard Billaudot c'est écrit:
1/ Des pays lointains
2/ Une merveilleuse histoire
3/ Cache-cache
4/ Supplication enfantine
5/ En plein bonheur
6/ Un gros évènement
7/ Rêverie
8/ Au coin de l'âtre
9/ A cheval sur une monture en bois
10/ Un peu trop sérieux
11/ Faire peur
12/ L'enfant va s'endormir
13/ La voix du poète
Il se fait tard maintenant mais demain je posterai un texte au sujet des Scènes d'Enfants qui peut-être vous intéressera.
La 11eme est aussi parfois présentée sous le titre "croquemitaine".
Je pense bien qu'ici, il ne s'agit pas d'avoir réellement peur de quelque chose, mais comme dans le reste des scènes, de jouer à faire peur, ou même à se faire peur. Ou peut-être aussi les histoires qu'on raconte aux enfants.
Comme la "terrible histoire du fantôme blanc, hou hou, j'en tremble".
Cortot traduit la pemière pièce par des contrées imaginaires et des êtres mystérieux.
Je vous enverrai pa mail à toi et Rubato cette édition Cortot, qui présente de jolis textes.
jean-séb a écrit :
Absolument, et je trouve Nox bien optimiste ou naïf de croire qu'il peut y avoir LA ou même UNE traduction exacte et littérale en toutes circonstances.
Ola ola, restons zens. Il n'est pas question d'optimisme ou de naïveté.
Par "exact" je veux dire "littéral", evidemment ... Je n'ai pas la prétention de traduire ces titres mieux que les traductions couramment données. Je veux simplement que chacun puisse se forger sa propre traduction en se basant sur les termes exacts.
Pour ce qui est du Hasche-mann, ne connaissant pas l'équivalent exact, je m'en suis tenu à la traduction courante.
Oui, Nox, c'est bien ce que je critiquais dans ton affirmation d'apporter une traduction exacte, alors que pour "Haschemann" notamment, et dans une moindre mesure pour les autres, il n'y a pas forcément une traduction exacte, et en tout cas, celle qui était donnée par toi n'est pas forcément plus exacte, même si elle est la plus courante.
Cela dit, c'était pour ... causer, car sur le fond, comme toi, je ne pense pas qu'il faille attacher tant d'importance que ça aux titres, tout en respectant la démarche originale de Louna (chacun voit midi à sa porte). À moins que Schumann n'ait explicitement ou implicitement dit que les titres étaient capitaux dans sa musique, je pense qu'ils ne sont qu'une vague évocation (souvent donnée a posteriori, et même parfois par l'éditeur). Une traduction précise n'est donc pas nécessaire pour moi ; disons que le titre donne peut-être une indication de l'atmosphère générale, mais quand je joue le morceau, je me sens libre de créer mon atmosphère, en fonction de ce que je ressens ce jour-là, et même si ce n'est pas forcément ce qu'a voulu le compositeur.
Jean-Séb
Schumann vient, en fin janvier-début février 1838, d'écrire d'un seul jet les Novelettes op.21. Clara Wieck est à Vienne, éloignée de son fiancé Robert. Seule la musique permet au compositeur d'assumer cette séparation; elle jaillit dans un flot ininterrompu. Du journal de Schumann, le 12 février 1838: "composé de jolies petites choses; jusqu'à samedi composé des scènes d'enfants...", le 24 février: "composé la petite pièce Rêverie". Une trentaine de petites pièces naissent ainsi jour après jour, presque minute après minute. Des années plus tard, parlant de ses Scènes d'Enfants et les opposant aux pièces de l'Album de la jeunesse opus 68, Schumann dira: "Elles sont les regards rétrospectifs des parents sur leur enfance et sont destinées aux grandes personnes." L'indication est précieuse: récréation, souvenir de l'enfance par un adulte, poésie faite de douceur et de nostalgie et non point imagerie descriptive destinée à des enfants. Sur le moment, du reste Schumann l'explique clairement à Clara: "Est-ce une réponse inconsciente à ce que tu m'écrivis un jour: "Tu me fais l'impression d'un enfant ?" S'il en est ainsi, tu verras que des ailes ont poussé à cet enfant, car j'ai écrit plus de trente petites pièces et j'en ai choisi une douzaine que je réunirai sous le nom de Scènes d'enfants. Tu prendras sans doute plaisir à les jouer, mais il te faudra oublier que tu es une virtuose !...Il faudra te garder des effets, et te laisser aller à leur grâce toute simple, naturelle et sans apprêt."
Schumann a sélectionné treize des pièces composées et en a ordonné lui-même la succession. Il a donné, après les avoir composées, un titre à chacune des pièces. Symboliquement, le cycle s'ouvre sur l'élargissement du monde et se clôt en rendant la parole au poète; c'est assez définir la réalité onirique de l'oeuvre en ses diverses étapes.
L'exigence de pureté et de simplicité, telle que l'a définie Schumann à propos de cette oeuvre, se concrétise par la brièveté des pièces, par la simplicité de leurs schémas formels, par la facilité des tonalités employées (toutes avec des dièses à l'armure, sauf les Numéros 7 et 8, les deux seules à comporter un bémol; en général un, deux ou trois dièses, sauf le numéro 10, curieusement dans une tonalité peu facile: sol dièse mineur).
En sol majeur, le N°1 évoque les pays et les peuples étrangers, Von fremden Ländern und Menschen ((hommage indirect vers Clara, lointaine en ses tournées ?), le chant s'élève et retombe doucement; étranger, il n'affirme pas la tonique, mais prend appui sur la tierce; nostalgique, il s'angoisse, passe au nineur (mi mineur). Les triolets de croches, en un registre médian, bercent doucement ce rêve.
La curieuse histoire, N°2, Kuriose Geschichte, doit parvenir de ces pays lointains entrevus précédemment; elle raconte en ré majeur (dominante de sol), sur un rythme vif à 3/4 et avec l'assurance que procure la solidité du rapport à la dominante (ici la majeur) largement utilisée. La partie de Colin-Maillard, N°3, Hasche-Mann, se joue à la relative mineure (si) du N°2; de quoi faire peut-être un peu peur, ce que suggère aussi la tendance chromatique; tandis que le perpétuel staccato et le rythme de la marche (2/4) bien marqué indiquent la vivacité du jeu un peu cruel dans ses dérobades successives.
Vers quel désir informulé s'élève la demande de l'enfant, Bittendes Kind N°4 ? Le recours à une ligne mélodique si proche de celle du N°1 (et à sa mesure à 2/4), comme le refus de la tonique (ré majeur) et la primauté donnée à la dominante (la majeur), laissent entendre que le désir n'est pas d'ordre matériel, mais se situe à un niveau beaucoup plus profond. Y serait-il répondu ? La question reste en suspens et la pièce s'achève sur un accord de septième de dominante.
Le bonheur parfait, Glückes Genug, N°5, comporte peut-être la réponse. Dans la même tonalité et la même mesure que le N° précédent, s'élève à la voix supérieure un chant tranquille que la voix basse reprend en canon. Toute la pièce est construite sur ce dialogue, cette recherche de communion, qui se réalise symboliquement dans les dernières mesures, dans la marche inverse et convergente des deux voix vers l'accord final.
L'évènement important, Wichtige Begebenheit, N°6, se célèbre en la majeur et à 3/4 par un thème aux accents bien appuyés, volontairement grave et accompagné solennellement comme un choral.
C'est presque ensemble qu'il faut examiner les deux pièces suivantes, numéros 7 et 8. Toutes deux sont en fa majeur, isolées dans leur tonalité à bémol au milieu des onze autre pièces, et démarrant toutes deux sur le même intervalle ascendant de quarte (do-fa). La Rêverie, N°7, Träumerei, a été ardemment défendue par Alban Berg dans sa polémique contre Hans Pfitzner. La souplesse de la mélodie et la liberté de la démarche harmonique (avec une large utilisation de la sous-dominante et du relatif) se coulent dans un style contrapuntique très élaboré. Le raffinement dans l'écriture donne une profondeur toute particulière à cette rêverie, pudique mais étrangère à toute mièverie. Le repos qui suit, devant la cheminée, Am Camin (2/4), est lui aussi subtilement raffiné; sa deuxième partie joue sur une curieuse polytonalité: une mélodie en sol majeur au-dessus d'une pédale de dominante de fa majeur, tonalité de la pièce. Le cavalier sur son cheval de bois, Ritter von Steckenpferd, N°9, caracole en ut majeur et sur un rythme à 3/4, en une danse syncopée, tant et si bien qu'il en perd la tête et inverse les rôles des diverses voix réparties à l'origine.
Presque trop sérieuse, Fast zu ernst, N°10, l'histoire s'établie d'emblée comme étrangère au sein des autres pièces, dans sa tonalité difficile et inhabituelle de sol dièse mineur qu'accompagne l'indication de rythme (unique elle aussi pour le cycle) de 2/8. La progression se fait par touches légères, dans une grande économie de moyens: qu'est-ce qui se dit ? L'énigme demeure.
La pièce à faire peur, Furchtenmachen, N°11, en sol majeur et à 2/4, y parvient par les brusques ruptures de temps qu'elle impose et par le chromatisme qui s'insinue dans l'accompagnement de sa ligne mélodique.
L'enfant qui s'endort, Kind im Einschlummern, N°12, repose sur le balancement régulier et rassurant du rapport tonique-dominante; c'est la respiration même de l'enfant (mesure à 2/4) curieusement en mi mineur. Le plus extraordinaire dans cette brève pièce est sans doute l'illumination et la chaleur qui émane du passage au mi majeur (ouverture sur l'univers onirique ?) qui forme le centre de la pièce; celle-ci ne conclut pas, le sommeil laisse les choses en suspens, le dernier accord, longuement tenu, est un accord de sous-dominante.
Et puisque la porte est maintenant grande ouverte au rêve, il ne reste plus qu'au poète à parler, Der Dichter spricht. En sol majeur, tonalité de la toute première pièce, il commence lentement, s'aventure pas à pas dans de nouveaux paysages, retrouve au gré de son chemin les indications de pays étrangers évoqués au tout début, se perd en une transisition récitative, se laisse aller à l'improvisation, reprend au début le fil de sa pensée...tant dévènements, vécus avec une si profonde intériorité, en si peu de mesures.
La boucle est bouclée, mais rien n'est clos pour autant, puisque le dernier mot est encore au poète.
Emergeant de la composition de ses Scènes d'Enfant, Schumann se jette à corps perdu dans une nouvelle oeuvre et, en quelques semaines, dans la fièvre, compose ses Kreisleriana opus 16.
Peux-tu me dire s'il te plait de quel ouvrage il provient ? Je ne possède aucun ouvrage de Brigitte Massin sur Schumann.
JS a écrit :À moins que Schumann n'ait explicitement ou implicitement dit que les titres étaient capitaux dans sa musique, je pense qu'ils ne sont qu'une vague évocation (souvent donnée a posteriori, et même parfois par l'éditeur).
Schumann a bien rajouté ces titres après la composition des pièces. Ce n'est pas de la musique à programme.
Donc, il est certain que ces titres ne sont qu'une évocation, visant à guider un peu l'interprête.
Cependant, je considère aussi que Schumann est un poète. Il accordait une grande importance au poids des mots. dans toutes ses partitions, au fur et à mesure, il généralisera l'emploi de l'allemand. Sa patrie, sa langue, lui étaient très chers, et il était homme de lettres. Quand il écrit, il ne fait pas ça comme une liste de courses !
En ce sens, je pense donc que les tires furent murement choisis, et ont leur importance et leur signification. Peut-être pas directement en rapport à la musique qu'ils évoquent, mais par rapport aux espoirs en l'avenir de ce futur époux et papa. Et par là, ils ont leur importance, et ne doivent pas être négligés, à mon avis.