Désolé pour les anglophobes... mais pas de raison d'en priver les autres. Et puis y'a assez de musique pour contenter tout le monde
J'ai vu aujourd'hui une vidéo incroyable... une émission télé où Bernstein offre une vision illustrée de l'art de l'interprétation, d'une lisibilité et d'une intelligence extraordinaires. Franchement je manque de superlatifs.
Le début est basé sur l'ouverture de la symphonie héroïque de Beethoven, fascinant. Le dialogue imaginaire entre maestro A et Z est hilarant, le métronome en prend pour son grade au passage ! Je pense que ces exemples certes caricaturaux sont le message le plus fort de l'émission... on commence même à rentrer dans la réflexion sur le texte... qui tempère quelque peu l'idée du jeu de devinettes et d'instinct qu'il met en avant.
Puis il est vite question de Bach et des problèmes très spéciaux qu'il pose aux interprètes en raison d'un texte lapidaire... le parallèle proposé avec le début d'Hamlet est d'une pertinence complète.
Il est alors question de Gould, qu'on voit tout jeune jouer avec Bernstein le premier mouvement du concerto en ré mineur de Bach. C'est admirablement filmé... et je ne pense pas avoir deja senti d'aussi près la science du piano de Gould, immense dans cette version, servir une sensibilité à fleur de peau, certes dans un "monde fermé". On peut se demander si les années n'ont pas laissé cette science obsessionnelle tout envahir... pour s'en convaincre les deux versions des Goldberg me semblent édifiantes, tant le culot juvénile de la première est remplacé par la nano-chirurgie de la seconde 30 ans après. Écouter ce mouvement après les explications de Bernstein sur les problèmes d'interprétations liés à Bach, révèle la quantité de choix que l'interprète a du effectuer. Le texte doit ici être littéralement "interprété". Et avec l'intelligence colossale et l'ouverture de Bernstein, qui parvient à rentrer dans le monde fermé du soliste, ça marche !
La question suivante attaque l'autre extrême du problème, et est tout aussi passionnante... est-ce qu'un compositeur qui au contraire, laisse plein d'instructions sur la partition ne pose pas un problème encore plus grand à l'interprète ? C'est abordé via le chant lyrique... où on découvre que Bernstein avait un brin de voix !
Et on termine par un témoignage historique qui boucle le parcours intellectuel : il confie sa baguette à Stravinsky, que l'on voit donc "interpréter" sa propre musique...
https://youtu.be/9Nx09pigZRI