Bach pélude F Major BWV 927

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BluePhoenix05
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Re: Bach pélude F Major BWV 927

Message par BluePhoenix05 »

JPS1827 a écrit : Pour mettre les mains ensemble, je me rappelle avoir fait travailler ce prélude à un jeune corniste qui faisait un peu de piano et qui avait les plus grandes difficultés à mettre les mains ensemble, alors qu'il était déjà arrivé à jouer assez bien les mains séparées. je lui ai alors demandé quelle "stratégie mentale" il utilisait pour mettre les mains ensemble. Il m'a alors expliqué qu'il utilisait des stratégies de type kinesthésiques (je bouge ce doigt-là pendant que je bouge l'autre à la main droite, je lève la main en tenant l'autre etc.). Je lui ai alors demandé de laisser tomber cette façon de faire et de simplement vouloir écouter la ligne de main gauche pendant qu'il jouait la main droite (pour laquelle il avait déjà acquis un bon automatisme, une mode "compilé" comme Okay le disait sur un autre fil). Le résultat a été quasi miraculeux, en 15 mn il avait mis les mains ensemble.
Donc : travailler mains séparées jusqu'à ce qu'on puisse jouer en suivant simplement une mélodie sans penser à ses doigts, puis mettre les mains ensemble d'abord très lentement pour prendre connaissance des notes qui tombent ensemble par le geste (il y a quand même une étape kinesthésique au début) et aussi par l'oreille (entendre les rencontres de notes), puis ensuite un peu plus vite en se concentrant sur les lignes mélodiques à entendre (mais c'est évidemment impossible si on en est encore à hésiter quand on joue mains séparées). Ce ne sont pas les mouvements des doigts qui finissent par satisfaire l'oreille du pianiste, c'est son oreille qui lui fait bouger les doigts…
JPS1827 a écrit : Ensuite, quand on met les mains ensemble, j'insiste sur le fait que ce n'est pas en se disant "je joue le pouce à gauche pendant que je joue le 2 à droite", ou autres choses de ce genre, qu'on avance, mais en essayant de reproduire globalement ce qu'on a chantonné avant (quelques repères physiques, comme "ici les pouces jouent ensemble", peuvent être utile, mais ce ne sont que des repères).
Vraiment intéressant, c'est tout à fait ça, et ça s'applique à d'autres domaines. Au moment de l'apprentissage d'un geste, on va essayer de maîtriser ce qui bouge et diriger le mouvement (même si je ne qualifierais pas cette étape de kinesthésique). Mais une fois qu'on joue, il ne faut plus penser aux muscles qui bougent ni essayer de les contrôler, sinon il y a vraiment trop de choses à penser et on ne s'en sort pas !

Malheureusement je me rends compte que c'est ce genre de stratégie que j'ai appliqué lorsque j'ai commencé à utiliser la pédale. (Je pense qu'on me l'a assez mal enseigné et d'autre part le fait de n'avoir pas un bon piano sous la main n'a pas aidé.) Le fait qu'on doive la mettre après avoir joué la touche et non en même temps, puis penser à l'enlever, ça demande un contrôle cérébral au début !

Mais comment travailler ensuite la pédale sachant qu'on ne peut pas vraiment jouer "pied séparé" ni écouter la pédale seule ? J'aimerais acquérir une meilleure dextérité (du pied lol :mrgreen: ) et subtilité concernant l'utilisation de la pédale. Ca passe par l'écoute bien sûr, connaîtriez-vous des stratégies à mettre en place ? Des problèmes similaires peuvent-il se poser pour la pédale de gauche ? (je ne l'utilise actuellement quasiment pas)

Je n'ose même pas imaginer comment je m'embrouillerais si javais l'occasion de jouer du vibraphone : la pédale doit être mise avant que la note ne soit jouée ! :shock:
D'ailleurs c'est un instrument magnifique dans le jazz.
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JPS1827
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Re: Bach pélude F Major BWV 927

Message par JPS1827 »

Le plus difficile avec la pédale est d'entendre réellement l'effet produit. En dehors des sempiternelles réflexions sur la pédale "cache-misère", il faut bien reconnaître qu'il est parfois très séduisant d'en mettre très peu et de la changer plusieurs fois dans une même harmonie. Par exemple, dans le 1er nocturne de Chopin, il n'est parfois pas facile de la garder toute une mesure. L'idéal serait de définir d'abord quelle résonance harmonique on veut obtenir et ensuite d'adapter la façon de jouer.
Je me rappelle de nombreux cours avec Inger Södergren où je disais "cette pédale là n'est pas possible, elle brouille tout", et où elle me répondait : "cette pédale est excellente, c'est vous qui brouillez tout avec vos doigts", l'exemple qui suivait était en général très démonstratif, voire humiliant…
Disons qu'une pédale qui convient très bien à un pianiste chevronné n'est pas forcément la meilleure pour un élève en cours d'apprentissage. Chaque stade dans la progression s'accompagne d'une évolution dans l'emploi de la pédale.
Quant aux généralités du style "les bons pianistes mettent très peu de pédale etc." elles ne servent strictement à rien. Il faut d'abord apprendre à se fier à ses oreilles (au prix d'erreurs bien sûr) puis ensuite s'y fier effectivement (pour ma part je n'ai plus vraiment confiance en mon oreille pour la pédale, et je demande souvent à quelqu'un d'autre ce qu'il faut en penser). j'aimerais connaître l'avis d'Okay dont l'ancien professeur est un véritable maître en la matière.
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Okay
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Re: Bach pélude F Major BWV 927

Message par Okay »

Généralement dans les cours, les remarques que je recevais sur la pédale étaient liées au fait que j’en mettais soit trop, soit que je la plaçais mal. Mon problème n'était pas vraiment l'économie de pédale, loin de là. Il y a vraiment plusieurs écoles pour la pédale, et celle de mon prof n’est a priori pas celle d’en mettre peu, mais de l’utiliser très dynamiquement. Par exemple, il utilisait souvent l’expression « pédale tremblante » dans les passages un peu rapides et instables harmoniquement, et qui pourtant se passaient difficilement de pédale. C’est un conseil que je trouve toujours extrêmement utile, faire une espèce de tremblement de demi-pédale produit souvent l’effet voulu sans trop savoir comment on s’y est pris.

Il me conseillait souvent aussi de changer la pédale deux fois plus souvent que ce que je faisais, évidement dans les cas où je gardais une pédale aberrante (la pédale n’est clairement pas mon point fort), mais aussi parfois lorsque par exemple une harmonie se répétait identiquement deux fois par mesure. Plutôt qu’une pédale par mesure, il me faisait changer deux fois. Sur le coup, je ne comprenais pas trop pourquoi, maintenant avec le recul ça me semble évident. Il n’existe pas de règle comme « garder la pédale tant que l’harmonie ne change ». Un exemple parlant de ce phénomène faussement mystérieux: je n’ai pas travaillé l’étude op25 n°1 avec lui, mais dans les deux premières mesures, essayez de changer la pédale à chaque temps au lieu de la garder lorsque l’harmonie de la bémol se répète à l’identique. Le gain de clarté est juste édifiant.

L’autre conseil récurrent (en fait ce que je rapporte là est à mon avis davantage le reflet de mes défauts que de l’enseignement sur la pédale de mon ancien prof) était de faire très attention à proprement attraper les basses. Par proprement, je veux dire n’attraper que la basse et pas ce qui précède, et lorsque la basse est prise, « vider » la pédale au bon moment. J’aime aussi beaucoup cette expression très figurée : « vider » la pédale. Lorsque la pédale est mise, on accumule un stock de sons, et à un moment, il faut bien vider ce réservoir.

Ensuite, j’ai pu recevoir d’autres conseils différents à d’autres occasions. L’un d’entre eux m’a particulièrement marqué. Désolé d’avance pour le manque de modestie dans ce qui suit, mais si je ne rapporte pas tout, on ne pourra pas comprendre l’idée. J’ai joué le 4e concerto de Beethoven en master class avec France Clidat, que j‘avais bien sur préparé avec mon prof. Après le développement du premier mouvement, il y a une ou deux mesures avec une gamme montante de mi bémol majeur à toute allure, mains parallèles et pianissimo. France Clidat me dit « pas de pédale dans la gamme ». Evidemment, je la jouais avec pédale à mon prof, et il n’y a jamais vu de problème. Là-dessus je dis avec un véritable embarras : « mais je ne vois pas comment l’enlever, ça va être très sec ». Elle me dit avec un air presque suffisant : « mais avec la technique que vous avez, vous n’avez pas besoin de pédale dans les gammes comme ça, ça brouille tout, allez enlevez là ». Sur ce et certainement tout rouge, je m’exécute, rejoue le passage en question sans un gramme de pédale, et je trouve le résultat vraiment peu satisfaisant, je m’arrête et la regarde, m’attendant à voir son jugement premier remis en question. Et bien pas du tout : « Ben vous voyez, c’est beaucoup mieux comme ça, poursuivons ». Comme quoi, il y a aussi une dimension esthétique purement subjective dans tout ça.

Enfin, pour ce qui est de la remarque reçue par JPS, c’est quelque chose que je comprends désormais mais depuis peu de temps, c’est-à-dire depuis les derniers mois où je peux davantage travailler sur un piano correct. En fait l’idée de tout brouiller avec les doigts, pour le coup embrouille l’esprit. L’idée c’est qu’avec des plans sonores très bien réalisés juste avec les doigts, très distincts, on peut se permettre de tenir la pédale davantage. Quelque part, je pense qu’il existe un principe parfois applicable disant que « plus les plans sonores sont bien étagés, plus on peut se permettre des largesses avec la pédale ». Je suis plongé en ce moment (et encore pour longtemps) dans la 3e sonate de Chopin. Le dernier Chopin est particulièrement chromatique, ce qui peut rendre la pédale cauchemardesque à bien des égards. Et bien je me suis aperçu que dans mon travail sur le son, l’étagement des plans sonores rendait acceptable des pédales tenues beaucoup plus longtemps qu’on ne le penserait. Quand la pédale « tremblante » ne donne rien (car on perd la basse avec une telle pédale) et que la pédale tonale est encore moins la solution car impossible de jongler avec elle plusieurs fois par mesure, c’est d’après moi la seule solution.
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Moderato Cantabile
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Re: Bach pélude F Major BWV 927

Message par Moderato Cantabile »

Merci JPS et Okay pour cet échange . C'est vraiment passionnant et très clair en plus ! =D>
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Re: Bach pélude F Major BWV 927

Message par nox »

Okay a écrit :Un exemple parlant de ce phénomène faussement mystérieux: je n’ai pas travaillé l’étude op25 n°1 avec lui, mais dans les deux premières mesures, essayez de changer la pédale à chaque temps au lieu de la garder lorsque l’harmonie de la bémol se répète à l’identique. Le gain de clarté est juste édifiant.
Sur cette étude pour ma part, je pense ne jamais dépasser le stade de demi-pédale. C'est un "truc" que j'ai lu dans les recommandations de Cortot je crois, sur cette étude.

Pour le reste, c'est vraiment très intéressant, merci à vous deux. C'est dur de se rendre compte de ce que voulait dire Inger Södergren sans avoir vraiment l'exemple "avant/après". Je me fais une idée, mais j'aurai je pense beaucoup de mal à la concrétiser. C'est une super piste de recherche en tout cas.

Pour ma part, j'ai deux gros problèmes avec la pédale :
1/ C'est je crois le travail qui demande le plus de recul dans son écoute pour vraiment se rendre compte de ce qu'on produit. Il faut une écoute très neutre, très déconnectée des doigts. Souvent il y a un monde entre le rendu qu'on pense donner, et celui qu'on entend si on s'enregistre. Une bonne gestion de la pédale, avec la finesse que vous décrivez ici, ça demande une sacrée expérience et une capacité d'écoute très avancée.

2/ Je trouve que ça dépend beaucoup des pianos et de l'acoustique de la pièce. Quand je travaillais la sonate en si b Majeur (K.333) de Mozart, je suivais les directives de mon professeur : aucune pédale, une fois que le morceau sera parfaitement su, on verra pour en ajouter par petite touche éventuellement. Eh bien chez moi c'était un enfer, ça sonnait comme un exercice. Mais quelle métamorphose sur le piano à queue de l'école Cortot, dans des salles avec beaucoup plus de résonance et de clarté ! Effectivement le jeu "sans pédale" prenait tout son sens !
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Lee
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Re: Bach pélude F Major BWV 927

Message par Lee »

Nox a écrit :je suivais les directives de mon professeur : aucune pédale, une fois que le morceau sera parfaitement su, on verra pour en ajouter par petite touche éventuellement.
Chaque fois ou pour des morceaux en particulier ? (Très intéressant, merci aux piliers de PM.)
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BluePhoenix05
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Re: Bach pélude F Major BWV 927

Message par BluePhoenix05 »

Merci pour toutes ces réflexions très intéressantes.

Personnllement j'ai tendance à devenir "pedal-addict", au sens où j'ai l'envie irrépressible d'accompagner chaque son avec au moins une légère touche de pédale, sinon le son me paraît "pauvre" (ce qui fait de la pédale la "touche" la plus importante du piano :mrgreen: ). Ca veut dire qu'on garde toujours un contrôle et une attention permanents sur le pied, d'un autre côté on s'habitue à avoir continuellement (voire ne plus être gêné par) une sorte de résonance diffuse qui n'encourage pas la précision, donc il faut vraiment enlever ou changer la pédale de façon très franche régulièrement. Ca prend aussi du temps d'attendre que le son "se vidange".
Okay a écrit :Par exemple, il utilisait souvent l’expression « pédale tremblante » dans les passages un peu rapides et instables harmoniquement, et qui pourtant se passaient difficilement de pédale. C’est un conseil que je trouve toujours extrêmement utile, faire une espèce de tremblement de demi-pédale produit souvent l’effet voulu sans trop savoir comment on s’y est pris.
J'allais justement te demander si tu faisais ça consciemment avec le pied, en "oscillations" régulières ou bien plus ou moins chaotiques... mais si tu contrôles ça par l'écoute comme je le suppose, tu ne sauras pas forcément m'apporter la réponse :(. Ma prof appelle ça (une énième sorte de) "vibrato-pédale". Vous avez peut-être entendu cette dénomination pour d'autres techniques ?

Il m'arrive aussi de changer une ou plusieurs fois la pédale si c'est la même note qui est tenue, ça peut donner aussi un effet intéressant, ou bien tenter de simuler un fp, ou un bien un changement de couleur au milieu de la note.
Okay a écrit :Il me conseillait souvent aussi de changer la pédale deux fois plus souvent que ce que je faisais, évidement dans les cas où je gardais une pédale aberrante (la pédale n’est clairement pas mon point fort), mais aussi parfois lorsque par exemple une harmonie se répétait identiquement deux fois par mesure. Plutôt qu’une pédale par mesure, il me faisait changer deux fois. Sur le coup, je ne comprenais pas trop pourquoi, maintenant avec le recul ça me semble évident. Il n’existe pas de règle comme « garder la pédale tant que l’harmonie ne change ». Un exemple parlant de ce phénomène faussement mystérieux: je n’ai pas travaillé l’étude op25 n°1 avec lui, mais dans les deux premières mesures, essayez de changer la pédale à chaque temps au lieu de la garder lorsque l’harmonie de la bémol se répète à l’identique. Le gain de clarté est juste édifiant.
Ca permet aussi de ne pas faire de crescendo non-intentionnel... J'utilise plutôt la solution de fraction de pédale de nox pour cette étude. En fait ça me fatigue le pied de devoir le changer souvent de façon vite et précise (et silencieuse, ce qui est dur aussi), donc j'ai plutôt tendance à faire toutes sortes de mini-pédales sans oser la relever ni l'enfoncer à fond. C'est pour cela qu'il me faudrait trouver des moyens pour mieux "travailler" le pied. :-|

Sur les gammes aussi j'aime bien mettre un peu de pédale, je sais que ce n'est pas au goût de tous (surtout pour la gamme chromatique). Je fais ça en particulier lorsqu'il y a un son (généralement la 1ere note de la gamme) qu'on veut jouer légèrement plus forte et timbrée pour la faire tenir jusqu'au point d'arrivée de la gamme.

Concernant l'étagement des plans sonores, je suis par exemple aussi persuadé (ou alors je me persuade :wink:) qu'on peut jouer des staccatos en laissant quand même une certaine dose de pédale (ou en tout cas suggérer le staccato). Mais c'est vraiment dur à réussir pour obtenir l'effet voulu. Un jeu net, distinct et phrasé dans les doigts est primordial en plus du dosage du pied. J'essaie actuellement cela sur le 2e mvt de la sonate Pastorale de Beethoven. Si ça marche pas je jouerai sans.
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Re: Bach pélude F Major BWV 927

Message par nox »

Lee a écrit : Chaque fois ou pour des morceaux en particulier ?
Uniquement pour cette sonate de Mozart.
Mozart est un compositeur très particulier à travailler, je trouve.
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