Pas tout à fait dans le sujet, mais intéressant quand même ; voici un extrait d'un texte écrit par Horowitz et publié en 1951 (c'est assez rare, Horowitz a surtout donné des interviews au cours de sa carrière). Le titre de l'article est "Students must help themselves" (je suis responsable de la traduction, donc vous excuserez les formulations un peu alambiquées

).
"L’amateur qui souhaiter apprécier la musique peut développer ses capacités musicales à n’importe quel âge. En revanche, pour une pratique artistique professionnelle, un véritable sentiment musical doit être inné ou acquis à un âge si précoce qu’il en devient une seconde nature. Ce véritable sentiment musical ne peut pas être acquis plus tard au cours de la vie. Ni la volonté ni le travail ne peuvent l’engendrer : il doit être là. Lorsque cette véritable capacité intérieure existe, son développement est par contre l’affaire d’une vie. Le travail suppose une bonne condition physique et de l’endurance ; une approche enthousiaste de la musique ; une pratique rigoureuse ; un état d’esprit paradoxal dans lequel on réalise que la perfection est impossible à atteindre, tout en essayant à chaque instant de s’en approcher.
C’est ma conviction profonde que de longues heures de pratique sont moins efficaces que quelques heures de travail intenses avec beaucoup de concentration. Il est physiquement impossible de s’exercer au mieux, à son meilleur niveau, plus de deux ou trois heures d’affilée. A cette limite, arrêtez-vous, videz-vous l’esprit avec une promenade ou un livre. Ensuite, revenez au travail. Certes, dans certaines circonstances particulières, de longues heures sont parfois nécessaires (mémorisation, résolution de problèmes spécifiques de mécanismes). Mais l’interprétation doit toujours être envisagée avec un esprit frais et disponible.
Le jeune pianiste d’aujourd’hui tend à se spécialiser à outrance : il est pianiste, donc se concentre sur le piano. Mais ce n’est pas logique : le musicien doit exprimer la musique, et pour cela, doit développer une connaissance des autres formes d’art (littérature, architecture, théâtre, musique symphonique, musique de chambre, opéra, ballet). C’est ainsi qu’il devient un artiste complet capable de toucher le public.
Il est tout à fait possible de trop travailler un morceau. Dès que vous avez saisi la conception générale du morceau, travailler les détails avec soin, séparément, en isolant les passages. Il n’est pas toujours nécessaire de répéter le morceau dans son intégralité. Un morceau joué dans le travail 1000 fois, risque, quand il est joué en public, de sonner comme la 1001 ième répétition, et pas mieux que cela.
Dans mon travail, pour une œuvre d’ampleur, je joue le morceau en entier afin de disposer d’une vue d’ensemble de sa structure et de sa signification. Ensuite, je ne le joue plus ainsi jusqu’au moment de l’exécution publique. Je travaille plutôt des sections, des détails : un mouvement un jour, un autre le lendemain. Quand je rassemble les sections, leur exécution est sécurisée, et la continuité du morceau demeure assurée."