Merci beaucoup Jean-Michel de ton compte rendu sur le concert de Montpellier, j'ai beaucoup apprécié.
Jean-Michel Verdier a écrit :J'ai le sentiment que, par rapport à l'attitude qu'il avait lors du Tchaikovsky, il a évolué : il est plus rentré dans le rang, moins habité dirais-je. Je verrai si ça se confirme à la Roque d'Anthéron à la fin du mois...
Oui, j'espère beaucoup que tu nous feras aussi un compte rendu pour ce concert... auquel j'aurais dû assister d'ailleurs, mais les aléas de la vie hélas

. Est-ce que Lucas est vraiment rentré dans le rang ? Je ne pense pas qu'on puisse juger ça sur une seule prestation d'un concerto. C'est beaucoup plus contraignant qu'un récital, sans compter que c'était la première fois qu'il jouait ce concerto, et la première fois avec cet orchestre et avec ce chef... Faut lui donner le temps.
Je note ta mention que l'orchestre l'enterrait parfois... c'est hélas souvent le cas en concerto même avec les pianistes russes, qui sont pourtant entraînés à taper fort ! J'ai 'entendu' (si on peut dire) Trifonov avec l'OSM dans le 3e de Prokofiev à Montréal en mars et malgré que j'étais au parterre, je ne l'entendais pas la moitié du temps...

. Ces chefs, je suis certaine qu'ils sont tous sourds.
Jean-Michel Verdier a écrit :Si quelqu'un écoute, ça m'intéressera d'avoir ses commentaires (certainement plus perspicaces que les miens).
Je l'écouterai certainement (sur le web) mais ce n'est certes pas moi qui pourrai avoir des commentaires plus perspicaces que les tiens

. Mais si ça t'intéresse, j'ai lu plusieurs critiques 'professionnelles' dans la presse, qui m'ont d'ailleurs fait doucement rigoler tellement ça se contredit (c'est moi qui souligne):
******
1)
"
La première partie du concert donne à entendre le Concerto en sol de Ravel sous les doigts du jeune pianiste français Lucas Debargue, lauréat du dernier concours Tchaikovski. Nécessitant beaucoup de virtuosité, ce Concerto requiert également une liberté d’esprit que le pianiste semble posséder au plus haut point. L’influence du jazz n’en ressort que mieux sous les soubresauts et les glissandi déchaînés. Tout en étant d’une grande rigueur rythmique, il témoigne, dans le premier mouvement (Allegramente), d’une joie espiègle et presque enfantine. Dans l’Adagio assai, on apprécie l’émotion intérieure mais vibrante de la cantilène, qui s’achève sur l’entrée de la flûte. Debargue nous fait vivre ici trois minutes de temps suspendu, relayée ensuite par des vents tout aussi admirables. On retrouve le brillant acrobate qu’il est dans un Presto final qui ne peut que charmer l’auditoire par l’agilité, la maîtrise technique et, surtout, la fraîcheur dégagées par le jeune pianiste. En guise de bis, il interprète – avec beaucoup de sensibilité - le Menuet sur le nom de Haydn du même Ravel."
http://www.lalettredumusicien.fr/s/arti ... ontpellier
2)
"
C'est la première fois que le pianiste Lucas Debargue joue le Concerto en sol, de Ravel, en public, et qu'il se produit avec orchestre en France - l'Orchestre national du Capitole de Toulouse, sous la direction d'Andris Poga. C'est vrai qu'on attend Debargue dans Ravel, dont il a sublimé Gaspard de la nuit au dernier concours Tchaïkovski de Moscou. Mais le jeune homme paraît tendu, son beau piano inventif plus distant. Le célèbre «Adagio assai» du deuxième mouvement semble prisonnier de la clarté d'un premier plan sans zones d'ombre; le pianiste se fondra dans la masse orchestrale une fois le thème rendu.
Il y a visiblement une mésentente avec le chef à propos des tempos: Debargue est presque toujours en avance, comme s'il étouffait. Les qualités du chef d'orchestre, dont le nom circule pour reprendre l'Orchestre national de Lyon, ne sont pas à remettre en cause. La Symphonie fantastique, de Berlioz, prouvera que le Letton sait conduire avec maestria les grandes visées berlioziennes."
Marie-Aude Roux, Le Monde , 16 juillet -
http://www.lemonde.fr/musiques/article/ ... 54986.html pour les abonnés
3)
"
En première partie, le festival, qui aime l'inédit, avait demandé à Lucas Debargue de jouer pour la première fois le « Concerto en sol » de Ravel. Le jeune pianiste, malgré un sens du tempo un peu trop élastique, fascine par la liberté, la spontanéité et le raffinement de son jeu : la musique semble naître sous ses doigts."
http://www.lesechos.fr/week-end/culture ... 015033.php
4)
"
D'emblée son jeu est marqué par une liberté singulière, dans un strict respect de la partition. La dynamique, la variété des touchers sont remarquables. Poésie, recueillement, un piano frémissant, débarrassé de tout pathos, des basses percussives à souhait, l'aisance de Lucas Debargue est prodigieuse.[...] L'adagio assai chante, respire plus que jamais, des phrasés amples, une retenue particulière où chaque note a son propre poids, sans ostentation faussement lyrique. L'orchestre entre avec une délicatesse admirable. La progression continue, refuse le spectaculaire. Tout est admirable, les bois particulièrement. Le finale, presto, est pyrotechnique, on le sait. Mais ici, il tourbillonne, porté par une énergie débordante, jamais brouillonne. Le chef, le soliste et les musiciens sont manifestement heureux et fiers de ces instants exceptionnels."
http://www.musicologie.org/16/fantastiq ... rgues.html
5)
Le mardi 12, Lucas Debargue joue pour la première fois en public le Concerto en sol de Ravel. Il est dans son élément, le dialogue avec l’orchestre est heureux et fructueux ; des formules pianistiques telles que des accords alternés ou arpégés, qu’il joue en martelant ou en caressant, et des inspirations empruntées au jazz, semblent lui donner plus de liberté. Son interprétation tranquillement passionnée dans l’« Adagio » central offre une sorte de clair-obscur saisissant avec la tonicité des deux mouvements extrêmes. ('tranquillement passionnée'... s'agirait-il du 'détachement brendelien' mentionné dans l'article du
Midi libre cité plus haut par Pianojar ?)
http://www.resmusica.com/2016/07/20/le- ... e-dorient/
******
Alors Jean-Michel, que penses-tu de ces critiques ? Lucas était au tempo ou bien il était tout le temps en avance ? Marie-Aude Roux semble clairement considérer que le chef n'y est pour rien (puisqu'il était bon dans Berlioz, tiens !) mais moi je ne crois pas ça, que tout repose sur le soliste. Ça se joue à deux un concerto (enfin, faut compter l'orchestre mais il suit le chef), je m'attends donc à un
dialogue chef-soliste) et la capacité du soliste à 'habiter' un concerto va nécessairement dépendre de la qualité et de la fluidité de ce dialogue. Si le dialogue ne fonctionne pas, ça peut dépendre d'une difficulté à dialoguer et (ou) d'un manque d'expérience de la part de l'un ou de l'autre, ou des deux d'ailleurs.
Je me pose d'ailleurs souvent la question : comment un soliste apprend-il à jouer avec orchestre ? Peut-on apprendre autrement qu'en se tirant tout simplement à l'eau ? Est-ce qu'il y a des cours au Conservatoire qui enseignent des trucs, des guides pour s'y préparer ? Car sinon, il faut vraiment avoir la chance de croiser des chefs bienveillants...