Les vérifications que j’ai faites sont basées sur la norme EN 1991-1-1:2002, qui m’a semblé convenir par rapport à l’âge de la maison, ainsi que d’autres normes de la même époque (NF P 06-111-2 Juin 2004, …).
A ce titre, selon le chapitre 6.1, on définit les charges d'exploitation des bâtiments comme celles provoquées par l'occupation des locaux.
— de l'usage normal que les personnes font des locaux,
— des meubles et objets mobiles (cloisons mobiles, rangements, par exemple).
Un piano se situe donc bien clairement dans cette catégorie, par opposition aux poids propres qui concerne les équipements fixes (radiateurs, matériels de ventilation, matériels électriques, ballons d’eau chaude, …).
Ces notions de poids propres et de charges d’exploitation semble avoir évolué depuis, mais ça n’est pas examiné ici.
La norme prévoit que les charges d'exploitation sont modélisées par des charges uniformément réparties, par des charges linéiques ou des charges concentrées ou encore par des combinaisons de ces charges.
Ceci concerne directement le sujet de ce post (le piano à queue est un ensemble de 3 charges concentrées sur trois pieds).
La norme européenne classe la maison individuelle en catégorie A. Pour cette catégorie, les planchers ont une valeur de charge uniformément répartie qk [kN/m²] de 1,5 à 2,0 et une valeur de charge concentrée Qk [kN] de 2,0 à 3,0 unique [NB ; pour simplifier pour le présent sujet, on peut prendre l’approximation de langage courant 1kN = 100 kg].
Ces valeurs sont des fourchettes européennes, au niveau national on a les valeurs de 1,5 kN/m² et 2,0 kN (NF P 06-111-2 de Juin 2004). A noter que la charge Qk est unique et utilisée uniquement pour vérifier que le plancher résiste (poinçonnement, flexion locale, …) à une charge localisée en un endroit (habituellement au point le plus défavorable, soit au milieu de la pièce).
Cette valeur de Qk est intéressante en ce sens qu’elle indique qu’il n’y aura pas de désordre local au niveau des pieds (sauf si la dalle est de mauvaise qualité), chaque roulette supportant moins que 200 Kg de piano (piano à queue) voire 110 kg (paire de roulettes sur le petit côté du piano droit). Premier point acquis.
Par contre ça ne préjuge pas de la tenue de l’ouvrage (résistance des poutrelles bois à la totalité du poids du piano).
Les planchers du type poutrelles/dalle ont ceci d’intéressants qu’ils sont des structures très simples, et de nombreux cas de calculs sont donc évités (flambement, flexion composée ou déviée, torsion, …).
On peut donc ne considérer que 2 types de contraintes, l’effort tranchant et le moment fléchissant (le cisaillement dalle-poutrelle n’est pas regardé car je n’ai pas de données) de poutres sur 2 appuis libres (on ne prend pas de moments d’encastrement, pas de données).
Un plancher de 40 m² est capable de supporter 40x150 kg = 6 tonnes. Mais 6 tonnes uniformément réparties.
Si on suppose que les poutrelles en lamellé-collé sont espacées du même ordre de grandeur que celles en béton, disons de 0,5 m pour simplifier, une travée supportée par une poutrelle vaudrait 0,5m de large (1/2 espacement de chaque côté) et 5,6 m de long, et peut supporter 5,6x150x0,5 = 420 Kg de charge répartie.
Cette approximation très grossière donne des valeurs de contraintes très supérieures aux valeurs réelles sur le plancher (c’est une méthode utilisée pour les toitures par exemple), car, pour faire très simple dans l’explication, les ferraillages et épaisseurs de béton reportent parties des efforts sur les poutrelles des travées adjacentes (je n’ai pas les données pour procéder à des vérifications rigoureuses type « méthode forfaitaire »ou type « méthode des 3 moments », désolé j’ai dû me limiter à ces approximations grossières) donc on peut être sûr que si la structure de plancher admet les charges avec cette méthode, la réalité aura encore plus de marge.
On va donc regarder la différence entre les efforts de charges parfaitement réparties et celles dues au piano.
Moments fléchissants
Charge répartie de dimensionnement du plancher selon normes : 420x5,6/8 = 294 m.kg. C’est le moment quil ne faudra pas dépasser.
Moment fléchissant d’une charge ponctuelle « piano » de 400 kg au milieu de la poutrelle sans autre charge (pas de charges réparties en plus) : 400x5,6/4 = 560 m.kg, trop élevé.
Si on regarde ce que ferait le poids occasionné par 2 roulettes, chose plus conforme à la réalité, on aurait : 270 x5,6/4 = 380 m.kg. On approche, mais c’est encore trop.
Donc il faut éviter le cas le plus pénalisant, pour ne pas risquer quelques désordres, si le piano pèse 400 Kg et les poutrelles sont espacées de 50 cm, qui est : piano à égale distance des murs opposés, et deux roulettes dans le sens des poutrelles (donc le clavier perpendiculaire au mur ou parallèle pour une roulette avant-la roulette arrière). Sitôt que le piano est incliné, par exemple pour que les roulettes soient sur des perpendiculaires espacées d’au moins l’entraxe des poutrelles, plus de soucis, chaque poutrelle concernée devrait faire face à un moment de 190 m.kg.

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Également, éviter de placer sur la même perpendiculaire, près du mur par exemple, des meubles lourds.
Je ne détaille pas le cas où les roulettes se trouvent entre deux poutrelles, le raisonnement est identique.
Efforts tranchants
Dans le cas d’une charge répartie uniformément l’effort tranchant est identique aux deux appuis des poutrelles dans les murs, et vaut 1/2 x 0,5 x 5,6 x 150 = 210 kg.
Si le piano se trouve plaqué au mur, cas le plus contraignant pour l’effort tranchant, c’est le poids maxi qu’il peut peser s’il est sur une seule poutrelle (piano « en épi » par rapport au mur), si c’est un piano à queue c’est le poids maxi sur une ou deux roulettes, donc encore une fois éviter de mettre le piano avec le clavier rigoureusement perpendiculaire ou parallèle au mur.
Conclusion, si on évite de mettre le piano trop parallèle ou trop perpendiculaire aux murs du local, il n’y a aucun risque pour la résistance ou l'intégrité de l’ensemble du plancher. C’est une mesure très conservative, vu les hypothèses prises pour certains calculs.
Même si ça n’est pas le cas, il est très probable que ça résistera aussi sans dommages (sans fissure par exemple) mais je ne l’ai pas démontré.
Tout ceci bien sûr avec les précautions d’usage liées au fait que je manque de données, que les notes de calcul ne sont pas connues, sous réserve d’une bonne réalisation, et à cause du fait que je ne peux évaluer de visu les éléments constitutifs réels.
Les limites des diagnostics à distance avec peu de données chiffrées pour de la rétro-ingénierie, quoi.
BM
Je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira.
A. de Tocqueville