@jean-séb : Je n'irais pas jusqu'à dire que je suis rebelle. Quoique.
Disons que j'ai du mal à comprendre un tel engouement pour Bach. "Bach a posé la bases du piano, Bach est insurpassable, Bach parle avec Dieu, Bach parle dans le coeur de tout un chacun, Bach par-ci et Bach par là..."
Mouais. Pour moi, c'est plutôt Chopin qui mériterait toutes ces éloges. Il a apporté une vraie révolution au piano. La très grande majorité de la littérature pour piano vient de Chopin. Donc pour moi, c'est Chopin qui a posé les bases du piano d'aujourd'hui, pas Bach. Entre Bach (mettons que c'est le point de départ?) et Chopin, il ne s'est rien passé de spécial. Comme compositeurs marquants pour le clavier, nous avons eu Haydn et Mozart qui ont plutôt continué la tradition du clavecin, puis Beethoven qui a écrit (avec génie) pour le piano forte, qui a lui aussi apporté sa pierre à l'édifice dans l'évolution musicale du clavier, mais c'est sans rapport avec ce qu'a apporté Chopin. Regardez tout ce qu'il en a découlé après lui, et comparez à ce qui s'est passé après Bach et avant Chopin.
Je reconnais cependant que Chopin est arrivé pile au bon moment, dans ce 19ème siècle dont la production musicale et artistique était en plein essor. Tout l'art a connu une révolution à ce moment là, Chopin a été un acteur fondamental. Mais vous me direz que Chopin n'aurait pas pu faire ce qu'il a fait si Bach n'avait pas existé. Peut-être, mais on n'en aura jamais la preuve formelle, même si Chopin faisait travailler Bach a tous ses élèves et qu'il le considérait comme un maître absolu.
Ce n'est pas que je ne reconnais pas l'immense talent de Bach, comme improvisateur par exemple, mais trop c'est trop, et je trouve que l'engouement est démesuré. Surtout quand on me fait comprendre que je suis un demeuré de parler comme ça (je ne dis pas ça pour toi, jean-séb

) Donc, esprit rebelle, finalement peut-être bien

! Mais voilà : je rends à César ce qui est à César.
Pour en revenir à Scarlatti, je trouve ça plus agréable à travailler que Bach. C'est moins varié certes, mais c'est pétillant d'humour, c'est plein d'esprit, ou parfois très tragique. Bach est toujours trop sérieux, trop mathématique, trop "réglementaire"... Je n'entends aucune fragilité dans sa musique, c'est souvent très beau, mais c'est purement esthétique, je n'entends rien d'humain. Il y en a qui me pourraient me rétorquer que c'est normal, c'est la musique de Dieu lui-même. Mais bien sûr, on va dire comme ça...
Bref, effectivement c'est HS avec le sujet initial, mais c'est pas grave!
@davsad : oui, le jour où j'ai posté ma version de cette mazurka, je suis allé ré-écouter la tienne, et il y a pas mal de différence dans l'écriture même. Je me demande s'il est possible de faire un mix des deux versions...

Quoiqu'il en soit, ces mazurkas sont la plupart du temps faussement faciles je trouve. Certaines d'entre elles sont si dépouillés qu'il est difficile d'en faire quelque chose de cohérent. Il faut beaucoup chercher parfois, mais c'est d'autant plus intéressant. Ma version est plus conventionnelle que la tienne. Pour autant ta vision de cette pièce est intéressante, je l'ai écouté plusieurs fois. Il y a beaucoup de jolies choses dans ce que tu fais, mais il faut -à mon avis- quand même y entendre la structure d'une mazurka. Je ne trouve pas que tu la joues comme un nocturne non plus... En fait, c'est très difficile de décrire ta version...
C'est dommage que tu fasses un blocage sur Brahms. C'est un compositeur que j'ai découvert assez tardivement, en commençant par ses symphonies. Et je viens de réaliser en revoyant ma chaîne youtube récemment, que j'ai presque autant de Brahms que de Chopin. C'est tout à fait étrange, car j'ai beaucoup plus de Chopin dans les doigts que de Brahms!
@Oupsi : : merci Oupsi pour ce message passionnant qui dépasse largement la simple exécution d'un oeuvre. Tu parles toujours avec beaucoup de clairvoyance, et ton propos fait carrément appel à la relation interprète-instrument.
Si je joue en public, je peux être très content de ma performance car elle se sera bien passée, et que j'ai su/pu dire tout ce que j'avais à dire. Mais je ne suis pas extérieur, et mon écoute quand je joue est évidemment différente.
Je ne suis jamais content quand je m'écoute "de l'extérieur". Je trouve qu'il y a trop de Jean-Luc dans ce que je fais...

Et que bien souvent je me dis que je ne devrais pas jouer comme ça, car d'une certaine manière je trahis le compositeur. Je n'ai pas suffisamment de charisme pour m'approprier l'oeuvre ainsi comme peuvent le faire des Horowitz ou des Richter. J'ai donc souvent l'impression que je ne m'efface pas assez. Mais je pense que c'est un problème entre moi et moi...
a côté de ça, on me dit souvent que je ne m'engage pas assez. C'est certainement vrai, car beaucoup de personnes me l'ont déjà dit, à commencer par la prof de mes jeunes années.Voilà quelque chose qui n'a pas du tout évolué, même si je pense mes morceaux différemment d'alors. Il semble de plus en plus évident que j'ai tort et que tout le monde a raison sur ce plan. Je suis donc bridé par moi-même, c'est pas simple à résoudre comme histoire.
Voici donc une piste de travail complètement en dehors du piano...!
@BluePhoenix05 : Ah, c'est embêtant si tu trouves la mazurka désarticulée... Je m'attendais à tout sauf à ça...

Mais il est possible que tu aies raison, car le rythme des mazurkas de Chopin est en fait très difficile à maîtriser. Ce n'est pas pour rien qu'au concours Chopin, il y a un prix spécial pour les mazurkas, et vu le niveau du concours, ce n'est évidemment pas lié à la difficulté purement digitale comme les études par exemple. En dehors du son, il y a un vrai travail de recherche à faire,, plus que dans toutes les autres oeuvres de Chopin. Je ne sais plus où j'ai lu ça, ni qui l'a dit, mais je trouve ça très juste : "les mazurkas représentent ce qu'il y a de plus authentique chez Chopin" (je ne sais pas si ce sont les mots exacts). Malgré leur apparente simplicité, ce sont des oeuvres complexes.
@Legato : Merci pour ton appréciation! Tu rejoins ce que dit Oupsi sur le manque d'engagement, mais j'ai un argumentaire juste concernant l'Intermezzo. J'ai trouvé beaucoup d'interprétations très très belles, mais peu me correspondent. Un soir, je suis tombé sur une interprétation par un asiatique que j'ai trouvé vraiment excellente et surpassant tout ce que j'avais entendu jusqu'alors. Impossible de retrouver cette vidéo, j'ai passé une demi-heure à rechercher dans l'historique de mon navigateur la page youtube... sans résultat.
Dans cet Intermezzo, j'y vos quelque chose d'une tendresse infinie, d'une sérénité à peine bousculée, quelque chose de très très intime. Je ne voulais absolument pas y mettre de lyrisme. Ni de passion ou juste à peine l'évoquer (cela correspond aux minutages que tu as mentionnés). Dans cet op.118, c'est comme une pause très contrastée entre la pièce précédente qui ouvre le cycle, et qui est très lyrique et passionnée, et la pièce suivante (la Ballade) pleine d'énergie et de vie. La partie centrale de la Ballade en si majeur rappelle cet état d'esprit sous une autre forme : volontairement, il ne se passe rien, c'est comme une parenthèse très calme. Rien.
Mais bon, voilà mes pensées, je n'arrive sans doute pas à faire passer ce message...
@strumpf :merci strumpf pour ce beau compliment. Effectivement mon piano silencieux n'a rien à voir avec ton merveilleux piano où il est possible de faire tant de choses! Mon seul regret est que lorsque j'ai joué chez toi, je n'étais pas complètement prêt, et encore trop absorbé par la mémoire (je le jouais par coeur que depuis quelques jours seulement). J'ai encore beaucoup pensé l'interprétation depuis, et pas mal de choses ont changé. Il n'est pas prévu que je joue cet Intermezzo à Beuvray, j'ai pas mal de travail à faire sur l'étude de Bortkiewicz!
Merci à Val et mieuvotar pour vos impressions également. Je comprends parfaitement que Scarlatti soit un peu rasoir... Je ne peux pas vous reprocher cela après tout ce que j'ai dit sur Bach...
Merci à tous pour votre écoute, cela m'aide beaucoup pour trouver des pistes d'amélioration. Je suis content d'en être là, il y a encore plein d'objectifs à atteindre! Rien n'est jamais gagné avec notre merveilleux instrument, et c'est d'autant plus intéressant.