Jean-Luc a écrit :Okay a écrit :Pour moi, "l'effrayant", vient de tout ce qui nécessite un contrôle du son extrêmement abouti.[...] Quand j'aborde ce type d'oeuvre, je sais avec certitude que je vais beaucoup plus souffrir que dans n'importe quelle page à grands effets.
C'est un peu bizarre comme remarque...

Dans les passages digitalement difficiles, cela signifie que tu soignes moins le son? Je pense justement que dans ces passages à grands effets, le son a autant d'importance que pour un morceau plus "facile" et/ou plus intime. J'ai beaucoup plus de plaisir à travailler le son sur un Schubert que sur un Rachmaninov. Je m'étais régalé l'an dernier de travailler le superbe 2ème Klavierstucke D.946... Par contre la MG du 5ème prélude op.23 de Rachmaninov (partie lente), j'avais beaucoup galéré pour avoir un son "intéressant" empreint de romantisme et lyrisme...
Je ne sais pas si je peux dire que je soigne moins le son quand ça se complique, je reste assez obsédé par le son quoi qu'il arrive. Mais je sais que l'effort à faire pour avoir un résultat sonore acceptable est moindre lorsqu'il y a de la matière.
Lorsque les mains doigts doivent travailler plus, l'écriture favorise souvent l'emergence d'un son de qualité, les dispositions pianistiques à trouver pour que la musique coule impliquent la production du son approprié. Ca se fait de manière un peu indirecte d'après moi, en travaillant "tout le reste", le son de qualité est plutôt une conséquence du travail que son objet.
Une autre raison importante, bien que je n'aime pas faire ce genre de séparation, est l'importance du son par rapport à celle du rythme dans une composition. Ce sont finalement les 2 principaux constituants de la musique. Un discours musical dont le rythme est très régulier, très homogène, avec peu de contraste narratif va très mal supporter un son moche. En revanche, lorsque le compositeur fait appel a des moyens narratifs plus riches (rythmes variés, présence de motifs très caractérisés, étalement des plans sonores sur des registres plus vastes et/ou contrastés, etc...), le son devient un constituant occupant moins de place par défaut dans le discours.
Une autre façon de le dire : moins l'attention de l'auditeur est stimulée par un discours varié, plus il se focalise sur la qualité du son. C'est aussi pour cette raison qu'une pièce lente supporte généralement mal un son peu soigné, la dilatation dans le temps des événements musicaux requiert une attention plus importante, qui retombe si le son ne va pas.
Ce n'est pas forcément une question de tempo, mais plutôt de densité de la matière musicale. Pour rester sur l'exemple des impromptus de Schubert, l'impromptu en sol bémol est bien pus vite insuportable que le dernier de l'opus 142 si le son n'y est pas. Pourtant les tempi sont paradoxalement très proches, même s'ils ne le semblent pas. Ils ont en fait quasiment la même pulsation naturelle. Dans le sol bémol, l'unité de temps est la blanche, tandis que dans l'opus 142 n°4, c'est plutôt la mesure (on est en 3/8). La blanche du sol bémol dure à peu près pareil que la mesure du fa mineur. Mais l'unité de temps du premier est très homogène et peu dense (on a un accompagnement fondu qui déploie un tissu harmonique) tandis que le second est très dense avec ses piques et ses appogiatures de partout.
Attention, je ne veux pas dire qu'il n'est pas nécessaire de soigner le son dans les 2 pièces, mais il est clair que c'est moins "vital" pour la pièce la plus dense dans le temps.