Chant, musique dans les oreilles, corps carapace

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Mona
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Re: Chant, musique dans les oreilles, corps carapace

Message par Mona »

Oupsi a écrit : je me sentais nue et sans défense, pour le dire tout net: en détresse. J'ai pleuré, perdu le contrôle, bref. Quelque chose a dû se briser de cette carapace pour que la voix puisse sortir. J'ai donc chanté en public. Ce n'est pas très juste, mais au moins ça sort. A chaque fois j'ai l'impression de repasser par cette fêlure ouverte. Je ne comprends pas ce qui se passe à ce moment, mais évidemment je me dis, si j'arrive à comprendre comment ouvrir la carapace sans que ce soit à chaque fois un psychodrame, ça me rendrait de grands services, musicalement parlant!
Je rebondis sur ce que tu dis là Oupsi. Le fait de chanter met en effet complètement à nu. C'est en tout cas l'expérience que j'ai faite aussi. Etonnamment, quand il s'agit de chanter de la variété, ça va, je suis stressée de chanter en public, mais je gère à peu près. Même si je tremble, que la voix chevrote un peu etc... Mais là où ça a été terrible, c'est quand j'ai pris des cours il y a 2 ans pour m'essayer au chant lyrique. Franchement c'était très étrange, je ne reconnaissais pas du tout cette voix que ma prof essayait de faire sortir, c'était radicalement différent de ce que j'avais connu jusqu'à présent, et c'était très destabilisant. Pourtant j'ai l'habitude de chanter depuis toute petite, mais là, c'était une "autre" voix, étrangère. Et faire sortir ce truc là en public, impossible, j'avais l'impression d'être, comme toi, totalement vulnérable et mise à nu. Je pense que la voix renvoie à quelque chose d'extrêmement intime et archaïque. C'est quelque chose à apprivoiser.

Je pense aussi que ça pourrait être très intéressant pour toi de prendre des cours de chant lyrique. J'ai eu la sensation, plus encore qu'avec le piano, de me livrer totalement pendant les cours. Il faut vraiment avoir complètement confiance en son prof. Mais si c'est le cas, je pense que ça peut apporter beaucoup, et pas seulement sur le plan vocal. J'ai dû faire un choix entre chant et piano, pas assez de temps pour les deux. Mais c'est dommage.
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JPS1827
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Re: Chant, musique dans les oreilles, corps carapace

Message par JPS1827 »

Pour ma part, je suis totalement incapable de chanter (mais aussi de faire de la danse classique ou de jouer au tennis…). J'ai l'impression que je me suis dirigé assez naturellement vers des activités auxquelles mon corps n'était pas trop opposé a priori.
J'aurais tendance à reprendre les questions d'Oupsi sous la forme : jusqu'à quel point est il raisonnable en terme de rapport temps passé/plaisir qu'on en tire, de se consacrer à un instrument. Musicalement, la plupart des individus ont sûrement quelque chose à dire, mais pas forcément en chantant ou en jouant du piano. Peut-être devrait-on accorder plus d'importance à la recherche de l'instrument le plus approprié pour chacun. Je dirais qu'un instrument est approprié si celui qui en joue a l'impression de pouvoir traduire ses intentions en réalisation. Oupsi nous explique clairement son problème en la matière.
Alors pourquoi certains peuvent traduire leurs intentions en jouant du piano ou du hautbois (je me rappelle un élève hautboïste bouleversant en écrivant ça) et pas en chantant ? Ca reste pour moi un grand mystère (la conformation des cordes vocales ou des mains ne me paraît vraiment pas un élément déterminant).
Il est toujours difficile cependant de savoir si ce "corps carapace" reste dans une résistance "normale" (l'art est difficile et même les plus "doués" doivent travailler et ont une impression de résistance) ou s'il oppose une résistance "anormale" qui inciterait plutôt à se diriger vers une autre forme d'expression.
Le problème du chant est particulier, car il fait appel à quelque chose de spontané, et peut-être qu'on devrait tous pouvoir chanter. Peut-être aurais-je dû essayer plus, mais en fait je n'en ai aucune envie. Si on en a vraiment envie alors que ça ne vient pas facilement, je pense qu'un travail minutieux permet sûrement de s'améliorer énormément.
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jean-séb
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Re: Chant, musique dans les oreilles, corps carapace

Message par jean-séb »

JPS1827 a écrit :Pour ma part, je suis totalement incapable de chanter
Sauf quand tu joues du piano ... ! :wink:
Même au concert, je t'ai entendu !
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Oupsi
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Re: Chant, musique dans les oreilles, corps carapace

Message par Oupsi »

Merci pour tous ces éclairages fort intéressants!
Disons qu'il y a deux choses différentes, qui ont été mises fortuitement en relation, pour moi, lorsque j'ai dû chanter dans mon petit groupe de théâtre.
Le premier aspect est l'importance du chant dans son rapport avec le piano, ou sans doute de n'importe quel instrument "chantant". Le piano en cela est à lui seul une sorte de paradoxe, puisqu'il est chantant uniquement si le pianiste recherche activement ce cantabile; sinon, ça reste des marteaux qui tapent. Donc s'ouvrir à la dimension "chantante" du piano, du point du vue strictement sonore, mais aussi dans la conduite du phrasé, suppose qu'on "chante" intérieurement. Ça c'est une première dimension. Ensuite, il y a, pour moi en ce moment de mon apprentissage, le fait que je n'arrive à avancer au piano qu'en faisant beaucoup intervenir l'oreille, donc ce chant intérieur. De manière très très basique, vraiment comme un enfant qui apprend à parler: pour reconnaître les accords; pour reconnaître les intervalles; rythmiquement; plein de choses pour lesquelles je me rends compte qu'il ne sert à rien d'exercer les doigts s'il n'y a pas ce guide chantant intérieur. Ensuite, dans la connaissance des styles pianistiques, on voit bien l'importance, chez certains compositeurs, de la voix humaine, qui en filigrane est comme un modèle idéal sur lequel l'écriture pianistique est construite.
Le deuxième aspect est le chant brut, tel que j'ai dû m'y essayer pour cette petite pièce de théâtre. Là, en fait, j'ai découvert qu'il ne faut pas tant entendre intérieurement ni anticiper, mais plutôt lancer, projeter la voix, donc le guide intérieur si utile au piano ne m'était d'aucun secours, au contraire; et il fallait déverrouiller corporellement l'espèce de courage de se jeter dans le son projeté, et là tous les blocages émotionnels si bien décrits par Marianne sont apparus en bloc.

Mais (et là je suis quand même épatée), ce qui est extraordinaire, c'est qu'ensuite, de retour au piano, la mémoire de ce modeste déblocage éphémère sur une scène de théâtre m'a été très utile, comme si mon corps me disait: "tu sais, quand je veux, j'ai ce courage d'y aller". Et ça c'est très agréable parce que ça conduit à une confiance.
Tout cela très fragile et en germe, bien sûr, mais je le signale quand même. (Je ne me sens pas "handicapée", mais en recherche; et j'ai le corps que j'ai, je n'ai que celui-là, donc il faut bien apprendre avec lui et pas contre lui, et en cela je suis d'accord avec JPS, dans le choix de son instrument il vaut mieux aller plutôt vers ce que le corps réussit à faire le plus naturellement!).

Je pense que si j'avais le temps, je prendrais des cours de chant pour voir s'il y a une rencontre possible entre ces deux aspects! Parce que je pense que quand on a une musique "dans la tête" et qu'on n'arrive pas à la chanter, c'est bien de ce moment de projection qu'il s'agit, et ça je ne sais pas du tout comment faire, mais j'imagine aisément qu'un bon enseignement parviendrait sans problème à lever les barrières.
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