Brahms et Schumann

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Oupsi
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Re: Brahms et Schumann

Message par Oupsi »

JPS, je suis particulièrement heureuse de cet extrait que tu nous proposes, qui confirme une conviction profonde chère à mon coeur, à savoir que l'ostracisme dans lequel sont tenus les dits "baroqueux" surtout dans ce pays est une absurdité!
Il est clair que l'élément spirituel et l'énergie, l'accentuation dans cet extrait sont "baroques" et pourtant c'est totalement fidèle à Schumann et à l'esprit de Schumann. Voilà une journée qui commence bien, merci!
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Mylène
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Re: Brahms et Schumann

Message par Mylène »

Bonjour JPS, je suis également très heureuse d'écouter cet extrait.
La musique orchestrale de Schumann, et ses oeuvres sceniques (je pense particulièrement à Genoveva) sont malheureusement rarement jouées en concert. Mais ça fait 180 ans que c'est ainsi. J'ai la curieuse impression que s'il n'avait pas eu sa précieuse Clara, on n'en parlerait et on ne le jouerait pas aujourd'hui. :?

Marie-France lira très bientôt le livre de Marcel Beaufils, qui lui apportera certainement un éclairage nouveau. :P

Comment savoir ce qui nous attire vers un compositeur ?
Je n'en sais rien.
Peut-être l'homme m'interesse-t-il autant que sa musique ? Ou à travers sa musique, je perçois l'homme. Mais si sa musique s'attache au plus profond de moi, je suis persuadée que le contexte y est pour quelque chose. Robert Schumann me fascine autant que ses références litteraires, Goethe, Hoffmann, le Chat Murr et j'en passe... C'est par lui que j'ai découvert Schubert, Brahms, Mendelssohn.
Il y a personnellement quelque chose qui m'attache particulièrement à sa personnalité, et sa musique me poursuit. Non par ses références et son histoire, bien que tout cela me soit très famillier, peut-être pas par ce qu'elle exprime mais pour ce qu'elle est ?
Mais c'est une musique dans laquelle je me sens si bien que j'ai besoin de plonger dans son univers, de tout lire, de m'approcher de lui au maximum. Et plus on découvre pire c'est je crois.
(Je pars cet été en vacances en Allemagne, Zwickau... Et j'appréhende de me retrouver dans le cimétière de Bonn. [-o<
Je m'égare, je n'en sais rien.
J'ai l'habitude d'analyser et de travailler le contexte de tous mes morceaux (passage en musicologie oblige..) et pourtant, bien qu'ayant beaucoup décortiqué Chopin par exemple, sa musique ne me parle pas.
Lorsque j'écoute ou travaille Beethoven, l'inspiration que Schumann a pu en avoir m'interpelle aussitôt.

S'il y a besoin d'avoir des références pour apprécier sa musique, c'est bien dommage alors.
Ce n'est pas le but.
Comme on aurait besoin de références pour écouter de la musique "contemporaine" ? (Personnellement, je n'apprécie les pièces que lorsque j'ai saisi leur construction).
Au yoga, je profite pleinement des postures lorsque je les ai réalisées déjà de nombreuses fois, lorsqu'elles ont été décortiquées, lorsque je comprends leur mécanisme et leur utilité.
Mais c'est la même chose pour beaucoup de choses dans la vie ?

Je commence à avoir un peu la même obsession avec Liszt, mais il a une vie plus tordue, et plus longue ça va être dure. :mrgreen:
Mais les références que demandent sa musique m'interessent et m'interpellent.

En revanche, la musique de Schubert qui j'affectionne particulièrement, je l'aime je pense pour ce qu'elle est, car j'ai l'impression qu'elle est le reflet de moi-même.

Quand je parlais de "noeuds hier", pour répondre à ta question Marie-France, aucun terme musicologique là-dedans. Je parlais juste de la construction, des différentes voix qui se "mêlent" qui passent les unes par dessus les autres, et de des fameuses "voix intérieures".

Tout ça dépasse largement le sujet Schumann et Brahms, mais je me demande vraiment ce qui nous relie à la musique et particulièrement quelle est la source de nos affinités.
Après tout il vaut peut-être mieux ne pas le savoir ?


Sur ce, je me lève du divan... Je ne suis pas chez le psy...
Désolée.
C'était quoi la question ?
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Moderato Cantabile
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Re: Brahms et Schumann

Message par Moderato Cantabile »

Mylène : tout le monde a oublié la question mais ta réponse était très bien !! :D

Je voulais vous remercier pour cette discussion très intéressante qui a nourri mon insomnie de la nuit dernière de façon beaucoup plus agréable que les habituels soucis ruminés aux petites heures du matin . :)

Je suis toujours étonnée de voir combien nombreuses sont les personnes qui n'apprécient pas Schumann . Et surprise d'apprendre qu'il y aurait un "problème" avec lui .
Pour ma part je suis dans l'instinctif , le ressenti , plus que dans les approches plus techniques qui ne sont pas de mon ressort et je n'ai jamais eu le moindre mal à me plonger et à me fondre dans son univers .

Une partie de ma réflexion nocturne portait sur les différences qu'il y a entre aimer un compositeur quand on l'écoute ou quand on le joue et sur le fait qu'on peut prendre plus de plaisir à jouer une musique qu'à l'écouter .
C'est mon cas en ce qui concerne Brahms que j'ai mis bien longtemps à découvrir et à apprécier et qui, après m'avoir donné tant de mal , m'apporte tant de joie dans l'interprétation !
Alors que je ne suis finalement pas sûre d'éprouver autant de plaisir à jouer Schumann que j'aime pourtant tellement écouter (mais ça fait un petit moment que je ne l'ai plus joué ).
Dans les deux cas toutefois leur écriture ne relève pas pour moi de l'évidence comme cela peut être le cas de Mozart ou de Chopin et me demande donc beaucoup plus de travail.

Bref , vous me donnez envie de lire aussi sur les compositeurs, ce que je ne fais guère en dehors des biographies peu fouillées avalées dans ma jeunesse et qui ont contribué à me rapprocher plus de certains d'entre eux : Schubert , Schumann par exemple , que j'aime d'amour ..... :roll:
"Il faut que cela soit si gai , si gai , que l'on ait envie de fondre en larmes ."
Line-Marie

Re: Brahms et Schumann

Message par Line-Marie »

:D ah oui quelle discussion passionnante... et qui alimente mes interrogations et en même temps par l'apport de vos réflexions, m'aide à aller plus loin.
Quand j'étais adolescente, Chopin ne m'attirait pas plus que çà... mais Debussy.... ahhh Debussy, j'étais émerveillée.... et je le suis toujours.... lorsque j'ai la chance de pouvoir le jouer ou quand je vais écouter un pianiste l'interpréter, comme Roger Muraro , il y a 15 jours qui (entre autres) à jouer le 2ème cahier d'images, j'avais les larmes aux yeux...
Mais aujourd'hui Chopin, quand je le joue, c'est moi que je joue... il raconte ma vie, mes chagrins, mes angoisses avec tant de délicatesses, tant d'élégances... je suis en osmose avec sa musique... et cela me fait la même chose avec Granados ...
on a quand même de la chance d'avoir derrière nous tant de compositeurs aux tempéraments si différents et qui ont tant composé avec talents !
ET pour Schumann, j'aime ces études symphoniques, son concerto pour piano, et puis tant d'autres oeuvres... mais pour le jouer, je dois beaucoup, beaucoup réfléchir... c'est ardu pour moi !pas forcément techniquement, non, mais pour comprendre ce"qu'il essaie de transmettre...
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Oupsi
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Re: Brahms et Schumann

Message par Oupsi »

Strumpf c'est intéressant ce que tu écris.
Je ne suis pas matheuse du tout, par contre j'aimais (et j'aime toujours beaucoup) la philo, les arts, la littérature etc., mais je dois dire que rien ne me donne un plaisir intellectuel aussi vif que "beaucoup beaucoup réfléchir" sur une partition. J'ai l'impression que la musique seule donne corps à cette chose qui pense dans nos têtes et nos coeurs, corps et vie, puisque ça se passe dans le temps...
Par contre je n'ai pas tellement l'impression de m'exprimer "moi". Ou alors ce n'est pas comme ça que je le ressens. Disons que quand je "trouve" quelque chose en musique, une solution à un problème, une manière de placer la main ou de prendre la touche pour que le son me plaise, ça me surprend, parce que ça vient de je ne sais où, ça tient du miracle, et ça me réjouit comme une enfant d'avoir trouvé ça. Surtout quand je trouve toute seule, alors là je suis comme un bébé qui pour la première fois tient un crayon dans la main et regarde autour de lui avec une jubilation victorieuse, même s'il est tout seul dans son coin il jubile et il est tout fier.

Sinon, le texte, la musique, pour moi c'est l'autre, c'est extérieur à moi, c'est quelqu'un d'autre, ailleurs, loin et en même temps un frère, il y a une proximité que je ne peux définir autrement qu'en disant "spirituelle"... je ne personnalise même pas, en fait, je n'essaye pas de savoir "qui" était ce compositeur (même si c'est intéressant et que je lis quand même) mais disons que la capacité d'un être musicien à me hanter dépasse largement l'objectivité de ce "qui".
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JPS1827
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Re: Brahms et Schumann

Message par JPS1827 »

Mylène a écrit : Comment savoir ce qui nous attire vers un compositeur ?
Je n'en sais rien.


En revanche, la musique de Schubert qui j'affectionne particulièrement, je l'aime je pense pour ce qu'elle est, car j'ai l'impression qu'elle est le reflet de moi-même.
Voilà ! Schumann, je sais assez peu de choses sur lui et je ne les ai apprises que tardivement. Mais lorsqu' à l'âge de 6 ans j'ai entendu pour la première fois la Fantaise op.17 et les Etudes Symphoniques op.13, j'ai senti que cette musique contenait tout ce que je voulais dire (en réalité, elle contenait beaucoup plus, et je n'en saisissais que peu de registres, de l'ordre de l'exaltation et de la passion). Je commençais alors tout juste le piano, et j'ai écouté ce microsillon d'Yves Nat à la couverture toilée verte des centaines de fois (en alternance avec les préludes de Debussy par Gieseking). Devant l'incrédulité polie des adultes à qui je disais que je jouerais ça bientôt, je serrais les dents (il m'a fallu quand même quelques années…). J'ai aimé le livre de Beaufils que j'ai découvert vers 16-17 ans parce que tout ce qu'il disait rencontrait ma pensée avec évidence (j'avais l'impression que ce livre, j'aurais pu en écrire plusieurs parties). Ce n'est que bien plus tard que j'ai saisi l'importance de l'homme Robert Schumann dans la musique, et l'intelligence de ses écrits.
Chacun a son reflet dans la musique. Le mien c'est Schumann, secondé par Beethoven (je pense d'ailleurs jouer mieux Beethoven que Schumann)

Après nous savons tous que nos goûts musicaux s'enrichissent et se modifient avec le temps, et ce forum est aussi une occasion d'écouter des musiques auxquelles on ne pense pas forcément.
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Mylène
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Re: Brahms et Schumann

Message par Mylène »

Oupsi, merci beaucoup pour votre réponse !
Pour moi, la musique me procure un grand plaisir intellectuel de chercher, analyser, de découvrir parfois... Aucunement d'exprimer. Qu'est-ce que j'ai à exprimer ? Rien et je n'ai de tout façon pas les moyens de le faire au piano. Mais alors peut-être suffit-il d'écouter ? Non. Car ce que les autres expriment ne me convient pas. #-o
Je travaille les morceaux qui me plaisent parce qu'il me parlent, parce qu'ils nous renvoient à nous-même ?
Mais aussi loin que je me souvienne, je veux toujours avoir pour unique recours la partition et le texte, rien que ça, (pour tenter de retransmettre à moi seule) ce qui est écrit. Rien que ça. Je n'oserais surtout pas parler pour moi d'interprétation. Je veux ce qui est écrit, c'est tout, par l'analyse, etc.. peut-être pour avoir l'illusion de m'approcher du compositeur et non de moi ?
Non, la musique est malsaine je dirais, car le compositeur vient toujours nous (me) hanter. S'accrocher au texte est un recours pour ne pas sombrer je pense. :twisted: C'est prendre du recul pour mieux sombrer.
Il existe des pièces qu'après avoir travaillé, il me devient impossible d'écouter, c'e n'est physiquement plus possible tellement ça fait mal.
Schubert, c'est Werther, de l'amour - impossible -.
Schumann, ce n'est pas Florestan, ni Kreisler, c'est Faust (et Clara c'est Gretchen). :evil:

JPS, je parlais justement d'Yves Nat à Nox hier. Sa fantaisie op.17 fut pour moi un choc. Je ne sais pourquoi, ça ne correspond pas vraiment à l'idée que je me fais de la Fantaisie. Et Pourtant, je reviens toujours à lui. Ses enregistrements de Schumann sont pour moi un grand mystère.

Aussi m'arrive-t-il souvent de travailler des compositeurs qui ne m'attirent pas d'emblée. J'étudie beaucoup, mais comme ils ne me parlent pas, je ne risque rien. Sauf la frustration de se dire que justement, ça n'évoque rien.

#-o
ondinetard
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Re: Brahms et Schumann

Message par ondinetard »

strumpf a écrit ::Mais aujourd'hui Chopin, quand je le joue, c'est moi que je joue... il raconte ma vie, mes chagrins, mes angoisses avec tant de délicatesses, tant d'élégances... je suis en osmose avec sa musique...
C'est tout à fait ce que je ressens depuis toujours avec Schumann...: l'émotion pure au plus profond de soi, cela ne s'explique pas. Dans certaines épreuves de la vie, il n'y a que Schumann qui me réconforte,il me parle ; même Chopin, que je vénère,reste dans le domaine de la suprême élégance, presque trop "mondain". J'aimerais retrouver moi aussi l'ouvrage de Beaufils ainsi que celui de R.Barthes que j'ai lus autrefois, mais j'ai dû prêter ces livres que je n'ai pas récupérés. Cette discussion est passionnante et me remotive pour poursuivre mes chers Kreisleriana, Etudes symphoniques, Carnavals, Humoresque... même si je ne les rattrape jamais; ce qui est passionnant c'est le travail, pour les avoir dans les doigts, même si on n'y arrive pas tout à fait ... :?
Par contre je n'ai jamais accroché avec Brahms, sans savoir pourquoi à moon grand regret. Je trouve son écriture trop chargée,trop "copieuse". Bon, des goûts et des couleurs et des sons... :wink:
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Moderato Cantabile
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Re: Brahms et Schumann

Message par Moderato Cantabile »

Mylène a écrit : Pour moi, la musique me procure un grand plaisir intellectuel de chercher, analyser, de découvrir parfois... Aucunement d'exprimer. Qu'est-ce que j'ai à exprimer ? Rien et je n'ai de tout façon pas les moyens de le faire au piano. Mais alors peut-être suffit-il d'écouter ? Non. Car ce que les autres expriment ne me convient pas. #-o
Je travaille les morceaux qui me plaisent parce qu'il me parlent, parce qu'ils nous renvoient à nous-même ?


Mais aussi loin que je me souvienne, je veux toujours avoir pour unique recours la partition et le texte, rien que ça, (pour tenter de retransmettre à moi seule) ce qui est écrit. Rien que ça. Je n'oserais surtout pas parler pour moi d'interprétation. Je veux ce qui est écrit, c'est tout, par l'analyse, etc.. peut-être pour avoir l'illusion de m'approcher du compositeur et non de moi ?
J'aime beaucoup ta vision des choses que je partage tout à fait. :)
Je n'ai bien sûr pas tes connaissances et ce n'est donc pour ma part pas tant un plaisir intellectuel que sensuel que me procure la musique mais je suis tout à fait d'accord avec la phrase surlignée.
Je ne crois pas non plus avoir vraiment quelque chose à exprimer mais juste envie de laisser s'exprimer à travers moi ce que le compositeur avait à dire . Etre un vecteur , un passeur même si ce n'est que pour soi-même.
Quand je parlais tout à l'heure de la joie que je trouvais dans l'interprétation de Brahms , j' utilisais à tort le mot "interprétation" en lieu et place d'"exécution" (sans peloton , merci ! ). Et oui , cela relève effectivement d'une sorte d'illusion et de désir de s'approcher du compositeur.
Pour moi , dans Brahms , c'est quelque chose comme : "je sais ce que tu veux dire , je le ressens exactement comme toi et merci de me donner la possibilité de le dire encore et encore !" .
Et je suis tout à fait d'accord avec toi qu'il s'agit de s'approcher du compositeur mais pas nécessairement de parler de soi-même à travers lui.


JPS : je trouve ton témoignage extrêmement touchant , voire bouleversant . Se dire que le petit garçon de 6 ans que tu étais avait déjà tout compris et que tant d'années plus tard , sans même besoin d'y voir une quelconque fidélité, tu confirmes et signes cette évidence de tes 6 ans en disant "Chacun a son reflet dans la musique. Le mien c'est Schumann ". C'est très émouvant .
Sa musique a vraiment dû illuminer toute ta vie . :)
"Il faut que cela soit si gai , si gai , que l'on ait envie de fondre en larmes ."
Jean-Luc
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Re: Brahms et Schumann

Message par Jean-Luc »

Cette discussion prend une tournure très psychologique on dirait... :)
Pour ma part, j'ai tout de même du mal à concevoir qu'un interprète puisse être totalement "neutre". L'analyse bien sûr, le contexte historique, le contexte personnel du compositeur, etc... rentrent en ligne de compte, mais comment ne pas re-transcrire la musique avec son propre langage? Se rapprocher du compositeur est une chose, mais on ne peut pas le faire complètement sien, ou alors.... je ne sais pas!

Mais retranscrire une musique fidèlement aux intentions du compositeur est quelque chose de très difficile, car toutes les analyses ou toutes les lectures du monde ne donneront jamais toutes les clés. Il y a forcément à un moment ou à un autre une part de sujectivité, et tant mieux d'ailleurs. Sur la partition, il y a généralement quelques indications, mais qui sont bien insuffisantes finalement.

Il m'arrive très souvent d'entendre une musique dans ma tête de façon idéale je dirais. Quand je la joue, et surtout quand je m'enregistre, ca sonne complètement différent. Parfois c'est même le contraire de ce que je voudrais. Je ne m'en formalise pas, car après tout, c'est ce que je suis, et la musique sert aussi à savoir s'accepter tel que l'on est. (Bien entendu, il faut que musicalement ca tienne la route, sinon, je ne me dis pas ça du tout... :mrgreen: ).

Quand on commence à réfléchir sur tout cela, je me dis quand même qu'il faut savoir oser dire ce qu'on à dire... ou dire ce que l'on a au fond de soi. C'est pas évident, ça peut faire peur pour certains, car c'est un peu se dévoiler, même totalement. Sans égocentrisme aucun, je crois que l'expérience peut être enrichissante.
Je pense par exemple aux chanteurs avec qui j'ai pas mal travaillé : ils ont tous cette sensation en eux, c'est que lorsqu'ils chantent, ils sont complètement "visibles" : la moindre inflexion de voix née d'une émotion va immédiatement s'entendre. L'instrument est complètement humain et c'est ainsi beaucoup plus direct.
Alors que les instrumentistes ont la chance (ou la malchance, c'est selon) de se "cacher" derrière un instrument. C'est donc beaucoup plus difficile de transmettre car il y a un intermédiaire. Intermédiaire qui peut ne pas toujours être notre ami, qui peut nous trahir... :mrgreen:

Donc se rapprocher du compositeur oui, je suis d'accord. Mais il me semble nécessaire de mettre aussi beaucoup de soi et donc d'oser!
C'est d'ailleurs ce qui fait toute la richesse et toute la variété des interprétations.
C'est aussi pourquoi les oeuvres si galavaudées sont lassantes, c'est que tout à été dit ou presque, et qu'il faut chercher quelque chose d'autre... #-o

Désolé, on s'éloigne beaucoup de Brahms et Schumann... :oops:
Line-Marie

Re: Brahms et Schumann

Message par Line-Marie »

oui Jean-Luc bien sûr on s'éloigne un peu du sujet ouvert par Marie-France, mais cela donne aussi un éclairage sur ce sujet....
je ne savais pas que je pouvais jouer ce que je suis....de toute façon nous jouons ce que nous sommes, qu'on le veuille ou non!
Mais j'en ai brusquement pris conscience à travers l'étude de la 1ère Ballade de Chopin, aidée aussi par ma prof. Je ne suis pas capable de faire une analyse harmonique d'une œuvre hélas, et quand j'entends par exemple Jean-Philippe Cassard s'émerveiller de telle sixte qui va vers une septième de dominante dans telle œuvre, cela me laisse complétement froide..... il faut posséder tout ce langage que je n'ai malheureusement pas le temps d'acquérir.
Donc , ma compréhension de l’œuvre est certainement instinctive et servie aussi par les milliers d'heures passées dans ma vie à écouter ce répertoire pianistique immense par de multiples interprètes qui nous montrent qu'il y a de multiple façon d'interpréter une œuvre.
j'écris là en écoutant (au casque vu l'heure) les Kreisleriana de Schumann....comme c'est beau, comme cette musique me parle...mais serais-je capable , mes mains posées sur le piano de ressentir la même émotion ? du coup mon écoute change et j'entends toute la complexité de cette musique , et je perçois toute l'immense réflexion qu'il me faudrait avoir (sans parler de la technique que je ne possède sans doute pas) pour faire chanter cette pièce magnifique. ................................................
Jean-Luc tu dis "Il m'arrive très souvent d'entendre une musique dans ma tête de façon idéale je dirais. Quand je la joue, et surtout quand je m'enregistre, ça sonne complètement différent."
oui c'est çà la difficulté, que la musique intérieure "colle" avec le son projeté.... d'où l'utilité d'un maître qui a cette écoute extérieure et bien meilleure qu'un appareil !
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Marie-france
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Re: Brahms et Schumann

Message par Marie-france »

strumpf a écrit :oui Jean-Luc bien sûr on s'éloigne un peu du sujet ouvert par Marie-France, mais cela donne aussi un éclairage sur ce sujet....
Pas de soucis, c'est très intéressant toutes ces sensibilités et ces expériences musicales différentes.
Je n'ai lu que très rapidement et vous répondrai mieux dès que possible. Mais hier soir je suis allée voir Muraro à la Roque d'Anthéron. C'était magique! :D
Et il a joué justement les Scènes de la Forêt!!! Du coup mes oreilles se sont ouvertes avec 10 fois plus d'intensité que d'habitude! Certaines pièces m'ont bien plu, dont un magnifique Oiseau Prophète! Comme quoi, quand c'est bien joué, par un grand interprète, en live, sur un Steinway, au son des grillons et dans la douceur du soir, c'est superbe! Mais ça fait beaucoup d'ingrédients! :D
Je m'absente quelques jours, mais je ne manquerai pas de vous lire à mon retour! Vous pouvez donc continuer tant que l'esprit de Schumann plane au-dessus de vos doigts 8)... N'oubliez pas mon cher Brahms tout de même :shock:
Bon et puis un peu Beethoven et Schubert tout de même... :D
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Oupsi
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Re: Brahms et Schumann

Message par Oupsi »

Marie-France, l'Oiseau-Prophète je l'ai joué, c'est une merveille à jouer, ça donne des frissons de la première note à la dernière! J'aimerais bien le reprendre, tiens, parce que c'était un peu tôt pour moi (le décalage dont parle Jean-Luc était bien cruel pour moi sur ce morceau...) Ce n'est pas un morceau très difficile, il faut trouver les bons doigtés et laisser chanter la prophétie de l'aube.
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katy
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Re: Brahms et Schumann

Message par katy »

Philippe Cassard qui officie sur France- Musique ne fait absolument pas ce type d'analyse. Il explique chaque semaine sa conception d'une oeuvre, comment il l'entend, comment selon lui ça doit se jouer et il emploie très peu de vocabulaire technique, c'est justement ce qui explique le succès incroyable de son émission. J'ai moi-même un bagage théorique très pauvre et je n'ai aucune peine à suivre. Ce qu'il dit est finalement subjectif, personnel et il m'arrive, modestement, de ne pas être d'accord, par exemple quand il explique que selon lui les dernières mesures du sonnet de Pétrarque 104 doivent être jouées avec force et virilité alors que tout le monde donne dans le pathos et l'attendrissement, mais c'est ce que moi je trouve tellement beau...Il s'appuyait sur la partition pour affirmer cela mais pourtant personne ne le joue comme ça donc que faut-il en penser :shock:
Il explique plutôt comment il interprète les indications, par exemple de quelques observations au sujet du 1er mvt de la Sonate au Clair de Lune, il en déduit, lui, qu'il faudrait le jouer deux fois plus vite que ce que l'on fait normalement, c'est donc plutôt l'esprit d'une sorte de masterclass sans élève mais son but n'est en aucun cas de faire une analyse harmonique. Il fait également des rapprochements avec d'autres oeuvres, et il a aussi beaucoup de références littéraires, peut-être a-t-il pu faire très occasionnellement une remarque plus pointue mais ce n'est pas du tout l'esprit de son émission en général.
Modifié en dernier par katy le mer. 25 juil., 2012 11:53, modifié 2 fois.
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Moderato Cantabile
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Re: Brahms et Schumann

Message par Moderato Cantabile »

Chère Katy , on s'éloigne de plus en plus du sujet mais je ne peux que "plussoyer" tout ce que tu dis , étant une fan inconditionnelle dudit Philippe ! :D
Et comme en plus il n'est pas rancunier , il te parle en ce moment-même de ton cher Debussy , ô méchante Strumpf !! :mrgreen:
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Mylène
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Re: Brahms et Schumann

Message par Mylène »

quand il explique que selon lui les dernières mesures du sonnet de Pétrarque 104 doivent être jouées avec force et virilité alors que tout le monde donne dans le pathos et l'attendrissement, mais c'est ce que moi je trouve tellement beau...Il s'appuyait sur la partition pour affirmer cela mais pourtant personne ne le joue comme ça donc que faut-il en penser
Est-ce que parce que "tout le monde fait comme ça" c'est comme ça QU'IL FAUT faire ?

Il y a des nombres incroyables d'exemples.
Parmi ceux qui m'agacent, la sonate de Schubert D.958 : Tous joue le Menuetto comme un Scherzo, seul Kempff joue réellement un Menuetto. Hors, ce n'est pas un Scherzo.
Le dernier mouvement est un Allegro, qui n'est pas vivace ni un presto. Pourtant, personne ne le joue comme un allegro.
Chez Chopin, mes cheveux se dressent sur la tête à chaque fois que j'entends le 3e Scherzo : Les descentes de croches qui suivent la phrase -choral sont toujours jouées rapides et après un moment de silence. Hors, il n'y a pas de point d'orgue sur la dernière noire de la phrase-choral, et les croches sont écrites en mesure. Seul Arrau le joue tel qu'il est écrit.

Le sonnet 104, généralement, les interprétations sont imbuvables je trouve.
Justement, à mon avis, à la fin, c'est"un poco piu lento", ça commence sur une écriture assez verticale Forte sur laquelle à mon avis il n'y a pas besoin de ralentir, c'est juste "un poco piu lento". Après le triolet "adagio" est écrit "a tempo", ça ne sert à mon avis à rien de continuer de ralentir et jouer hors temps., sinon, le smorzando qui n'arrive que 5 mesures avant la fin n'a plus son intérêt ?
Il faut à mon avis garder le tempo, et grâce à la mg continuer d'avancer.
(Je ne sais pas ce qu'a dit Ph. Cassard, je n'ai pas entendu son émission, je donne mon avis sur cette fin qui souvent m'agace).
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katy
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Re: Brahms et Schumann

Message par katy »

Justement ton message est tout à fait dans l'esprit de l'émission de Philippe Cassard ! En fait ce n'est pas que j'ai moi vraiment une conception de sonnet de Pétrarque 104, mais j'ai beaucoup écouté la version de Jean-Philippe Collard que je trouve très émouvante à la fin...Et donc d'après Cassard (et toi) il est à côté de la plaque...?? Parfois quand j'écoute cette émission Cassard conteste des visions qui sont celles défendues dans des versions que j'aime et ça me perturbe un peu :lol:
nox
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Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

C'est un très vaste (et très intéressant) débat je pense. En fait on pourrait résumer la question en : faut-il exprimer le plus beau ou le plus juste ? En d'autres termes "si je trouve ma vision plus belle que celle du compositeur, puis-je outrepasser ses indications ?". Ou encore, si on pousse plus loin "puis je modifier la partition si c'est pour l'améliorer ?".
Schumann, en tant que pédagogue, tranche clairement en répondant par la négative.

On peut se dire que c'est effectivement assez prétentieux de prétendre corriger l'oeuvre d'un compositeur. D'une part parce que musicalement, on ne fait pas le poids, et d'autre part parce que c'est sa pensée qu'il exprime, et qu'il justifie à travers chaque indication.
Si on trouve ça plus beau différemment, ne serait-ce pas plutôt qu'on a mal compris sa vision à lui, et qu'il faut chercher plus loin ?
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katy
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Re: Brahms et Schumann

Message par katy »

Je pense que c'est encore plus compliqué que cela, je doute fort que Jean-Philippe Collard, par exemple, ait voulu rectifier la partition... Et j'aime beaucoup le ton de Cassard dans son émission : il donne des pistes, mais plus exactement il formule des hypothèses et il n'assène jamais rien. Et surprême élégance, souvent il diffuse des versions assez éloignées de son propos.
Par exemple, son argumentation pour montrer que le 1er mvt de la sonate Clair de Lune doit se jouer deux fois plus vite que la norme, que les "triolets" (si je ne me trompe) doivent être conçus comme un simple accompagnement de la mélodie, comme l'accompagnement d'un lied, bref cette argumentation se tenait mais comment être sûr de cela ?
nox
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Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

katy a écrit :je doute fort que Jean-Philippe Collard, par exemple, ait voulu rectifier la partition...
C'est pourtant ce qu'il fait si j'ai bien compris. Tu penses qu'il n'en a pas conscience, alors même qu'il parle de cette oeuvre et qu'il l'étudie ?
katy a écrit : Par exemple, son argumentation pour montrer [...] que les "triolets" (si je ne me trompe) doivent être conçus comme un simple accompagnement de la mélodie, comme l'accompagnement d'un lied
:|
Mais...C'est évident ça, non ? Je ne pensais pas qu'il y avait matière à débattre sur ce point là. La mélodie c'est clairement la voix supérieure, l'écriture me paraît incontestable. :roll:
Quels seraient les contre-arguments ?
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