Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

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Sand17
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par Sand17 »

Polémos a écrit :découragement ?
Cette vidéo irait aussi bien sans le fil " les œuvres à se flinguer" c'est très triste.
mieuvotar

Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par mieuvotar »

Curieux, cette perception... Même si je ne suis pas fan de cette composition (une mélodie facile et assez peu intéressante qu'on a l'impression d'avoir entendu mille fois), je ne trouve pas que ce soit de la tristesse qui s'en dégage - ni de la musique, ni de l'histoire, ni même de l'intention derrière la composition. Au contraire d'ailleurs. Comme dit ce garçon, il s'agissait d'exprimer une certaine sérénité et l'espoir retrouvés.
Bon, c'est un peu HS par rapport au sujet du fil tout ça, désolé...
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Christof
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par Christof »

Composer cet après-midi une musique d'enfant avec une lucidité de vieillard. Est-il possible d'élever au sommet cinq petites notes, du bout des doigts ? Comme on ouvre un fruit dont on pèle à vif la peau, décortique les fibres une à une pour s'approcher du noyau, jusqu'à sa forme de cristal. Sauf qu’aujourd’hui, mes mains ne répondent pas bien à mes idées.

Impatient. On voudrait toujours réduire à l'extrême le délai entre un désir et sa réalisation. C'est une manière angélique de nier l'épaisseur et la lourdeur du temps. Mais l'amour qui est envol a besoin de cette épaisseur et de cette lourdeur. Il prend son essor en s'appuyant sur elles.
Effacer l'acquis, désapprendre, tout reprendre. Comme un arbre au gré des saisons qui pousse, bourgeonne, fleurit. Fleurs qui tombent mais l'arbre ne meurt pas. Et je m'y perds, je m'y engloutis. Ainsi va la vie.
Tout est musique. Jouer, c'est vivre. Texte oublié qu’on aimera redécouvrir, ce soir, dans dix ans, quand la vie confirmera ses dires ?
Et soudain, dans un silence joyeux, le déclic se fait, la confiance se scelle, l'horizon se dégage. Danse, virevoltant, magnétique, en quelques notes étoilées. Les émotions profondes. Grand livre ouvert.
Un morceau peut tout : arrêter le temps, faire voyager, rendre heureux, faire pleurer.

Remettre incessamment sur le métier. Génie de l'espace. Adorer la perte de contrôle
Vivre simultanément toutes les notes, immobile dans des villes différentes, des disciplines différentes, des expériences différents. Chaque nouvelle vie informant les autres, chaque émotion, chaque sentiment, chaque ressenti trouvant sa continuité dans ces autres vies. On croit se perdre à tout mener de front, mais en fait on se retrouve bien mieux dans cette espèce de maelstrom créatif où l'on n'a plus l'impression de chercher, juste de faire. Une question posée ici a sa réponse ailleurs. Un échec ici est une réussite là-bas. Il n'est que d'aller voir chaque jour qui résonne différemment de ses notes claires, énergie qui circule différemment.

Ne pas savoir trop où l’on va, mais y aller. Rencontre, fréquentation de son propre amateurisme, à peine éclairé. Parce que si l'on s'accroche, le monde doit bien finir par toujours venir à soi. Même si, pour cela, il brasse le feu et la glace.
Comme les indiens d'Amérique, croire que les histoires sont vivantes, flottant entre les nuages et sur les chemins, disponibles à ceux et celles qui veulent les entendre.
On devrait toujours pouvoir commencer par la fin. Changer de registre. Fragilité prenant alors la forme de l'évidence. Bien sûr, on peut arrêter, dissuadé par des notes disgracieuses, des touchers rugueux, ni même toujours justes. Mais la force est de persévérer, s'accrocher justement à ces rugosités, naviguer entre les écueils, tenter de les gravir en s'agrippant à nous-même. Peut-être qu’en haut des cimes et des abîmes trône l'agencement si précis de la grâce, son incroyable énergie. Aiguisé comme jamais, épinglant les anfractuosités dans leur élégante profondeur, fragiles et protégées par l'aboutissement du temps.
Marcher, poser des empreintes dans un monde qui voit trop souvent les choses en noir et blanc. Donner de la couleur, le clavier ne demandant qu'à être pétri, les doigts encore et toujours animés de la passion dévorante. Comme un chant déchirant.

Approcher les îles inabordables, zones d'ombres et de lumière, les secondes de bonheur que l'on ne saisit pas sur l'instant. Préambule des longues histoires. Et sous l'incongruité des situations, laisser filtrer la rigoureuse fantaisie, l'absurde étincelant, les incisives observations. Ce n'est pas un mince événement.

Jouer pour tenter d'approcher l'insondable, loin des ratages méthodiques. Tenter d’entretenir le divin avec l'art sur lequel il faudrait se pencher, inlassablement. Quiétude heureuse. Exhumer de soi ces cahiers inédits. Espérer qu'il ressemble à l'enfant qui fait des coloriages en sifflant des comptines, eau qui dort à côté de la gouache lumineuse. S'absorber dans la contemplation mélodieuse qui nous poursuit de cette ivresse musicale, qui fait perdre pied. Renverser sa boîte de jeux pour bâtir un coin charmant. Des cubes, de toutes les couleurs, d'un bel ocre jaune, de terre de sienne brûlée, des pays chauds. Et puis là, du bleu océan. Un coin où il fait bon s'y promener, dans des avenues de bric et de broc, tricotées dans la poésie des images, les recoins, les jardinets.
Avoir la main heureuse, portée par un phrasé tout en nuance, d'un charme satiné.

Quel est le point final ?
Il n’y en a pas.
Pas d’objectif. Que des contrastes…

Il est beaucoup plus intéressant de vivre sans savoir plutôt que d’avoir des réponses qui pourraient être fausses et il est de la plus haute importance de reconnaître notre ignorance et de laisser de la place au doute. C’est ce doute qui laisse à l’esprit sa liberté et son initiative.
Il n’y a aucun progrès et aucun apprentissage sans questionnement. Et pour questionner, il faut douter.

Il y a des ombres, et peut-être est-ce tant mieux : ce sont les histoires qui ne sont pas encore racontées, celles qu’on n’a pas encore su saisir. Attraper les histoires. Elles veillent sur nous. Depuis toujours, elles nous permettent de maîtriser à part égale la tristesse de savoir qu’on ne saura certainement pas toutes les raconter, et la force de la maîtriser. Il faut être très pur pour aller réclamer la page merveilleuse.
Avant que l’histoire ne se présente, nous sommes des enfants perdus dans l’enclos maigre des mots. Histoire alors qui n’a pas été racontée, mais qui a allumé une veilleuse dans le ciel.

Alors, non, jamais découragé.

Christof
Modifié en dernier par Christof le jeu. 02 juin, 2016 15:49, modifié 1 fois.
Sand17
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par Sand17 »

mieuvotar a écrit :Curieux, cette perception... Même si je ne suis pas fan de cette composition (une mélodie facile et assez peu intéressante qu'on a l'impression d'avoir entendu mille fois), je ne trouve pas que ce soit de la tristesse qui s'en dégage - ni de la musique, ni de l'histoire, ni même de l'intention derrière la composition. Au contraire d'ailleurs. Comme dit ce garçon, il s'agissait d'exprimer une certaine sérénité et l'espoir retrouvés.
Bon, c'est un peu HS par rapport au sujet du fil tout ça, désolé...
Effectivement dans le texte il ya le mot espoir mais il n'est pas écrit à la premiere personne et si je ne garde que les images
Moi je ne vois que ses poignets d'une extrême maigreur et la pâleur de son visage. J'espère que la vie lui réserve autre chose que la maladie, en plus de la musique....
Andante
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par Andante »

Voici le récit, par un pianiste professionnel incarcéré en juin 2007, d'une manière singulière de faire face avec courage : il a donné des cours de piano à ses codétenus pendant trois ans :
https://blogs.mediapart.fr/observatoire ... s-de-piano
Nicoled
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par Nicoled »

Moi je trouve ces deux témoignages superbes. Merci! :)
Je viens de changer de prof. Je faisais du sur place. Avec mon nouveau prof en deux fois 45 mn plein de choses à travailler! Ouf! ça bouge
Bien sur ça fait naitre des moments sinon de découragement, de questionnement. Mais j'essaye de passer au dessus et de me dire c'est le jour présent qui compte..Je regarde le chemin fait depuis 18 mois...et un peu moins celui qui reste "à faire" (c'est çà qui pourrait saper le moral!). Mais je garde des projets raisonnables chevillés au coeur
Mon prof souhaite que j'essaye de me remettre à la pédale (que j'avais décidé d'oublier pour le moment). IL m'a donné la 1ère Gnossienne de Satie à travailler. Sur le coup j'ai pâli... :shock: :shock: "Vous pensez que j'en suis capable? " Sa réponse? On va voir. Vous essayez, on pourra toujours prendre plus simple si c'est trop compliqué. Cette réponse me rassure...je ne suis pas toute seule avec ma partition. Alors voilà...je compte... je décompose... j'écoute des interprétations, je m'imbibe, je solfie, je joue quelques mesures de la mélodie... Je travaille les accords seuls en chantant la mélodie...j'essaie (ouh la!) d'associer un peu les deux tout doucement...et finalement après 3 jours de travail les 4 premières "mesures "(en plus il n'y en a pas de barres de mesure...) commencent à venir...
Petite fourmi suit sa route...et essaie de ne pas écouter les sorcières qui croisent son chemin :twisted: et qui ricanent
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par zebestovol »

Andante a écrit :Voici le récit, par un pianiste professionnel incarcéré en juin 2007, d'une manière singulière de faire face avec courage : il a donné des cours de piano à ses codétenus pendant trois ans :
https://blogs.mediapart.fr/observatoire ... s-de-piano
Terrible et passionnant.

Qui sait si un jour les surveillants de prison ne seront pas obligés d'apprendre un instrument de musique !
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par Marie-france »

Le témoignage de ce détenu est particulièrement émouvant. J'espère qu'il va s'en sortir!
Christof, le texte que tu as écrit est très beau, merci!
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Christof
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par Christof »

Marie-france a écrit :Le témoignage de ce détenu est particulièrement émouvant. J'espère qu'il va s'en sortir!
Christof, le texte que tu as écrit est très beau, merci!
Merci !
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par zebestovol »

Christof, j'ai vu ton magnifique texte bien après le message d'Andante, et ça fait vraiment du bien de lire (et relire..) de si belles choses, merci !
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par zende »

comment expliquer les effets de la musique jouée par soi ? Quel témoignage émouvant que cette personne qui était en prison
pianojar
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Re: Comment gérez-vous vos phases de découragement ?

Message par pianojar »

Une bonne thérapie ?
Participez à une réunion Pianomajeur et vous passerez d'un état de pessimisme à peut-être pas de l'optimisme mais à un "réalisme constructif" (çà fait très ère soviétique je trouve !.....)
Même la météo a changé son fusil d'épaule depuis la réunion, et le soleil est revenu :D
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