Je confirme que le pédalier est beaucoup moins facile qu'il n'en a l'air. Avant que je ne m'y mette, un organiste m'avait dit, après m'avoir vu jouer des préludes et fugues, que je n'aurais pas de mal. A posteriori, j'ai la même impression que lorsqu'on m'emmenait chez le dentiste quand j'étais gosse: "mais non, ça ne va pas te faire mal"... Tu parles! Heureusement que c'est quand même plus plaisant que le dentiste.

Pour commencer, au tout début, on a les cuisses et les abdominaux tellement "destroyés" au bout de 5 mn de jeu au pédalier qu'on se dit que c'est impossible. Ensuite, après avoir vu sur "Toitube" des vidéos de croulants octogénaires s'agitant sur leur pédalier comme sur un taureau de rodéo tout en faisant de la très bonne musique, on se dit qu'il n'y a pas de raison, ça doit être possible. Et en effet, au bout de quelques semaines de travail régulier, la fatigue disparaît peu à peu, au moins pour des pièces pas trop "physiques".

Ensuite, il y a le problème des chaussures. Ayant la mauvaise idée de vivre sur un grand pied (46 fillette, voire plus selon les marques), je me suis encore dit que je n'y arriverais jamais: impossible de croiser les pieds (espace trop restreint), et mes "péniches" accrochaient les touches adjacentes, comme le souligne Jacques. J'ai fini par réaliser que primo, il fallait éliminer toutes les chaussures à "bordures" pour les frictions entre elles et pour les touches, secundo il me fallait impérativement me chausser 3 ou 4 tailles en dessous si je voulais avoir une chance de croiser les pieds sans reculer mon siège tellement loin qu'il me faudrait jouer les bras tendus et penché en avant (très fatigant). Résultat: avec mes "escarpins d'orgue", lorsque je me lève de mon orgue, j'amuse beaucoup mes amis, je suis comme Augustin-Bourvil qui se fait refiler des chaussures trop petites par Stanislas Lefort-de Funès dans "La grande Vadrouille".

Mais ce n'est pas fini: mes grands panards terminent fort logiquement de longues jambes. Or, les sièges d'orgue (non réglables en hauteur à l'origine) sont calibrés pour les tailles très inférieures des siècles passés. Mon tibia étant bien trop long, je suis obligé de lever les jambes au point où le fémur ne repose plus du tout sur le banc. Donc le jeu détaché au pédalier signifie être en équilibre instable sur la pointe des fesses. Peut-être que si je grossissais un peu de ces dernières, ça irait mieux pour la stabilité, mais pour des raisons esthétiques compréhensibles, j'ai préféré expérimenter des systèmes de cales en bois (tasseaux) sous le banc.


Pour finir et comme tout le monde le signale: la lecture des 3 portées et la synchronisation des 4 membres est source de nœuds gordiens au cerveau. De ce point de vue, avec de la patience, ça s'améliore petit à petit (la pratique des fugues aide aussi, je pense) mais comme tout le monde, j'inverse souvent la main gauche et le pédalier. D'ailleurs, je suis curieux de savoir si les gauchers inversent également leur main gauche avec le pédalier, ou si c'est la main droite.
Il me reste maintenant la difficulté suprême: être capable d'être propre et précis au pédalier dans une pièce rapide et acrobatique et ça, je ne sais pas encore combien de temps ça va me prendre ni si j'y arriverai un jour.
