Brahms et Schumann

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
Répondre
Avatar du membre
Okay
Messages : 5212
Enregistré le : mar. 13 juil., 2010 17:32

Re: Brahms et Schumann

Message par Okay »

nox a écrit :Non, franchement je n'y crois pas.
Pour certaines transitions le ralenti est explicitement noté, les deux parties sont nettement séparées, et pour d'autres non.

A la limite, le ralenti (qui n'est pas noté, donc) avant la première partie syncopée est le moins évident de tous, puisque les deux parties s'enchaînent dans la même mesure, sans le moindre soupir, sans la moindre pause, sans changement de tempo. On ne peut pas dire que le fait de ralentir soit évident, et pourtant rien n'est noté.
Bon, piqué de curiosité, j'ai rejoué ce mouvement tambour battant hier soir, en scrutant bien la partition. J'ai en effet remarqué cet enchaînement visiblement direct avec la partie syncopée (début de 3e page), qui est précédée de moins d'une mesure de silence (juste un ou 2 soupirs) alors qu'on est à 76 à la blanche pointée, autrement dit même pas le temps de dire ouf et on enchaîne si on suit le texte.

Je continue de penser qu'il ne faut pas rallentir à la lumière de 2 nouveaux arguments:

- Cette partie syncopée revient avant la coda, et Schumann introduit ici une variante : le silence qui introduisait au départ cette section est cette fois-ci meublé d'une octave grave de si b, qu'on tient dans la pédale quelques mesures (à 2 pages de la fin). Et la comme par magie, on ne peut plus rallentir ici, grâce à cette basse. Flashback au premier enoncé, que se passe t-il si l'on remplace la basse par un silence en maintenant le phrasé ? Ca passe tout seul.
- Il y a une seule rupture notée dans le morceau, avec une mention "Kurze Pause" surmontant un point d'orgue entre les 2 sections les plus contrastées (avant le fa# majeur). La il demande une pause, car la musique change complètement, mais quand même courte la pause ! Il prend le soin de noter ça, ce qui n'existe nulle part ailleurs chez Schumann à ma connaissance. Ce qui montre bien que cette question revêt tout de même une certaine importance. Donc les autres transitions, où il y a moins de rupture dans la caractère, je dirais qu'il ne faut pas faire de pause supplémentaire, vu que le plus gros changement ne requiert qu'une "courte pause".
Modifié en dernier par Okay le mar. 31 juil., 2012 11:42, modifié 2 fois.
nox
Messages : 8305
Enregistré le : jeu. 17 mai, 2007 22:22

Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

@Oupsi, je vais regarder sa version, thanks

@natty : c'est ce que tout le monde me dit depuis le début de la discussion. Mais pour moi non, ce qui compte ce n'est pas ce que je pense, c'est d'abord ce que Schumann veut. Je ne peux pas me permettre de le contredire si je veux interpréter cette pièce correctement.

@JPS : ce qui m'embête avec ce que tu décris et qui correspond à peu près (je pense) à ce que je fais actuellement, c'est que ça manque de "parti pris". Si vraiment il n'y a pas de ralenti et que ces deux parties s'enchaînent, ne faut-il pas jouer là-dessus et vraiment enchaîner sans répit, sans "virgule" pour reprendre ton expression ? Accentuer encore cette impression de folie, de tourbillons d'impressions et d'ambiances ?

Si ça intéresse du monde, il serait intéressant que j'enregistre les différentes possibilités (bon pour le coup on me pardonnera de jouer sur piano électrique et d'avoir un son moche).

@Okay : bon on est en phase. Mais j'ai l'impression que pas grand monde joue dans ce sens, et que du coup ce tourbillon schumannien se transforme parfois en un joli tableau bien gentil et équilibré. Tu as une interprétation qui va dans ce sens en tête ? Pas facile cette basse de "si bémol" à la fin d'ailleurs. Comment est ce que tu la tiens ? Personnellement je la garde dans la pédale une mesure (moins long que ce que Schumann demande donc) pour ne pas noyer les harmonies, et surtout je la marque beaucoup pour qu'on la sente s'éteindre. Mais c'est un peu bancal pour l'instant.
Modifié en dernier par nox le mar. 31 juil., 2012 11:45, modifié 1 fois.
Avatar du membre
Oupsi
Messages : 4421
Enregistré le : ven. 31 juil., 2009 14:06
Localisation : S.-O.

Re: Brahms et Schumann

Message par Oupsi »

nox a écrit :@JPS : ce qui m'embête avec ce que tu décris et qui correspond à peu près (je pense) à ce que je fais actuellement, c'est que ça manque de "parti pris". Si vraiment il n'y a pas de ralenti et que ces deux parties s'enchaînent, ne faut-il pas jouer là-dessus et vraiment enchaîner sans répit, sans "virgule" pour reprendre ton expression ? Accentuer encore cette impression de folie, de tourbillons d'impressions et d'ambiances ?
Ben faut essayer!

C'est la difficulté d'exprimer le chaos,
de jouer le rôle d'un homme ivre,
de donner des sensations de tumulte avec un langage malgré tout organisé.

Faut essayer, écouter, réessayer, je pense que c'est impossible de juger dans l'abstrait!
nox a écrit :Si ça intéresse du monde, il serait intéressant que j'enregistre les différentes possibilités (bon pour le coup on me pardonnera de jouer sur piano électrique et d'avoir un son moche).
Bien sûr que c'est intéressant!
Avatar du membre
natty_dread78
Messages : 1269
Enregistré le : lun. 07 juin, 2010 14:52
Mon piano : Yamaha C1

Re: Brahms et Schumann

Message par natty_dread78 »

nox a écrit :@Oupsi, je vais regarder sa version, thanks

@natty : c'est ce que tout le monde me dit depuis le début de la discussion. Mais pour moi non, ce qui compte ce n'est pas ce que je pense, c'est d'abord ce que Schumann veut. Je ne peux pas me permettre de le contredire si je veux interpréter cette pièce correctement.
Tu joues avec les mots Nox. Je rephrase: "joue comme tu penses que Schumman voudrait voir jouer son oeuvre".
In piano veritas.
nox
Messages : 8305
Enregistré le : jeu. 17 mai, 2007 22:22

Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

Alors la réponse est : "justement, je ne sais pas ce qu'il voudrait en l'occurrence, c'est tout l'objet du débat" :)
Avatar du membre
Okay
Messages : 5212
Enregistré le : mar. 13 juil., 2010 17:32

Re: Brahms et Schumann

Message par Okay »

nox a écrit :@Okay : bon on est en phase. Mais j'ai l'impression que pas grand monde joue dans ce sens, et que du coup ce tourbillon schumannien se transforme parfois en un joli tableau bien gentil et équilibré. Tu as une interprétation qui va dans ce sens en tête ? Pas facile cette basse de "si bémol" à la fin d'ailleurs. Comment est ce que tu la tiens ? Personnellement je la garde dans la pédale une mesure (moins long que ce que Schumann demande donc) pour ne pas noyer les harmonies, et surtout je la marque beaucoup pour qu'on la sente s'éteindre. Mais c'est un peu bancal pour l'instant.
Non, je n'ai aucune autre interprétation, mais ça ne me gène pas. En fait, je crois que je suis moins ennuyé que toi par ces histoires de tradition, de consensus. C'est sûrement parce que mon prof m'avait tellement de fois reproché des bizareries dans mon jeu lorsque c'était non conforme au texte, en appelant ça des "tics de disques". Ca l'agaçait vraiment, et il remarquait systématiquement lorsque je faisais certaines choses inconsciemment, qui venaient d'interprétations que j'avais intégrées malgré moi.
Il me demandait de faire très attention en écoutant les disques (le mieux étant d'éviter tout court), et m'encourageait plutôt à emprunter l'urtext de la médiathèque pour corriger ma partition si j'avais du non urtext...
Du coup, je préfère me faire ma propre analyse que d'emprunter les choix des "grands interprètes", et tant que mon goût est défendable, je m'y tiens si je suis plus en phase avec.

Pour la basse de si b, je fais comme toi. Il faut garder en tête que la pédale des pianos de la première moitié du 19e siècle ne gardait pas les harmonies comme le piano moderne. Il suffit de regarder la pédalisation des dernières sonates de Beethoven, impossible à suivre sur les pianos modernes. L'idéal est d'utiliser la pédale tonale ....
nox
Messages : 8305
Enregistré le : jeu. 17 mai, 2007 22:22

Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

Disons que je me poserais moins de question si je jouais pour moi, mais est ce que ce n'est une grosse prise de risque de jouer de cette manière pour un concours, sachant que "personne ne fait comme ça" ?
Avatar du membre
JPS1827
Messages : 3426
Enregistré le : lun. 25 avr., 2011 11:27
Mon piano : Steinway A, Seiler 122
Localisation : Bourg la Reine

Re: Brahms et Schumann

Message par JPS1827 »

Pour le concours Robert Schumann, ça peut avoir de l'importance, car il y a un jury de gardiens d'une tradition etc.
Pour les Grands Amateurs, ça n'a à mon avis, strictement aucune importance. L'impression générale, la présence sur scène, le brio pianistique, l'abattage, et bien sûr la propreté d'exécution, sont des éléments déterminants, personne ne va te chercher des poux sur un ralenti qui est "bien passé". Par contre une bousculade se remarque toujours (il faut vérifier en t'enregistrant que le changement brutal d'atmosphère est bien compréhensible, que ça ne paraît pas simplement "bousculé").
Avatar du membre
Oupsi
Messages : 4421
Enregistré le : ven. 31 juil., 2009 14:06
Localisation : S.-O.

Re: Brahms et Schumann

Message par Oupsi »

Tu tournes en rond, Nox. Tu devrais d'abord résoudre ta question musicale, en l'expérimentant sincèrement et en allant jusqu'au bout de ta démarche.
Après, dans un deuxième temps, tu décides ce que tu fais pour le concours.

Qui peut le plus peut le moins.

(EDIT je n'ai jamais participé à un concours, bien sûr, donc ma remarque à une valeur toute relative, mais ça me paraît tout de même étrange d'aller à un concours en craignant que le jury puisse ne pas comprendre? Comme si "par essence" il ne pouvait pas comprendre? N'est-il pas capable de percevoir une recherche, une petite différence intéressante, si cela est bien défendu par l'interprète? Je veux dire, pour en revenir à ce que tu disais avant, si tu veux être reconnu par eux, tu es quand même condamné à tenter de les persuader! Et de les persuader y compris sur les réponses que tu trouves à des problèmes musicaux. Non?)
Avatar du membre
natty_dread78
Messages : 1269
Enregistré le : lun. 07 juin, 2010 14:52
Mon piano : Yamaha C1

Re: Brahms et Schumann

Message par natty_dread78 »

nox a écrit :Alors la réponse est : "justement, je ne sais pas ce qu'il voudrait en l'occurrence, c'est tout l'objet du débat" :)
Ah ok. Je n'ai pas tout lu, je pensais que tu penchais assez nettement vers le fait de ne pas faire de ralenti à l'endroit en question.
nox a écrit : Disons que je me poserais moins de question si je jouais pour moi, mais est ce que ce n'est une grosse prise de risque de jouer de cette manière pour un concours, sachant que "personne ne fait comme ça" ?
Donc c'est bien ce que j'avais compris, tu ne sens pas de ralenti, mais tu hésites car tout le monde joue différemment. Pour moi il n'y a pas à hésiter, n'en fais pas.
Joue pour toi, pas pour le jury. Arrete de te poser des question, et ose prendre des risques (arrete moi si je me trompe, mais tu ne risques pas ta carrière, tu as deja un travail).
Imaginons: tu ne fais pas de ralenti, le jury est scandalisé et tu es recalé. Pour moi tu n'auras rien à te reprocher. Ou bien le jury n'a pas compris ta vision et c'est tant pis, ou bien ta vision etait effectivement de mauvais gout, auquel cas tu n'y peux rien non plus. Si on n'est pas un minimum bon artiste, il faut arreter le piano, ou, du moins, chercher à progresser dans ce sens la (mais c'est pas gagné). Au moins, tu le sauras.
Mais si au contraire tu fais le ralenti, tu joues tout comme les autres, et que tu es quand meme recalé, que penseras tu ? Tu te le reprocheras sans doute.
Et quelle satisfaction aurais tu de gagner le concours en ayant joué pas du tout comme tu le sens ?

Par exemple, je suis tombé récemment sur l'interprétation de Lugansky de l'Appassionata mvt 3: http://www.youtube.com/watch?v=-6X9So1wRys&t=7m20s. Lugansky fait un crescendo lors de chaque série d'accords. Ce n'est pas du tout écrit, personne à a ma connaissance ne joue le passage comme ca, mais je trouve ca de très bon gout. Ca c'est de l'art.

Pour finir, une petite citation d'Horowitz:
"I must tell you I take terrible risks. [...] If you want me to play only the ntoes without any specific dynamics, I will never make one mistake. Never be afraid to dare."
-Vladimir Horowitz

Je traduis approximativement: "Je dois dire que je prends des risques terribles. Si je jouais uniquement les notes sans aucune dynamique, alors je ne ferais jamais aucune erreur. N'ayez jamais peur d'oser".
In piano veritas.
Avatar du membre
Okay
Messages : 5212
Enregistré le : mar. 13 juil., 2010 17:32

Re: Brahms et Schumann

Message par Okay »

nox a écrit :Disons que je me poserais moins de question si je jouais pour moi, mais est ce que ce n'est une grosse prise de risque de jouer de cette manière pour un concours, sachant que "personne ne fait comme ça" ?
Il ne vont pas comparer ton choix avec un certain consensus. Je pense toujours qu'il ne faut pas rallentir (cette transition me parait tout à fait gérable, si le premier accord de la b est joué piano en timbrant bien la note supérieure), mais peu importe ce que tu choisis, le plus risqué est de faire quelque chose qui sonne incongru dans ton jeu.
La dessus, sans nier ce débat précis, je m'accorde plutôt avec JPS, qui le relativise tout de même au regard d'autres points plus discriminants pour un concours.
Avatar du membre
JPS1827
Messages : 3426
Enregistré le : lun. 25 avr., 2011 11:27
Mon piano : Steinway A, Seiler 122
Localisation : Bourg la Reine

Re: Brahms et Schumann

Message par JPS1827 »

Un autre problème est celui de la réalisation : voici par exemple un cas où l'interprète n'attend pas, mais qui manque à mon avis complètement son but
http://www.youtube.com/watch?v=OJ8OmyvQBQ0&#t=1m20s

Un autre où il ralentit puis attend (!) et qui pourtant juxtapose bien mieux deux tableaux différents, bien que je ne sois pas parfaitement satisfait par cette solution
http://www.youtube.com/watch?v=OsDbSKAwVSE#t=1m20s

Un autre, bien fait, mais qui ne me plaît pas
http://www.youtube.com/watch?v=0xZqaDHOddA#t=1m20s

Un autre, où la transition me plaît beaucoup (mais pas la brutalité avec laquelle il joue l'épisode qui précède)
http://www.youtube.com/watch?v=f0Cb_JuF7GE#t=1m20s

L'idée ne vaut en fait que par sa réalisation ! D'où l'importance d'être en accord avec soi-même sans essayer de se conformer à divers "canons".
nox
Messages : 8305
Enregistré le : jeu. 17 mai, 2007 22:22

Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

Donc c'est bien ce que j'avais compris, tu ne sens pas de ralenti, mais tu hésites car tout le monde joue différemment. Pour moi il n'y a pas à hésiter, n'en fais pas.
En fait ce n'est pas que je ne sens pas de ralenti. Justement, si on en reste aux sensations, on ralentit. C'est plus joli, plus propre, plus "facile" car plus évident. Et c'est en accord avec beaucoup d'interprétations de grands pianistes.
...
Mais ça n'est pas écrit.

Si je dois jouer comme je le "sens", je ralentis. Mais en l'occurrence justement je pense qu'il faut passer outre ces premières sensations et essayer de trouver un autre chemin.

Bref, merci pour vos indications, je vais essayer de m'en sortir sans ralentir, et si ça ne passe pas j'essayerai la solution sage.
Jean-Luc
Messages : 3665
Enregistré le : mer. 21 juin, 2006 22:03
Mon piano : Kawaï GL 10 Anytime
Localisation : Paris

Re: Brahms et Schumann

Message par Jean-Luc »

nox a écrit :En fait ce n'est pas que je ne sens pas de ralenti. Justement, si on en reste aux sensations, on ralentit. C'est plus joli, plus propre, plus "facile" car plus évident. Et c'est en accord avec beaucoup d'interprétations de grands pianistes.
Je ne suis pas certain que ça soit plus joli avec le ralenti.
L'idée d'un vrai carnaval avec tout ce qu'il peut y avoir d'étourdissant me plaît davantage.

Voilà comment, personnellement, j'envisagerais les choses : il faut imaginer un homme ou une femme, au milieu d'un carnaval, qui va finalement basculer dans la folie. C'est peut-être un peu exagéré comme image, mais je le vois comme ça.

- le genre de ritournelle (1er thème) devrait être franc et joyeux; il s'agirait là d'une réalité festive et tourbillonnante. A chaque reprise de cette ritournelle, donner un sens de plus en plus oppressant. Tu peux rendre cette progression en commençant par faire les croches bien en mesure au début, puis de donner plus dynamique, plus d'allant dans les reprises. Les accords conclusifs (sol-sol-la-sib) avec une tension grandissante, surtout sans ralentir.

-les quelques passages disons plus calmes, seraient comme des moments où le sujet serait coupé de ce tourbillon, voire coupé du monde, une forme d'introspection sur lui-même.
Pour assurer la rupture entre ces différents états d'esprit, il ne faut évidemment aucun ralenti et aucune rupture de tempo. Il faut plutôt rompre le son, faire du piano subito par exemple. Bon, tu vas me dire que ce n'est écrit, je te vois venir... :mrgreen: Mais je ne vois pas trop comment faire autrement pour transmettre cette vision-là, et puis ce n'est pas complètement faux, même si "subito" n'est pas précisé.
Par contre, dans ces passages, tu peux donner tour à tour un côté très rêveur (1er passage), ou un côté angoissé et haletant (2ème passage avec les syncopes), puis un côté plus étrange (3ème fois) comme si le sujet commencait à perdre un peu la raison.

- au passage avec l'allusion à la Marseillaise, je trouve ce passage très cynique, presque grinçant, comme si le sujet commençait vraiment à perdre la raison. Ici, je le vois comme quelque chose de faussement joyeux.

- la suite avec les sauts d'accords, c'est la folie, mais une folie où le sujet ne comprend pas ce qu'il lui arrive. Une forme de peur donc, avec la déraison en plus. Je trouve que les dissonances écrites par Schumann se prêtent à merveille à cet état d'esprit.

- enfin la coda : un moment de calme revenu (le mieux de la fin en quelques sortes!), mais temporaire, jusqu'à la reprise de la ritournelle modifiée, qui signifierait que le sujet a cette fois-ci basculé dans la folie.

Bon, c'est peut-être un peu tiré par les cheveux, mais si je devais travailler ce morceau, c'est ceci que je m'emploierais à faire.
Peut-être que ces quelques pistes pourront t'aider en te permettant peut-être de proposer quelque chose sans faire ces ralentis. Ne pas les faire n'est finalement pas très difficile si tu as une vision claire dans ta tête. Celle que je te propose est venue naturellement, elle est évidemment sujette à caution...

J'ai écouté plusieurs versions, et aucune ne correspond complètement à cette vision de l'oeuvre. En revanche, il y a tout ça si on compile plusieurs versions... :oops:
nox
Messages : 8305
Enregistré le : jeu. 17 mai, 2007 22:22

Re: Brahms et Schumann

Message par nox »

Jean-Luc a écrit : Je ne suis pas certain que ça soit plus joli avec le ralenti.
L'idée d'un vrai carnaval avec tout ce qu'il peut y avoir d'étourdissant me plaît davantage.
Oui oui, j'ai bien dit "plus joli", pas "mieux". En faisant un vrai ralenti, en posant bien les différentes parties, c'est plus reposant, mieux structuré, un peu comme les Papillons. Mais je pense que sans ralentir, on retrouve un esprit plus conforme à ce que souhaite Schumann.
Jean-Luc a écrit :Voilà comment, personnellement, j'envisagerais les choses :
Ah ! Petit exercice d'analyse ! Vamos !
Jean-Luc a écrit : - le genre de ritournelle (1er thème) devrait être franc et joyeux; il s'agirait là d'une réalité festive et tourbillonnante. A chaque reprise de cette ritournelle, donner un sens de plus en plus oppressant. Tu peux rendre cette progression en commençant par faire les croches bien en mesure au début, puis de donner plus dynamique, plus d'allant dans les reprises. Les accords conclusifs (sol-sol-la-sib) avec une tension grandissante, surtout sans ralentir.
C'est une idée oui, j'avais plutôt pensé à m'inspirer de l'ambiance précédente à chaque fois. Et puis finalement j'ai abandonné, puisque Schumann semble justement vouloir juxtaposer des éléments sans la moindre corrélation. Cette idée d'accentuer la "folie" au fur et à mesure est plus intéressante, mais comme les retours de ce thème sont nettement séparés, je ne pense pas qu'on le percevrait. Il faudra que j'essaye. Le risque c'est de perdre les pieds et d'accélérer à outrance
Jean-Luc a écrit : -les quelques passages disons plus calmes, seraient comme des moments où le sujet serait coupé de ce tourbillon, voire coupé du monde, une forme d'introspection sur lui-même.
Pour assurer la rupture entre ces différents états d'esprit, il ne faut évidemment aucun ralenti et aucune rupture de tempo. Il faut plutôt rompre le son, faire du piano subito par exemple. Bon, tu vas me dire que ce n'est écrit, je te vois venir... :mrgreen: Mais je ne vois pas trop comment faire autrement pour transmettre cette vision-là, et puis ce n'est pas complètement faux, même si "subito" n'est pas précisé.
Il n'est pas précisé ? Si, en un sens, vu qu'on a une nuance forte puis piano sans le moindre diminuendo entre les deux.
Jean-Luc a écrit : Par contre, dans ces passages, tu peux donner tour à tour un côté très rêveur (1er passage), ou un côté angoissé et haletant (2ème passage avec les syncopes), puis un côté plus étrange (3ème fois) comme si le sujet commencait à perdre un peu la raison.
Je suis d'accord sauf pour le côté "angoissé et haletant" du deuxième passage. Je ne le sens pas comme quelque chose d'angoissé. J'aimerais justement ne pas tomber dans l'introspection à outrance. Je vois dans ce cycle de carnaval plus d'amusement que d'angoisse.
Jean-Luc a écrit : - au passage avec l'allusion à la Marseillaise, je trouve ce passage très cynique, presque grinçant, comme si le sujet commençait vraiment à perdre la raison. Ici, je le vois comme quelque chose de faussement joyeux.
Cynique peut-être pas, je le sens plus comme de l'humour plutôt bon enfant, qui reste dans l'amusement et presque l'insouciance. C'est un pied de nez à l'empereur d'Autriche, qui avait interdit cette mélodie suite à la révolution française il me semble.
Jean-Luc a écrit : - la suite avec les sauts d'accords, c'est la folie, mais une folie où le sujet ne comprend pas ce qu'il lui arrive. Une forme de peur donc, avec la déraison en plus. Je trouve que les dissonances écrites par Schumann se prêtent à merveille à cet état d'esprit.
Ah non, là je ne suis plus en phase du tout. C'est un hommage à Beethoven, avec beaucoup de poésie.
Jean-Luc a écrit : - enfin la coda : un moment de calme revenu (le mieux de la fin en quelques sortes!), mais temporaire, jusqu'à la reprise de la ritournelle modifiée, qui signifierait que le sujet a cette fois-ci basculé dans la folie.
Là aussi je ne le sens pas comme ça. Pour moi c'est un moment de quasi-rupture, avec ces septièmes de la dernière page.

C'est en tout cas un petit challenge de construire quelque chose là-dedans, et d'être cohérent du début à la fin :)
Jean-Luc
Messages : 3665
Enregistré le : mer. 21 juin, 2006 22:03
Mon piano : Kawaï GL 10 Anytime
Localisation : Paris

Re: Brahms et Schumann

Message par Jean-Luc »

Ce sont juste des pistes qui me sont venues comme ça à l'écoute attentive de ce morceau, dans un contexte de me dire : "si je devais le jouer, qu'est-ce que j'essaierais de dire là-dedans?". Ce sont donc des idées très "primaires"... :D

Pourtant, comme souvent chez Schumann il y a très souvent un côté tourmenté ou mystérieux (excepté dans les pièces de jeunesse). Donc, personnellement, je ne le vois comme une pièce d'amusement. En tous cas, cette pièce ne m'évoque pas que cela du tout. Mais bon, chacun sa perception hein... :wink:

Oui, l'allusion à Beethoven est certaine dans cette sucession d'accords. Mais je trouve que les dissonances qui viennent ensuite m'évoquent vraiment quelque chose "d'autre".

Pour la Marseillaise, c'est exactement ce que tu dis qui s'est passé.

Enfin, voilà qui donne de quoi réfléchir!
Avatar du membre
Marie-france
Messages : 2762
Enregistré le : mer. 16 févr., 2005 13:17

Re: Brahms et Schumann

Message par Marie-france »

Je réponds un peu tardivement à une question qui m'avait été posée concernant les biographies que j'ai lues.
"Clara, la vie à 4 mains" de Catherine Lépront.
"Brahms sa vie son oeuvre" par Karl Geiringer
"Schumann" par Boucourechliev
Je les ai lues dans cet ordre. Le livre de Clara m'a captivée, celui de Brahms aussi, mais Schumann venant en dernier, et d'une autre écriture, m'a moins plu. J'avais en plus l'impression d'avoir déjà tout lu sur les 2 livres précédents...
Ceci étant, Mylène m'a prêté son livre sur Schumann, et je découvre le compositeur et son oeuvre. C'est avec un éclairage nouveau que je l'écoute. Je commence à réellement apprécier!
Merci Mylène! :D
Avatar du membre
Mylène
Messages : 546
Enregistré le : mar. 11 mars, 2008 9:44
Mon piano : Casio PX110 ; Kawai BL61 ; Ibach FII
Localisation : Seine Maritime
Contact :

Re: Brahms et Schumann

Message par Mylène »

Je réponds un peu tardivement à une question qui m'avait été posée concernant les biographies que j'ai lues.
"Clara, la vie à 4 mains" de Catherine Lépront.
"Brahms sa vie son oeuvre" par Karl Geiringer
"Schumann" par Boucourechliev
Merci pour ces références, Marie-France.
Je ne connais que le livre de Boucourechliev qui est une bonne première approche je trouve.
Comment est le livre "Clara, la vie à quatre mains" ? Je l'ai eu plusieurs fois entre mes deux mains, mais ne l'ai jamais acheté. J'ai été assez déçue par un roman sur le couple ("Clara, le soleil noir de Robert Schumann") que maintenant, je suis très méfiante.

Je suis plongée dans la correspondance Liszt/Madame d'Agoult le livre m'a sauté dessus chez Arioso, je n'ai rien pu faire. #-o
Avatar du membre
Marie-france
Messages : 2762
Enregistré le : mer. 16 févr., 2005 13:17

Re: Brahms et Schumann

Message par Marie-france »

Le livre sur Clara m'a bien plu. Il est très bien écrit.
Par contre, toi qui a tant lu sur Schumann (et sûrement sur Clara), je ne sais pas si tu trouveras des choses que tu ne connais pas. Mais c'est agréable à lire!
Avatar du membre
jean-séb
Messages : 11298
Enregistré le : lun. 16 oct., 2006 20:36
Mon piano : Yamaha C3
Localisation : Paris

Re: Brahms et Schumann

Message par jean-séb »

Mylène a écrit :Je suis plongée dans la correspondance Liszt/Madame d'Agoult le livre m'a sauté dessus chez Arioso, je n'ai rien pu faire. #-o
Je confirme, c'est passionnant et tellement vivant.
Répondre