Concours Chopin Varsovie 2015

[nox]

Je comprends totalement ce que tu veux dire. Ca correspond à ce que je ressens.

Après, je suis peut être naïf mais j'ai du mal à me dire qu'à ce niveau (on aime ou on aime pas, mais ça reste quand même du piano de haut niveau) on puisse recourir à de tels trucs à défaut d'avoir une réelle vision cohérente de l'oeuvre.
Si c'était aussi tranché, tu crois vraiment que le jugement serait à ce point biaisé qu'il puisse sans plus de remous arriver en finale d'un tel concours ?

Honnêtement, je ne sais pas...
Je sais que je n'aime pas, pour le reste......

[nox]

Bon, c'est parti pour les concertos ! Dans l'odre, donc je commence par Cho.
Première réaction, à l'intro orchestrale : la vache ! C'est leeeeeeeeeeeeeeeeeeent !!

[Florestan]

Honnêtement, je ne sais pas...

Moi non plus! Je ne suis bien évidemment expert de rien du tout, juste un amoureux de la musique (et de Chopin) en stage intensif d'écoute active! La façon dont j'affirme parfois des choses est plus une méthode pour avancer que le produit d'un résultat... Derrière cette façade se cache un laboratoire très bordélique encombré d'intuitions, de goûts, d'observations, d'impressions. Ce style d'événements est pour moi une occasion rêvée d'essayer de mettre un peu d'ordre dans tout ça! Mon ambition en participant à ce fil c'est (par le partage et l'expression) de préciser et d'approfondir la façon dont je perçois la musique, et je pense que cette route n'a pas de fin!

[leLama]

@Florestan
J'essaie de mettre des qualificatifs sur le jeu d'OSikins. Il va droit au but, fait peu de transitions entre les differents passages, ne met en evidence que les moments forts sans s'attarder dans les details et les recoins. Est-ce compatible avec ce que tu as entendu ?

[nox]

Ah non, justement j'ai l'impression de tout sauf de "droit au but" avec ce type d'interprétation.
Au contraire, j'ai l'impression qu'il rend tortueux ce qui doit briller par sa simplicité.

[nox]

C'est intéressant le jeu de Cho, avec le poignet très bas, et il joue beaucoup avec les doigts.
Beau premier mouvement, mais je l'ai trouvé plus linéaire que dans les préludes (bon, ce sont deux oeuvres qui sur ce plan n'ont rien à voir aussi...).

[Florestan]

Ah non, justement j'ai l'impression de tout sauf de "droit au but" avec ce type d'interprétation.
Au contraire, j'ai l'impression qu'il rend tortueux ce qui doit briller par sa simplicité.

C'est plutôt mon avis, mais je n'entend pas une "âme torturée" non plus, plus la volonté de rendre les choses "différentes" donc forcément "intéressantes". Je dirais qu'il y a chez lui une remarquable absence de continuité, j'entends vraiment une successions de passages. Le mot décousu, utilisé par JPS, correspond vraiment à mon ressenti.

[Florestan]

@Florestan
J'essaie de mettre des qualificatifs sur le jeu d'OSikins. Il va droit au but, fait peu de transitions entre les differents passages, ne met en evidence que les moments forts sans s'attarder dans les details et les recoins. Est-ce compatible avec ce que tu as entendu ?

J'ai oublié de citer ton message avant celui de nox, dans le message ci dessus je répondais aux deux bien évidemment.

[nox]

Fin le concerto de Cho ! Les deuxièmes et troisièmes mouvement m'ont nettement plus plu ! Surtout le 3ème, très enlevé, très précis.
Je continue !

[Florestan]

D'ailleurs hier j'ai rattrapé la fin des préludes de Cho, assez impressionnant quand même. Il joue le 19ème avec une telle souplesse et une telle aisance que ça avait l'air du même niveau de difficulté que disons l'impromptu en sol bémol de Schubert!

[JPS1827]

Je n'ai encore pu écouter que le premier mouvement de Cho, rien à lui reprocher, c'est très bien joué. Un truc que j'ai trouvé dommage, c'est qu'il est tellement fort pianistiquement qu'il a pu jouer la cadence à un mouvement qui lui ôte une bonne partie de sa poésie et de sa luminosité : un poil moins vite et avec des plans sonores plus étagés entre les trilles de la main gauche (qui n'ont plus le temps de "friser" à cette allure), les croches de la partie inférieure de la main droite, et les doubles croches aiguës, ça m'aurait paru plus exaltant et plus convaincant, ce difficile passage est tellement beau !

Sinon, j'ai oublié de dire un mot sur l'orchestre : bovin !!

[Ecalucie]

Quelqu'un suit en direct ?

[Florestan]

Je ne sais pas si c'est possible ou si vous aimeriez faire, mais pouviez-vous comparer les différences entre le 4ème ballade de Tartakovksy par rapport les versions de Avdeeva et Yundi Li, comme ces versions étaient les récents "gagnantes" de ce concours ?

Vaste question...
Je ne connais pas la version de Yundi Li, mais entre Avdeeva et Tartakovsky, je dirais qu'il y a des points communs principalement dans l'esprit avec lequel ils abordent la pièce, l'intensité et le sérieux qu'ils donnent à cette musique. Il y a chez Avdeeva plus de recherche et d'audace dans les phrasés, et ce dès l'introduction. La conduite du premier thème est très sophistiquée, on sent qu'elle n'a vraiment pas envie de répéter ces quatre notes de manière linéaire comme on l'entend souvent, tala tala TA TA TA TA...mais quand on regarde la partition on se dit que Chopin non plus, puisqu'il y a une respiration après la première, la deuxième est piquée et qu'on a un soufflet qui descend à partir de la troisième. Difficile de faire quatre notes identiques plus variées! Dans l'ensemble ça reste toujours très émouvant et organique à mon goût. C'est une version à son image, pleine de panache et de passion.
Tartakovsky n'a pas autant d'audace mais ce qui m'a impressionné c'est la justesse de ton avec laquelle il aborde l'oeuvre. Pour moi ce n'est pas encore le Chopin de l'éblouissement sonore de la barcarolle, de la berceuse ou des derniers nocturnes, c'est une musique dramatique, très "premier degré" malgré sa complexité et dont la matière première est le coeur. (évidemment c'est très personnel, et il y a beaucoup de lectures qui la tirent plus vers le "dernier Chopin"). Tartakovsky s'attache à en révéler les beautés sans jamais vouloir "faire joli" (ce qui pour moi est un total contre-sens dans cette musique). L'introduction est une des plus belles que j'aie jamais entendue, c'est une musique qui donne l'impression d'arriver de loin et d'ouvrir une porte sur tout un univers, et avec déjà toute l'ambiguité émotionnelle qu'il y a dans cette oeuvre.
En fait on touche là à l'essence de l'art interprétatif, avec les mêmes distinctions que l'on peut trouver dans le travail des acteurs, entre comédien de théâtre et "actor's studio". J'ai entendu dans le concours beaucoup de versions dont on peut dire qu'elles sont belles, abouties, mais quand même très "jouées" et construites. Je pense ( crois?) que la version de Tartakovsky m'a particulièrement touché parce que c'est un morceau qu'il comprend profondément et avec lequel il peut s'exprimer de façon naturelle. Pas besoin de chercher à "faire des choses", juste incarner, être, et laisser Chopin faire le reste!

[JPS1827]

Beau commentaire…

[katy]

Moi je suis...et je découvre tous ces gens ! Là la barre est très très haute.. avec Eric Lu niveau stratosphérique, que de la poésie, du chant, et des doigts absolument infaillibles. On peut peut-être souhaiter une plus grande variété de climats mais il est incroyable.
Le Polonais est entré visiblement tendu... mais s'avère à la hauteur, dans un style plus conquérant et volontaire, et là encore pas une paille. Approche diamétralement opposée, c'est passionnant.

[rachmaninoff]

Le concerto de Nehring est jusqu'ici assez incroyable, je trouve... La version de Lu était d'une clarté à force peut-être un peu lassante, le Polonais en fait quelque chose de bien plus sombre et profond, très contrasté. Une cadence superbe, malgré le mouvement, les trilles frisantes sont bien là. Il a aussi l'air d'avoir plus d'expérience de jeu avec un orchestre.

En tout cas, ça fait déjà deux finalistes (Kate Liu et Eric Lu) qui sont passés sur le Steinway pour la finale. Mes oreilles me disent merci, le Yamaha commençait à m'agacer, au bout d'un moment...

[katy]

Pour le moment je préfère aussi le Polonais, les climats et la sonorité sont plus variés mais les deux sont très très forts.

[rachmaninoff]

D'ailleurs je me demande s'il n'a pas déjà eu l'occasion de travailler avec cet orchestre, étant Polonais. Ça ne m'étonnerait vraiment pas, tant le travail de synchronisation est abouti ici (plus que ce que j'ai entendu des autres finalistes, il me semble).

[JPS1827]

Je suis en train d'écouter Lu dans le premier mouvement, magnifique ; bien que le ton soit assez linéaire le discours ne vous lâche jamais. Un cadence d'une tout autre classe que par Cho.
L'œuvre paraît d'une beauté inouïe.

[Florestan]

Je peux me tromper mais j'ai l'impression que Nehring fait une très forte impression dans la salle, beaucoup d'énergie et d'autorité, beaucoup d'amplitude dans le discours. Eric Lu était en effet beaucoup plus linéaire et délicat je me demande si il n'a pas un peu manqué de projection par moment.
Très beaux parcours de Nehring et de Lu dans la compétition!