Florestan a écrit :Je crois aussi que la première note du triolet est un pivot expressif de la phrase, mais je trouve qu'il faut quand même affirmer un peu le premier temps de la mesure. En revoyant l'enregistrement j'ai l'impression (à tort peut-être) d'un plaisir très digital à faire "tinter" ce point haut de la phrase, et lui donner une partie de l'énergie qui reviendrait à la note qui suit (précisément à 2min04 sur ton enregistrement, et les répétions qui suivent).
C'est vraiment très clairement exprimé et observé, d'accord à 100%.
Florestan a écrit :En ce qui concerne le caractère général de l'oeuvre, pour préciser mes impressions je dirais que je ne la mettrais pas au nombre des oeuvres les plus combatives, hérissées, angoissées, désespérées. C'est quelque chose que je trouve magnifique dans la trajectoire de cet artiste, cette forme de victoire du génie, la conquête d'une liberté incroyable, d'un espace créatif avec une qualité de lumière unique (et qui bien sûr dans son cas a nécessité une longue fréquentation de l'ombre). Dans ces dernier grands opus, on a l'impression qu'il a vraiment trouvé une source d'où la musique jaillit en permanence, constamment nouvelle, originale et émouvante, suprêmement libre. Cette polonaise-fantaisie ma semble sortie de cette source, avec ce "souvenir martial" comme tu dis mais plus dans le sens de la noblesse, une musique au sang bleu. Et dans le finale j'entends de la force, un poète vivant et en pleine possession de ses moyens.
Merci pour ces précisions. Je vois très bien ce que tu veux dire, et suis tout à fait en phase avec l'essentiel de cette vision. C'est seulement ce que tu dis à la fin, l'aspect "noblesse/sang bleu" que je questionne, sans détenir de réponse et sans prétendre l'avoir un jour. Ce que je conjecture (peut-être profondément à tort), c'est que la Polonaise-Fantaisie n'est peut-être pas moins obscure qu'une 4e ballade, mais transpirerait une douleur subie en affichant un demi-sourire étouffant presque tous les sanglots. Tout y serait beaucoup plus en filigrane, d'où cette idée audacieuse d'une fin davantage convulsive que noble. Encore une fois, c'est une hypothèse qui s'effondrera peut-être bientôt.
Florestan a écrit :Même si je ne suis pas sûr que tu adhères au style de Avdeeva
J'ai beau ne pas adhérer à tout ce qu'elle fait, c'est également cette version que j'ai choisie pour poster un extrait plus haut il y a quelques posts, car je trouve que c'est l'une des plus belles lectures qui soit (je l'ai même préférée à Trifonov qui y est assez génial, c'est dire). J'ai également écouté l'album des Polonaises du vainqueur de l’édition précédente (je crois qu'il avait aussi remporté le prix de la meilleure polonaise pour son opus 53), et je suis tombé de bien haut

Je découvre aussi récemment les albums Chopin de N. Goerner, que je place dans mon panthéon des chopiniens de tout premier ordre. Un prestige sonore, une justesse et une inventivité continus. Il a notamment un merveilleux CD consacré aux grands opus de la fin, avec un 4e scherzo fabuleux (tout est très beau). Maintenant je n'écoute plus rien, je cherche !