Bonjour à tous
Je viens de mettre en ligne la vidéo de ce que j'ai joué :
http://www.automatesintelligents.com/mu ... ristof.mp4
Cela fait drôle de se voir. Parce que j'ai l'impression d'être hypersérieux...

En fait, ce qui se passe à l'intérieur, c'est tout le contraire. Ce n'est pas que ce n'est pas sérieux, mais c'est quelque chose d'extrêmement doux, de chaud. Je suis là, mais je ne suis plus là. Mes yeux sont ouverts, mais je ne vois rien.
C'est comme un flux qui coule (sauf quelquefois où quelque chose accroche un peu, mais je n'y porte aucune importance).
Lee, si tu lis ce message, tu avais demandé dans un autre fil (celui du 5 juin) si c'était improvisé, comment cela fonctionnait. Si il y avait plusieurs morceaux ou un seul ? Pianojar a commencé à expliquer. J'espère que ces explications peuvent apporter quelque chose à tous, et je vais essayer de développer un peu plus ci-dessous à partir de cette vidéo.
En venant samedi, j'avais une petite idée de ce que je jouerai, mais pas vraiment. Mais comme c'est Pianojar qui invitait à cette journée, je me suis dit que je lui ferai de petits clins d'oeil avec certains morceaux, sachant son goût prononcé pour le jazz, et sa grande connaissance du répertoire. Dans la liste, il y aurait sûrement un thème de Jarrett, peut-être un de Brad Medlhau, et puis ce morceau que je commence à jouer à 5'22 (parce qu'il en avait parlé dans un fil). Et ce qui est très bizarre, c'est que je pensais peut-être jouer aussi Besame Mucco. Et quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que, près de la platine, il y avait ce double CD de Petrucciani (dans lequel existe une merveilleuse interprétation de ce thème). C'est comme si il y a avait eu une espèce de "transmission de pensée"...
Donc, des petites idées, mais rien de fixé vraiment. Pas d'ordre. Pas non plus savoir si je jouerai finalement ces morceaux-là. Si, juste savoir que je commencerai par une de mes compositions (basée sur un morceau d'Eric Watson) et puis laisser venir les idées.
Ce que je savais aussi, c'est que je ne voulais pas jouer un morceau, puis m'arrêter, puis un autre, puis m'arrêter, puis un autre... Essayer de donner tout cela dans un même flux, en inventant des liaisons, passer de l'un à l'autre au moment où cela se déciderait. En essayant de trouver une cohérence. Et puis, savoir qu'on s'était mis d'accord sur 10 minutes, mais que finalement, en discutant, cela pouvait dépasser.
Donc je démarre, et ce qui se passe, c'est qu'à un moment, arrivant sur un si majeur, je ne sais comment cela s'est décidé, je le transforme en mineur et s'invite alors le morceau de Radio Head "Exit music" (morceau que j'ai connu en écoutant une interprétation de cette chanson par Brad Meldhau). Ce morceau, je le connais, j'en connais la structure, le rythme, l'harmonie, la mélodie , alors ce n'est pas "à proprement parler de l'improvisation", mais cela en est pourtant une car si je l'avais joué à un autre moment, j'aurais peut-être fait d'autres colorations d'accords, je n'aurai pas joué forcément dans le même registre... A 3'37 vient un thème de Keith Jarrett. Et aussi, on peut dire que c'est une improvisation car je ne joue pas vraiment les notes du thème sensu stricto... En tous cas, le thème est venu ici car son début montre une certaine cohérence avec le morceau d'avant, sauf que ce n'est pas vraiment la même pulsation rythmique et il faut trouver des ruses pour faire le passage en douceur... C'est pour cela d'ailleurs que je me plante un peu, et que cela flotte un peu... ce n'est vraiment qu'à 4'35 que la pulsation vient d'elle même s'imposer. Ensuite, à 3'53, vient un autre morceau : Pasolini (de Jean-Pierre Mas)... il arrive ici assez naturellement, m'étant servi de la tonalité d'arrivée en sol de la fin du morceau de Jarrett pour "naturellement" virer de bord... Est-ce improvisé ? Oui car je le joue comme cela ici, mais je ne l'ai jamais joué comme ça avant. Et si je le jouais maintenant, il serait encore différent.
En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que je pourrais très bien écrire, et fixer une bonne foi pour toute ce que je joue, mais cela ne m'intéresse pas. C'est comme me mettre alors en prison. Bien sûr, je ne le ferais pas si je jouais un morceau du "répertoire classique", à moins, comme je l'ai fait le 5 juin, d'en extraire un passage, et là, ne pas résister à très vite changer un peu l'harmonie, pour qu'elle m'emmène où je veux... Ensuite, arrive un thème de Richard Beirach "ELM" (7'28), mais là aussi c'est de l'impro car je ne joue pas vraiment le thème, j'improvise déjà sur les harmonies, et je les change aussi... A 8'14, c'est de l'improvisation "pure". Je ne sais pas quelle structure harmonique je vais suivre, je laisse juste venir ce qui vient, ce qui débouche à 8'37 sur "Nardis" (thème de Miles) jusqu'à 8'57 qui me ramène à des accords qui me permettent de repartir dans ELM, comme un besoin de "donner une fin" à ce morceau, mais très vite à 9'33 s'impose autre chose... Night in white Satin. Improvisation pure. Je ne l'avais joué avant au piano (je connais juste les accords à la guitare...). Je connais la mélodie dans ma tête... C'est comme une "composition instantanée". Je ne peux expliquer vraiment ce qui se passe. C'est comme si cette musique passait par mes doigts, ce qui m'emmène ensuite sur Besame Mucco... J'aurais pu le jouer complètement différemment... Mais c'était dans le flux, quelque chose qui coule. Comme une liberté.
Une liberté obtenue à partir de ce désir de se "jeter à l'eau", mais un peu avec filet (la connaissance de la structure intime du morceau). Ne pas réfléchir. Vivre l'instant présent.
Christof